CHAPITRE XXII.
Maniéré de préparer la couleur d’Aigue - Marine , une des principales de celles qui peuvent entrer dans le verre.
La couleur d’Aigue - Marine eftune des prin¬cipales qui entrent dans la teinture du verre : fi l’on veut l’avoir d’une grande beauté , il faudra fe fervir du bollito ou criftal artificiel ; car fi l’on
crnployoic le verre commun, la couleur n’en feroit point fi belle. On peut faire ufage du crif— tallin ou verre blanc ; mais c’eft le bollito ou crif- tal artificiel qui donne la plus belle couleur. Il
faut obferver de ne point employer la magnéfie, lorfqu’on veut donner la couleur d’aigue-marine au verre. Quoique le feu confume cette matière, elle ne laifïe pas de donner à cette couleur,
une nuance noirâtre & de la rendre moins éclat- tante & moins belle. Prenez donc de la fritte de Cri fiai ; mettez-la dans le creufet fans magnéfie ; lorfq ue le verre fera bien cuit & purifié, enle- vez foigneufement avec la cuillère de fer des Ver¬riers le fèl qui furnagera au verre comme de 1 huile ; fans cette précaution la couleur devien¬dra louche , & le verre fera gras. Lorfque le verre fera bien purifié ; fur vingt livres de criftal, vous mettrez fix onces d’oripeau calciné & préparé de
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la maniéré qui a été dite au Chapitre 20. & de faffre préparé le quart, * en oblèrvant de bien mêler ces deux poudres , & de ne les mettre dans le creufét que petit à petit & en trois reprifes ; car le clinquant bien calciné enfle de façon à faire f'ortir tout .le verre du creufet; il faudra donc y prendre garde , & remuer continuellement le verre. On laiflèra enfuite repofer le mélange pen¬dant trois heures, afin qu’il prenne bien la couleur. On le remuera de nouveau, & l’on eflayera fi la couleur eft telle qu’on la demande , afin de la ren¬dre plus claire, ou plus foncée fuivant l’exigence des cas. Les petits vafes minces demandent une couleur plus foncée, & les grands une.couleur plus claire; le choix de la nuance dépend donc des ouvrages qu’on veut faire ; il faut s’en rapporter au jugement de l’Artifte ; il eft néantmoins d’u- fage de foncer moins que plus la couleur ; car il eft toujours aifé de remédier au premier défaut [81]
lorfque le verre eft bien pur.
Vingt-quatre heures après avoir ajouté la couleur, on pourra travailler le verre, obfervant» avant d’y mettre la main, de bien remuer le mélange , afin que la couleur soit égale partout ; car lorfque le verre repofe , la couleur tombe au fond, & la partie fupérieure du verre ne fe colore point. Il faut obferver les mêmes réglés pour les
* Le texte Italien & les verfions Latines & Allemandes difent la nie me diofe; on ne feait fi par le çuart, l’Auteur a voulu dire le quart de fix onces ou le quart d’une once, grands
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grands vafes de criftal. J’ai éprouvé cetre maniere faire l’aigue-marine, à Florence en 1602 ; & J ai fait beaucoup de vafes de cette couleur. Il eli bon de fçavoir qu’à Murano , on prend pour cet ouvrage, égale quantité de fritte de criftal'& de celle de roquette , ce qui donne une couleur d aigue-marine qui n’eft guere moins belle ; ce¬pendant pour la plus parlaite, il ne faut que de la fritte de criftal.
Remarques de Kunckel fur le Chapitre XXII.
L’Auteur recommande dans ce Chapitre de prendre de la meilleure *tte de criftal pour faire un verre d’une belle couleur d’aigue-marine , tt*ais cela n’eft point eflentiel ; il fuffit d’employer un beau verre blanc dans lequel il n’entre point de magnéfie ; quand le verre feroit un peu Verdâtre, cela ne feroit point de mal, puifqu’on doit lui donner une Couleur au moyen de la poudre qu’on y met. Il faudra feulement en ^ployer proportionellement à la couleur qu’on voudra donner. Il hiffira , en ajoutant le fafFre , de faire attention qu’il y a, des efpoces faire plus mélangées de fable les unes que les autres; c’eft de cette Variété que naît la difficulté d’obtenir la couleur qu’on demande ; U feroit donc bon d’en faire d’abord eflai en petit ; furtotft fi l’on avoit Le cobalt pur: car fi dans le mélange de faffre & .d/’oripeau calcine on foivoit les proportions que donne notre Auteur, la couleur feroit trop foncée > j’en parle par expérience ; il ne faut donc mêler le faffre avec précaution, & n’en mettre que peu d’abord ; car on eft tpuj
l'ours maître d’en rajouter.