Tout ce que nous avons dit sur la transparence des couleurs démontre assez, j'espère, que la teinte et le ton des subjectiles doivent influer sur les teintes que le peintre apposera sur son tableau. En effet, la couleur du subjectile transparaît toujours plus ou moins, et cela, selon l'opacité et l'épaisseur des couleurs qu'on y applique. Ainsi, pour certains sujects, et dans certains cas, une teinte convient, tandis que, dans d'autres cas, il faut en adopter une différente. S'agit-il du portrait d'une femme dont le teint est pâle; il serait peu ingénieux d'employer un dessous dont la couleur serait fière et dorée. La grand blancheur d'un subjectile ou de son enduit ne favoriserait guère la carnation sourde d'un mulâtre qu'on représenterait sur ce subjectile. Une teinte grise est un mauvais dessous pour recevoir le coloris d'une carnation ardente, et la teinte blanche d'une toile à peindre est peu propre à l'imitation d'une étoffe très-noire.,Il serait donc utile que le peintre pût varier par place les teintes de son enduit préparatoire, selon les couleurs des object qu'il réunit dans son tableau. D'autres affirmeront néanmoins qu'une teinte générale est encore préférable, parce qu'elle accorde par son influence tout le tableau; et ils citeront une foule d'examples tirés des ouvrages flamands, dont la teinte préparatoire est la même sur tout le panneau. Cependant, si l'artiste procède selon la vraie perspective chromatique, la présence d'un dessous dont la teinte serait trop prononcée pourrait dénaturer le caractère des teintes très-justes qu'il va poser sur son tableau. Il résulte que, dans le procédé scientifique, une teinte presque nulle est à préférer. Ainsi, sans rejeter leur opinion, je dis qu'il est plus ingénieux de favoriser par le dessous chaque teinte différente qu'on doit apposer ensuite, que d'altérer chaque teinte lorsqu'elle est juste et convenable, ou de la recomposer, de la modifier conformément à l'influence plus ou moins trompeuse de cette teinte du dessous.