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CHAPITRE XL III,
Seconde manière d'imiter la Calcédoine.
T' Je fis difloudre trois onces d’argent réduit en particules déliées, dans une livre d’eau-forte, & je laiflai la folution repofer dans un vaiifeau bien touché.
2°. Je mis pareillement à difloudre,dans un autre Vafe, cinq onces de mercure bien purifié, dans une livre d’eau-forte , & je làiflai le mélange à part bans un vaiifeau bien bouché.
3°. dans un troifiéme vafe , je fis difloudre dans Une livre d’eau-forte deux onces de fel ammoniac ; & la folution faite, j’y ajoutai une demie once de faffran de Mars, préparé par le moyen de l’eau-forte comme il a été dit livre I. Chapitre 19. Du ferret d’Efpagne préparé comme on l’a dit au Chapitre 14. Des écailles de cuivre rouges préparées delà maniéré qui a été preferite au Chap. 24* De l’oripeau calciné fuivant la méthode du Chapitre 21, de chacun une demie once ; je mis toutes ces matières, après les avoir pulvér'fées Séparément, petit à petit, & les unes après les autres, dans un matras : la fritte ne caulant pas moins d’effervefcence dans l’eau forte & ne la faifant pas moins enfler que le ferret d’Efpagne ou l’oripeau, il faut n’y mettre ces matières que petit à petit, féparément & à plufieurs reprifes , de peur qu’en venant à fe gonfler & à faire efler- vefcence , le vaifleau ne fe rompe. • Il faut donc de 1’ attention & de la patience.
4°. Dans un quatrième vaifleau je mis une livre d’eau-forte ; j’y fis fondre deux onces de fel ammoniac, & j’y verfai peu à peu, de peur de fraélure, une demie once d’antimoine crud réduit en poudre, & peu après autant de bleu d’émail ; outre cela j’ajoutai une once de minium & une demie once de vitriol purifié comme il a été dit ci- devant, après avoir eu foin avant toute chofe de bien broyer & pulvériièr ces matières.
5°. Je fis diffoudre dans une autre matras deux onces de fel ammoniac dans une livre d’eau forte ; j’y ajoutai deux onces de fafffe préparé comme il a été dit au Chapitre 12 du I. Livre , le quart d’une once de maqnéfie dé Piémont ; voyez le Chapitre 13. & demie once d’Ecailles de cui¬vre calcinées par trois fois , comme on l’a enfei- gné aux Chapitres 24 & 25-, avec une once de cinnabre, en obfervant toujours de broyer toutes ces matières & de ne les mettre que petit à petit dans l’eau-forte.
6°. Je fis difloudre dans un autre vafè deux onces de fel ammoniac fur une livre dJeau- forte ; j’y mis une demie once de cérufie qui enfle con- fidérablement & fait effervefcence avec bruits ny de la lacque rouge des Peintres, deverd-de-gris, & d’écailles de cuivre qui tombent de l'enclume, de chacun demie once , avec les précautions in¬diquées ci-devant.
Je mis à part ces fix matras pendant deux jours, & j’eus foin de les remuer fix lois par jour , afin que l’eau-forte pût entrer & pénétrer dans ces ma¬tières; car c’eft de cette façon qu’elles font dif- pofées à communiquer leurs couleurs au verre. Au bout des douze jours , je verfiii lentement cesfix bouteilles avec leur mélange dans un grand bafîin, lutté par le fond , après avoir bien agité remué chaque matras ; je mis ce baflin fur des cendres chaudes, & je commençai par donnerun leu très-doux , qui en vingt-quatre heures fit éva¬porer tout le diflolvant : il faut obferver que le leu doit être bien doux , furtout à la fin de l’opé¬ration , de peur que là violence ne vienne à gâter les poudres. Si on veut épargner l’eau-forte , on mettra un chapiteau 8c on adaptera un récipient au vâifleau , obfervant d’en bien luter les jointures. Lorfque la liqueur eft enlevée, foit par évaporation foit par dillillation , il refte au lond du vale une Poudre d’un rouge brun que l’on réferve à part
dans un vaifleau fermé pour en faire ufage.
Je mêlai cette poudre ou ce mélange à du verre fait avec des morceaux de verre cafte com¬me il a déjà été dit en parlant de la calcédoine, car une nouvelle fritte ne vaudroit rien dans le cas dont il s agi,t, comme je l’ai éprouvé. Si l’on fe
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ferc de morceaux de criftal, l’ouvrage n’en fera que plus beau; au relie , je fui vis dans cette fécondé maniéré les mêmes dofes , & j’obfervai les mêmes réglés pour les intervalles, que dans la première ; je donnai du corps à la matière en y mêlant du tartre calciné & de la fuye de cheminée vitrifiée , avec du faffran de Mars fait par la vi¬naigre ; je mêlai toutes ces chofes lentement & petit à petit, car cette poudre fait gonfler extra¬ordinairement la matière du verre ; & après avoir laide le tout-en repos pendant vingt-quatre heures, je fis travailler un vafe , & l’ayant bien fait recuire au fourneau , je regardai s’il avoit acquis une cou¬leur opaque , & fi j’y trouvois la variété de cou¬leurs & les différentes ondulations que je deman- dois ; lorfque j’eus réuffi, je fis travailler la matière avec des pincettes, & l’on en forma des vafes de différentes figures. Cette efpéce de calcédoine m’en a donné d’une grande beauté.