CHAPITRE VI.
Maniéré de préparer un autre Jel pour faire un Criflal d'une beauté fingtdiere.
En fuivant la méthode qui a été indiquée ci- defïus , on fera des cendres avec des coiTes de fèves féchées, après en avoir auparavant ôté les fèves. L’on en tirera le lel de la même maniéré Slu’il a été dit au fujet de la roquette ; l’on mêlera ce fel, qui ell d’une grande beauté, avec du tarfe bien blanc & bien tamifé ; ce mélange don¬nera une fritte qui produira un criftal merveilleux.
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On parviendra à en faire de même avec la cendre du chou, de cette efpece de ronces qui porte des mûres fauvages , des tiges de partis, ( forte de millet ) , des joncs, des rofeaux, & d’une infinité d’autres plantes qui donnent un fel dont on peut fe lèrvir pour faire la fritte d’un très-beau criftal. C’eft ce que tout le monde peut éprouver, car l’expérience en apprend là-dèlfus beaucoup plus que les études les plus longues.
Notes de Merret fur le Chapitre V I.
Neri rapporte les plantes qui fournifTent un fel propre à, faire du verre. L’on peut dire en général que tous les végétaux qui donnent un fel alkali, font bons pour cet ufage. Les Chymiftes nomment fel alkali fixe celui qui foutient le feu le plus violent fans fe volatilifer ni le diifi- per. Ce nom eft emprunté du Kali, qui eft la plante dont on tire ce fel ; nous l’appelions Ke/p en Anglois. Les cen¬dres des Savoniers pourroient aulïi fervir à faire la matière du criftal; le Kelp fe fait d’une plante maritime qu’on ap¬pelle featongs ou laces, (algue), voici ce qu’en dit J. Bauhin , au deuxième Chapitre du. trente-neuvième Livre de fon hiftoire des plantes : » Si aufli-tôt après avoir ramalfé « l’algue à petites feuilles des Verriers , on l’entaffe toute » mouillée comme elle eft , & qu’on la laifle ainfi en mon- » ceaux pendant quelques tems , on trouvera en y faifant » attention , un fel blanc , qui fe fera formé furfes feuilles. Matthiol dans fes notes fur Diofcoride, la nomme t algue commune des Vénitiens, non-feulement pour la raifon qu’on vient de dire ; mais encore, parce que les Vénitiens s’en fervent pour emballer les verres qu’ils envoyent dans les pays étrangers. Cette plante eft arrachée par le mouvement cie la mer agitée qui la jette furie rivage & fur les rochers, fuivant ce que dit Virgile fopulis ülifarcfunditur alga; après
[27] avoir été féchée au Soleil & au vent , on la ramafle & on la brûle : fes cendres fervent à la préparation de l’alun , & & du verre , c’eft-ce que nous appelions kelp en Anglois. * L’algue fe trouve abondamment dans toutes les mers; pref- que toutes les autres plantes marines ,tels que le chêne de contiennent beaucoup de fel. Quant aux cendres des Savoniers , on les apporte de Pologne, de Rufiîe & de la nouvelle Angleterre elles viennent des fa- P\ns & des pommes de pins brûlées. En Angleterre, pour feire le verre commun , nous achettons des cendres de toutes efpéces ; cependant les meilleures font celles de toutes fortes de chardons. Viennent enfuite celles des houblons , après qu’on en a ôté les fleurs. Parmi les arbres, æ mûrier donne le meilleur fel , aufli-bien que le genêt dpipeux & l’épine-vinette ; & parmi les plantes marines , le sali épineux. On a aufli trouvé que toutes les plantes à poin¬tes & à épines donnent beaucoup de fel, chacune dans leurs efpéces 5 l’on y peut joindre toutes les plantes ameres telles que font le houblon, l’abfinte , le chardon bénit, la centaurée, la gentiane, l’auronne, la tanéfie, le paftel, &c. On en peut tirer les cendres à peu de frais ; ajoutez le tabac dont les tiges brûlées fournirent beaucoup de fel ; cette derniere plante feroit d’un grand profit fi on en.retiroit le fel ; mais les champs où on la brûle en fouffriroient con- fidérablement. Un Marchand m’a dit, avoir offert au Roi Charles I. de fe charger du bâtiment & de l’entretien de plulieures Eglifes, & de leur faire de plus à chacune cent livres fterlins de rente annuelle , fi on vouloit lui accorder toutes les tiges du tabac qui vient de Virginie : ce fait prouve affez qu’il comptoit fur un gain très-confidérable. Les plantes
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à cofles font les meilleures après le tabac ; telles font les pois , les feves, &c. Elles ont quelque affinité avec les autres efpéces, & furtout le lupin, la vefce, les pois chiches, les lentilles dont depuis peu d’années on a berné quantité dans le Comté d’Oxford : l’on s’en fert pour nourrir le bé¬tail. Parmi les plantes laiteufes , on peut ranger dans la même claffe toutes les efpéces de tithimale ; le figuier & les plantes qui ont une qualité inflammable: il eneftde même des ferments de vignes, du laiclron ou laceron pointu à fleur inclinée , en quoi il reffiemble au chardon : il contient un fuc laiteux , comme le tithimale. Ï1 faut remarquer d’abord fur les fels fixe.s que ceux qui font le plus dégagés de terre, & de toute matière étrangère , qui fe mettent en gros morceaux durs & blancs, & qui font les plus acres au goût doivent avoir la préférence. En fécond lieu , que les meilleures cendres, c’eft-à-dire, celles qui font remplies d’un fel pur fe fondent le plus aifément dans le fourneau. En troifiéme lieu, que les cendres qui ont été tirées des végé¬taux dans leur vigueur & de leurs branches les plus confi- dérables, font à préférer: il paraît que c’eft de-là que les Chymiftes ont dérivé le nom de cincres clavcllati, quafi cia- •volati, ou cendres tirées de rameaux larges, que Varron de re Rvjlica,Livre. 1. Chapitre40. appelle clavola ou clavula, félon quelques Commentateurs. Quatrièmement, il faut garder ces cendres dans un lieu fec , loin de toute humidité qui leur ferait très-nuifible : l’on obfervera enfin que de ces cendres les unes donnent un verre plus blanc que les autres : les cendres de chêne qui prennent la qualité du vitriol donnent un verre obfcur & nébuleux : celles de frêne & ds l’épine-vinette , dont le fel approche du nître , rendent le verre plus blanc. Voici, fuivant Agricola, l’ordre qu’il faut fuivre dans le choix des fels pour faire le verre : cet Auteur donne le premier rang au nître, le fécond au fel foffil blanc & tranfparent, & le troifiéme rang au fel tiré de la cen¬dre d’anthillis ou kali, ou de toute autre plante chargée de fel. » Il y a des gens, dit Agricola , qui choififfient les * cendres d’anthillis, mais non de préférence au ‘nître : au
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défaut de nître, ils font le verre avec deux parties de
* cendres de chêne , de hêtre , de fapin , mêlées avec une
* partie de fable : ils y ajoutent un peu de fel marin, & bien »> Vzud'airnan; mais le verre fait de cette maniéré n’eft ni M ulanc ni tranfparent. L’on fait aufli des cendres avec de •’ vieux arbres dont on creufele tronc à la hauteur de fix “pieds; on les allume par dedans, & on les réduit en M cendres : on choifit le tems de l'hyver, lorfqu il ne neige
* plus; ou l’été, lorfqu’il ne pleut point; car les pluies fa- 31 broient le fel en le mêlant à de la terre ; c eft par cette
* raifon que fi l’on avoit des cendres à tirer en mauvais tems,
* il faudroit y travailler dans un endroit couvert. Mais le rems & l’expérience on fait abandonner l’ufage dunître 6c du fel foffile ; ôc la roquette ou poudre de Syrie a obtenu le premier rang. En effet, ces premiers fels font trop ten¬dres 6c trop foibles, 6c le verre exige un fel de leffive fixe , acre ôc caufiique au goût, qui ait peu de cette graifie dont le nître 6c le fel foffile abondent; c’eft pour cela que tous ces fels feréfolvent en fel alcali, avec qui le nître a de l’af¬finité , tant parle goût que par fagraiffe. Mais il me paroît qu’Agricola 6c les autres qui ont donné la préférence au nître ôc qui l’ont mis au-deifus de ce fel alcali dont nous parlons , n’ont pas bien compris le fens du paflage de Pline Livre XXXI,Chap.X.oùil prétendre ƒ a wa A on riaobtenu beaucoup de nître du chêne brûlé. Il me femble que c’eft dans le même fens que Virgile a dit au premier livre defes Georgiques.
Semina vidi equidem multos medicare fèrentes,
Et nitro priùs, & nigvâ profundere amurcâ,
C’eft cette même façon de traiter les terres que le Poète & eu en vue, lorfque peu de vers auparavant, il dit :
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Ces derniers Vers de Virgile montrent clairement que c’eft parle fel que l’on engraiffe les terres ; c’eft pourquoi le mot de nître dont il a parlé dans les premiers Vers dé- ligne ou un fel tiré de cendres, ou les cendres elles-mêmes dans lefquelles ce fel eft contenu ; le même Poète a voulu z marquer la même chofe au même livre dans ces vers.
Sœpe etiam Jleriles inccndere profuit agros,
Atque levem Jlipulam crepitantibus urere flammis.
En brûlant le chaume , l’on ne fait que produire un fel qui ala propriété de détruire les mauvaifes herbes , dont les racines fortes & profondes prennent toute la nourriture, rendent le terrein fterile & nuifent à la femence s fans compter la propriété que le fel & les cendres ont de tuer les vers qui mangent les grains. Cependant le grand froid du nître , fuivant Bacon, eft affez contraire à toute produc¬tion. Cefalpin au Livre III. Chapitre 23 de fa Métalli¬que , appelle auffi les cendres de kali une efpéce de nître. Ajoutez à cela, que dans les Provinces les plus Occiden¬tales de l’Angleterre ; les gens de la campagne fe fervent de l’efpéce d’algue dont on fait le ICalp ou Kelp pour fumer les terres ; ce qui fuivant le témoignage deFerrantus Im- peratus, fe pratique aufïï par ceux qui habitent les côtes de la Méditerrannée. L’on peut tirer un nître de l’eau de la mer, & de quelques végétaux; mais lorfqu’on le met au fourneau > il fe refout pour la plus grande partie en fel alcali.
Remarques de Kunckel fur le Chapitre VI»
Ce qu’on lit dans ce Chapitre, n’eft qu’une répétition du précé¬dent. On peut prendre telle plante que Ton voudra & en tel rems que l’on jugera a propos, pourvu qu’elle foit dans fa maturité. 11 n’eft pas neceflaire de fe borner ni à lafougere - ni aux feves ni à d’autres 9 car toutes les plantes, après avoir été brûlées., donnent un fel de même nature: il ne s’y trouve de différence qu’en ce que le fel de l’une contient plus de terre que celui de l’autre, 6c demande par confeè
DE LA;* VERRERIE. jr
Cjuent d’être purifié avec plus de foin. C’eft pourquoi, comme je l'ai déjà prefcrit, prenez feulement des cendres pures; faites-en plufieurs leflîves réïtcrées dans l’eau ; réduifez cette eau par la cuiflon ; calci¬nez doucement le fel que vous aurez obtenu par ces opérations con¬tinuées à plufieurs reprifcs , & vous vous procurerez un fel avec le¬quel vous parviendrez à exécuter tout ce que dit notre Auteur.
CHAPITRE VII.
■P réparation d’un fel qui fèrt à faire un ajfez beau
criftal.
ï L faudra tirer le fel de la chaux des murailles ; après l’avoir purifié , on le mêlera avec le fel de roquette ordinaire , à raifon de deux livres de fel de chaux fur un quintal de fel de roquette ; de ce fel ainfi mêlé , T on compofera à la maniéré acou- tumée de la fritte que 1 on purifiera dans un grand plat, comme illera dit par la fuite , lorsque nous donnerons la maniéré de faire le criftal & le verre commun ; & l’on aura par ce moyen un verre de * criftal aflez beau.
Notes de Merret fur le Chapitre VII,
Le fel tiré de la chaux de muraille n’eft plus en ulage parmi nous; ce fel fe trouve quelquefois dans les vieux ttiurs , c’eft ce qui l’a fait appeller Paretonium. Il eft plus acre que le fel ordinaire : jen conferve dans mon cabinet un morceau tranlparentôt aflez femblable à de l’alun ; il eft aufl'i âcre au goût que le fel marin. Ferrantus Imperatus recommande le fel tiré des coquilles, comme celles des huîtres & les coquilles d’écreviffes. Il eft très- bon à faire du