J'ai pensé que l'on perfectionnerait sensiblement la peinture à huile, si l'on parvenait, en lui conservant sa ductilité, à diminuer la quantité d'huile qui ordinairement la compose, et si on y ajoutait une résine qui pût en augmenter la transparence et embellir, par conséquent, ses résultats. Il n'était pas très-difficile d'atteindre ce but, et je crois y être parvenu. La quantité d'huile, réduite a un tiers, n'altère plus les couleurs; j'ai donc substitué à ce tiers d'huile un tiers d'huile volatile, afin que la liquidité restât la même. Et comme cette liquidité eût rendu l'huile ou le gluten trop fluide, et eut trop diminué sa viscosité, j'y ai introduit une résine dont la présence a non-seulement remis la liqueur dans son premier état glutineux, mais en a même augmenté la viscosité, augmentation qu'on peut produire à volonté. L'huile volatile d'aspic convient très-bien aux couleurs dont on désire la prompte dessication; et l'huile volatile de cire convient à celles qu'on vent conduire et parfondre plus lentement. Quant aux résines, on peut adopter la résine élémi pour les teintes très-fraîches, et le copal pour les teintes vigoureuses.,Les avantages de cette huile ainsi modifiée sont inappréciables :1o Il n'y a point d'embu, parce que la dessication est beaucoup plus déterminée que dans le procédé ordinaire; 2° Les noirs , les couleurs chargées d'alun , et qu'on appelle laques, se sèchent aussi promptement que les autres, parce que, bien qu'elles contiennent toujours plus de liquide, en raison de leur contexture, cette différence n'empêche pas, comme d'après le procédé ordinaire, leur dessication; 3° les teintes sont infiniment plus belles, plus pures que dans la peinture à huile seule ; 4° Il ne se fait presque pas d'altération, au moins n'en ai-je pas encore remarqué, qui fût sensible; 5° Les peintres peuvent conduire grassement leur pinceau, puisque ces couleurs ont du liant; 6° enfin, on peut augmenter à volonté la transparence, en sorte que les fonds, les ombres, les fuyans, etc. , contrastent par leur aspect diaphane et aérien avec les teintes qu'il faut laisser mates, à cause de leur situation de front et qui frappe de près les yeux du spectateur. La résine élémi étant plus opaque que le copal, concourt, avec ce dernier, à produire ces différences.,La ténacité, l'adhérence de cette peinture sont un peu diminuées, puisqu'il y a diminution d'huile; mais elles sont encore très-grandes, et plus qu'il ne le faut pour des tableaux. Il importe cependant, pour plus de sûreté, de n'employer que des dessous préparés à colle; par ce moyen la couleur s'accrochera au subjectile, et ne s'en détachera jamais en se desséchant.,J'espère que les peintres les plus routiniers, les plus prévenus, voudront essayer cette nouvelle peinture à deux tiers d'huile, puisqu'outre les grands avantages qu'elle offre aux coloristes, elle est plus facile à pratiquer que la peinture ordinaire, et qu'elle n'exige d'eux aucun procédé opposé a leurs habitudes.,Voici la méthode qu'il faut suivre pour préparer le gluten de cette peinture.,Ayez une petite cuiller-poche à manche, de la capacité d'un petit verre à liqueur; puisez avec cette poche deux cuillerées d'huile de pavot ordinaire, et versez-les dans le vase destiné à contenir votre liquide; puisez ensuite, avec la même poche, une cuillerée d'élémi dissoute dans de l'huile d'aspic. Répétez cette opération proportionnelle jusqu'à ce que vous ayez dans votre vase la quantité de liqueur que vous désirez; par ce moyen, vous aurez exactement deux tiers d'huile fixe et un tiers d'huile volatile chargée de résine : c'est avec cette liqueur bien mélangée que vous broierez vos couleurs. Pour avoir le mélange au copal, procédez de la même manière; puisez la troisième cuillerée dans le copal liquéfié par l'huile volatile. Quant à l'huile volatile de cire, lente à s'évaporer, il faut en avoir de toute préparée, c'est-à-dire chargée de résine, soit copal, soit élémi; soit copal et élémi mêlés ensemble.,On peut, pour simplifier l'opération, employer seulement la résine-élémi fondue dans l'huile d'aspic; puis ajouter sur la palette, avec le pinceau, soit un peu d'huile volatile lente à sécher, soit du copal fondu et liquide, selon que l'on en aura besoin.,La proportion de deux tiers d'huile paraît bonne : plus d'huile fixe serait de trop; cela laisserait survenir le jaunissement , et diminuerait la transparence et la force de la peinture. Moins d'huile fixe diminuerait la ténacité, empêcherait la dessication. Quant à l'huile, dite grasse, elle est inutile dans ce procédé.,Nous avons indiqué , dans le huitième volume , la manière de fondre le copal; nous avons traité aussi de la résine-élémi, des huiles volatiles, etc. Nous ajouterons ici que, pour faciliter la fusion du copal, la présence d'un peu de résine-élémi est très-efficace: nous engageons les praticiens à employer ce moyen.,Le professeur Lenormand a recommandé, dans le journal de Nicholson , xxiv , 67 , la méthode qui suit, pour faire le vernis de copal : « On verse sur des morceaux de copal de l'huile volatile de romarin; ceux de ces morceaux qui ont été ramollis par cette huile se trouvent seuls à l'état convenable pour le succès de l'opération, et les autres n'y sont pas. Après avoir réduit les morceaux amollis en poudre fine, on introduit cette poudre dans un vaisseau de verre, en n'y en mettant pas plus que l'épaisseur d'un travers de doigt. On verse sur cette poudre de l'huile de romarin, et l'on remue bien avec une baguette de verre: le tout est, en peu de tems, converti en un liquide très-épais. On verse sur ce liquide de l'alcohol, par petites quantités à la fois, et l'on en facilite l'incorporation en agitant doucement le vaisseau , jusqu'a ce que le liquide soit devenu d'une fluidité et d'une viscosité convenable. >,Je ne connais pas le procédé, par lequel Thomas Grant, Esq. à Biddeford, comté de Devon, est parvenu à diminuer la consommation de l'huile dans la préparation des couleurs à huile. (Voy. les Annales des Arts; août i815.),uant à Blackman , il ajoute à l'huile du mastic en larmes et du blanc de baleine. ( Voy. la Bibliothèque Britannique; ixe année. ),Dayes s'est occupé aussi d'un procédé à huile-vernis. ( Voy. les Annales des Arts, tom. iv, pag. i27.),En 1818, M. Hue fils a annoncé à Paris un procédé qu'il a appelé: Couleurs oleo-factices, ou couleurs à l'eau ayant les qualités des couleurs à Chuile. (Voy. le journal des Débats; 3 octobre 1818. ),Enfin je citerai une indication que donne Lanzi, t. III, pag. 82 , au sujet du peintre Cariani : « Nel Cariani specialmente si trova certa superficie corne di cera egualmente diffusa sopra la ta vola, che splende, e rallegra; e veduta ancora con poca luce spicca mirabilmente; effetto che altri han pur notato nelle opere del Corregio. » — « On trouve particulièrement dans les peintures de Cariani une certaine superficie qui est comme le résultat d'une cire répandue également sur tout le tableau; elle reluit, plaît à la vue, et lorsqu'on la considère même sous un petit jour, elle frappe d'une manière admirable, effet que certaines personnes ont aussi remarqué dans les ouvrages de Corrégio. »,,