HISTOIRE DES LAKMES DE VERRE;
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Communement appellees
IIMZS BATAVIQÜES,
PAR M E R R E T-
LE PRINCE RUPERT eft le premier qui ait aPporté d’Ailemagne en Angleterre cette elpéce
Larme de Verre. 11 la montra au Roi, qui en fit part a la Societé Royale du College de Gresham. La Societé nomma fur le champ un Gommiftaire dont le rapport fuivant lut mis furies ^egiftres. Nous 1’avons tranfcrit, & nous le pu- klions de fon confentement. Nous nous fommcs £>it un plaifir dele copier exaótement, afin que fagon dont on a procédé dans cette occafion P^t fervir de modelepour toute autre expérience. y°ici le rapport que M. Robert Moray fit a la
S°cieté en lódi.
V A R T
AB eft le fil de verre ; BC ,1e corps; B , le cou; A, i’extrêmité du fil.
Ces Larmes fe font avec un verre verd Sc bien purifié; ft la fritte du verre n’apas été fuffifamment cuite , elles ne valent rien, Sc fe rompent auflitöt qu’elles viennent a tomber dans 1’eau.
Voicila meilleure facon de les faire ; on tire des creufets, avec une baguette de fer, un peu de la fritte ou matiere du verre ; on la fait dégou^ ter dans de 1’eau froide, oü on la laifte quelques tems, jufqu’a ce qu’elle foit réfroidie ; fi la matiere étoit trop cbaude, il n’eft point douteux que U Larme en tombant dans i’eau ne fe rompe Sc ne s en aille en morceaux. On eft für que le verre e$ bon , lorfqu en tombant, il ne fe brile point avaf$ que d’être réfroidi. L’Ouvrier le plus expériment ne connoit point le vrai dégré de chaleur qt convient en pareil cas, &.ne peut fe flatter d6 pouvoir toujours former une Larme qui foutienne les épreuves. Ii y a grand nombre de ces larmeS qui fe brifent en les faifant, Sc 1’on en manqlie deux ou trois avant de réuflir a une. Ou faiftes fal’
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'e froid, elles fe fendent fans fe calfer ; ou elles fe rompent fans beaucoup de bruit, fuivant le plus °u le moins de chaleur qu’elles ont; ou elles ne fe brifent avec bruit qu’après être entiérement fefroidies; ou elles demeurent entieres tant qu el- fes reftent dans 1’eau, & fe rompent d’elles-mê- lT)es avec bruit, aufli-tót qu’elles en font forties ; °ü elles fe caflent au bout d’une heure ; ou après avoir réiifté plufieurs jours ou même plufieurs fe- ^aines,elles le brifent lans que perfbnne y touche.
Si on öte de 1’eau une de ces Larmes, tandis qu’elle eft encore chaude, la partie du cou la plus ^ince , & tout le filet qui tient au col & qui a ecé dans 1’eau fe brifent en petits morceaux , fans ftue le corps de la Larme foit endommagé , quoi- ^u’il y ait des cavités auffi grandes qu’a la partie ftui s’eft caflee. Les larmes qui fe réfroidilïent a 1 air , fufpendues a un fil, ou par terre, acquierent la même folidité qu’un autre verre.
La larme , en tombant dans 1’eau , fait une ef- pece de fifflement ;le corps demeure chaud pen¬dant quelques tems; ilen fort plufieurs étincelles avec un pétillement qui fouleve & donne du mou¬vement a la larme de verre , & il fe forme fur 1’eau plufieurs bouteilles ou bulles pendant qu’elle ré- feoidit. Si 1’eau a dix ou douze poucesde profon- deur,ces bulles difparoiflent avant que d’être parve- nues a la furface; & dans ce cas 1’on n’entend Slu un très-petit bruit.
La furface extérieure de la larme de verre eft O o ij
Ju n IA r
unie & lifïe comme celle desautres verres; mals le dedans en eft Ipongieux & rempli de petites ca- vités & de bulles. Le fond eft la plupart du tenas rond, & fait en poire comme certaines perles > & il va fe terminer en unlong cou,de forte qu’au- cune de ces larmes n’eft droite. Elies font toutes courbées en forme d’arcs, 8c terminées par ufl petit bouton.
La plupart des larmes qui le font dans 1’eau ont une bofte ou éminence au-deftusdelapartiela plus grofl'e; cette bofte pancbe ordinairement du cóte ou le cou le termine ; cependant elle eftdifpolée de maniere a occuper la partie de la larme qui f6 trouve en deftus dans le vafe ou elle eft faite.
Si la larme de verre vient a tomber dans du 1’eau cbaude , elle ne manquera pas de fe brifef avec bruit avant que de fe réfroidir ou un mo¬ment après: ft on la fait dans de i’huile d’olives > il y a moins de danger que dans i’eau froide. Les larmes faites dans lhuile auront un plus grand nombre de bulles ; ces bulles ferontplus grandesj 1 ebullition durera plus long-tems, 8c les ftlionS feront moins Ipatieux qua celles qui le font dans i’eau: il y en a quelques-unes qui font même tout'»' lait unies 8c qui n’ont point de boftes.
Il y en a aufti entre les mêmes, je veux dir6 celles qui fe font dans i’huile , dont une partie dn fftdu coife cafle comme du verre ordinaire. Maisl* Ton vient a cafter le cou, prés du corps, en tenant le corps dans le creux de la main, il le brifè entié-
DE LA VERRERIE. 293 retuent, toutefois fans un effort & fans un bruit aufii confidérable que fi elles avoient été faites dans 1’eau ; elles ne fe réduifent pas non plus en parties fi petites : leurs parties quoique brifées, tiennent les unes aux autres; on y appercoit des traits ou fentes longues qui fe réuniffent au cen¬tre du corps, & qui coupent tranlverfalement les creux ou cavités; ces fentes lont moindres en nornbre & moins grandes que dans les larmes' fai¬tes dans 1’eau. Si les larmes ie font dans du vinai¬gre, elles produiront du bruit & fe brileront roême avant que de fe réfroidir. Le bruit excité en tom¬bant dans le vinaigre fera plus grand, & le bouil- lonnement moindre qu’en tombant dans 1 eau.
Dansle lait, elles ne font aucun bruit ni aucuri bouillonnement dont on puiffe s’appercevoir; cela n’empêche pas qu’elles ne fe rompent avant que de le réfroidir.
Dans 1’elprit de vin , elles excitent un plus grand bouillonnement; elles y font plus agitées & plus contournées que dans toute autre liqueur , & quelquefois elles s’y brifent & s’y réduifent en rtaorceaux : fi on fait tomber cinq ou fix larmes a bafois dans i’efprit de vin, ilprendra feu & s’en- barnmera, mais fans contraster aucun gout parti¬culier.
L’opérationneréuffitpas mieux dans 1’elprit de n*tre ou de fel ammoniac que dans le vinaigre. ^ans i'huiie de térébentbine, une larme fe brila comme dans 1’elprit de vin ; une feconde larme
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enflamma 1’huile de térébenthine, de maniere qu’elle ne put êtredavantage de quelque ufage.
En laiflant tomber une pareille larme dans le vif argent & la formant d’aller au fond avecun pe¬tit baton, elle devint rude a la furface, & s’appla- tit; mais 1’ expérience ne fut pas conduite a perfecp tion, faute de pouvoir tenir la larme fous le vif argent jufqu’ace qu’elle fut réfroidie.
L’expérience tentée dans un verre cylindrique rempli d’eau froide , réuffit une fois fur fix ou fept qu’elle manqua & quë la larme fe cafla.
Quelques perfonnes de la Societé ont auffi obfervé qu’auffi tót que la larme tomboit dans 1’eau & quelquesfois un moment après qu’elle y étoit tombée , elle jettoit des étincelles; & qu’incontinent il febormoitdesbouteillesfurfeau, qu’on pouvoit aifément remarquer. Ces fortes de larmes non-feulement fe brifoient avec bruit, mais encore étoient mifes en mouvement & fau- toient en 1’air; la même cliofe arrivoit auffi a celles quine fe brifoient point.
Si on vient a frapper ces larmes fur le gros bout avec un petit marteau OU un autre inftrurnent duf? elles ne fe cafïènt point, pourvü qu’on ne les tou¬che point en un autre endroit.
11 arrive a la larme dont on n’a calfé que le bout le plusdélié, ou de fe réduire en particules très- fubtiles, fans effort & fans beaucoup de bruit, oU de fe mettre en morceaux , qu’on peut aifément réduire en poudre. Si les morceaux de la larme
DE LA VERRERIE. 29; qu’on caffe , one partout un efpace égale pour s étendre , ils fe dilpoferont circulairement, & précifément de la même maniere que les artifices qu’on nomme Grenades.
Il y a de ces larmes qui fe brifent aufli-tót qu’on en a frotté le gros bout avec une brique féche; d’autres ne fe brifent que lorfqu’elles font a moitié ufées.
II s’en eft trouvé parmi celles donton avoit ufe la moitié par le frottement qui, mifes a part, fe cafloient fans que perfonne y touchat; tandis que d’autres qu’on avoit uféesjufqu’au col, en les frot- tant fur une pierre avec de 1’eau <& de 1’émeril, demeuroient entieres & fe confervoient.
Si on caffe une de ces larmes en tenant la main fous 1’eau, elle fait plus de bruit & d’effort contre la main que fi on la calfoit en plein air; & fi on la caffe loin du fond , prés de la fur face de 1’eau , aucune des particules calfées ne lort de 1’eau ; il arrive le contraire de ce quife paffe dans Pair , & les particules tombent au fond fans fe difperfer. Si on met une de ces larmes dans la machine de M. Boyle,& qu’on vienne a lacaffer, après avoir bien pompé fair du recipient; les parties s’en ffifperfent de tous cótés connne il arriveroit dans 1 air libre.
Si on fait chauffer une de ces larmes de verre dans le feu , elle devient comme un verre ordi- naire , excepté qu’elie eft plus flexible & plus Propre a être pliée qu’auparavant, fans danger d'etre caflee.
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Si on enduit une de ces larmes de colie forte, & qu on en rompe le bout, elle fait du bruit, mais moins que dans la main; le dedans en eft évidemment brifé ;la couleur endevientbleuatre; •la furface extérieure en demeureunie & lifïe, mais divifée ; en en féparant les particules , on les trouve en flocons , quelquesfois de figure co- nique, & tou jours fi friables, qu’il eft facile de les réduire en poudre. En enduifant une pareille larme de verre , de colie forte, a 1’épaiffeur d’un pouce de tous cótés , fi on vient a rompre le bout, toute la colle eft mife en morceaux , comme ii arrive a une grenade dont on fe fert a la guerre.
On avoit envoyé deux outrois de ces larmes a un Jouaillier pour les faire percer comme cela fè pratique fur les perles; mais lorfque ie foret vint a entrer, elles fe rompirent, de la même facon que celles dont on caffe le bout.
REMARQUES