Chapitre LXXIV,
Maniere de donner au Criftal de Roche , la couleur d'un Rubis Balais, du Rubis , de la Topaje, de ropal,
On prend d’Orpiment bien jaune & d’arfenic' blanc , de chacun deux onces; d’antimoine erud? & de fel ammoniac, de chacun une once; on pulvérife ces matieres: on les mêle avec foin;. on les met dans un creufet affez grand ; en pofe
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pandeftus d’abord les morceaux de criftal deroclie les plus petits, enfuite de plus grands qui n’ayent ni caches ni défauts; on couvre ce creufet d’un autre creufet renverfé , au fond duquel il y aie une ouverture de la grandeur d’un pols, ce qui fe pratique afin que la fumée qui s’éleve des ma-tieres , étant contrainte d’aller droit, colore les morceaux de criftal en paffant, mieux que ft elle ailoit obliquement & fortoit paries jointures des creufets que i'on aura foin de bien lutter. Le lut étant feché, on metra ces creufets au milieu des charbons , de maniere que le creufet de delfous foit entierement couvert par les charbons, & celui de delfus a moitié. On lailfera pour lors le feu s’allumer petit a petit & de lui même, fans fouffler, a moinsquil ne vint as’éteindre ; il faut que les charbons foient grands & deboisde chêne; & l’on procédéra comme il a été dit dans le Chapitre précédent, en fe garentiifant de la fumée qui eft très-dangereufe : il faut faire enforte que les charbons une fois allumés fe confument; fans cela , l’opération ne pourroit réüffir ; on laiffera la fumée &c le feu celfer d’eux-mêmes ; l’on pren-dra garde quil n’entre ni vent ni air froid, car cela feroit caffer les morceaux de criftal: lorfque tout fera réfroidi , la plus grande partie du criftal fera teinte de couleur de topafe, de rubis , de chryfolithe, d'opal, d’afterie, & fournira un trés beau coup d'oeil. On choiftra les morceaux qui feront |es mieux colorés; on les polira a la roue, & ils prendronj
prendront un éclat que n’ont peut-être pas les vraies pierres prétieufes , fans rien perdre de la duretéqui, comme 1’on fcait,eft afïèz grande dans *e criftal de roche. En montant ces criftaux en or & naettant une feuille defïous , ils feront un très- ^eleffet; mais on aura foin de choifir de 1’orpi- p^ent bien jaune , car c’eft de la que depend toute 1 °pération ; & 1’on obfervera exaélemcnt les pré- Cautions qui ont été indiquées. Si 1’opération ne reuflit point la premiere fois , on recommencera , & 1’expérience ne manquera pas d’avoir le fuccès
Notes de Merret Jur le Chapitre L X XIV.
Cette manierede colorerle Criftal de Roche, eftpro- Pre a nous faire connoitre la vraie maniere dont 1’Opal, Agathe , le Jafpe , la Chryfolithe, la Calcddoine, leMar- bre, &c. prennent leurs différentes coulcurs naturelles: elles proviennent de 1’exhalaifon desmindraux,qui agit furla pierre déja formée, de même que, dans 1’opération dontil s’agit, les morceaux de criftaux empruntent leur couleur de 1’orpi- ttientmis en mouvement & pouffé parl’a&ion du feu. Si la uiatiere de la pierre, liquide dans fon commencement & Par confequent capable de prendre la teinture, fe trouve dans un moule ou dans une matricequine re^oive qu’une eule exhalaifón , fa couleur deviendra fimp!e& uniforme; s '1 y en vient plufieurs différentes , la couleur en fera va- ri(^e fuivant la diverfité des exhalaifons qui s’éléveront. La vdrité de ce principe feprouve par une observation que 1’on Peut faire très-communémentfur les grandes pierres tranf- Parentes; c’eft que quelquefois une partieen a étécoiorée Pat la nature, tandis que 1’autre ne 1’a point été du tout & c trouve blanche & tranfparente comme de ia glacé; de
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maniere que toute la pierre reflemble a de 1’eau congeUo dont la partie qui a fenti la premiere 1’efiet de la congélation a requ en même terns la couleur, tandi que la même chofe n’eft point arrivée au refte. Cephenomene fe remarque plus ordinaire ment dans lesaméihyftesque dans les autres pierres pretieufes: les unes ne lont colorces qu’en partie 5 les autres ne le font point du tout, d’autres ont des couleurs différentes , fuivant le lieu ou elles ont pris naiffance; cela eft toutefois commun a 1’améthyfte avec 'd’autres pierres prétieufes.
Remarques de J. Kunckel fur les Chapitres L X X111. & LXXIV.
J’ai éprouvé les deux opérations indiquées dans ces deux Chapitres ? & je eonviens qu’elles donnent de très-belles couleurs ;mais le Criftal’ de Roche y devient comme froilïé , & il s’y fait de petites fentcs & éclats qui empcchent que Pon ne puiffe venir a bout de le bien tailler; cela eft d’autant plus vrai qu’il eft difficile qu’un morceau de criftal reunifte les deux qualités d’etre bien coloré & d’etre affez dur pour pouvoir foutcnir le poli: il eft néanmoins certain que ft on pouvoir le conferver en entier & en gros morceaux 5 cette maniere feroit la zneilleure pour imiter de belles pierres.
Quant a ce que 1’Auteur dit en avoir fait tailler de belles pierres r je ne trouve pas que la chofe réuffiffe de quelque fa$on qu’on s’y prenne , comme cela nfcft arrive. Il eft vrai qu^il y a quelques mor¬ceaux de criftal qui prennent urie belle couleur de rubis ;maiscn ob* fervanc la chofe deplus prés, je trouve que cette couleur ne vient que de la fumée de Porpiment, qui s’eft gliftëe dans les petites crevaflesou fentes deliees dont nous venons de parler, & ya formé une efpéce de feuille: ft Pon venoit a faire fondre ces criftaux , ou qu5on en gratae lafurface, le beau rubis difparoitroit; d’ou Pon voit quece n eft ici qu’un tour d’adreffe; & il en eft des autres pierres comme du rubis; voila ce que j’ai cru devoir faire obferver fur ces deux Cha¬pitres.
Comme il eft fait mention au Chapitre 74 de 1’arfenic blanc ou criftallin qui n eft autre chofe qu un arfenic blanc fublimé, quoiqu’il donne dans une fublimation des criftaux plus blancs que dans une autre; j’ai cru devoir rappeller fur a formation ce que j’ai dit dans roeS remarques lur le Chapitre 1 du premier Livre; & comme on pour- roit être curieux de connoitre 1’origine de Parfenic jaune & rouge ? quelle peut être la difference entre les trois efpéces d’arfcnic, & en-
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quoi elle confide; je vais répondre a ces demandes, quoique j^en aye traité déja dans un autre ouvrage.
L’arfenic jaune ou citron fe fait dans des atteliers deftinés a ce tra-vail, en raêlant a ioo livres de farine d’arfenic, 1 o livres de fouflre jaune, & en mettant ce melange a fubliraer; tout le monde peut s’en convaincre par l'expérience.
Pour faire l’arfenic rouge ,ons’yprend prefque de la même maniere, avec cette difference qu’on joint au fouflre une certaine quantité d’un minéral qu’on nomme en Allemand Kupffèrmickel. * Ces ma- tieres, lorfqu’on les fublime avec l’arfenic, donnent un arfenic rouge.
on appelle en Allemand , n’eft autre chofe qu’une ile, grife, tirante un peu sur le rouge, &do.it la couleur a aflez de reflemblance avec celle du cuivre ; alle contient beaucoup d’arfenic , fort peu de fouffre & encore moins de cui-vre ; quelquefois il s’y trouve un peu de Cobalt. Son nom Allemand peut fe traduire une minera. cupri fpuria. Voyea; la Mineralogie de Walierius.
Fin du quatriéme Livre.