ART
DE LA
VERRERIE.
SECONDE PARTI E.
LIVRE PREMIER-
§. PREMIERE.
Comment il faut placer le Verre dans la poële pour
le calciner on le cuire.
COMMENCEZ parmettreau fond dune poële deux couches de morceaux de verre inutils ; fai- tes-en autant en finilTant; prenez deux parties de chaux vive & une partie de cendres bien pures; ^êlez avec foin ces deux matieres, & les paflez Par un tamis ferré ; lorfque vousaurez placé votre verre , répandez par-delfus, votre mélange de chaux vive & de cendres en le faifant palfer au
T £
33o L’ A R T
travers d’un tamis; égaiifez la furface. ObferveZ bien en mettant des morceaux de verre colore, d’en placer d’autres entre les vuides, afin que tout foit de niveau dans la poële.
OBSERVATION,
L’Auteur nous prefcrit de faire des couches inutiles morceaux de verre, afin que les panneaux de verre qus 1’on placera dans le milieu ne foient point endommagés par la chaleur quieftplus forte en-deffous que dans le milieu j la precaution qu’il ordonne eft done trés-nécefiaire.
I I.
Maniere dont la poële d calciner doit être difpojee.
II faut que la poële foit proportionnéeau fouf- neau dans lequel on voudra la placer; elle doi£ être quarrée, un peu oblongue; avoir cinq oU fix pouces de profondeur; le fond en doit être uni; 1’argille de Waldembourg eft la meilleurs matiere dont on puilfe fe fervir pour la faire.
OBSERVATION,
Il n’eft point nécefiaire que la poële foit d’argille Waldembourg ; toutte terre a Potier y eft bonne. CoiU' me elle ne doit être remplie que de chaux , &. qu’elle point faite pour contenir des efprits fubtils, il faut feulemenC qu’elle ne foit point verniffée ; les poëles de tóle ou de fe* en lame font les meilleures pour 1’ufage dontil s’agit ici»
DE LA VERRERIE. 331 I I I.
Autre maniere d’arranger le verre dans les pocles.
Lorlque vous voudrez cuire du verre , prenez de Ja chaux vive que vous aurez bien fait calciner & rougir dans un creufet; quand elle lèra entiére- ^ent réfroidie , répandez-la dans la poële au tra¬vers d’un tamis bien ferré j commencez par en ttlettre une couche de I’épaifleur du doigt ; égali¬fez bien cette couche avec une plume; répandez üne couche de chaux delTus le verre en vous fer- vant de votre tamis; remettez encore du verre ; puis une nouvelle couche de chaux , &c. conti- ftuez de la même faeon jufqu’a ce que votre poële foit prefque rempiie ; couvrez ou remplifïez-la entiérement de chaux, & égalifez bien le tout;po- fez la poële fur la grille du fourneau ; couvrez-le fourneau avec des tuiles , & enduifez-les de terre grade, afin que la chaleur fe concentre & ne fe porte point a 1’extérieur.
OBSERVAT1ON
Il n’y a point de difficulté dans cette operation; elle eft Cxpliquée fort clairement, & prefque la même que la pré- c^dente; il n’y a d’autre difference entr-elles , fi-non qu’aux couches de morceaux de verre inutils qu’on avoit prefcrites de mettre dans la premiere operation, on fubftitue ici de a chaux qui vaut mieux,
Ttij
I V.
Des dêgrés de feu propres a la calcination du Verre,
Vous donnerez au commencement de f opéra" tion un-feu doux pendant deux heures; plus vous avancerez , plus vous pourrez augmenter b chaleur ; que votrefeu foit toujours d’un bois bieri fee & bien dur, coupé en petits morceaux, afifl que la flamme en foit claire & aille contre le fond de votre poële, fans faire de fumée ; vous place'1 rez perpendiculairement des morceaux de verre dans la poële ;& quand ils viendroient a plier, que cela ne vous inquiéte point 5 vous n’aurez feu-4 lement qu’a regarder attentivement le delfus de la poële; s’il en part beaucoup d’étincelles, vous pourrez lailïer éteindre le feupeu a peu & réfoi- dir 1’ouvrage.
OBSERVATION.
On nommegvjrdfj, les morceaux de verre que 1’on place perpendiculairement dans la poële ; ils fervent a faire coU' noitre quand 1’opération eft aehevée. Lorfqu’ils commeP cent a plier & a fondre par la chaleur, il ne faut plus pouf- fer le feu.
On appelle Jutten en Allemand, lese'tincellesqui parten* de la partie fupërieure de la poële ; les peintres en verre fe regient fur ces étincelles , pour fcavoir quand il fau1 ceffer de mettre du bois & de pouffer le feu.
DE LA VERRERIE. 333
»
V.
Comment ilfaut gouverner le feu.
Prenez de bon bois de hêtre bien fee & en pe- tits morceaux , en commencant; faites avec ce bois un petit feu bien doux, que vous augmen- terez a mefure que vous irez en avant, jufqu a ce que la poële devienne entiérement rouge; alors vous laiflerez le feu s’éceindre de lui-même; après que 1’ouvrage aura réfroidi pendant une nuit, tetirez la poële du fourneau ; ótez-en ia cbaux avec précaution; nettoyez le verre des deux cótés avec unlinge; & vous trouverez que votrepein- ture aura très-bien réuffi.
V I.
Qiiatre manier es de calciner le Verre.
II y a des gens qui ne calcinent le verre qua vue d’oeii; d’autres comptent les heures ; mais ceux qui veulentopérer plus förement fe réglent fur le$ gardes ou morceaux de verre qui font places per- pendiculairetnent dans ia poele, & regardent quand iis conimencent a plier. Mais le moyen ie plus certain , c’efl de confulter les étincelies qui partent de la partie fupérieure de ia poële ; vous placerez les gardes dans la poële, de facon qu’iis la débordent de deux pouces; lorfqu’ils commen- ceront a plier ou a entrer en fufion, vouspourrez
334 ï
juger de votre peinture. Si vous avez a cuire des panneaux de verre de Venife , mettez-les au milieu de lapoële, paree que ce verre eft plus tendre que celui d’Allemagne; enduifez-les par- tout dejaune, oud'une autre couleur. Silamatiere qui eft en deftus vous paroit liquide comme de I’eau, ce fera une marque que la couleur a pénérre par-tout également
OBSERVATION.
Quand 1’Auteur dit, Ji la matiere qui eft en-dejjits paroit li-quide comme Peau, il parle de la chaux qui couvre le verre que la chaleux rend coulante comme 1’eau.
VI I.
Autre manier e de cuire & d’arranger le Verre.
Lorfque vous voudrez ailumer du feu pour cal-ciner le verre, coupez du bois de hêtre bien fee en petits morceaux; entretenez un feu doux , en y mettant de terns en terns du charbon ; augmen- fez-le peu apeu ; allumez aufti du feu avec de pe¬tits morceaux de bois a 1’entrée du fourneau ; vous pourrez y mettre du charbon parlafuite; enfin employez de plus gros morceaux de bois; placez-les dire&ement au-deftous de la poëie, obfervant de les mettre les uns après les autresj faites attention alors aux gardes & aux barres de la grille fur laquelle la poële eft pofée; ft les gar¬des plient, ft lés barres deviennent dun rouge
DELAVERRERIE. 33? clair Sc la poële d’un rouge foncé, Sc que vous re- marquiez qu’il part des étincelies de la partie fu¬périeure , lailfezle feu s’éteindre , car vous en au¬rez donné fuffifamment ; pour appercevoir les traces de feu ou les étincelies encore plus diftinc- tement, tirezle bois du fourneau,de maniere qu’ii n’y ait plus de flame fous la poële, & remuez les charbons avec une baguette de fer. Cette manoeu¬vre vous fera remarquer les étincelies ,s’il y en a, a la partie fupérieure de la poële ; fi de plus VQUS Voyez que les gardes ont fléchi, vous aurez des fignes aflurés que votre verre a pris une belle couleur.
Mais fi pour votre cuiflon vous vous réglez fur le nombre des beures, & qu’après avoir donné un grand feu pendant fix beures, vous retiriez la poële du fourneau ; vous y verrez courir en delfus des petits lerpentaux de feu ; & en remuant les char- bons,vous aurez les mêmesapparences, mais moins claires & moins durables. Elles feront cependant un figne que le verre eft aflez cuit : fi vous ne voyez rien paroitre , vous donnerez unplus grand feq, jufqu’a ce que les étincelies fe form ent: r.eti- rez pour lors tout lebois , Sc foyez allure que la couleur a pénétré le verre. Vous aurez auffi lieu de le préfumer, quand la chaux fera devenue li¬quide & coulante, ce que vous reconnoitrez a ia Vapeur qui en partira. Si vous voulez faire cuire du verre de Venife avecd’autre verre, vousn’au- rez, comme on fa dit plus haut, qu’a le mettre
336 L’ A R T
au milieu He la poële, afin que ce verre quï eft tendre, ne relTente point toute la violence du feu qui pourroit le gater; appliquez votre couleur fur le verre de Venife; & lorfque la matiere paroitra en delfus du creufet, coulante comme de 1’eau > croyez quelacuilïon s’eftfaite égalementpar-tout.
Jele répete encore , lorfque vous voudrez cuire du verre , prenez du bois dur, bien fee <& coupe en petits morceaux a proportion de la grandeur du fourneau; ne pouftez pointtrop votre feu; ne mettez en commencant que des cbarbons al- lumés , enfuite de petits morceaux de bois de hêtre ; & fachez qu’il faut que la calcination oU cuilfon dure au moins fix heures.
VIII.
Du fourneau d calciner ou a cuire le Verre.
Le fourneau a calciner eft ici repréfenté d’une facon claire, & je penfe que les amateurs pourront aifémenten connoitre 1’ufage. wy. fig. T. V.
I X.
Autre maniere de cuire le Verre.
Faites les gardes de la poële, du verre même que vous voudrez cuire. Vous f^aurez que le verre de Venife entre plus vite en rufion que celui de no$ Verreries d’AJlemagne, du pays deHefte, ócc*
T
DE LA VER R ERIE. 337 vous employez du verre de Venife mêlé avee d’autre verre, placez-le toujours dans le milieu de votre poële, & mettez 1’autre verre plus dur par-deflus & par-delfous; de cette maniere vous cuirez également tous vos differens verres en fix °u lept heures de tems; quelques Arciftes y em¬
ploy ent jufqu'a huit ou neuf lieures.
X.
Dejcription du Verre de fonte.
Il y a plufieurs elpèces de verre de fonte; Ie ^eilleur efl: celui qui vient de Venife & quiefl en forme de gateaux ; il n’a point de couleur par- llculiere; fon épailleur le fait feulement paroitre ür> peu jauneatre , a peu prés de la couleur de la Cxre bien pure ; la livre de celui dont fe fervent les Peintres en verre coüte quatre gros a Leipzic ; les grains de chapelets ou de rocaille verds, jau- ^es j ou de telle autre couleur que 1’on veut, re- 'dennent a un denier d’argent; 1’ancien verre des kglifes eft aufli fort propre a eet ufage, auffi bien que le verre verd dont fe fervent les Poeiers.
OBSEREATIO N.
..On afuffifammentexpliquédansla premiere Partie dé
Art de ia Verrerie ou dans le Traité d’Antoine Neri ce pue c’eft que les émaux & la maniere d’en faire de toutes 2qes de couleurs ; on leur donne auffi le nom de Smalte, Encaufia & üAmauJa. Quant aux grains de chapelets °u de rocailles, il y en a de diiférentes couleurs; ils fe font
“ V v
i A R T
de verre de plomb , & font affez contius de toutle monde- Le verre verd des Potiers efc un verre de plomb ordinaire mêlé a un peu d’ê'caiiles de cuivre. Maïs toutes ces covn- pofitions doivent être bien connues, après ce qu’on en a dit dans le cours de eet Ouvrage.
De la manier e de dover & de peindre le Verre.
XI.
dianier e de faire un fond d'or fur du Verre.
Prenez <de la gomme arabique ; mettez-la dans de fort vinaigre que vous aurez filtré ; fi vous 1 ƒ lailfez tremper quelque terns , elie deviendra blan' che comme de la farine ; décantez le vinaigre , & broyez la gomme fur une pierre avecun peu de gomrne d’amandier récente & pure , <& d’eau ; la gomme de cérifier fera le même effet fi elle eft bien pure ; enduifez-en votre verre a volonté; & lorfque la gomme fera prête a fécher & qu’elle ne lera plus qu’un peu gluante, apliquez votre or, fi vous vous y êtes pris comme il faut, 1’or pareu' tra au travers du verre ; faites fecher le verre fnc un petit feu de charbons • dtez-en 1’or qui lera de trop avec un peu de coton; obferyez,en fechanb de tenir le verre un peu éloigné des charbons, d6 peur qu il ne fe calfe. Vous aurez par ce moy en un or brillant fur le verre dont il ne fe détachera paS même quand il viendroit a être mouillé.
DE LA VERRERIE.
XII.
Autre fond d’or.
Prenez du mafiic bien pulvérile; faites-Ie fon- dre dans de 1’eau de gomme , a une chaleur mo- dérée, jufqu’ace que Ie toutprenne la confiftance d’un vernis épais ; fervez-vous de ce melange pour enduire votre verre; appliquez enluite votre or ou argent en feuilles a «Sc faites fecher a une cha¬leur douce.
XIII.
Autre fond d’or.
Prenez de la litharge d’argent que vous broye- rez a fee jufqu’a ce qu’elle foitréduite en unepou- dre très-fine; mêlez-y un vernis a la térébentine bien clair ; paflez-en une couche avec un pinceau fur votre verre ; faites fecher, en obfervant que la couche de vernis refte toujours un peu gluante; appliquez alors votre or, & prelfez-le avec un peu de coton ; faites enfuite fecher tout-a-fait, & frottez doucement pour emporter i’or de trop,
XIV.
Autre fond d’or.
Prenez du minium, de Pocre jaune, du blanc de cérufe, de chacun demi once; de litharge d’ar-
Vv ij
L’ A R T
gent une once;broyez le toutavec du vernisd’huile d’afpic ; * enduifez en votre verre; lailïèz-le repo- fer pendant douze heures, & appliquez votre or 3 &c.
X V.
Fond (For & d’argent, fur du verre, despierres
& des métaux.
Prenez une partie d’ocre jaune , troïs parties de minium, quatre parties de bol d’Arménie , & un peu de vitriol blanc ; commencez par broyer rou¬tes ces matieres avec de i’efprit de vin bien reéli- fié; puis avec de 1’huile de lin en quantité fuffi- fante ;mêlez-y enfuite quelques gouttes de vernis d’alpic; ótez le melange de defius la pierre ou vous 1’aurez broyé, pour le ramafler lur un linge que vous torderez, & a travers lequelilretombera dans un vafe net ;• appliquez-en lur telle matiere que vous voudrez ; faites lecher un peu ;mettez def fus de 1’or ou de 1’argent en feuilie ; & faites fe- cher tout-a-fait,après avoir prelfé 1’or ou 1’argenf en feuilie , avec du coton.
ƒ Levrai nom de l’Huile dont 31 eft Ifpica); c’eft par corruption <ju’on 1» KJ gpeftion, eft Huik de Spie (oleum | aosome Huiled’Afpic.