CHAPITRE XCI.
Maniere admirable & peu ufitèe jufqu’a préfènt de faire les pates pour imiter toutes fortes de pierres prétieufos.
J’ai recu ce procédé pendant mon féjour en Flandres, d’Ifa ac le Hollandois; je ne le croispas ert ufité , paree qu’il eft très-pénible ; mais c'eft la plus belle opération qui loit parvenue Jufqua moi ; auffi je la donnerai d’une fason claire & fi détaillée , que tout nomme exercé ans les opérations Chymiques, pourra la comprendre & la mettre en execution.
Mettez dans un grand matras de verre , de la cé-Ue réduite en poudre très-fine ; verfez pardeflus
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du vinaigre diftillé , de facon qu il furnage la valeur de quatre travers de doigt; il ne faut y verfer le vinaigre que lentement, paree qu’il fe fait une effervefcence confidérable ; 1’on met en¬fuite le matras fur des cendres chaudes, Sc 1’on fait évaporer un huitiéme du vinaigre; on óte le refte du feu ; & lorfqu’il eft réfroidi, on le dé- cante doucement; le vinaigre devenu coloré & chargé de fel fè garde a part dans un matras de verre; 1’on verfe de nouveau vinaigre fur la cérufe; on 1’évapore & décante comme la premiere fois on continue le même procédé jufqu’a ce que le vinaigre ne prenne plus de couleur , ce qui arrive ordinairement après fix fois ; on filtre pour lorS avec foin tout le vinaigre coloré ; on met la li¬queur filtrée dans un vale de verre; on la fait éva" porer jufqu’a ficcité ; il refte au fond un fel blanc de plomb que 1’on met dans une cornue de verre lutée, au bain de fable, pendant vingt" quatre heures a un feu modéré , obfervant de couvrir de fable la cornue entiere fans qu’il en paroifte que le col quidoit être ouvert; on retire enfuite la cornue ; on broye le fel : s’il eft d’une rouge femblable au cinnabre, c’eft une preuve que l'operation a été bien faite; fi au contraire il eft jaune, il faut le remettre dans la cornue & lui donner un feu aftez fort pendant vingt-quatre heures, fans cependant qu’il entre en fufion; & il deviendra rouge comme du cinnabre.
Lorfque ce plomb rouge a été calciné de cette
[197] ïftaniere , on le met dans un matras de verre; on Verfe pardeffus du vinaigre dillillé , comme la premiere fois ; & l’on procédé de la même maniere , jufqu’a ce que tout le fel en ait été extrait, &qu’ilait été féparé de fes feces; confèrvez ce vinaigre dans des pots vernilfés, pendant fix jours, afin que les faletés & les matieres hétérogenes fe précipitent au fond des pots; au bout de ce tems Vous le filtrerez, pour en óter les faletés qui fe- ront reftées au fond; vous le mettrez enfuite dans une bouteille bouchée; il fe formera dansle fond, un fel blanc, doux & femblable au fucre; après que vous aurez bien lèché ce fel, vous le diilou- drez dans de i’eau ; vous garderez cette folution pendant fix jours dans des pots, afin que tout ce quipourroitêtre refté de matiere terreftre puilïè fe dépofer au fond du vafe ; vous filtrerez alors Cette eau chargée de fel; vous la mettrez après a évaporer , & vous trouverez au fond un fel blanc comme de la neige : vous réïtérerez ces folutions & ces filiations dans 1’eau com¬mune , jufqu’a trois fois; & vous aurez par ce moyen un fiicre de faturne qui, calcine au bain de fable pendant plufieurs jours, prendra une cou- mur plus rouge que le cinnabre, & formera une cbaux impalpable : cette chaux de plomb ainfi Calcinée & purifiée, fe nomme fouffre de plomb.
Si Ton veut avoir des patcs qui imitent 1’éme- raude , le faphire , les grenats & la chryfolithe , m bleu ou d’autres couleurs, on fe fervira de cette
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chaux de plomb , de la même facon & dans les memes dofes que 1’on a louvent indiquées , ex- cepté que l’on fubftitue rapour lors au minium, ce fouffre de plomb qui lui eft bien fupérieur & qul donne des pates bien plus belles , comme je l’ai fouvent éprouvé.
Les pates faitesavec ce fouffre n’ont ni lagrailfe ni le jaune qui terniftent les autres & les gatent a la longue; 1’aiun ne les obfcurcitni ne les tache. Il ne faut done point regretter la peine que i’on prend; eile eft bien compenfée par la beauté de i’ouvrage.
Pfotes de Merret far le Chapitre XCL
Notre Auteur fe fert de deux moyens pour prdparer le fucre de Saturne ; l’un , par la cérufe ; l’autre , par le mer- cure, comme on le verra au Chapitre 123. dans cet en- droit, il calcine le fucre de Saturne & en forme un nouveau fucre. Les Chymiftes fe fervent ordinairement de minium, ou de plomb calciné; mais cela revient au même : on a cependant obfervé que le minium produit une plus grande quantité de fel; & cela n’eft point furprenant, attendu qu’il a efluyd une calcination plus forte que toutes les autres chauX de plomb: 1 on fefert toujours de vinaigre de vin diftillé. Beguin veut que ce foit de fon flegme; mais fon Comment tatcur avertit de ne'gliger cette obfervation.
Je trouve ici deux chofesa remarquer: la premiere, qu’il vaut mieux & qu’iieft moins couteux de verier du vinaigre diftiile a chaque fois fur de nouveau minium , que fur celui qui a déja feryi; car le minium eft a bon marché , & dès la premiere fois onen extrait tout le fcl, fans compter que par la 1’on épargne du vinaigre. La feconde concerne une maniere toute nouvelle de procéder, que je n’ai vue dans
rp? SUctih Chymifte, que l’expérience m’a fait trouver en °pérant, qui eft plus prompte , produit leffet que Ton de- 'ttxande en un moment , vaut même mieux que celle qui eft °rdinairement fuivie, & quej’ai appliquéeaux ufages de la Chirurgie. Voici cette maniere.
Prenez des lames de plomb fort minces, óu ce qui vaut encore mieux du plomb qui a été long-tems aux vkres; dif. folvez le dans Feau fr ; la bonne eau forte diffoudra un poids égalaufiende plomb» le plomb diffout formera en peude tems au fond duvafeun fucre. J’en ai fait une bonne quanrité , en une de mie heure de tems, au bain de fable ou iur les cendre>chaudcs. Il n eft point douteux que ce Procédé ne foit plus court 6c moins couteux ; maisje ne >uis point dire quel effet cette preparation peut produire dans •e verre.
Remarques de J. Kunckel sur le meme Chapitre
VAuteur propofe unc maniere très-peniblc de faire le Sónjfre de Uturne, comme on l’appelle vulgairement; je vais en donner une autre plus courte & meilleure; prenez un chapiteau le plus grand que ^US pourrez le trouver; rempliffez-en le dedans de lames de plomb, Uatues bien minces, & de la largeur de deux doigts > garniflez-le de lames tout au tour , de maniere que les gouxtes de vinaigre qui ^onteront, ne puiffent plus retomber dans la cucurbite ; mais foient forcées d’a'ler dans les rebords du chapiteau ; adaptésce chapiteau lur ^ne grande cucurbite remplie de fort vinaigre, que vous diftillerez «ntiereraent; le vinaigre en paflant, agit iur le plomb , en diffout & Crftraïn.e ce qu’il peut dans le recipient que Pon aura adapté; mettez vinaigre diftillé dans un matras propre, & le rediftillez de nouveau, l^qu’au tiers ou au quart; mettez ce qui reftera dans un lieu frais; il ƒ *mera des criftaux femblables a ceux du nitre ; quand il ne, s’en fOrn^ra plus , renverfez ce vinaigre avec celui qui a été diftillé une ec°rdè fois , & faites lerepaffer Iur le plomb par ia diftillation ; laiftez ^nc°?e former des criftaux , & continuez de la même maniere, jufqu’a e vous ayez aifez de criftaux,ou de ce que Pon nomme mal a pro- P°s
Ces criftaux calcines a un feu doux, prénnent c°uleur fi belle , que je doute fort que ceux que Neri apprend a € ,rc puiffent les égaler. Il eft inutile de réitértr les calcinations & les aSlllations , car la méthode que je viens dc donnet eft la meilleure l'on puiffe mettre en ufage dans la Pharmacie,