L'empreinte des toiles en brun rouge, ou en sorte grisaille , ne vaut rien ; parce que ces empreintes étant à l'huile, il est presqu'impossible qu'en appliquant pardessus des couleurs délayées de même, elles détachent de cette impression humectée, des parties huileuses, qui portant avec elles la teinte du fonds, corrompent celle des chairs, dont elles altèrent l'éclat.,L'impression des toiles en blanc est celle que M. de Piles (note sur le 382 vers de l'Art de la Peinture de du Frenoy ) préfère avec raison: elle n'est pas sujette à cet inconvénient; elle a de plus cet avantage, que le peintre commençant son tableau par l'ébauche de ses figures, le fonds sur lequel elles portent, est un guide qui l'avertit quand il s'égare; & par son secours il évite de donner dans un ton étranger à la nature; vice de ceux qui manquent de coloris.,De plus, les couleurs ne se détachant point du fonds autant qu'il le souhaitèroit, il s'élève par ce travail à une force inaltérable, à laquelle il n'auroit peut - être jamais atteint: tout autre fonds qui contraste avec les carnations, leur prêtent une vigueur momentanée, qu'elles perdent à l'instant.,Titien, Rubens, & les autres grands coloristes modernes, ont suivi cette pratique des fonds blancs, parce qu'ils en sentoient tout l'avantage. Ils n'avoient garde de tenir la conduite de ceux qui pour expédier & trouver plus promptement leur accord, font leur ébauche en grisaille, sur laquelle ils passent ensuite un glacis. Si cette manière est la plus expéditive , elle n'est ni là plus durable ni la plus sùre.,Ce n'est pas assez de faire choix du fond le plus convenable, pour conserver les couleurs dans toute leur pureté, il faut sçavoir encore l'art de les employer. Le seul ést, sélon M. de Piles, de peindre en mettant toujours des couleurs, & non pas en frottant, après les avoir couchées sur la toile. L'illustre Jouvenet, fidèle à ce principe, quoique d'ailleurs médiocre coloriste, avoit une maxime excellente pour maintenir les couleurs dans l'état où elles sortoient de sa palette: il plaçoit toutes ses teintes les unes auprès des autres, & ne faisoit ensuite que les unir ensemble; aussi voit-on de lui des tableaux qui ont encore tout le brillant & tout l'éclat qu'ils reçurent de la main de leur maître.