CHAPITRE V.
Maniéré de tirer le fel de la Fougere, dont on peut faire u ncriflal afez beau.
ETANT à Pife , fai fait l’épreuve de la cendre d’une herbe , qu’on nomme Filix , Fougere ; elle croît abondament en Tofcane. Cette plante doit être coupée verte , depuis la fin de Mai jufqu’à la- mi Juin ; il faut choifir le tems du croilfant de la Lune lorfqu’elle eft prête d’être en oppofition, car cette plante eft alors dans fa perfection , & donne plus de fel & d’une meilleure qualité qu’en tout autre tems. Si on la laifloit lécher d’elle- même fur pied, elle n’en fourniroit que fort peu, &ilferoit d’une mauvaife qualité. Après l’avoir coupée, comme on vient de le dire, & l’avoir en- talfée , elle fe flétrit & fe lèche en peu de tems , & fi l’on vient à la brûler , elle donne des cen¬dres dont ( en obfervant les réglés prefcrites au fujet de la rochette orientale) on pourra extraire un fel, qui mêlé avec le tarie bien tamifé m’a donné un criftal fort beau, & plus tendre qu’à l’ordinaire ; car quoiqu’il eût alfez de confidence,
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bléntoit cependant plus flexible que ne font ordinairement les criftaux. Je 'fuis même parvenu à en faire des fils très-déliés : cette fritte prend au mieux la couleur d’or, pourvu qu’on n’y mêle point de fel de tartre , comme il a été dit au Chapitre précédent ; & même la couleur que donne ce criftal eft plus éclatante que celle de celui qui eft fait avec les cendres d orient, & 1 on peut en former également différons vafes.
Notes de Merret Jùr le Chapitre V.
Ce que notre Auteur dit du te ms qu’il faut obferver
Jour la coupe de la fougere, eft vrai; il faut couper toutes es plantes dans un tems convenable ; le meilleur eft celui auquel les plantes font mûres> cependant celles dont en Veut fe fervir pour en tirer les huiles & en faire d’autres opérations chymiques doivent être cueillies un peu avant leur maturité, car alors on en tire une quantité double de celle que l’on auroic dans tout autre teins. Or fl le tems Je plus favorable pour tirer le fel des plantes, eft celui où elles ont porté leurs graines ; la fougere eft dans ce cas, au tems indiqué par l’Auteur. C’eftune erreur commune que de croire que la fouger%& les autres herbes du genre des capillaires n’ont point de graines ; il eft confiant que ces plantes les ont en dedans de leur feuilles , où elles fe trouvent en abondance , fous la forme d’une pouf- fære noire. La mouffe elle-meme eft remplie de femen¬ce c’eft ce que prouve évidemment une efpece de charria- feuce que j’ai dans mon Herbier, 6c qui n’a point encore été décrite ; il fe trouve entre fes rameaux & fes feuilles quan¬tité d’une femence ronde & noire. Ceux qui font des boutons de bois pour les habits, favent de quelle impor¬tance il eft de couper les bois dans de certains tems, & l’expérience leur a fait connoître que le bois de poirier
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coupé pendant l'été , & celui de chêne pendant l’hîveî font les meilleurs ; le buis coupé au têtus de Pâques eft très-dur, au-lieu qu’il eft plus mou fi on le coupe en été , &c.
Obfèrvations de KuncKel fur les Chapitres III. IV. & V.
Tout ce que dit notre Auteur dans ces Chapitres eft vrai ; en effet,' il n’eft pas douteux qu’en fe donnant la peine de faire diffoudre &: criftallifer le fel à differentes reprifes, on ne puiffe parvenir à faire un beau verre : mais ce feroit fe tromper que de croire qu’il dût être par¬faitement femblable à du criftal, en ne faifant que luivre ce que dit Neri: l’on me demandera peut-être où les Allemands prendront la cendre du Levant ? Je répons à cela, que pour y fuppléer, l’on n’a qu’à cueillir telles plantes que l’on voudra,comme la fougere ou telle autre dont on puiffe avoir quantité , qu’on les réduife en cendres, qu’on en faffe une leffive , fuivant la méthode indiquée dans ces Chapitres & dans les fuivans. Et même fi l’on veut s’en donner la peine, l’on n’a qu’à fe fervir des cendres communes, ou ce qui vaut encore mieux, de potaffe, réïterer fouvent la diffolution dans l’eau, & la filtration ; l’on pourra par ce moyen, de toutes les cbofes qui contiennent du fel, en tirer un d’une égale beauté. En effet, l’expérience m’a fait connoître que les fcls des plantes & végétaux après une calcination fouvent réïterée font tous d’une même efpece> & que cette grande multipli¬cité defels dont parle Neri, n’eft ni utile ni néceffaire.
Notre Auteur recommande dans le Chapitre troifiéme, de ne don¬ner vers la fin de l’opération qu’un feu très-doux , afin que le fel ne foit point brûlé; il vaut cependant mieux, lorfquc le fel fera feché dans le matras, le mettre à.rougir petit à petit, car c’eff le moyen d’en ôter les faletés qui pourroîent y être reliées ; l’on doit feulement regarder comme un bonheur fi le matras ne fe rompt point dans le cours de l’opération ; car s’il ne fe caffe point dans la calcination , cela lui arrivera en réfroidiffant. Mais cette façon de procéder eft fi pénible , que je la regarde comme inutile. Il fuffira donc de prendre une cendre telle qu’on voudra , foit des plantes, foit des arbres ; on la leffivera pluflîeurs fois , on la réduira à ficcité par la cuiffon , qui doit fe faire dans une chaudière de fer, & avant de diffoudre le fèl dans l’eau, il faudra à chaque fois le calciner un peu. Si Ton veut exécuter l’opération parfaitement, il faudra prendre la leffive des cen¬dres bien purifiée , la faire cuire doucement, & évaporer jufqu’à pel¬licule , la verfer alors dans un vaiffeau de bois, l’y laiffer repofer pen¬dant quelques jours ; l’on aura par ce moyen de très-beaux criftaux. J)ans cetre opération , il tombe au fond du vaiffeau quelque chofè
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de blanc &’ femblable à de la farine ; l’on aura qu’à jetter le tout dans un tamis de crin ou fur une planche faire exprès & bordée de chaffis. Il faut qu’elle fc termine en pointe &: foit difpofée en pente , afin que le refte de la leffive puiffe s’écouler ; on l’a fera évaporer de nouveau, &1 ’on continuera de même jufqu^à ce qu’il ne le forme plus de crif- tauxPo ur fin ir l’opération on cuit jufqu’à ficcité ce qui relie, il u’y a gueres de différence entre ces derniers crillaux & les premiers. Nous avons fait nos obfervations fur ce que l’Auteur dit de la prépa¬ration des fels jufqu’au Chapitre 7. Il ell certain, & je le répété encore, que de quelque plante qu’on tire le fel, Pon ne parviendra jamais à faire un beau verre de criltal,à moins qu’on ne le purifie parfaitement. Cependant il ell fûr qu’il y a des fels qui coûtent moins de peine a purifier que d’autres. Ceux qui ne peuvent point avoir les plantes néceflaires en abondance, ne doivent point le rebuter du travail; toutes cendres de quelque efpéce qu’elles foient y fuppléeront ; on en fera quitte pour les purifier plus foigneufement. On obfervera fur les
Chapitre 4 & y , qu’il ne faut pas s’attacher tout-à-fait à ce que dit t>otre Auteur ; en effet, quand même le criflal ne feroit fait qu’avec du fel de tartre , cela n’empêcheroit pas qu’on ne pût lui donner une couleur d’or , comme nous le verrons par la fuite. A l’exception de ce que je reprens, tout ce que dit l’Auteur dans les Chapitres y, 6 & 7 ell très-bon à fuivre.
CHAPITRE VI.
Maniéré de préparer un autre Jel pour faire un Criflal d'une beauté fingtdiere.
En fuivant la méthode qui a été indiquée ci- defïus , on fera des cendres avec des coiTes de fèves féchées, après en avoir auparavant ôté les fèves. L’on en tirera le lel de la même maniéré Slu’il a été dit au fujet de la roquette ; l’on mêlera ce fel, qui ell d’une grande beauté, avec du tarfe bien blanc & bien tamifé ; ce mélange don¬nera une fritte qui produira un criftal merveilleux.