Les procédés des anciens peintres grecs qu'ils transmirent aux Italiens, à l'époque de la renaissance de l'art, sont curieux à connaître. Nous avons acquis une certaine quantité de ces anciens tableaux, afin de les avoir sous nos yeux, et de montrer quelle était leur pratique à cet égard. On ne peignit d'abord que sur des panneaux de bois, grands, petits ou moyens, sur lesquels on passait une colle légère; on donnait ensuite quelques couches de blanc de craie très-fine, de l'épaisseur d'une ou plusieurs lignes, en raison de la grandeur du tableau; on polissait cette impression; on passait après cela une colle dans laquelle on délayait quelque teinte roussâtre, afin d'éteindre le grand blanc de la craie. Cela fait, on dessinait son trait avec les moyens ordinaires; mais souvent on l'arrêtait aussi à la plume (pratique qui a même été conservée long-temps pour la peinture à l'huile), et l'on peignait ensuite.,...,La peinture à la détrempe a encore un autre avantage; c'est que ses fonds conviennent aussi très-bien à la peinture à l'huile. L'école de Venise est la première qui ait imaginé de s'en servir; nous en avons fait usage, d'après les mêmes procédés, sur de la toile, et nous en avons été très-satisfaits. Les parties huileuses absorbées par la craie laissent aux couleurs toute leur lucidité, et l'on n'a pas à craindre qu'elles s'altèrent.,Beaucoup de personnes ont admiré l'un des plus grands chefs- d'oeuvre de la peinture moderne (la grande Cène de Paul Véronèse conservée dans le Musée de Paris), sans se douter que cet immense tableau peint à l'huile était sur un fond de détrempe. Nous étions présens lorsqu'on le déroulait pour le maroufler. Nous apercûmes les bords de la toile imprégnés d'une couleur blanche. Nous eûmes la curiosité de la toucher et de l'examiner, d'essayer même si, après tant d'années, ce fond en détrempe tomberait en écailles, ou se fendrait; elle était souple, et ne nous présenta aucun de ces inconvéniens.,Un autre avantage des fonds à détrempe est de sécher dans une journée. On pourrait y peindre le lendemain, tandis ques les fonds d'impression à l'huile demandent beaucoup de tems pour étre secs, afin d'y peindre sans les inconvéniens de voir changer les couleurs, etc.,Nous terminerons cet article, en faisant observer l'extrême durete que prend un fond à tempera ou à la détrempe, préparé comme on le faisait anciennement. Le temps y ajoute sans doute aussi son influence.,Quoi qu'il en soit, l'impression et la peinture forment un enduit très-dur; ces tableaux, salis par le temps, sont susceptibles d'être nettoyés sans être dommagés, et ils recoivent le vernis des tableaux à l'huile qui y fait très-bien: nous avons éprouvé en Italie tous ces détails. On objectera peut-être que la peinture à la détrempe n'a pas le brillant de la peinture à l'huile et du vernis. Nous pensons au contraire que sa simplicité n'a pas besoin de ce lustre très-fatigant, sous beaucoup de rapports, pour la jouissance des grands tableaux à l'huile, et que l'oeil, en regardant des peintures à fresque ou à la détrempe, les voit très-bien de tous côtés, à quelque jour que ce soit.