Nous avons dit plus haut que les supports doivent être préparés à la céruse et à l'huile, et non pas à la colle et au blanc d'Espagne (1); voici pourquoi: la gélatine étant une matière animale hygrométrique à un haut degré, elle est naturellement exposée à se corrompre, au contact de l'humidité, et à perdre ses qualités adhésives. ,Ce fait est constaté par des preuves saisissantes que nous avons journellement sous les yeux. Combien vite est détériorée la peinture à la colle , surtout lorsqu'elle est appliquée sur bois! Elle s'écaille et s'effrite en peu de temps. Le résultat qui est produit à l'air libre, doit fatalement se représenter sur les panneaux et surtout sur les toiles — quoiqu'ils soient protégés par la couche de couleur à l'huile — mais au bout d'un nombre d'années plus grand. ,Il est donc rationnel et prudent d'employer la préparation à la céruse et à l'huile. ,Arrivée à un état de siccité parfaite, elle sera pour ainsi dire impénétrable à l'air et à l'humidité. Pour prévenir l'action nuisible de ces deux agents sur le bois ou sur la toile, nous conseillons aussi de faire peindre deux ou trois fois, à la céruse et à l'huile, l'envers des supports. On a prétendu longtemps, et d'aucuns croient encore qu'il vaut mieux que le bois ou la toile soit en contact direct avec l'air! Cette opinion routinière est controuvée par de nombreux exemples. Nous en citerons deux qui suffiront, pensons-nous à édifier nos lecteurs. ,Dans les églises, où les tableaux sont généralement exposés à l'humidité, les volets de certains tryptiques, peints des deux côtés, se sont bien conservés ; tandis que sur le panneau du millieu, dont un côté seulement est peint, on trouve des accidents de toute nature. Le bon sens nous dit que ce sont les variations hygrométriques de l'air qui causent en grande partie ces désastres, par influence directe sur le bois. La couche de couleur durcie ne pouvant suivre la dilatation ni le rétrécissement du support doit inévitablement se crevasser, même s'écailler à la longue. ,Un fait plus concluant encore: ,Nous avons eu l'occasion d'examiner des ouvrages de menuiserie, datant du XVIIieme siècle, peints de tous côtés y placés dans un sou-terrain, et exposés ainsi à une humidité constante. Nous avons constaté que le bois était en parfait état, et que la couche de couleur à l'huile était bien adhérente. ,Il est donc de première nécessité d'empêcher l'action de l'humidité pour assurer la conservation de la peinture et en même temps celle des supports. ,,(i) On nous observera avec raison, que les gothiques ont peint sur une préparation que l'on croit généralement être composée de craie et de colle , et que malgré cela, leur peinture s'est bien conservée sous tous les rapports. Cette objection n'a pas d'importance sérieuse: sans compter les accidents nombreux et funestes occasionnés par ce procédé, nous ferons simplement remarquer que si les anciens avaient préparé leurs supports à l'huile, leurs œuvres auraient pu résister pendant des siècles encore; mais que le contraire est fort à craindre en présence du manque d'adhérence - occasionné par la décomposition de la matière gélatineuse — de la préparation qu'ils ont employée. ,