Chapitre XLVI.
Maniere de donner au F erre un jaune d’or*
ON prendra deux parties de fritte de criftal faite avec le tarie , car elle vaut beaucoup mieux que celle qui fe prépare avec le fable, & deux parties de fritte faite avec la roquette 6c le tarie ‘ on pulvérifera le tout, & on le mêlera exacte¬ment; fur cent livres de cette fritte, on mettra une livre dtartre rouge en gros morceaux 6c bien iy compares; on pilera bien ce tartre brut, tel qu’il le trouve dans les tonneaux, celui qui eft en Poudre ne vaudroit rien ; on le paflera par un tamis ferré ; & fur chaque livre de tartre, on Mettra une livre de magnéfie de Piémont<?, préparée comme on l’a dit au Chapitre 13. On mêlera bien ces deux poudres ; on les joindra enfuite a la fritte fufdite ; l’on mettra ce mélange dans ‘les creufets , & on le lailfera cuire au fourneau pendant quatre jours ; mais comme ces poudres gonflent confidérablement le verre , il fera bon de ne les mettre dans les creufets que petit a petit, de peur que le verre ne fe répande dans Ie fourneau. Lorfque le verre fera bien purifié , & fe fera bien coloré ( ce qui arrive d’ordinaire bout de quatre jours ) , l’on pourra fe mettre a le travailler & à en former des vafes & d’autres Ouvrages; la dofe de matières que l’on vient d in¬diquer lui donnera une couleur fort belle; fi on la vouloit plus claire, il n’y auroit qu’à mettre ftioins de poudre colorante : cependant la dofe flue j’ai prefcrite donne une couleur très-agréable, lorfque l’on veut faire des ouvrages minces & déliés : car les ouvrages délicats de Verrerie demandent une plus forte dofe de matière colo¬rante que les ouvrages grofliers.Mais lorfque l’on a a travailler avec la grofle canne des Verriers que Italiens nomment da fpiei, il faut moins de tartre, & feulement la moitié de la dofe de ma- gnéfe, en obfervant exaéfement les reglesprécé-
dentes clans tontes leurs circonfiances, & mêlant la poudre à la fritte, avant quelle foie en fufion: l’on aura ainfi un beau jaune d’or. Si l’on veut en¬core quelque chofe de plus beau, au lieu de la fritte de roquette , on ne fe fervira que de la fritte de criftal. Cette méthode m’a toujours parfaite¬ment réuffi.
Remarques de J. Kunckel fur le Chapitre XLVI.
Il eft queftion dans ce Chapitre de donner au verre une couleur d’or ; le procédé que l’Auteur décrit ici, m’a coûté dans l’eflai plus de peine qu’aucun de ceux qui lé trouvent dans l'on livre , parce que les dofes font fauffes ; je crus d’abord que la faute venoit de latraduélion La¬tine ; mais l’ayant confrontée à l’original Italien, je vis qu’il y avoic la même erreur , foit que ce fût une faute d’impreflîon foit que l’Auteur lui-même fe fût trompé. En effet, la dofe d’une livre de tartre eft beaucoup trop foiblepour cent livres de fritte ; d’un autre côté , celle d’une livre de magnéfie eft beaucoup trop forte fur une feule livre de tartre. Il eft vrai qu’une livre ou cinq quarterons de magnéfie , fufîife.nt pour cent livres de fritte ; mais lix livres de tartre fuffiront à peine, furtouts’il n’eft pas bien rouge & qu’il tire fur le noir : je fuis dans l’ufage de mêler fur chaque livre de tartre , un quarteron de charbon de bois de hêtre, d’aulne ou de bouleau, cela contribue à le rendre beau. Il faut fe garder de remuer beaucoup avec un fer, ce verre lorfqu’il eft en fonte, comme on le pratique pour les autres efpéces de verre ; car cela le fait gonfler au point que quand bien même le pot n’en feroit rempli qu’à moitié, il ne laifferoic pas de fuir ; il ne faut point y toucher , mais le travailler comme il eft.. On peut fe fervir avec fuccès dans l’opération dont il s’agit ici du mélange ou de la fritte que j’ai indiquée à la fin du premier Livre ; il faut feulement avoir grand foin que le fel que l’on y employera ai; été purifié avec foin.