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De Henckel et de l’art de l’art entier de la verrerie
JM EMO IRE fur la maniere dont le Safire ou la Couleur Bleue tire's du Cobalt fe fait en Saxe.
PAR M. ZIMMERMANN.
Traduit de l’Allemand.
§. i.
o N faifoit autrefois un très-grand myftere de la maniere de faire le iaffre ou la couleur bleue : mais il eft fort inutile de tenir la chofefi fecrete, car quoi quil y ait différentes operations & tours de mains qui contribuent a la pureté & a la fineffe de cette couleur; c’eft cependant ./le cobalt</ & </la terre du bifmuth</, Bifmuth graupen, qui en font la bafe, & partoutou Pon trouvera ces deux matieres, Pon ne manquera point de gens qui fauront en tirer la couleur bleue , Ton n’aura qu’a fe fervir de Verriers qui auront déja travaillé aux verres de différentes couleurs, ils ne tarderont point a trouver les manipulations néceffaires pour faire réuflir l’entreprife. Ces manipulations varient a proportion des différentes efpeces de cobalt que l’on doit traiter; fouvent le procédé qui eft avantageux pour une efpece de cobalt ne Pcft point pour une autre, & dans un endroit on fait myftere d’une operation qui ne peut quelquefois pas avoir lieu dans un autre. En un mot, en don- nant une description exacte des materiaux que Pon employe & du manuel de Poperation , c’eft nerien découvrir: mais ft on vouloit en donner une theorie complette, peut-etre feroit-on obligé de faire connoitre des verités qui conduiroient a trouver moyen de travailler avec profit des mines de cobalt dont actuellement on ne tire rien du tout, ou du moins qui ne fourniffent qu’une couleur de très-peu d’importance. Ce ffeft point la mon deffein, je ne veux parler ici que du travail qui fe pratique dans les manufactures de faffre, & des arrangemens économiques que Pon peut y établir. On trouvera ici d’abord une courts defcription des matieres que l’on employe, qui fera fuivie d’un détail clair & intelligible du travail; on pourra par ce que je vais dire fuppléer a ce qui n’a été décrit qu’imparfaitement dans d’aur tres traités fur la meme matiere.
§ 2.
Pour faire la couleur bleue on fe fert du Cobalt, ou de la terre du Bifmuth , de potaffe. & de fable. Dans ce pays ( en Saxe ) c’eft a Schneeberg qu’on tire le plus de cobalt, il s’en trouve auffi a Johann- Georgenftadt & Annaberg: mais depuis quelque terns ce dernier endroit n’enfournit que fort peu. Les mines de cobalt de Schneeberg font a 120 ou a i jo brafles de profondeur en terre; celui qui ie trouve bienavanten terre eft beaucoup meilleur que celui que 1’on rencontre a la furface ; il eft mêlé avec du quartz ; c’eft celui qui four-nit la plus belle couleur. Il s’en rencontre auffi avec le Kupfernikkel ou mine arfenicale rouge : mais il fait un verre brun & obfeur; enfin on en voit qui eft mêlé avec de Pardoife. Le cobalt differe en qualité & en bonté fuivant les differens endroits d’ou ii a été tire; il y en a qui eft de deux ou trois cens plus cher que d’autre. Lorfque l’on a rencontré les fillons ou le cobalt fe trouve, & que Pon a ouvert des puits , on le fepare de fa gangue, on en fait le triage & on le réduit en morceaux de la grofleur d’un oeuf de poule; on ne permet pas de le laiffer en plus grands morceaux , afin de pouvoir en faire des effaij avec plus d’exacitude.
§ 3
Comme les mines de cobalt contiennent ordinairement du bifmuth J Pon ne fait ufage que du mineral qui eft dans ce cas; voici comment on les travaille. Prés des endroits ou Pon a raflemblé ce qui a été tire des mines, on choifit un emplacement ou terrein ferme & dur; ou fi l’on n’en trouve point, on forme avec de Pargille une aire femblable a celles des granges; cette aire a neuf ou dix aunes en quarré, on y met deux perches qui ont une certaine épaiffeur, on fend du bois en petits morceaux pour en mettre en travers tout le long des perches a proportion de la quantité de mineral que ./Pon</ veut faire fondre; ces morceaux de bois fendusqui font environ d’un demi pouce de diametre de la longueur d’une buche ordinaire fe mettent les uns a cóté des autres ; on répand pardeflus ce bois ainfi arrangé les mines de Bifmuth , en pour lors on allume le feu. On fait ce travail lorfqu’il fait du vent afin qu’il puifife poufler lefeu, que Ton entrecient en y remettant continuellement de nouveaux morceaux de bois. Quand tout le bois eft confumé on enleve la mine, un ouvrierla met dans un panier & le tourne au vent afin d’en faire partir toutes les cendres & les fa-letés quel peut avoir contrafté dans le feu ; de cette maniere les grains de bifmuth demeurent tout feuls a l’exception des parties que le feu peut en avoir détachécs. On raflemble ces matieres en on les garde jufqu’a ce qu’on en puifle faire le lavage dans Peau, on les rafiine dans des poeiles de fer , enfin on les fait fondre en on leur donne la forme de pains ou de gateaux.
§ 4-
Lorfqu’on fait fondre le bifmuth, on joint ce qui s’en fépare aux cobalts & a la terre du bifmuth, en on le vend furie meme pied que le cobalt.
Il faut obferver quelorf qu’on tire d’une mincde bifmuth qui n’eft point aflez pur pour etre mis en fufion, & qui n’eft point aflez bon pour dédommager des frais en dela peine qu’on y employeroit, ou s’il arrivoit que la terre quiy eft jointe fut trop legere Sc le diflippat en vapeurs; darsces cas il vaut mieux joindre la mine de Bifmuth aux cobalts. Lorfqu'on tire le cobalt en le bifmuth de la mine , il fetreuve fouvent des matieres en grumeaux qui coupent en interrompent le filon , il y auroit trop de peine a les travailler, en fi on les meloit au cobalt elles en diminucroient la qualité ; on porte done cette efpece de mineral au boccard ou on l’écrafe a fee, on la tamife, en le cobalt qui s’y trouve mêlé fe fepare des autres parties impures en heterogenes. On nomme Klein le cobalt qui en a été feparé. Quant a la partie fa-bulcufe qui y eft melee, on la nomme Bren , on ne s’en fert que pour faire du mortier en dans les ouvrages de Madonnerie. On paye au boccard deux gros ( cinq fols) de droits par voiture ; on donne deux florins a celui qui fait le triage , autant pour le boccard en huit pfennings 5 Pour ./tamifer</. Une voiture eft autant qu’un cheval peut tirer depuis la mine jufqu’a l’endroit oü eft le boccard. La matiere que nous avons dit étre nommée Klein eft aufli bonne que le cobalt, on
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la travaille de la même facon que lui, & Pon en met ordinairement trente livres fur un quintal de cobalt. La terre de bifmuth , le cobalt, & le Klein fe mêlent eniemble , a moins qu’on ne voulüt travailler le Klein feul, ce qui n’eftgueres d’ufage quant a préfent: mais il n’eft point permis de le mouiller paree que ce feroit ./une tromperie</. Il faut que rintendant des mines foit bien au fait de la qualité du cobalt de les mines, afin de favoir au jufte combien il doit prendre de chacune des efpeces de matieres que nous venons de décrire pour pouvoir rencontrer la couleur ou nuance qui eft requife. En effet les cobalts donnent une couleur plus vive que la terre de bifmuth, & cependant celle de cette derniere fubftance eft plus agréable a Poeil; & quand on a meld ces deux chofes dans de juftes proportions, l’on obtient des effais ou échantillons de couleurs très-beaux. C’eft pour cela que l’Inten-dant des mines doit avoir la precaution de faire faire des effais fur lefquels il puif lefc régler. Pour chaque effai on paye a Peflayeur trois florins ? & un florin a celui qui a Pinfpecuon des couleurs.
§ 5-
Tous les quartiers , c’eft-a-dire , toutes les onze femaines, Pon envoyeles effais du cobalt pour être jugés par le Confeil des mines , & POfficier qui a Pinfpefion du cobalt prend une notte de tous les cobalts qu’on y préfente; on Penvoie au Grand-Confeil des Mines pour qu Pul en decide , après quoi on délivre a chaque Intéreffé dans les mines la repartition qui lui revient: la pefée fe fait en prefence de POfficier qui eft chargé de la recette du dixieme du Prince , des autres Officiers des mines , des Propriétaires des mines & de ceux des Intéreffes qui veulent s’y trouver. On fe fert pour pefer, d’un poids fur lequel on fe regie dans toutes les mines, & Pon repartit a chacun la quantité qui doit lui être livrée, chaque manufacture de bleu a un cinquieme dans la totalité. Auffi-tót