Préface de Christophe Merret-au Lecteur.
JE ne trouve perfonne qui ait parlé de notre Auteur ÔC de fon Ouvrage, filon en excepte Garfon,dansfon Traité de la fcience univerfelle, & Bornet dans fon Livre De Suf- ficientiâ pag. 141. Encore ne font ils que le nommer, fans en rien dire de plus ; ôc quelque foin que je me lois donné > je n’ai jamais pu découvrir fi l’autre Ouvrage de Chymie', que Neri promet dans fa Préface a jamais été publié. Je ne 1 ai non-plus jamais vu cité dans aucun livre qui traite de cette matiere;d’où il me fenible que l’on peut conclurre qu’il n’a point paru; ôc cela n’eft pas furprenant, il n eût pas lieu par l’accueil que l’on fit à celui-ci, d’en donner un fécond. Peut-être l’Art delà Verrerie commençoit-il déjà, malgré fon utilité, à paroître méprifable & indigne de quelque attention , à ces Génies fubtils dont les hautes contemplations n’avoient pour objet que des idées vagues ôc indéterminées ; ôc les fublimes connoiflances, pour fondement, que des difputes de mots.
Mais le Chancelier Bacon notre Compatriote> cet homme qui eut un génie fi éclairé, & dont les idées éroient fi folides,a fuffilamment dévoilé,dans fonÀ'ovum Organum, le vuide & l’inutilité de cette fcience futile, ôc fubftirué en fa place une route plus propre à conduire à la perfection des Arts ôc des Sciences.
Plufieurs Particuliers fe font jettés dans cette route il cij
féconde , & ont tenté un grand nombre d’expériences : mais elle n’eft pas encore fuivie par tout le monde. On peut fe flatter toutefois qu’on y fera dans la fuite de très- grands progrès, depuis furtout que la Société Royale du College de Gresham, établie par un Roi qui vient d’être heureufement rendu à fon Peuple, pour favorifer & fécon¬der les efforts des Savans, l’a adoptée , s’aflemble toutes les femaines dans le deffein de la pouffer plus avaht, & fournit journellement des matériaux pour la continuation d’un travail fl avantageux & fi grand.
Cet Ouvrage femble auflî concourir en partie au même but. L’on y voit une expofition claire & fidele delà ma¬niéré de faire le verre,& d’y porter les couleurs.L’Auteur l’avoit apprife dès fa tendre jeunefle de plufieurs perfonnes habiles & induftrieufes, où l’expérience la lui avoit en- feignée; il fixe fouvent lui-même le tems & le lieu où il a fait fes opérations , & n'oublie aucune des circonftances qui les ont accompagnées.
» Le mot Anglois Glajs dont nous nous fervons pour dé- fygner le verre, eft le même qu’en Allemand; il eft dé-? rivé du mot Latin Glaflum dont on a retranché laderniere fillabe : c’eft la même chofe que ce que Cœfar appelle vitrum au Ve. Livre de fes commentaires où il dit, Omnes Br itanni fe vitro inficiunt. C’eft auflî ce que dit Pomponius Mêla Livre III. Chap. V. Britanni vitro corpora infetfi, ôc Vitruve, Lanavitro infetta; car c’eft ainfi que Turnebea cru devoir reftituer ce paffage, où on lifoit anciennement ultrum> au lieu de vitrum. Ce vitrum eftla même chofe que fy/âmjCe que prouvent ces mots de Vitruve : Defettu indicé coloris vitro inficiunt, quod Grœci IJ'at invocant ; au défaut de la couleur des Indes, ils fe fervent pour teindre, du vitrum que les Grecs nomment Ifatis. On trouve fa même chofe dans un traité des Plantes d’Apulée, qui n’a point encore été publié > mais qui eft entre les mains d’Emeric Cafaubon, & qui doit paroîrre avec des additions qui ren¬dront cet Auteur plus complet Ôc plus correct qu’il ne l’eft dans aucune des Editions précédentes. On y lit; « Il y a des
gens qui appellent la plante Ifatis du nom d Angtoni ou » üslrofion y les Italiens la nomment Rut } d autres 1 ap- •» pcllent Vitrwn. Cependant Saumaife, au lieu de Glajlurfy veut toujours qu’on life Guafium, fynonyme au Guadurn Anglois y mot par lequel on déligne le verre bleu. Pline dit la même chofe au Livre XXII. Chap. I. Simile plan- taginï Glajlum in G allia vocatur , quo Rritannorum conjuges nurufque toto corpore oblitœ quibufdam in jàcris nudœ incedunt. Et Cambden nous dit : » C’eft l’herbe que nous appelions " Glajlum qui donne une couleur bleue, & que les Ang ois " nomment G/a/i jufqu’à ce jour ». La raifon qui a lait donner au Glajlum le nom de verre , cft peur-être que le verre, comme l’expérience le montre y a naturellement une couleur qui tire furie bleu. Le mot Vitrum vient de Vijum ; parce que , fuivant Ifidore , 1 on voit au travers. En effet ce que les métaux contiennent eft cache & ne fe voit point , au lieu que les liqueurs contenues dans le verre paroiüent, comme s’il n’y avoit rien d’interpofe entre-elles & les yeux. C’eftauffi pour cela que plufieurs corps font appellés Vitreux comme le blanc d œuf, la nier y les rivières & les eaux y ainfi qu’on peut le voir dans Iiorace, Boece , Apulée, &c.
Il n’eft point douteux que le verre ne foit une vraye production de la Pyrotechine; car c’eft un Ouvrage de l’Art & non de la Nature, qui ne peut être produit que par un feu violent. J’ai connu un Artifte qui difoit a ce fu- jet fort plaifamment,que l’Art de la Verrerie feroit le der¬nier qui refteroit dans le monde, puifque lorfque Dieu confumeroit cet univers par le feu, tout fe changerait en verre. Ce qui en effet ne manquerait pas d arriver pourvu qu’il fe trouvât un mélange convenable de fel de fable & de pierres.
Le verre eft la fubftance qui approche le plus du genre des minéraux. Je trouve que les Auteurs ne s accordent gueres fur la claffe dans laquelle il faut le ranger. Agri¬cole au Livre IL delà Métallique dit, que c ejl un foc foncret } fuivant Vincent de Beauvais c ejl une pierre} Pallopo
le inet au nombre des minéraux moyens. Les Ouvriers le nommentzw/ra/, lorfqu’il acommmencéàentrer en fufion. Pour moi il me paroît n’être rien de toutes ces choies ; & pour le prouver je crois qu’il fuffit de dire que ces fubftan- ces font des productions de la nature, tandis que le verre en eft une de l’art & Z-3 feu , & ne fe trouve nulle-part dans le fein de la terre. Cela pofé , comme les noms faétices des Arts font exclus des prédicamens delà Logique, il faut diftinguer le verre de toutes les efpeces dont on vient de parler, & il ne doit non-plus être appellé métal, que labierre, la colle, lesbriques , &c. Mais Falloppe pour- roit nous demander quel eft le verre dont nous parlons ; fi c’eft celui qui a fa minière vraie, & qui n’eft proprement qu’une pierre ; ou fi nous parlons de celui qui a été tiré de cette pierre,& que l’on ne peut pas plusappeller artificiel que le métal qui a été tiré de la mine & qu’on a purifié ? S’il s’agit du verre qui exifte originairement dans la pierre, ii prétendrar que ce verre n’eft pas moins naturel que le métal tiré de la mine qui le contenoir. Je répons , que le verre ne fe trouve nulle-part de cette façon; que le fable & la pierre font les feules matières dont on fait le verre,ôc qu’il en eft tout autrement des métaux, que la nature a for¬més dans des veines, terres , ou pierres d’où l’on ne peut ordinairement les tirer que par le feu , dont l’aftîon dégage leurs particules. Il y a donc cette différence que le feu par l’efficacité qui lui eft naturelle, en féparant les parties hétérogènes, & raflerablantpelles qui font de même ef- pece, ne fait que développer les métaux, au lieu que dans le verre il produit de tout autres effets, puifqu’il opéré alors une union des particules de fable ôc de lel. Il eft fur- prenant de voir ce fait nié par Falloppe, & de l’entendre
dire qu’il eft vrai que les Verriers font venir des cendres d’Alexandrie & d’ailleurs , mais que ce n’eft que pour fuppléer au nitre dont l’ufage eft plus ancien, & extraire plus exactement le verre des pierres métalliques qui le contiennent; mais qu’il n’en faut point inférer que ces cendres ont été jointes au métal pour le tourner en verre $
tandis qu’il ne s’agit que de tirer plus facilement le verre des particules les plus petites de fa pierre, c’eft-a-dire 3 de fa propre mine. Un fentiment aufli abfurde eft trop aife a réfuter. Si le verre fe tiroitdela pierre feule , le poids du verre fcroit beaucoup moindre que celui de la pierre : mais i°. le contraire arrive, & le poids du verre eft de beaucoup plus grand que celui de la pierre; en effet, cent livres de fable donnent cent cinquante livres de verre. 20. Le fel dont le verre efteompofé eft trop fixe pour êtrediffous par le feu même le plus violent. 3°* Dans les anciennes vitres qui font faites de verre de France, l’on peut non-feule¬ment appercevoir clairement des particules de fel fur la partie qui eft expofée à l’air; mais encore les reconnoître au goût. *o. Le verre le plus beau , c’eft-à-dire celui qui eft compofé du fel le plus épuré, & qui en contient plus que la quantité du fable ne l’exige , fe diffout de lui-meme & fe met en morceaux , fi on le garde pendant long-tems fous terre ou dans des endroits humides. C’eft apparem¬ment par la même caufe que le verre de Vcnife fe cafte a ce qu’on dit, lorfqu’on y met du poifon ; ce qui pourroit être vrai de certains poifons tirés des minéraux, mais non de ceux qui viennent des végétaux ; ôc ce qui prouveroit évidemment que le fel demeure mêlé au verre. C’eft ici le lieu de citer l’expérience qu’on lit dans Van-Helmont au Chapitre de la Terre, » Si l’on fait fondre du verre réduit » en poudre avec une trop grande quantité de fel alcali,
* & qu’on l’expofe enfuire dans un endroit humide , on »s’apercevra , dit-il, bientôt qu’il fe réfout en eau ; fi l’on
* y verfe de l’eau régale autant qu il en faut pour la farura- » tion de l’alcali, on trouvera au fond du vafe3 du fable » en poids égal à celui que l’on avoir employé pour faire le 60 verre ». Dans cette expérience le fel du verre eft emporte par l’eau régale , & de cette maniéré les parties qui for- moient le verre par leur mélange & par leur union, f° refolvent dans leurs premiers principes.
La fécondé preuve générale, c’eft que quoique les mes concrets aufli-bien que les pierres dont on a parle ci-deU
fus, & le verre, fe fondent au feu ; cependant il n’efipas vrai que toutes les pierres & tous les fucs concrets, les métaux & demi-métaux foient fufceptiWes de fufion. Le talc par exemple , le fel ammoniac,& une infinité d’autres que l’on met au nombre des fucs concrets , font dans cc cas: le diamant, l’agare , Pceilde chat, le jafpe & un grand nombre dautres pierres precieufes,& même le mar-bre & plufieurs autres efpecesde pierres dont on fait or¬dinairement la partie intérieure des fourneaux ne fe fon¬dent point: parmi les métaux, le mercure, & parmi les minéraux du genre moyen , l’orpiment, n’entrent point en fufion. Et quand même la plus grande partie des efpeces précédentes fe fondroient, ileft confiant que les métaux i’euls font duclils, mais après qu’ils font bien réfroidis ; car lorfqu’ils font échauffés, leurs parties femblent fépa- rées les unes des autres,& ne font point adhérentes comme celles du verre, qui , échauffé à propos & foufflé légère¬ment avec un tuyau, prend toutes fortes déformés; ce qui n’arrive à aucun des corps précédons. D’ailleurs les mé¬taux en fufion fe répandent & forment plufieurs pelottons en malles ; au lieu que le verre fe met en un amas lorfqu’on îe verfe , ou même lorfque les creufets viennent à fe caf- fer dans le fourneau. Il me femble que c eft par la ducti¬lité ôc la ténacité du verre , quand il eft fluide , que cette fubftance fe diftingue effentiellement de tout autre corps, & même de ceux à qui l’on a donné le nom de verre, tels que le verre d’antimoine, le verre de Mofcovie , les briques & les autres pierres vitrifiées, qui ne font point en état de foutenir les mêmes épreuves , & que l’on appelle cependant verre , moins à caufe de leurs qualités internes que parce qu’elles font tranfparentes. De même que le nom de vitriol vient de vitrüm ou du verre. Au refte pour terminer cette comparaifon , nous allons mettre ici les propriétés par lefquelles le verre différé de tous les autres corps,
Ï. C’eft une concrétion compofée de fel ôc de fable
ou de pierres.
2. C’eft une fubftance artificielle.
J. Il entre en fufion à un feu violent.
4. Lorfqu’il eft fondu, il eft tenace & cohérent, y. Le feu ne le confunie point.
6. C’eft le dernier effet du feu.
7. Lorfqu’il eft fondu, il s’attache au fer. .
8. Lorfqu’il a été bien échauffé, il devient duéhileôc prend telle figure qu’on veut lui donner: il n’eft point malléable; mais le foufle peut lui donner une forme con- cave, quand il eft chaud.
9. Lorfqu’il eft très-mince, il fe divife en fi petites par¬ties qu’on veut, fans s’anéantir.
1 o. Lorfqu’il eft refroidi, il devient fragile, d’où, vient le proverbe fragile comme du verre.
11. Froid, ou chaud, il eft toûjours tranfparent.
12. Il eft flexible & fe peut tirer en fils droits.
1 3. H fe rompt au froid & à l’humidité , furtout fi la liqueur que l’on y met eft falée & qu’on vienne à réchauf¬fer fubitement.
14. L’on ne peut le tailler qu’avec le diamant ou 1 c- mail.
i>. Il eft tranfparent & coloré comme les pierres prétieufes.
16. Il ne fe ditTout ni par l’eau forte, ni par l’eau régale , ni par le mercure.
17. Il ne donne ni couleur ni goût, ni aucune autre qualité aux fucs acides ou à aucune autre matière.
18. Il prend le poli.
19. Le long ufage ne lui ôte rien de fon poids.
20. Il facilite la fufion des métaux & les rend plus tendres.
21. Il prend extérieurement & intérieurement toute couleur métallique ; c’eft pourquoi il eft plus propre a recevoir la peinture qu’aucune autre matière.
22. C’eft la matière la plus flexible qu’il y ait au monde ;
il prend toutes les formes qu’on veut lui donner & garde celle qu’il a une fois prife.
23. Il fe fond, mais il ne fe calcine point.
24-. Lorfqu’un vaiffeau de verre ouvert eft rempli d’eau en été , il fe forme des gouttes d’eau à fa partie extérieure à la hauteur de l’eau dans le verre; & l’haleine l’humede d’une façon vifible.
27. Si l’on remplit de mercure des boules de verre de la grandeur d’une noix & qu’on les jette dans le feu , elles fe crevent avec bruit & avec un fifflemenc aigu, de même que les larmes de verre.
26. Il ne prend le goût ni du vin ni de la bierre ni d’au¬cune autre liqueur; il ne change point de couleur & ne contraâe point de rouille.
27. On peut le cementer , comme les autres pierres & les métaux.
28. Si on frotte légèrement avec le bout du doigt, les bords d’un verre rempli d’eau, il rend un fon aigu ou grave fuivant qu’il y a plus ou moins d’eau dans le verre , & fait fautiller la liqueur.
Antiquité du Verre.
Notre Auteur fait remonter l’origine du verre , jufqu’au rems de Job dont il cite le Chapitre xxviij.v. I7.0Ù lafageffe eft comparée aux chofes les plus prétieufes, & où il eft dit que ïor& le verre ne lui font point égaux en valeur. Au- rum & vitrum non aquabitur ei. L’Auteur a fuivi la Vulga- te. Les Septante, S. Jerome, Elias dans fon nomencla- teur, Pineda, la Bible de Zurich , & la Bible Syriaque ont traduit de la même maniéré. Mais la verfion Arabe dit Hyacinthe. Etla Chaldaïque, Xanres, Arias Montanus, Forfterus & les Juifs, Çryftal. Nicetas eft de ce dernier fentiment auffi-bien que la Bible Mofarabique& la verfion Anglôife. Pagninus d’après le Rabbin Levi Kimhi traduit unepièrre plusprètieufe que ïor. Le Thatgutn dit un miroir ; peut-être parce qu’alors l’invention en ctoit nouvelle, &
x*vo que les miroirs étoient de grand prix & faits d’une matière prétieufe; Munzerus a été de cet avis. La Bible Com- plutienne trndmr verre cryflal/in ; celle de Vatable, Ber i lie ; les Rabbins Abraham Ôc Mardochée , Pagninus, Caje- tanus, les vérfions Italienne, Efpagnole, Françoife, Allemande & Hollandoife difent Diamant. Pineda veut que ce foi: le pyropus, l’efcarboucle ouquelqu autre pierre prétieufe. Ces deux noms font ceux d’une feule & même pierre à laquelle les Anciens ont attribué la propriété de tri lier dans la nuit, mais que l’on chercheroit envain dans la nature ; les Modernes ont fubftitué le rubis en fa place.
La raifon de cette différence d’opinions entre les in¬terprètes eft que le mot original Zeehuchih vient de la racine Zacac qui fignifiepurifier, nettoyer, éclairer,être blanc
& tranjparent. On trouve le même mot appliqué a 1 en¬cens au Chapitre 50 de l’Exode, Verfet 24; & les Septan¬te l’ont rendu par tranfparent. D’où l’on voit clairement ce qui a mis cette variété dans la traduftion du texte. Comme le mot de l’original marque en général tout ce qui ejl beau & tranfparent, les Interprètes ont cru que le texte demandoit qu’ils le rendiffent par ce qu’il y ade plus beau &. de plus prétieux parmi les corps rranfparens. Pour moi , je crois que l’Ecriture n’a prétendu défigner par-là ni le diamant ni l’efcarboucle,ni l’hyacintheîGar il eft parlé de ces fortes de pierres dans l’exode Chap. 28. à l’occalion du pec¬toral du Grand Prêtre Aaron; & cependant on n’y trouve point le mot en queftion. Ce n’eft point nonplus du verre eu du cryftal; car il n’y a pas d’apparence qu’une matière d’une fi petite valeur & tirée de chofes fi communes , pût entrer dans la comparaison dont il s’agit dans le paflage de Job, & être regardée comme prétieufe & rare. Il êk plus vraiffemblable que le mot Zechuchih actéajoûté à l’or par amplification. Ce qui donne du poids àcetre conjecture, c’eft qu’il n’eft fait aucune mention de verre dans l’an¬cien Teftament, tandis qu’il en eft Souvent parlé dans le Nouveau, dans les Epîtres de St. Paul & de St. Jacques & dansl’Apocalypfe. Qui pourra croire qu’une matière qui
d ij
fournit des comparaifons & des allégories fi belles & fi juftes , ait été négligée par les anciens Ecrivains facrés , qui d’ailleurs font pleins d’élegances de*cette nature ? Je penfe donc que le mot du texte loin d’être pris dans un fens reftraint à une efpece de matière ou de pierre prétieufe, tranfparente, doit être généralifé,& s’entendre de tout ce qui a l’une ou l’autre de ces propriétés. Mais nous nous fommes trop écartés de notre fujet.
Ariftophane paroît être le premier qui ait fait mention du mot vctAo$ que nous rendons par celui de verre; on le trouve au IL Aéte, Scene première de fes nuées. Il in¬troduit fur la fcene Sthrepfiade qui fe moque de Socrate,& enfeigne une méthode nouvelle de payer de vieilles det¬tes ; c’eft de mettre entre le Soleil & le billet de créance, une belle pierre tranfparente que vendoient les Droguifles, & qui bruloit, & d’effacer par ce moyen les lettres du billet; le Poëte appelle cette pierre vaAos (verre). Surquoi le Scholiafte remarque que les Droguifles ven¬doient des pierres prétieufes , auffi-bien que des médica¬ments. Chez les Anciens eft la même chofe que xpuVaAÀo*. Il paroît que ce mot a été inconnu à Hornere, & qu’il fe fervoit ainfi que toute l’antiquité du motEleâlrum; cependant on lit dans le même Scholiafte une defeription de notre verre affez exaéle, » nous appelions proprement « wre, dit-il, cette matière que ton fait en brûlant une herbe 9
On ne trouve point dans Hefychius le motHya/w pris dans ce fens; JetAr, üaAonjn’y fignifie que diaphane,tranfiiarent. Un Etymologifte rend hyalos par verre’, & dérive ce mot de vefp, pleuvoir, fondé fur la relfemblance du verre avec la glace qui n’elt qu’une pluie ou de 1 eau congelée. C eft par la même raifon que bien des Auteurs font venir le mot
Ariftote propofe deux problèmes fur le verre. Il demande dans le premier , pourquoi nous voyons au travers du verre ƒ Dans le fécond, pourquoi le verre ne peut fe plier ? Ces deux problèmes d’Ariftote,
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s’ils font de lui , malgré lefoupçon contraire de plufieurs Antiquaires font les monumens les plus anciens de l’exiften- ce du verre. Il n’eft point queftion de cette matière dans aucun Poëte ou Orateur Grec anterieur à Ariftote, quoiqu’elle pût donner carrière à leur imagination comme nous l’avons déjà remarqué. Il eft donc à propos d’inlifter fur l’ambiguité du mot hyalos ; on entendoit jadis par ce terme le cryftal.On a vu ci-deflusque leScholiafte le pre- noit dans ce fens ; il a été fuivi par Hugues Grotius, & par Gorræus. Ce dernier nous dit déplus, qu’il y avoit une efpece d’ambre jaune Ôctranfparent que quelques-uns ap- pelloient Hyalos. Alexandre Aphrodifæus eft donc fans contredit le premier des Grecs qui ait fait mention du verre dansl’endroit où on lit lavivacitè de la couleur, fi on la regarde au travers d'un verre, &*c. & dans un autre , plus clairement encore, où il dit , que les verres fe caftent ffi on vient tout d'un coup- à les chauffer au feu en hyver. Lucien parle de vafesde verre; & Plutarque prétend que le bois du Tamarifque eft le plus propre à faire du verre.
Il paroît que les Egyptiens entendoient l’Art de la Ver¬rerie , fi l’on en croit Flavius Vopifcus , cité par Marcel- lus Donatus. Voici fes propres paroles: » Alexandrie eft ® une Ville riche & abondante en grains ; perfonne n’y eft »oifif; il y a des gens qui y font du verre; d’autres du * papier, &c. Kircher ne fait aucune mention de ce paf* fage dans fon (Edipe où il traite des Arts des Egyptiens.
Parmi les Poëtes Latins , Lucrèce eft le premier qui ait parlé du verre ; je joints ici fes vers où il parle de fa tranf-
parence. Ray, Livre IV. verf. 602 &. 603.
Nifi re&a foramina tranant,
Qualia funtvitri,
Et dans un autre endroit Livre VI. verf. 98 & ppo.
Atque aliud per ligna aliud tranfire peraurum,
Argentocpje foras, aliud vitro^ue meare.
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Tous les Poëres qui Font fuivi en ont auflî parle.
Cet Art étoit inconnu en Amérique & dans toute l’Afie^ fi l’on en excepte Sidon , & la Chine où cette découverte n’eft parvenue que fort tard; on y prépare avec du riz une efpece de verre tranfparent, mais très-caflant & qui n’eft en aucune façon comparable au nôcre , donc cependant il approche. Voyez l’Atlas Chinois page 6.
Mais pour terminer cette queftion , il eft évident que le verre n’a point été inconnu à l’antiquité, & que fa dé¬couverte eft aufïi ancienne que celle des briques & de la poterie. En effet il eft bien difficile j lorfque l’on a rnis le feu à un fourneau à briques ou à pots , qu’il n’y en ait une partie qui ne fe tourne en verre ; c'eft pourquoi je ne balancerois point à faire remonter fon origine, jufqu’au tems de la Tour de Babel, ou de la Servitude des Enfans d’Ifraël en Egypte, où le travail auquel on les occupoit principalement étoit de faire des briques.
Il y a toute apparence que le verre foffile dont parle Ferrantus Imperatus au Livre XX V. Chapitre vij. étoit de cette efpéce ancienne. Voici ce qu’il en dit: «On a » trouvé un verre femblable au verre artificiel dans les » endroits où il y avoit eu de grands embrafemens ; ce »verre, lorfqu’on le frappoit avec de l’acier , ne faifoit »point de feu. On a rencontre pareillement d’autres fra- »gmens de verre d’une forme orbiculaireôc femblable à »despyrites, qui, lorfqu’on les caffoit, étoient luifans, » tranfparens, .tirans fur le verd , & reflémblans à de la » colophane : cette efpéce faifoit feu avec l’acier, de » même que les pyrites, dont cependant elle différoit » tant par la végétation,qui eft particulière aux pyrites,que »par l’éclat ; mais d’ailleurs elle fe fondoit très-aifément »au feu, ce qui eft une propriété du verre. De ces mor- » ceaux, les uns étoient fragiles ; d’autres étoient folides. » Ceux qui étoient fragiles, lorfqu’on les mettoit au feu«, » fe gonfloient, devenoient comme de la pierre ponce & » prenoient enfuite le brillant du verre artificiel : mais ceux r qui étoiçnt folides, après avoir fouffert un peu d’altéra*
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•> tîon dans le feu , de noirs qu’ils étoient, devenoient de la » blancheur du verre artificiel. Les Américains fe fervent « de ce verre foiïile au lieu du fer , pour fendre du bois ÔC ” faire des trous«. C’eft peut-être de cette efpece qu’croit un morceau que je détachai près de St. Albans où les Romains ontfejourné, d’une brique qui étoit de la même couleur & de la même matière que celles que nous faifons aujourd’hui.
Il n’y a pas lieu de douter que cette efpece de verre ne fe trouvât plus communément dans leurs briques que dans celles que nous-faifons aujourd’hui; car ils travail- loient & préparoient leur terre pendant deux ans avant que de s’en fervir, ce qui rendoitleur ouvrage plus ferme & plus folide ; & ils cuifoient davantage leurs briques. Ce n’eft point la première cuite qui vitrifie les terres des briques; cela n’arrive, comme Imperatus l’a obfervé, que par les feux violens , tels que ceux que l’on fait dans les fours à chaux & dans les fourneaux à Potiers, qui étoient en ufage de toute antiquité en Afie & en Afrique, & dans lefquels les pierres fe vitrifient pour l’ordinaire. En effet, je n’ai jamais vu ni oui dire dans les Briqueries qu un feu ordinaire eût vitrifié les briques; il me fenablc, au con¬traire que ce phénomène n’a lieu que par le feu de rever- bere que l’on employé pour cuire les briques, après qu on les a fait fécher, & qu’on entretient dans les fourneaux , dans une grande violence & fans interception. Le verre ainfi formé demeuroit long-tems dans fon entier fous terre, malgré ce que dit Van-Helmont que le verre fe diffout en peu d’années,fe pourrit &fe refout en eaulorfqu’il eft en-terré; ce qui peut-être vrai de notre verre cryftallin, mais ce qui ne l’eft pas de toutes les efpeces de verre.
Quant à la découverte du verre que notre Auteur attri¬bue à des Marchands ; c’eft un conte qui ne me paroît mériter aucune croyance; car ni les Egyptiens , ni les Ef- Pægnols, ni perfonne parmi nous,n’eft parvenu en brûlant continuellement de l’herbe Kaiï ou quelqu’autre matière dans une quantité beaucoup plus grande que n ont fait ces
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Marchands, & y employant un feu beaucoup plus fort & plus durable , à produire du verre ; le feu concentré & violent du four à chaux ne feroit pas même capable de cet effet. On pourroit refufer par cette raifon la découverte du verre, aux fondeurs de métaux dont Tubalcaïn a in¬venté l’Art , & aux plus anciens Chymiftes entre lefquels il me paroît qu’on peut compter les Rois d’Egypte : de¬puis Hernies Trifmegifte, tousces Princes ont profefté cette fcience ; ils ont cherché le reniede univerfel & non la prétendue tranfniutation des métaux comme Kircher l’affûre dans fon (Edipe. Cette tentative eût été vaine fans un grand feu & des fourneaux qui fe feroient néceffaire- ment tournés en verre , ainfi que les matériaux dont ils faifoient ufage. D’où il s’enfuit clairement, que la con- noiffance du verre eftde l’antiquité la plus reculée; mais que la maniéré de le travailler, eft une invention des Mo¬dernes. On lit dans Pline , Livre XXXVI. Chapitre xxvj. que Sidon eft le premier endroit qui ait été fameux par cet Art &. par fa Verrerie; & fuivant l’Hiftoire , Tibere a été le premier Empereur Romain fous le régné duquel on ait fait du verre , comme il paroît par ce que Pline raconte d’un homme qui fut mis à mort pour avoir trouvé le fecret de le rendre malléable.
De l’ujage du Verre.
On fait, pour les ufages domeftiques, des vafes de verre d’une infinité de formes, de couleurs, & de gran¬deurs differentes. Il yen a d’unis , ou de travaillés, de colorés entièrement ou en partie , pour le Vin du Rhin , les vins d’Efpagne, le clairet & la bierre. On a des bou¬teilles pour garder du vin , de la bierre , des efprits, des huiles, &c. au travers defquelles on peut voir la couleur, la qualité, la fermentation & tous les changemens que le teins apporte dans les chofes que l’on y met. On en fait des plats propres à recevoir des mets chauds , des baro- ynçtres & thermomètres , des horloges de fable , des calandres
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calandres pour applanir le linge , des ornemens pour les cabinets, desvitres pour garantir du froid & de 1 humi¬dité , laiffer entrer dans nos maifons la lumière qui, en paffant au travers des verres colorés , va porter la couleur du verre fur les objets qui lui font oppofés, & enfin des miroirs dont les Narciffes de notre tems font fi charmés.
Dans la Phyfique , le verre eft employé à des verres convexes ou loupes pour les vieillards, des verres con¬caves pour ceux qui ont la vûe baffe &qui au contraire des vieillards ne peuvent voir les objets que de fort près. In- dépendament d’une infinité* d’autres vafes tels que les verres dont les Lapidaires & Graveurs fe fervent pour fe conferver la vûe dans les ouvrages délicats qu’ils ont à faire, de ces yeux artificiels au moyen defquels pour nous arnufer nous diminuons, dilatons, éloignons, multiplions à volonté les objets & les changeons de lieu , tantôt pouc effrayer, tantôt pour furprendre les Spectateurs, comme on peut le voir dans les verres optiques, Catoptriques> dioptriques,& dans les telefcopesdontle P. Schot a décrit les plus merveilleux d’après Kircher, Porta & d’autres ; de combien de découvertes rares l’Aftronomie n eft-elle point redevable aux Télefcopes dont Galilée ou fuivant d’autres Scheiner eft l’inventeur, & qui ont été pouffés a un grand degré de perfection par Paul Néal Anglois, par Hughens, Hevelius & Euftachius. Leur ufage a perfec¬tionné la connoiffance du ciel parles découvertes de nou-velles étoiles , de nouveaux mondes entièrement incon¬nus à l’antiquité ; fans parler ici de leur utilité pour les navigations, les gens de guerre & d’autres à qui il importe
d appercevoir ôc de diftinguer des objets éloignés. J oignez à cela l’admirable fpherede verre dontClaudien parle en ces termes dans un Epigramme,
Jupiter in parvo cum cerneret ætliera vitro ,
Rifit & ad fuperos talia dicla dédit ;
Huccine mortalis progrelfa potentia curæ ?
Jam meus in fragili luditur orbe labor.
aJura Poli, rerumque fidem legemque virorum Ecce Syracufius tranftulitarte fenex.
Inclufus variis famulaturfpiritus aftris Et vivum certis motibus urget opus.
Percurrit propri um mentitus fignifer annum a Et fimulata novo Cynthia menfe redit.
Jamquefuum volvensaudax induftria mundum» Gaudet Sc Fiumana fiderà mente régit.
Quid falfoinfontem tonitru Salmoneamiror ? Æmula naturæ parva reperta manus.
Cardan prouve au Livre de la Subtilité que la fphere dont parle Claudien étoit de verre.
Le verre a été d’une très-grande utilité dans la Philo* fophie par la connoiffancéde la' réflexion & réfraftion , des effets & des inipreffions de l’air > de l’eau & des autres fluides , de leurs differens mouvemens dans les tubes & fiphons ; par la poflibilité des expériences faites dans le vuide au moyen du vifargent, ôc d’une infinité d’autres fur la raréfaâion & condensation dans les Thermofcopes , l’hydraulique, les machines pneumatiques , tentées à Flo¬rence, à Rome, & à Magdebourg. Sans le verre, le Cher. Robert Boyle ne fût jamais parvenu à l’invention de cet infiniment fingulier, à l’aide duquel il a démontré tant de vérités, & imaginé un fi grand nombre d’expérien¬ces fingulieres qui l’ont rendu célébré & dans fa Patrie & chez l’Etranger.
Il ne faut point oublier ici les verres ardens,& ceux dont on fe fert pour tranfmettre la lumière dans un endroit obfcur, par lefquels Plemp & Scheiner ont expliqué la nature de la vifion ; non plus que ceux qui ont fuggeré à René Defcartes , fes conje&ures fur la formation de l’Arc-en-Ciel. N’omettons pas même les rofairés, colliers, pendans d’oreilles, & autres ornemens de cette efpece qui nous ont procuré tant d’or de la Guinée , où les ha- bitanss’en font des ornemens qu’ils portent au nez, aux oreilles, auxlevres & aux jambes.
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Le verre fert auflî à l’ornement de nos maifons & de nos Eglifes , dont les vitres offrent à nos yeux des cou¬leurs auflî belles & auflî vives que celles que les pierres d’Orient pourroient leur offrir. Maisfiniffons notre éloge par le prifme, ce verte triangulaire que l’on nomme or¬dinairement le Paradis des fous,qui eft fi digne d’être connu des fages , & qui nous montre un rouge , un bleu & un
verd à quoi rien ne peut être comparé»
Je vais rapporter d’après Trigaultius le cas qu on en
fit autrefois chez les Chinois , Nation fifage. Le P. Ric¬cius Jefuire étoit dangereufement malade dans la Ville de Tanian. Un Chinois nommé Chiutaifo prit tant de foin de ce malade qu’au bout d’un mois il fut rétabli au point de croire ne s’être jamais fi bien porté. Pour reconnoître ce fervice , le P. Riccius entre - autres préfens donna un de ces verres triangulaires au Chinois, qui en fut enchanté , & qui pour rendre cette piece plus confidérable, en fit garnir les deux extrémités d une chaîne d’or, & la mit dans un étui d’argent , avec un éloge dans lequel il s’efforçoit de prouver que c’étoit un fragment
de la matière dont le ciel eft fait. Les phénomènes du prif¬me furprirent beaucoup de perfonnes, ôc il s’en trouva qui lui en offrirent jtifqu’à cinq cens couronnes : mais Chiutaifo refufa cette fomme. Sachant qu’on en vouloit faire un préfent au Roi, il craignit qu’on ne lui préfentât fon prifme,6c que Riccius ne fut prévenu. Le Chinois ne le défit de fon préfent que quand il fut que le Pere avoit fait le fien au Monarque ; il vendit fon prifme quelque chofede plus qu’on ne lui en avoit offert, en paya fes dettes,& s’acquita ainfi envers fon Bienfaiteur & la Société.
Pour ce qui eft de la malléabilité du verre, fur laquelle les Alchymiftes fondent la pofiibilité de leur Elixir , elle paroît appuyée, mais peu folidement, fur le paffage fuivant de Pline, Livre XXXVI. Chap. xxvj. » On affure que du » tems deTibere , on trouva un moyen de rendre le verre 55 flexible, & que tout l’attelier de l’Ouvrier qui en étoit * 1 inventeur fut détruit, de peur que cette découverte
» notât le prix à For, à l’argent & au cuivre. Mais ce bruit ; * quoique aftez répandu , n’en eft pas plus certain ». Fiine vivoit du tems de Vefpafien, le troifieine Empereur après Tibere; & il eft vraisemblable que , fi la chofeeut été vraie , la renommée en eut duré plus long-tems. D’autres Auteurs ont raconté le même fait, après Pline , mais avec quelques circonftances differentes. Dion Caf- fius Livre LVII. dit: » Dans le tems que le grand Portique vint à pencher, un Architecte dont on ignore le nom, » (parce que la jaloufie de l’Empereur empêcha qu’on ne «le mît dans les regiftres ) le redreffa & en raffermit les » fondemens. Tibere aprèsl’avoir payé,lebannit de Rome. » Cet ouvrier revint fous prétexte de demander grâce à » l’Empereur, & laifla tomber en fa préfence un verre qui »»feboftua, & qu’il racommoda fur le champ avec fes •» mains , efperant obtenir ainfi ce qu’il demandoit : mais «il fut fur le champ condamné à la mort ». Ilidore con¬firme la même chofes il ajoûte feulement que l’Empereur indigné jetta le verre fur le pavé ; mais que l’Ouvrier ayant tiré un marteau ôc l’ayant racommodé, l ibéré lui demanda s’il y avoit encore quelqu’un qui fût ce fecret, & que l’ouvrier ayant afluré par ferment que perfonne que lui ne lepoftedoit, l’Empereur lui fit couper la tête de peur que s’il fe divulguoit, il ne fit tomber l’or dans le mépris, & n’ôtat aux métaux leur valeur. En effet,files vafes de verre
xxxvii qu’il raccommoda le verre après qu’il eut été caffe j furquoi Ilidore va en augmentant,& prétend qu il le raccommoda avec un marteau J d’où l’on peut vcir par combien de degrés ce fait a paffé avant de parvenir jufqu’à nous Ôc combien on a pris de peine pour le rendre vraiflèmblable aux yeux de la poftérité. Pline rapporte un fait d’après un bruit du vulgaire, & nous avertit en même tems de fon peu de certitude ; les Alchymiftes, pour oefiendrc les intérêts de leur pierre toute-puiffante, transforment fut le champ la flexibilité dont parle Pline en malléabilité , comme s’il n’y avoit aucune différence entre la malléa¬bilité & la flexibilité. Il eft au contraire certain que tous les corps font flexibles à un certain point fans être pour cela malléables, fi l’on en excepte les métaux : les morceaux de verre de Mofcovie ôe d’autres font flexibles , fans être pour cela en état de foutenir le marteau , & ne s’étendent point en lames minces comme les corps qui font mal¬léables. Tout verre eft même, comme on peut 1 éprouver, naturellement flexible à un certain point, le verre cryftai- lin, à quoi l’on a donné quelque degré de chaleur, fe plie peu à la vérité , mais cependant allez pour que l’on puiffe s’en appercevoir. J’ai eu des tubes de douze piés de long & davantage, deftinés à des expériences avec le mercure, qui fe plioient confldérablement, lorfqu’ils en étoient remplis; ce qui me fait penfer que s’il y a quelque vérité dans le récit de Pline, il doit fe réduire à ceci, que le verreétoit très-fragile du tems de cet Auteur, & inca¬
pable de foutenir le moindre choc, attendu qu il étoit fait avec du nitre, & que l’on ignoroit la maniéré de le chauffer, ce donc Pline ne parle point ; qu’un Artifte eut peut-être le fecret d’en compofer avec le Kali , de le recuire & de le rendre plus doux, pour pouvoir fou- tenir une chûte ou quelque coup violent, & que c’eft làlabafe fur laquelle on a appuyé toutes les circonftances qui ont été ajoutées à l’Hiftoire que Pline a rapportée & à laquelle on pourroit appliquer le vers de Virgile fur la Renommée.
Parvametu primo, mox fefe attollit in auras,
Quant à ce qui regarde la pofiibilité d’un verre malle'a- blp , je ne vois rien qui puiffe la faire préfumer que ce qu’en difent les Alchymiftes, qui tournent dans un cercle vi¬cieux & vont de leur élixir au-verre & du verre à i’elixir. Il n’eft point douteux que l’un ne fût plus facile à trouver que l’autre. Pour obtenir leur élixir, il faudroit feulement d’un être qui n’eft pas tel, en faire un qui fût tel, en em¬ployant une matière propre aie changer de forme. Mais il en eft tout autrement du verre. De toutes les fubftan- ces , c’eft la plus fragile ; il faudroit pour le rendre mal¬léable, y porter une qualité entièrement oppofée à fa pâ¬ture ; d’ailleurs , aucun corps malléable n’eft tranfparent; 6c comment pourroit-on appeller verre , une matière qui ne fercit point tranfparente ? On auroit autant de droit d’appeller or, une matière qui feroit péfante , fans être malléable , que d’appeller verre, une matière qui feroit malléable (ans être tranfparente.
Ajoûrez encore que la malléabilité confifte dans une union intime, 6c une cohefion continue , jointes à une difpofition à recevoir toutes fortes de figures , propriétés qui ne conviennent point àl’ejfence du verre. En effet, les matériaux du verre , je veux dire le fel & le fable, ont une figure , qui n’eft point fufceptible de cette cohefion. Le fel, particulièrement entre tous les autres corps, a une figure déterminée, qu’il conferve toûjours quelque folu- tion que l’on en faffe , & quelque feu qu’on lui donne , à moins qu’on n’opére fon entière deftruefion ; c’eft ce dont on peut donner une infinité de preuves. Cette figure eft differente dans les differentes efpeces de feis. Le nitre & tout fel alcali efteauftique & a des pointes dont il paroît être un affemblage; pour la figure du fable, elle varie & même elle eft infinie comme on peut le voir à l’aide du microfeope. Cela pofé, qui pourra croire que le fable qui eft fi varié de figures puifle s’adapter ou quadrer affez jufteavec le fel qui eft de figure déterminée , pour s’unir à lui Ôc lui adhérer dans fes particules les plus déliées ? Or ç’eft ce qui feroit néceffaire pour produire la malléabilité*
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Pour avoir du verre, c’eft affez que les parties fe touchent dans un point; l’union formée par ce contaél fuffit pour conftituer la tranfparence mais non pas la malléabilité. C’eft cette efpéce particulière d’union qui multiplie les pores du verre , & qui le rend, comme le dit Lucrèce , perméable à la lumière ; d’ailleurs chaque matière refte dans la compofition ce qu’elle étoit auparavant. Cepen¬dant s’il faut que je revele mon fentiment avant que de finir, je dirai queie feul élixir des Alchymiftes peut pro¬duire cet effet, & que l’un & l’autre fecret fe découvrira dans le même tems.
Des Fourneaux.
Avant de commencer à parler de l’Art de la Verrerie , il eft néceffaire de mettre fous les yeux, laforme des four¬neaux, de décrire les inftrumens que I on employé, & de dire la maniéré dont on travaille les compofitions, lorf- qu’elles ont été cuites au feu ; c’eft ce que notre Auteur a omis, quoique la connoiffance en foit très-néceffaire.
Agricola compte trois efpeces de fourneaux dans fon Traité de Re metallicâ, Le premier que l’on appelle Cale aria- eft fait comme un four, il a dix pieds de long , fept de large dans l’endroit où il l’eft le plus , & deux piés de haut, Il y a à l’un de fes côtés un trou quarré d’environ fix pouces, dont la partie fupérieure eft de niveau avec le plan du fourneau, & en eft feparée par un efpace d’environ dix pouces de large. C’eft dans ce creux que l’on jette les charbons , dont la flamme fe répand dans tout le fourneau , & eft renvoyée par la voûte fur la fritte : la fumée s’en va par l’ouverture du fourneauà calciner; &l’Ouvrier ne re.- xnue la fritte qu’après que toute la fumée en eft partie. Les charbons, comme dans d’autres fourneaux , font pofés fur des grils de fer, d’où les cendres tombent dans le cen¬drier qui eft de niveau avec l’aire ou le plan du fouteau* Le Verrier que l’on nomme communément le Fondeur eft celui qui marque les proportions oudofes de fel, de ces>
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ares & de fable, dont la violence du feu formera une maflfe qu’elle rendra blanche: fi la compofition eft plus dure qu’il ne faut & par confequent trop fragile, il ajoûte dufel ou des cendres ; fi elle eft trop tendre, il remet du fable, en obfervant de remuer le mélange ; jufqu’à ce qu’il foit parvenu à trouver la jufte proportion que l’on ne peut connoître qu’en opérant. Lorfque la fritte a été pré¬parée, il la tire du fourneau à calciner ; & après l’avoir Iaiffë réfroidir, il la met à part pour s’en fervir.
Parmi nous on n’humeûe point la fritte avec de l’eau ni avec une leftive de fel, comme notre Auteur le prefcrit : mais au bout de quelques jours, on fe met à l’ouvrage , afin défaire du verre de la fritte : lorfqu’elle eft entrée en fufion, l’ouvrier l’écume avec une écumoire, la remue & la mêle : lorfque l’écumoire eft chaude il la trempe dans l’eau, de peur que le verre ne s’y attache : il enleve le fel alcali, ou tranvafe la matière d’un creufet dans un autre ; il ôte l’écume du verre avec le ponteglo, & avec fes ferrets qui font des inftrumens crochus ôc pointus à l’extrémité , il tire un peu de la matière & regarde fi la couleur en eft telle qu’il défire , & fi elle eft en état d’être travaillée.
Le fécond fourneau, ou du travail eft celui où l’on met les pots ou creufets , auquel eft joint un foyer & un cen¬drier. Ce fourneau eft rond ; il a environ trois aunes de diamètre & deux de profondeur ; il eft voûté par en haut ; dans le dedans fur les côtés font huit creufçts ou plus, & entre chaque creufet font les ouvreaux. Le nombre des creufets doit toujours être le double de celui des bouches ou ouvreaux deftinés à l’ouvrage , afin que chaque ou¬vrier puifle avoir un creufet rempli de matière toute puri¬fiée & propre à être travaillée,& une autre où la matière fe purifie pendant qu’il travaille. Ce fourneau eft divifé en deux parties dont l’inférieure fépare les creufets du foyer, & aiyïùlieu de fa furface fç trouve une ouverture , garnie d’un grillage de fer d’environ quatorze pouces de diamètre; par où la flamme pafle & eft réfléchie fur les creufets par
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les cords qui font ceiiitrés Ôc par la voûte ; l’autre partie qui eft la fupérieure fepare le fourneau de la/^m ou four-' neau à recuire.
Voici les ouvertures du fourneau de cette efpéce, i°. La bocca, la bouche ou l’orifice de l’ergaftere par où l’on tire la matière des plus grands creufets & par où l’on met les creufets dans le fourneau. Cette ouverture eft garnie d’un couvercle qui s’ôte quand on veut : fon ufage eft de ga¬rantir les yeux des ouvriers de la vivacité du feu. Au milieu de ce couvercle eft un trou de la grandeur de la main , palmo , fait pour chauffer les outils lorfque cela eft nécef- faire. Les Halfinellœ , halfinelles appartiennent encore à la bouche; ce n’eft autre chofeque des crochets qui font arrêtés dans les côtés du fourneau,où l’on met & l’on tourne les outils pendant qu’on les fait chauffer. 2°.Les Boccarelies ou les petites ouvertures : il y en a une à chaque côté du grand orifice, & elles font horifontales par rapporté lui. C eft par-là que les Ouvriers tirent ou cueillent la matière, lorfqu’elle a été purifiée où colorée, des creufets que l’on appelle en Anglois Piling-poft. 3°. Deux fourneaux ou arches voifines de ïzlecra qui font dans le même plan que la bocca ou le grand orifice; elles fervent à calciner le tartre, le fer, ôcc. L’on doit aufti y rapporter le foyer qui a deux foûptraux , un de chaque côté du fourneau, par où un valet jette nuit & jour des charbons pour entretenir ce feu comme celui de Vefta; ces arches font faites de briques.
Ces fourneaux font difpofés différemment en d’autres endroits, & pour plus grande folidité ont cinq arcades & même davantage : mais il en faut néceffairement trois dans une Verrerie de cryftal. L’on peut en voir différens def- feins dans Agricola de Re metallicâ. Libavius dans fon Cowwewr. Alchym. Part. I. Chap. xx. Ferrant. Imperatus Livre XII. Chap. xiv & xv. & Porta, Livre VI. Chap. iij. on peut les confulter.
Les fourneaux à faire le verre verd font quarrés, au lieu que les premiers font ronds, & la lecra, ou fourneau à re¬cuire en occupe un fegment, & dans çhaque angle ils
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ont un arche où les vafes font mis à chauffer.
LaLecra dans Agricola tient lieu d’un troifieme four¬neau : c’eft où 1 on recuit les vafes& on les laiffe réfroidir ; elle a la même forme que le fécond fourneau où Fon fait fondre la matière & où on la tient en fufion ; elle com¬prend deux parties que les Anglois nomment The-io'wer & la Leer. La Tower ou la tour eft la partie qui eft précifément au-defius du fourneau de fonte ; elle en eft feparée par un mur tranfverfal d’un pié d’épailfeur. Au milieu de ce mur de réparation, & fur la même ligne que l’ouverture inférieure > fe trouve une ouverture ronde par où la flamme & la chaleur entrent dans le fourneau. Imperatus & Agri¬cola font cette ouverture étroite & quarrée ; on l’appelle Occhio y l’œil y ou Lumella ; elle eft garnie d’un anneau de fer que l’on nomme cavalet ou la couronne ; c’eft fur l’aire de cette tour que les Verriers mettent leurs vafes , lorfqu’ils font déjà formés pour les faire recuire. Au côté oppofé fe trouvent deux bouches ou orifices par où des Ouvriers met¬tent les verres avec une fourche fur l’aire de la tour y aufli- tôt qn’ilsfont préparés ; & peu après fur des plateaux qui, félon Agricola, doivent être d’argille, qui font de fer parmi nous & que l’on appelle fraches. Un Ouvrier que l’on nomme les arrange les uns après les autres par
toute la lecra qui a cinq ou fix coudées de long, afin qu’ils refroidiffent petit à petit, ce qui fe fait au bout de la lecra. L’orifice de la lecra vient aboutir dans un endroit où l’on met les verres après qu’ils font refroidis; cet endroit fe nomme Sarofcl, du nom de celui qui rapporte les fraches de fer dans la lecra.
Dans les fourneaux où l’on fait du verre commun , il y a deux côtés oppofés les uns aux autres qui fervent à travail¬ler le verre : les deux autres côtés font joints à des four¬neaux à calciner,où le feu qui vient des fourneaux entre par des ouvertures pour cuire la fritte & pour éviter la fumée ; il y en a qui font le feu dansl’arche du fourneau pour échauf¬fer les vafes, & font tout leur ouvrage dans ce même fourneau.
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Le dedans de ces fourneaux n’eft point fait de briques, qui, comme toutes les pierres molles, fe vitrifieroient fur le champ ; mais d’une pierre fabuleufe dure, d’une efpece qu’Imperatus appelle Pyromachium, que l’on apporte de Newcaftle ; elle eft blanchâtre Ôc fait feu en la frappant avec de la même pierre. Malgré cela cette pierre fe détruit en trois mois ou fe fend. Quant à l’extérieur du fourneau , il eft de briques ; la chaleur de ce fourneau eft la plus forte qu’il y air. J’ai obfervé qu’en y jettant de la paille trois jours après que le feu en avoit été éteint, elle s’allumoit fur le champ ; & des Ouvriers m’ont affuré que le feu de ce fourneau eft du double plus fort que celui de tout autre fourneau.
Nous parlerons à préfent des creufets ou pots où l’on fait la fufion ; ils font d’une argille que l’on apporte de Purbeck par charrois; l’on en fait des pipes à fumer du tabac. Cette argille, après avoir été bien lavée fe calcine dans des fourneaux faits exprès; on la réduit en poudre avec une meule ; on l’humeâe avec de l’eau, & on la pétrit avec les piés jufqu’à ce qu’elle ait pris une con- iiftance convenable; on lui donne la forme que l’on veut avec les mains, & on la fait féchcr dans un lieu convena¬ble: après avoir formé le pot, on l’échauffe dedans ou deffus le fourneau.L’argille qui fert à faire les creufets pour le verre commun vient de Nonfuch ; l’on y mêle une autre argille qui vient du Comté de Worcefter, parcequ’elle eft plus en état de réfifter au feu. On emplit ces creufets de matière, & on les met fur le plan qui eft de niveau avec l’orifice ou la bouche du fourneau.
Dans les Verreries de cryftal, on fait ufage de deux fortes de creufets. La première eft grande , peut contenir trois ou quatre cents livres de fritte , eftde l’épaiffeur d’un pouce , a environ deux piés de large dans le fond & au¬tant de hauteur , & vers le haut, vingt pouces de diamè¬tre. Les autres creufets font moindres ; on les appelle communément Piling-poft en Anglois; on les mer au deffus .des plus grands creufets qui contiennent la matière cuite & colorée. f ij
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Enfin nous arrivons à la maniéré de travailler le verre nue nous emprunterons du XII. Livre de la Métallique d’Agricola. Lorfque la matière a été fuffifamment cuire,un Ouvrier plonge dans le creufet un fer creux ; & après l’y avoir tourné autant qu’il eft néceffaire pour l’ouvrage qu’il veut faire , il le retire ; le verre s’attache à l’inftrument de fer comme feroit un fuc glutineux. La forme du verre qui s’attache aufer eft ronde 5 ôc l’Ouvrier le retourne pendant qu’il eft encore rouge de côté ôc d’autre fur un marbre, afin que les parties puiflent mieux fe réunir : cela fait, il fouffle légèrement par le fer creux, & la matière par lé fouffle s’enfle comme feroit une veille ; à chaque fois qu’il fouffle, à chaque fois qu’il donne du ventil ôte fur le champ le fer de fa bouche, de peur qu’en reprenant ha¬leine , il ne vienne à attirer le feu : il tourne enfuite cir- culairement autour de fa tête le tuyau ; il allonge ôc refroi¬dit le verre; il en applatit le fond fur le marbre: on le met dans des moules, fi cela eft néceffaire.
Il le donne enfuite au Verrier, qui fans beaucoup de peine détache le col du verre par l’endroit où il tient à la canne; jette ce col avec le verre commun; rend uni le verre qui refte , avec le ponteglo ; le forme en boule avec fon paffago ; en augmente la capacité & la concavité avec le procello , ôc égalifc le tout; enfuite de quoi il coupe avec des cizeaux ce qui eft de trop ; Ôc c’eft ainfi qu’en fouflant, preffant & relargiffant la boule de verre , il lui donne la forme qu’il veut ; s’il en eft befoin il y pratique un pié , & avec fon fpici > il y fait des ondes ôc le rend marbré. Lorfqu’ila fini, un autreouvrier prend l’ouvrage avec une fourche de fer , le porte fur le champ dans la tour pour le recuire,& le met dans l’endroit convenable en montant par dégrés : car s’il ne fuivoic cet ordre , il gâreroit l’ou-vrage , & il n’auroit qu’une marchandife très cafuelle qui fe détruiroit d’elle-même, s’il n’avoit foin de la recuire.
Il y a autant de creufets que d’ouvriers, & il faut qu’il y ait auflî autant d’ouvreaux ou de bouches î car chaque ouvrier doit avoir fon pofte. La grande chaleur qu’il y fait
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& qui porte fur le vifage, dans la bouche & les poulinons, eft caufe qu'ils font obligés de travailler en chemife, fem- blables à des cy dopes oufatellites de Vulcain; ilsfe cou¬vrent la tête d’un grand chapeau de paille pour fe garantir de la chaleur & de la vivacité de la lumière ; ils font aiïis fur des fiéges de bois qui ont de longs accotoirs où ils ac¬crochent les outils qui leurs font néceffaires & où ils font attachés de maniéré à ne pouvoir point remuer. Ils tra-vaillent pendant fix heures, 6c ne mefurent le tems que par le verre qu’ils ont fait. Quand ils quittent, d’autres pren¬nent leur place; après ceux-ci, les premiers reviennent ; de cette maniéré le fourneau , lorfqu’il eft en état, ne chôme jamais , à moins qu’il n’arrive quelque accident à un creufet, ou que la matière ne vienne àceffer d’être en fufion. Libavius obferve que les Verriers font pour la plue part pâles , * altérés , ne vivent pas long-tems ; périflent ordinairement par la poitrine ôc de maux de têtes; que comme ils font d’une foible conftitution, le vin ôc la biere les enivre très - aifément, ôc quil eft aifé de les recon- noître à ces marques.
L’on trouvera les defleins de tous les fourneaux qui viennent d’être décrits à la fin des obfervations de Kunckel.
* KuncKel réfute ce fentiment de Libavius dans fes Obfervations générales fur les Notes de Merret.
FIN de la Préface de MERRET.