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CHAPITRE XIX.
Autre maniéré de faire le Saffran de Mars.
VOICI la quatrième &’derniere maniéré de faire le Saffran de Mars, & peut-être la meilleure, Quoi qu’il n’y en ait aucune de celles que j’ai in-diquées ci-devant qui ne foit bonne par elle- ftieme , & propre à fournir les couleurs qu’on demande.
On diifoudra dans de l’eau regale, faite avec du fel ammoniac, comme il fera dit plus loin , Cn parlant de la calcédoine , de la limaille de fer ou d'acier, dans un matras de verre bien bouché ; on l' y lailïera pendant trois jours, en remuant tous les jours le mélange, & obfèrvant de mettre la limaille petit à petit ; car elle fe gonfle confl-dérablement, &c à moins qu’on ne s’y prenne avec précaution , le matras court rifque de fe brifer, de le mélange d’être répandu. Au bout des trois jours, on fera évaporer l’eau à un feu doux ; & °n trouvera au fond du valè un très-beau Saffran de Mars, qui donnera une couleur merveilleufe verre.
Notes de Merret fur les Chapitres XVI, XV II,
XVIII & XIX.
Neri donne différentes maniérés de faire le Saffran de Mars, que les Chymiftes ont déjà propofées avec plulieurs autres, & qu’on peut réduire à ces trois principales. La première eft par la limple réverbération,fans aucun mélange, telle que je l’ai remarquée dans les barres de fer qui foutien- nent les fourneaux; il m’a paru qu’il fe formoît de cette façon la plus belle couleur & la plus foncée, lùrtout dans les fourneaux qui fervoient continuellement'à la diftillation de l’eau forte ; les barres de fer fe réduifoient petit à petit en faffran de mars; & en les frottant, on en pouvoit tirer une quantité fuffilante. 2°. Par la calcination ou la-réverbération faite avec le fouffre , lefel, l’urine & le vinaigre. 30. Par la folution dans l’eau forte, l’eau régale, l’efprit de fel ou de nître ; en fuivant cette derniere maniéré , & après avoir fait évaporer l’eau, on aura une couleur rouge. Par la diffelution du fer dans l’efprit de vitriol ou de fouffre , on obtient un vitriol de Mars prefque égal en bonté au vitriol d’Angleterre, mais dont les vertus ne font pas fi grandes dans les remèdes ou dans l’art de la teinture. De ce vitriol calciné , j’ai tiré un colcothar affez femblable à celui qui vient du vitriol commun: ce colcothar fournit aux Pein¬tres la matière d’une couleur, fauffe ; mais il n’eft d’aucun ufage dans la Verrerie; car tout colcothar contient beau¬coup de parties terreftres qui rendent le verre obfcur & fale. C’eft par cette raifon que nos Auteurs ne font pas ufage du vitriol de fer, ainfi que de celui du cuivre. *
Quant a la teinture de Mars, je dirai feulement que tous les acides & toutes les liqueurs corrofives qui pren¬nent fur le cuivre, agiffent aulfi furie fer ; de maniéré que
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la couleur en eft toujours rouge ; avec cette diftércnce qu’une de ces couleurs eft plus éclatante & plus tranl parente que l’autre , 6c peut donner beaucoup de nuances de cou¬leurs , 6c fe mêler avec d’autres corps métalliques dans des Proportions particulières. C’eft ainfi que le faffran de mars fait avec le vinaigre , eft propre à donner ou la couleur verte, comme on verra aux Chapitres 52 , 54 & •$ î > °u la couleur de l’émeraude, en le mêlant avec le verre de plomb dont 11 eft parlé au Chapitre 65 • On mêle auffi ce faffran de-mars avec le verd-de-gris dans différentes pâtes, comme il eft dit dans les Chapitres 77,78, 79. au nouveau Chap. ÏO t. Mais fi l’on veut avoir un beau rouge, il faudra fe fervir du faffran de mars fait avec le fouffre; voyez le Chapitre 128. p on le veut encore plus beau, on prendra celui qui eft fait a l’eau forte. Aurefte, de même que le cuivre donne la pius belle couleur au vitriol, la plus belle couleur du fer ou de l’acier fe tire par l’eau régale ; c’eft 1 effet en partie du mélange du fel ammoniac , ôc en partie de la folution exacte qui fe fait dans ce cas. Après avoir expofé ce qui concerne la matière première du verre, ôc la préparation des couleurs qui doivent y entrer , le refte de l’ouvrage ne contient que les proportions qu’on doit obferver dans leurs differens mé¬langés. Comme notre Auteur a epuifé ce fujet, je ferai fort court par la fuite, ôc je me contenterai d’indiquer ici la maniéré de faire l’émail, ce qu’onregardoitautrefois comme un grand fecret, mais ce qui eft a&uellement afiéz généralement connu. Prenez d’antimoine ôc de nitre tien broyés & bien mêlés,de chacun 12 livres; de la matière du verre commun ,176 livres : après avoir exactement mêlé Ie tout, faites calciner le mélange dans le fourneau ôc le réduifez en fritte ; ou ce qui revient au même, faites un ré¬gule d’antimoine avec de l’antimoine crud ôc du nître , de façon connue de tous les Chymiftes : ce régule mêlé au
Verre donnera un émail très-blanc ôc propre ’ à prendre tou¬tes fortes de couleurs.
Remarques de J. Kunckel fur les Chapitres X VL
xvir, XVIII & xix.
Toutes les maniérés de faire le Saffran de Mars indiquées par l’auteur font très- bonnes ; mais fi l’on veut avoir un faffran de mars fupérieur & d'une couleur encore plus admirable , il faudra procéder de la maniéré fuivante. Prenez de la limaille de fer ou d’acier bien pure ; mettez-en dans un grand creufet, de l’épaiffeur du doigt : placez le creufet bien couvert dans le fourneau à calciner ou dans un endroit bien chauffé, & où la flamme foi t portée avec violence; la limaille s’enflera, deviendra d’un beau rouge, & formera une poudre friable qui remplira tout le creufet, & quelquefois même en renverfera le couvercle ; on retirera cette poudre , & Pon trouvera encore au fond du pot une bonne quantité de fer qu’on remettra au feu où elle fe gonflera de nouveau. On continuera jufqu’à ce qu’on ait fuffifamment,, de faffran de mars. Ce faffran fera admirable & aura plufieurs ufages 5 toutefois, je ne dis point qu’il produile dans l'Art de la Verrerie, précifément les mêmes effets quele faffran de mars fait avec le vinaigre; ces deux faflrans donnent des couleurs différentes; mais il y aura des lecteurs qui feront bierî aifes de les connoître l’un & l’autre, & c’eft pour eux que j’écrisceci. Paflons maintenant àu’autres chofes.