Le grain bien choisi & bien mondé se met d'abord fermenter dans des bermes, ou tonneaux remplis d'eau qu'on expose au soleil, lorsqu'il est dans sa plus grande ardeur, &c dont on change l'eau deux fois le jour. La meilleure eau pour avancer la fermentation, est celle de rivière, ou de pluie; l'eau de puits étant trop dure, & trop froide. Le temps qu'on doit laisser le grain tremper, est depuis huit jours jusqu'à douze , selon la saison; le chaud avançant l'ouvrage , & le froid le retardant. On juge néantmoins que le grain est suffisamment fermenté, lorsqu'il se creve facilement sous le doigt. La fermentation achevée , &c le grain ainsi amolli, on le met poignée à poignée dans un sac d'une toile forte & claire, pour en séparer la farine d'avec le chaz, ce qui se fait en le frottant & battant sur un ais posé à l'ouverture d'un tonneau, ou berme vuide, qui est au dessous pour recevoir la farine. Ces sacs ont pour l'ordinaire demie aune de long, & un quartier de large; & l'on ne les remplit à la fois que de quatre ou cinq poignées de froment, afin que l'écoulement se fasse plus aisément; ce qu'on facilite outre cela, en trempant le sac de temps en temps dans de l'eau. A chaque fois qu'on vuide le sac, pour y remettre de nouveau grain, il faut observer de le retourner, & de le bien racler 8c nétoyer avec une racloire; ou couteau de bois, afin qu'il n'y reste rien de de la chaffe, ou écorce du premier bled. II faut aussi prendre garde que le sac soit bien cousu, de peur qu'à force de le frotter & le laver il ne vienne à crever; ce qui mêleroit dans la farine dont se forme l'amidon , une partie du son, qui en doit toujours être exactement séparé. A mesure que les bermes se remplissent de cette farine liquide, il surnage au dessus une eau rousse, qu'il faut avoir soin d'égouter de temps en temps, & à sa place d'y remettre de l'eau claire, qu'on fait ensuite écouler, en passant le tout, bien remué ensemble, au travers d'un tamis , ou d'une toile; après quoi ayant remis le résidu dans la berme bien nette avec de nouvelle eau, on l'expose au soleil pendant quelque temps; & à mesure que le sédiment s'épaissit au fond, on en égoute l'eau quatre ou cinq fois par inclination, mais sans la passer au tamis. Ce qui reste dans la berme est l'amidon, qu'on coupe en morceaux pour l'en tirer, & qu'on laisse sécher au soleil sur un ais, où doit être étendue de la toile, pour empêcher que cette drogue, naturellement gluante , ne s'y attache. Quand l'amidon est sec, on le met sur des planches dans un lieu qui ne soit point humide, & qui soit raisonnablement exposé à l'air. Lorsqu'on veut s'en servir, on en prend ce qu'on veut, & on le met tremper dans de l'eau toute une nuit, en le changeant quatre ou cinq fois d'eau. ,Les amidonniers qui ne se servent que de recoupes , n'observent qu'une partie de toutes ces choses pour leur amidon ; mais il s'en faut bien qu'il soit aussi bon que celui qui se fait de grain.,