Je suppose que votre toile écrue aura été encollée, poncée, etc., comme on l'a indiqué plus haut, page 563. Quant aux cartons, panneaux, ou papiers, il ne faut pas les poncer du tout avant qua d'y étendre la préparation.,Ayez un gros pinceau de trois pouces de long, sur une épaisseur de diamètre proportionnée, tels que sont ceux des verniseurs; remuez bien votre préparation dans le pot qui la contient, et étendez très-promptement cette espèce de crème jaune-orange 1, d'une manière égale et régulière, sans repasser deux fois sur la même place, ce qui formerait des inégalités et des épaisseurs; car la toile absorbe très-promptement l'humidité, et la couleur se dessèche à l'instant même. ,Chaque fois que l'on replonge le pinceau dans le pot, il faut remuer la drogue, afin que la couleur soit toujours de la même consistance.,Laissez sécher à l'air cette première couche, et dès qu'elle sera assez sèche, appliquiez-en une seconde; laissez encore sécher; puis une troisième couche, et même une quatrième. Si cela vous parait nécessaire, pour que tous les trous et les fils de la toile soient partout également bouchés et recouverts. Si l'enduit est bien posé, ce qui doit se faire très-promptement comme je viens de le recommander, votre toile doit vous présenter une belle surface unie, sans qu'il y ait plus d'épaisseur de couleur en une place qu'en une autre. Elle doit conserver une demi-transparence en la regardant à travers le jour, car une trop grande épaisseur serait nuisible et rendrait la couleur cassante. Ne craignez pas qu'à travers la préparation l'on aperçoive encore un peu les traces des fils de la toile, pourvu que ce soit très-peu sensible; cela forme un petit grainé qui n'a rien de désagréable pour une tête grande comme nature ou un pour un paysage. Mais si la toile doit recevoir ou un portrait beaucoup plus petit ou des figures entières fort au-dessous de la grandeur de nature, mettez plus de soin à empâter la surface, afin de la rendre plus unie, et de faire en sorte que les traces du tissu ne soient visibles que de très-près. La terre de pipe n'est point sujette à s'écailler quand elle est encollé à propos et qu'on ne la couche pas trop épaisse; c'est probablement pour cette raison qu'on l'emploie généralement pour blanchir les baudriers. J'ai cru reconnaître en effet que la terre de pipe est de toutes les marnes la plus souple, et la plus innocente de toutes les terres, quant à l'effet qu'elles peuvent produire par leur contact sur les couleurs. La colle de farine contient un gluten très-fort; elle résiste même à l'eau chaude pendant plusieurs jours, quand elle est bien faite, ce que ne font pas les autres colles, et surtout celle de Flandre. Elle a de plus le grand avantage de ne point roussir les substances avec lesquelles on la mêle, et d'être très-absorbante; en sorte que l'huile peut la traverser et passer au revers de la toile, où elle s'évapore et ne laisse plus aux couleurs que la partie d'huile nécessaire pour les agglutiner ensemble sur le tableau.,Gardez-vous de substituer à la petite portion d'ocre rouge la même quantité de cinabre ou de quelque autre rouge que ce soit; rien ne serait plus nuisible à votre tableau, attendu que le cinabre est sujet à noircir, étant composé de soufre et de mercure. Tenez-vous-en donc aux couleurs que j'ai indiquées comme les plus innocentes de toutes; d'ailleurs il s'agit moins de produire une belle couleur orangée que de composer un fond inaltérable. Gardez-vous également de prendre du minium et quelque beau jaune; le minium n'est lui-même que du blanc de plomb très-calciné, et les plus beaux jaunes, comme le chrome ou l'orpin, sont des oxides minéraux encore plus à craindre.,Quand toutes vos couches sont bien sèches, ce qui n'est que l'affaire de quelques heures, vous poncez légèrement partout, en ayant soin de poser la paume de la main gauche au-dessous de la place où vous poncez, comme je l'ai déjà expliqué; et s'il arrivait que votre pinceau eût déposé quelque inégalité dans l'épaisseur de la couleur, vous poncerez un peu plus long-temps sur ces endroits-là que sur les autres, afin de bien égaliser le tout.,,1 L'on ne doit pas oublier que dans la terre de pipe, qui sert de blanc, il faut qu'il y ait une moitié d'ocre jaune-clair n.o 4, et très-peu (un quarantième tout au plus) d'ocre rouge-clair n.o 7; c'est ce mélange qu'il faut joindre, à volume égal, à la colle, sans avoir égard au poids des deux substances. Si le mélange paraissait un peu trop épais pour pouvoir s'étendre promptement et facilement, on y ajouterait un peu d'eau, jusqu'à la consistance de bonne crème.