Art de la verrerie
Sommaire du cinquiéme livre.
Unieke de faire des Verves qui imitcnt l'Emeraudc, la Topafe , la Chryfolithe , le Hyacint > le Grenat > le Saphire, le Beril ou l' Aigue-Marine & d’autrez couleurs, de fapon queles ne different quen dureté des pierres prétieufes ; avec celle de pYéparer les pates fufdites par les moyens chimiques dont sefl fervi IJdac le Hollanders ? & de leur donner ainfi une beauté furprenante
Chapitre LXXV
De la maniere de contrefaire les Pierres pre'iieujes.
C’est un amufêment fiagréabie que de pou-Voir imiter les Pierres prétieufes^que jepen fe qu’il V a peu de perfonnes qui ne doivent être curieulès d’en apprendre la maniere: C’eftce qui me deter-
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mine aen donner les procédés dans ce Livre, En les fjivant , i’on compofera des pierres faétices qui ne le céderont qu’en dureté aux pierres na¬turelles ; & je ne doute pas que d’habiles Artiftes ne poulfent leurs recherches beaucoup plus loin que je ne fais ici.
La maniere la plus admirable eft celle d’lfaac le Hollandois; j’en ai fait le premier des expe¬riences. Il eftvraique c’eft un travail difficile & qui de mande du foin; néanmoins, je penfe que la beauté & la folidité del’ouvrage, feront ou- blier les peines qu il en coüte pour y parvenir, furtout lorfquel’habitude aura diminué ces peines.
Notes de Merret fir le Chapitre LX XV.
Toutes ces méthodes ne font d’aucune utilité; c’eft feu- lementune porte ouvefte a la tromperie & a la fraude. Au refte, comme il n’eft point douteux que l’art d’imiter par- faitement les Pierres prétieufes ne dut procurer a fon In- venteur plus de gain que toutes les autres efpéces d’adulté- rations, fans faire aucun tort au genre humain; peut-être mêmeenlui rendaatun fervice reel, fi nousencroyonsles Chymiftes; & comme les Loix ne féviffent point contre cet Art, fi ce n’eft dansle cas oil un Jouaillier s’aviferoitde vendre une pierre fauffe pour unefine , il n’eft pas furpre- nant qu’on fe foit donné a cet effet tant de foins & de peines, 6c qu’on ait faitufage de tant de pates, de feuilles , de teintures , de doublets , 6c d’autres fecrets , parmi lef- quels ceux de notre Auteur me paroiftent les meilleurs 6t les plus naturels. Ferrantus Imperatus rapporte au Livre XX. Chapitre 14, qu’un Jouaillier de Milan vendit une fois un doublet neuf mille ducats (prés de 90000 liv. argent de France)& que la tromperie fut longtems fans fe découvrir»
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Les Chymifies one donné a ces fortes de pates un nom dranger, & qu’on netrouve que chez eux; ils les appellent ( Emaux); c’efi ainfi qu’on le lit dans Libavius ; taan Ifaac Glauber les appelle Sbnaufas. Je n’entrepren- drai point dedécider fic’eft avee raifon que Voflius dérive Amaufa de Mofaïque ; cette étimologie paroit aflez proba¬ble, Hermolaus Barbarus dit de la Mofaïque, y que c’eft un ouvrage de rapport, compofé de plufieurs pierres de dit férentes efpéces & couleurs , dont l'aflemblage forme toutes fortes de figures & de deffeins. On faifoit autrefois de cette maniere & avec des morceauxde marbre rapports 5 des figures d’animaux; on y mêloit menie quelques fois de V br ? fuivantle témoignage de Pline, Livre 3 6 , Chap. I. & de Seneque , dans la 86c. de fes Epitres. Philander Patle dans fes remarques fur le feptiéme Livre de Vitruve, Oiapitre premier, d’un refte de pavé qu’il avoir vu, 6c
lequel on avoit repréfenté en petits morceaux de fiiarbre de la groffeur d’une féve 6c de différentes cou- *eursj des poiifons &c d’autres figures femblables. Aujour- d’hui, le verre coloré a pris la place du niarbre 6c des autres pierres. Libavius dit «que les Auteurs Saralins 1’appellent •> 7 er ra Saracenica»; mais il femble avoir confondu les pates 6c les émaux. 11 eft vrai que ces deux chofes ont ueaucoupde rapport; ce qui en fait furtout la difference,c’eft que les pates fe préparent avec du criftal auquelon ajoute &n peu de verre, & acquiérentla tranfparence des pierres prëtieufes; au lieu que les émaux ont poer bafe le plomb ou étain calcinés , ce qui joint aux autres matieres qui y entrenf *eur donne de ï’opacité &c de la confiftence.
fïlauber au Livre 4 de fes fourneaux Philofophiques s attr’ibue au hazard la découverte des pates,6c prétend qu’elies été trouvées par des gensqui, en travaillant a réduire a u’i feu violent les métaux calcinés, avoient remarqué üs fe vitrifioient; il ajoute d’après Ifaac le Hollandois Sue,fii ’on vienta réduire les métaux vitrifies , on en obtient 1311 métal de plus grand prix qu’auparavant; que 17 r donne teinture, & que 1’argent donne de for; que le cuivxe
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donne de Fargent, &c. & qu’on pourroit faire un verre bien excellent des mdtaux , fi on avoit des creufèts aflez forts.
Quanta ceque PAuteur ajoute fur la preparation du crif¬tal,lur fa formation & fur la facon de Ie teindrej ce font des chofes communes & fort connues de tout le monde. Rewarques de J, Kunckel fiir le Chapitre LXXV,
Le contenu de ce Livre, malgré les grandcs promefiesde Neri, ne mérite pas la peine qu’on yfafle des obfervations, attendu que les pierres de compoGtions formées des pates indiquées par PAuteur, lont non-feulement trop pefantes 5 mais encore trap tendres & trop molles, autre inconvenient plus grand que le premier ; puifque cette mollefie les empeche de prendre le poli & les rend toujours graifleu* fes. Cependant je ne laiflerai pasde continuer mes remarques , en fa¬veur de ceux que la facilité qu’il y a a faire ces fortes de pates pourroit tenter de les eflayer.