CHAPITRE XLII.
Maniéré de faire une ajfcz belle compofaion qui imite la Calcédoine.
L'on met dans un matras de verre à long col deux livres d’eau-forte; l’on y jette quatre onces d'argent mis en petits morceaux ( ou en lames minces ). En plaçant le matras auprès du feu ou dans de l’eau chaude, l’argent fe dilfoudra bientôt: lorfqu'il fera entièrement dilfout, mettez dans un matras tout jemblâble au premier, uneiiv. & demie d eau-forte ; vous y ferez difloudre fix onces de vif argent ; vous mêlerez enfuite les deux Solutions dans un plus grand vafe ; vous y ajouterez fix onces de fel ammoniac que vous y ferez fondre à une chaleur modérée: la dilfolution faite, vous y ajouterez de faffre broyé une once, de magnéfie demie once, & autant de ferret d’Efpagne : mais vous ne mettrez cette dernière matière que petit à petit, car la magnéfie fait gonfler le mélange , elle y caufe de l’ébullition , & la matière eft en danger de fortir des vaiffeaux ou même de l°s rompre. Vous continuerez l’opération, en mêlant un quart d’once de fafïran de Mars calciné par le louffre, ainfi que demie once d’écailles de cuivre calcinées partrois fois: vousy joindrez autant de bleu d'email & de minium-; vous prrlvé-
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riferez bien toutes ces matières féparément, & les mettrez dans le matras petit à petit & par dégrés , les remuant doucement, afin que ces poudres fe délayent exactement, & vous méfiant toujours de lefiFerVerfènce. Vous tiendrez le vafe bien bouché, & remuerez le mêlange doucement plu-fieurs fois pendant dix jours. Au bout de ce tems, vous mettrez le matras débouché au bain de fable, afin de faire évaporer l’eau-forte , ce qui peut s’exécuter en vingt-quatre heures. Il faudra obier- ver de donner un leu bien doux , car cela ell d’une grande importance; onpourra,fi l’on veut, adapter un ballon pour recevoir l’eau-forte; «5e on trou¬vera au fond du vafe une poudre d’un brun jaunâ¬tre que l’on confervera dans des vaiffeaux de verre.
Lorlque vous voudrez faire des calcédoines, ayez un verre de crifial bien pur , & qui foit fait avec des morceaux de vafes de criftal caffés ; car le verre fait avec une fritte nouvelle n’eft pas bon à cet ufage ; les couleurs n’y paroiffent point, parce quelles font abforbées par la fritte. Sur vingt-livres de ce verre réduit en poudre , vous mettrez deux onces & demie ou trois onces de la poudre que l’on vient d’indiquer ; vous l’y mettrez en trois fois, obfervant de bien remuer le verre en fufion ; il s’élève alors une efpéce de fumée ou vapeur bleue. Vous laiiferez enfuite re- polèr le verre pendant une heure : au bout de ce tems, vous mêlerez de la poudre pour la fécondé fois ; vous laiiferez cuire le mélange fans y tou-’
DE LA VERRERIE. 119 cher pendant vingt-quatre heures , au bout dei- quelles vous remuerez la matière ; & en enfailànt 1 effai, vous trouverez que le verre elt d’une cou¬leur qui tient le milieu entre le jaune & le bleu. On fait plufieurs fois recuire cet eifai au feu, d’où on le retire enfuite pour le refroidir; & l’on trouve ce verre d’une couleur d’aigue-marine & d autres couleurs fort belles.
Il faut tenir prêtes huit onces de tartre calciné comme il a été dit au Chapitre 40 , de la fuye de cheminée vitrifiée deux onces , & une demie once de faffran de Mars. On réduit ces matières on poudre, & on les mêle au verre en fonte à cinq ou fix reprifes ; l’on verra par ces ’additions le verre fe gonfler confidérablement, & tout fera en danger de feperdre, fi l’Ouvrier n’ufê de pré¬cautions; il faudra donc avoir foin de ne jetter cette poudre que petit à petit & par intervalles , & avoir l’attention de bien remuer le verre pour y incorporer la poudre. Lorfque l’on y aura tout mis, il faudra laifïer cuire le verre fans y toucher , pendant vingt-quatre heures ; au bout de ce tems l’on en formera un vafe que l’on fera recuire à plufieurs repriies dans le fourneau, & l’on verra lice verre a pris une couleur telle qu’on la délire, ü, quand il eft réfroidi, il offre à la vue tou¬tes les couleurs du jafpe, de la calcédoine ou de l’agathe Orientale, & que le vafe que l’on aura fait pour effai, regardé du côté du jour, paroiffe rouge comme du feu ; alors il fera tems de fe mettre à travailler la matière pour en faire des vafës tels que l’on voudra ; mais en les travail¬lant, il faudra avoir foin de les rendre unis 8c polis, & non pas en relief, car ceux de cette efpéce ne font point un bon effet : l’Ouvrier aura l’attention pendant qu’il travaille , de pren¬dre le verre qu’il a travaillé avec des pincettes, & de le faire fuffifamment recuire afin qu’il s’y forme des ondes & des effets de différentes nuances 8c couleurs. On peut figurer avec cette matière de grands plats ovales triangulaires ou quarrés à vo¬lonté, & les polir à la roue comme les pierres prétieufes ; car cette compofition prend fort bien le poli; on peut aufli s’en fervir pour faire dif-férents ornemens de cabinets, tablettes , &c. S’il arrivoit que le verre, au lieu d être opaque, devint tranfparent, ce qui gâteroit l’ouvrage ; ilfaudroit fufpendre le travail & remettre dans la compo¬fition du tartre calciné, de la fuye & du faffran de Mars, comme on l’a déjà dit; car par ce moyen il reprend du corps ; & en redevenant opaque, fies couleurs reparoiffent. Au refte , pour que les cou¬leurs foient bien fertantes , il faut que le verre ait été bien purifié pendant plufieurs heures> après- quoi l’on continuera le travail, comme il a ét§ dit auparavant.
Notes
Notes de Merret fur le Chapitre XL II.
Il me femble que la Calcédoine, le Jafpe & l’Agathe fe font de la même maniéré que le papier marbré qui fe prépare ainfi que le difent le P. Kircher,Livre X. de Luçe& timbra & le P. Schot d’après Kircher, partie I. L. V. Chrom. p. en Voici les procédés. Pour le papier marbré , on fait difloudre dans une liqueur convenable des couleurs qui foient de na¬ture à ne fe fondre que lentement ou point du tout dans toau, & qui ne fe raffemblent que fur le papier que l’on vçut colorer : c’eft de la même façon que des matières de différentes efpéces qui ne peuvent s’unir parfaitement9 donnent néceflaireinent différentes couleurs aux métaux. Qn pourroit citer plufieurs expériences de teintures qui.quel- ‘9ues fecoufles qu’on leur donne dans un vafe , occupent toujours la place qui leur eft propre. J’obferverai fur les troi$ maniérés que l’Auteur indique pour faire la calcédoine l0« Que les mêmes matières colorantes comme le faffre, 1^ niagnéfic , l’argent, l’acier , le bleu d’émail & le plomb, Quoique diverfement préparés , entrent toujours dans la Compofition de la calcédoine.
20. Que plus il entre de matières différentes dans cette compofition, meilleure elle eft; en effet, la première compofition de l’Auteur eft* plus Ample que la fécondé , & celle ci eft moins compliquée que la troiliéme. Audi donne-t’il la préférence à cette dernière.
3°. Que dans chacune de ces trois compofitions, il y a dos ingrédiens qui ne donnent abfolument aucune couleur verre, tels que le tartre , la ftiye, le fel ammoniac , &
4°. Enfin que de ces ingrédients il y en a qui font d’une nature onétueufe & greffe comme le plofhb, la fuye, le tar- tre > le bleu d’émail ; ce qui empêche l’union des matie- fes, & fait que le verre venant à fe réfroidir, elles fe répa¬rent les unes des autres & montrent differentes couleurs très-belles & très-vives; mais le grand art confifte à donner
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un degré de feu convenable , & à fuivre êtt opérant une bonne méthode. C’eft dans’L nièiïi? procédéque réfidele fecret du papier marbré. Le hard a fait trouver à Porta, lorfqu’il étoit occupé de toute autrg .chofe , le fecret de donner au verre différentes couleurs. »La chaux d’étain, » dit il, ôte au verre fa tranfparence, & lui donne diffé- » rentes couleurs ». Ln effet, quand on en tnetàdiverfes reprifes fur des verres qui ont été polis à la roue & expofés à un feu qu’on a allumé deffous, elle leur donne différentes couleurs, & les rend opaques ; car une partie fe change en pierre, l’autre fe colore & devient opale; mais il faut le retirer fouvent du feu , & continuer le travail jufqu a ce qu’on ait trouvé le point qu’on cherche.
L’Auteur nous apprend ici, ainli qu’en plufieurs autres endroits, adonner des formes & ligures différentes au verre ; pour la fatis faction du Lecteur, je vais dire ce que je fçais de plus curieux dans ce genre. Cardan, Liv. X. Chapitre ; 2. de rerum varietate, dit avoir vu un chariot de verre traîné par deux boeufs,fi petit que l’on pouvoit le cou¬vrir avec l’aile d’une mouche. Agricola de r.e metallicâ, Livre Xli.affure avoir vû à Murano des arbres,des vaiffeaux & d’autres ouvrages merveilleux en verre. M.Howel, pag. 39. dit avoir vû un vaiffeau de verre avec fa mâture, fes cordages , les voiles & tous fes agrêts , auffi bien qu’un homme armé fait de verre. Wortnius dans fon Mufaurn parle de petites ftatues d’hommes ftt de plufieurs autres figures en verre. L’i'glife de Saint Marc à Venïfe elt remar-quable en ce genre ; elk efl ornée en dedans d’ouvrages à la Mofaïque, où différentes hiftoires font repréfentées en cou¬leurs rapportées, avec de l’or appliqué en certains endroits.
Remarques de J. Kunckel fur le Chapitre X L11.
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L’Auteur preferit dans ce Chapitre une fort bonne maniéré de faire uncriftal qui imite la calcédoine* Le Doéteur Merretfe trompe y lorfqu’il dit que la luye & le tartre ne donnent aucune couleur au verre; ilcft vrai que ces matières par elles-mêmes ne colorent qu^ foibleraentj mais elles font très-utiles pour développer Sc faire paroîtr