CKAPITRE CXVL
Maniere de faire la lacque écarlate pour la peinture.
REN EZ une livre de laine de brebis bien fine & bien bianebe ; faites la tremper pendant une isurnée dans de 1’eau froide; & après 1’en avoir °tée j preffez la bien , a fin d’en faire fortir ia i'aleté & la graiffe qu’elle a lorfqu’on la tond;prenez 'patre onces d’alun de roche, deux onces de tar- tl'e brut en poudre , que vous mettrez dans un P^tit baffin avec quatre pintes d’eau; lorfque cette eau aura commence a bouiliir, jettezy votrelaine, & faites la cuire a un feu doux : après 1’avoir re- di'ée du feu , laillez laréfroidir pendawtfix heures; Uvez la enfuite dans de 1’eau claire ; au bout cle deux heures vous 1’en tirèrez,&la ferezfécher.
Notes de Mcrret Jtir le Ckapitre CXVI.
Il n’eft point douteux que le mot de lacque ne viennent b gomme a qui nous donnons ce nom. Mathiole,dans fa premier Livre fur Diojcoride, Chap. 23 , allure qu il y a Wérentes efpécesdelacquesartificiellcs , qui proviennent des fédiniens dediverfes teintures ; qu on en fait une avec es baies oules fommités de la pimprenelle qu’on appelle Anglois Crimfon , cramoifi; une autre avec les baies ou p grains de Kermes; une troifiémeavec la vraiegomme- acque; enfin une quatrième qui eft lameiileure, avec le “°isdu brefil; mais il ne nous dit point de quelle maniere
011 s’y prend. II *l
Nous parlerons dans un Traité particulier des couleurs dont il eft fait mention dans .ce paflage de Mathiole, & nous en releverons les fautes. Birellus au Livre 11 , Chap. 39f donne la maniere de faire la lacque avec cette gomme
» Prenez, dit-il, environ vingtlivres d’urine d’homme» » faites-la bien cuire , & ótez-en 1’écume ; ajoutez-y une ,, livre de gomme lacque & cinq onces d’alun ; faites bouil- ,, lir ce melange jufqu’a ce que toute la couleur foit tirée J „ après en avoir fait 1’eflai, ajoutez une quantité fuffifante ,, d’alun fuccarin; * liltrez enfuite le melange, comm® il eft d’ufage pourd’autres lacques.
Je trouve dans les Auteurs d’autres maniercs de préparerla lacque, mais elles ne different que dans les matieres on menftruesdont onfefert pour ceteffet. Quelques-uns fe fer¬vent des baies ou graines de Kermes, dont les ApoticaireS font ufage pour donner une belle couleur a leurs firops. C’eft une efpéce de chêne verd qui produit ces graines; j’ai v& un arbre de»cette efpéce dans un jardin a Londres , mais jamais il n’a porté de graine.
Le Roi d’Angleterre en avoit aufti.dans fon jardin parti¬culier; mais on les en a bannis faute de les connoitre; d’autres fe fervent de cochenille, qui eft un ver ou une mouche qui fe forme fur le figuier des Indes ou 1'Opuntia ; 1’on en trouve une defcripdon très-détaillée dans J. aeLaet, Livre J , Chap* 3 > deja defiription des indes, auffi bien que dans Herrera Ximenès. Il yen a qui onr recours a la laine teinte ; cette maniere eft la plus ordinaire. L’Auteur nous 1’enfeigne , c eft encore la meilleure. D’autres tirent la lacque par des leflives qu’ils fontde morceaux de draps teintsen ecarlate-
, Hernandes dans fon H.ftoire, liv. 3, Chap are irf.y&de aii^‘ d une maniere de faire la lacque qui fe pratique dans ieS Indes: „ on tire, dit il du A^orAf/zr/7 (c’eft-a-dire de Ja ,, cochenille), tantöt une couleur pourpre, tantót une coU-
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j> leur écarlate, fuivant la différente preparation qu’on lui }> donne ; la meilleure eft de mettre la cochenille en ma- » cération dans une décodion de bois de Totzuatl & d’a- >> tan» 5c de former des gateaux de ce qui fe dépofe au fond.
Pour ce qui eft du diflblvant, 1’Auteur prefcrit une leflive feite avec les cendres de faule , ou d’un autre bois mol ; il y a en d’autres qui employent des cendres de cocur de chêne de quelque autre bois dur; mais de quelque cendre qu’on ta ferve, la leflive ne doit avoir que la force de piquer lé- gdrernent lalangue , lorfqu’on 1’y porte pour en gouter. II n eft point douteux que 1’cau forte ne fit un grand effetdans oette operation ; 6c nos teintures font une preuve combien la couleur de la cochenille s’eft perfedionnéc par fon moyen. La feule chofe qui s’oppofe a ce qu’on $’en ferve, c’eft: cpie lalacque préparée decette maniere perdroit fa couleur, lorfque le fel viendroit a fondre , fi on Vexpofoit a 1’air ou fl on la mouilloit; mais peut-être pourroit-on rémédier a eet ’nconvénient en faifant i’extrait & en lavantle fel, fans en- donamager la couleur. Quanta lafaqonderetirerlalacque , de la précipiter, de la filtrer 6c de la fécher, tous les Au¬
teurs fuiventlamême méthode.
Enfin, j’ajouterai que lespierres calctnres quis’imbibent dc i’bumidité, font plus propres que les briques a fécher les couleurs; c’eft ce queprouve 1’expérience journaliere des Peintres 8c des Teinturiers. Avant que la lacque foit entié- tement fechée, il fautla mettre en boules, 6c lui donnet avec un couteau de bois 6c non pas de fer, ou une fpatule , telle forme qu’on voudra; on peut, comme font les Pein- tces, la mettre dans de petits moules de pierres.
JR