ART
DE LA
VERRERIE.
SOMMAIRE DU QUATRIEME LIVRE.
N donne dans ce Livre la maniéré défaire le Verre de Plomb & de calciner ce Métal; celle d'avoir la couleur d’Eme- raude,de Topafe, le Bleu-Cèlejle dd /ligue-Marine,du Grenat, le Saphire, le Jaune d’or, & de tirer le Bleu dd Outremer du Lapis Lazuli ; avec le moyen de donner au Criflalde Poche une couleur durable de Rubis balais, deTopaJe , d'Opal, d’Héliotrope & autres teintures fort belles.
CHAPITRE LXL
Maniéré de faire le Verre de Plomb.
ÎJE Verre de Plomb eflune matière connue , peu de gens dans l'Art de la Verrerie. C’eft 5 orfaifil e(| queflion de colorer, une des plus qui le préparent dans le fourneau. On s’en our imiter toutes les pierres prétieufes de nt ; ce qui ne peut pas toujours s’exécuter Jl1 avec le criftalni avec d’autres efpéces de verre. Si on n’y fait attention, ce verre pénétre & pafle'
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au travers de tous les vaiiîeaux 8c fe réduit en chaux ou en cendres ; c’ell ce qui m’a déterminé à donner ici fur fa préparation & fur fon emploi des régies fi claires & fi détaillées que je me flatte qu’en les fuivant on préviendra tout danger ; tout le fecret confifte à bien calciner le plomb & à le recalciner enfuite de nouveau ; car plus il effc calciné de fois, moins ilfe réduit faci-lement & moins il cft en état de détruire les vaif- feaux. Il faut l’éteindre fouvent dans l’eau & le faire refondre enfuite : toutes les fois qu’on trou¬vera quelques parties de plomb réduit, au fond du creufet, il faudra avoir foin de l’ôter ; car fans cela il perceroit le fond du creufet, ou le brife- roit; il fe giifieroit avec le verre par les fentes les plus déliées; & le creufet demeureroit vuide : pour prévenir tous ces inconveniens, on rfaura qu’à fuivre exactement les régies que l'on va donner.
Notes de Merret fi'.r le Chapitre L XI.
Le verre de plomb n’eft point d’ufage dans nos Verrerie? d’Angleterre, acaute de fa trop grande fragilité; mais 1» maniéré de le faire eft affez connue des Potiers de terre qui s’en fervent pourvernifier leurs poteries : fi cette efpécede verre avoit la même folidité que le verre criftallin, il feroh fuperieur à tous les autres à caufe de la beauté de fa cou¬leur; c’eftceque fçavent tous ceux qui connoiflentle plomb» & l’on peut s’en convaincre par l’expérience du P. Kircber‘ Il nous dit, LivreI. Partie 3. Chapitre y de lace & wmbr#) n que , fi on met fur une cuillère de cuivre , du mereftf » fixé ou congelé par la vapeur du plomb, & qu’on l’expof0 »à un feu de charbons ; on apercevra aulTitôt dan$ la m3' »tiers
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” tiere fondue, une grande variété de couleurs fi vives & *’fi éclatantes, que toutes les autres couleurs ne peuvent ” leur être comparées.
Je me rappelle qu’étant une fois occupé à réduire de la pérufe en plomb ; en remuant la matière avec un fer pointu , il s’y attacha , outre quelques grains de plomb , une affez grande quantité d’une matière fragile & opaque qui étoit d un bleu, d’un verd & d’un jaune incomparables. Le plomb a*nfi fondu donne par l’addition d’un peu de fouffre, °utre un bleu fupérieur à tout autre que j’aie vû de ma vie, d autres couleurs durables, & qui fe font confervées déjà depuis douze ans.
Libavius, dit aufeptiémeLivre, Chapitre 20. deTranf- mutatione metallorum, que les fondeurs de métaux, &ceux 9ui ont l’intendance des raffinages, changent tous les jours du plomb en verre, & que ce verre devient noir, rouge, jaune , &c. fuivant que le plomb a été calciné ou réduit par la calcination foiten litharge, foit en cérufe,foit en mi¬nium.
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pculfc la calcination plus loin, il faut néceflairement qu’ils fc rompent.
La réduction du plomb prouve allez que de tous les métaux , le plomb eftlefeul qui fe porte vers le bas> tandis que tous les autres nagent a la furface i mais on en a encore une preuve très-évidente dans les creufets des Or¬fèvres & des Fondeurs,dont le poids & la couleur marquent qu’ils fe font chargés d’une quantité de ce métal.
Il effc certain que les coupelles ou tefts fe chargent de quelques parties d’argent ; c’eft pour cela qu’on eft obligé quelquefois de réitérer la fonte & de donner un feu violent: il n’eft pas douteux que la même chofe n’arrive aux creu¬fets ; & quoique les Directeurs de la Monnoye Royale
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>armi nous, n’en conviennent pas vis-à-vis de ceux qui eur apportent de l’or en lingot , il n’eft pas moins vrai que ceux qui font à la tête des Orfèvres ne trouvent le fe- cret d’en retirer l’argent par une fonte réitérée ; mais on n’en peut retirer qu’une très-petite quantité de cette ma¬niéré , & cela par le moyen du plomb dont les Raffineurs ôc leurs Directeurs fe fervent. Il n’y a de tous les métaux que l’argent qui s’attache au fond du Teft ; la fé¬condé raifon de cet inconvénient pourroit être que le plomb’eu s’infinuant dans les pores des creufets , s’y gliflant petit à petit, & traverfant, à caufe de la pefanteur de fes parties, le fond de ces vaiffeaux, fait des ouvertures par où le métal peut s’écouler.
Notre Auteur ne parle pointées hyacinthes qu’on peut faire avec le verre de plomb, ni des verres d’étain & de cui¬vre ; mais Porta fupplée à ce deffaut, Livre 6 , Chapitre 7. où il dit ; «que pour avoir une hyacinthe fa&rice qui diffère « peu de la véritable , il faut mettre du plomb dans un »creufet faite! une terre fort dure, & i’y iaiffer pendant quel- ” ques jours; que de cette maniéré le plomb fe vitrifie , &
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" imite la couleur de l’hyacinthe : & au Chapitre 9. .Tettez, "dit-il, dans un creufet de terre , quifoit en état de refif- “ ter au feu , une livre d'étain; laiffez-la fondre; mettez-la " enfuite pour trois ou quatre jours au fourneau de Verrerie " avec des tenailles de fer ; au bout de ce terns , vous re¬tirerez le creufet ; après qu’il fera réfroidi, vous le romprez, "ôc trouverez vers la furface un verre d’une couleur auHi "jaune que le faffran , mais trouble: en laiflant ce verre " longtems au feu, le jaune deviendra plus beau; toutes "les expériences que j’ai faites ne m’en ont point fourni de " plus parfait : lorfqu’on veut faire ufage de cette couleur, "ilfaut non-feulement la piler dans un mortier, mais en- " core la broyer bien exactement fur le porphire. Si la cou- " leur en eft trop vive , on pourra la tempérer eu y ajoutant " du verre.
»11 y a , ajoute-t’il, encore une maniéré de préparer le " verre d’étain ; c’eft de prendre neuf parties d’étain calciné, " fept parties de plomb, deux de cinnabre , une demie " partie de fcrret d’Ëfpagne & autant de tartre, une partie " de pierre hématite & de laque rouge des Peintres, & de 8) procéder enfuite de la maniéré accoutumée. »
Voici ce que dit le même Auteur, au Livre 17, Chap. 7, de la maniéré de faire le verre de cuivre. » Faites diffou- » dre de l’argent dans l’eau-forte ; jettez dans la folution de » petites lames de cuivre ; l’argent s’y attachera : après « l’avoir recueilli, & feché, vous le mettrez dans un creufet » au fourneau de Verrerie; en peu de jours il fe changera " en un verre de couleur d’émeraudes ; chacun pourra faire "les mêmes épreuves fur les autres métaux-; il me fuffit ” d’avoir frayé le chemin ».
Remarques de J. Kunckel fur le Chapitre L X1.'
, Il n’y a point d’autres obfervations à faire fur tout ce Livre IV. que de rappeller celles que j’ai déjà faites fur le précédent en parlant des couleurs, celui-ci contenant la même chofe; on peut furie Chapitre
» s’en tenir à ce que- dit Merret, que le verre -.de plomb n’eft ni ntile ni d’uiàge , parce que fon peu de confiftance empêche quo'n n’én puifle former des vafes & qu’on ne puifïè le tailler pour en faire des pierres propres à imiter les véritables ; joignez à cela que le poids de ce verre eft bien plus confidérable que le leur; au relie , il faut con¬venir que l’on peut en tirer de très-belles couleurs, parce qu’il eft tendre & qu’il ne peut foutenir un degré de feu aufli violent que les autres eipéces de verre ; d’ailleurs il eli aifé à tout le monde de préparer ces couleurs dans fa propre maifon , au moyen d’un fourneau dont je donnerai plus ioinia defeription.