SUR V E R R E. I. PARTIE.
CHAPITRE III.
Del'ufage que les Anciens firent du Verre , tant pour la decoration, des edifices publics 3C, particuliers , que pour mettre leurs habi¬tations a l'abri des injures de Fair$ 8C, des autres clótures aux- quelles le Verre fuccèda.
Emploidu LES Grecs, dont nous avons annoncé 1’ha-
kurs^Por" biïeté dans F Art de la Verrerie Ót dans Fem- jiemenf des ploi du verre qu’ils tenoient des Phéniciens F?vés ide & des Syriens, ornerent les premiers les pa- de^PaXis , vés de leurs Temples & de leurs Palais de invents par compartiments & de tableaux recomm'anda- jmité par les tdes par limitation de la nature. Ils y firent Romains. entrer le verre de couleur, foit a caufe de fa dureté & de fon brillant eclat, foit a caufe de la facilité qu’ils avoient de lui donner toutes fortes de nuances, facilité qu’ils nepouvoient trouver dans les marbres ou dans les autres pierres naturelles. Les Romains les imiterent dans leur temps de luxe,& en compoferentleur mofaïque qu’ils firent fervir aux mêmes ufages.
Nous n’entrerons pas ici dans Fexamen particulier de ce genre de peinture, célebre encore aujourd’hui dans 1’Italie. Les détails quit demandoit, pour en donner au Public une connoiflance fufiifante, nous ont engagé a lui en préfenter un EJJai, auquel nous ren- voyons le Leéteur (a).
ïesappar- Les Romains faifoient encore ufage dans tements des }eurs appartemens d’efpeces de glacés & de cores d’efpe- miroirs, & ils avoient un verre noir, a 11- ces de glacés miration du jayet, qu’ils plaqoient a deffein êtdemïroirs. entre ces mirojrs détachés dont les murs étoient ornés , afin de tromper ceux qui ve- noient s’y mirer : car au lieu d’y rencontrer leur reffemblance comme dans les autres, ils étoient tout furpris de n’y appercevoir que
leur ombre (£).
(a) Voyez noire'Ejfai fur la Peinture en Mofaique, Paris, 1768 , chez Vente, Libraire, au bas de la montagne Sain e Genevieve, j’y traite de ion origine, de fes diffe'rentes efpéces , des divers ufages que les Anciens en firent, de fes progrès tant en Orient qu’en Occident, de fon déiaif- fement pendant quelques fiecles, de fa reitauration en Italië & de fon me'chanifme.
Voyez encore le Journal d’Agriculture, de Commerce & de Finance , du mois d’Aoüt 1768, oü font rapportées deux Lettres de M. Pingeron, 1’une fur ia Mofatque, I’au- fre fur Ie Compofto de Venife.
Enfin, voye? un Traité fur Ia Fabriqtie des Mofaïqnes, que M. Fougeroux de Bondaroy, de PAcadémie des Scien¬ces , &c. vient de donner au Public, a la fuite de fes Recherches fur les Ruines d’Herculanum, Paris, 1770, chez Defaint, Libraire, rue du Foin-Saint-Jacques.
fb } Pav.per qui§ ftbi videtur ac fordidits, nift parietes »»magnis ac pretiojis orbibus refiilferunt.. . Nifi vitro abfcon~ v>ditur camera , &c..... Quanta nunc aliqui rujlicitatis » damnant Scipionem , quód non in caldarium faum latis Jpe- ^ctiiaribus diem admijerat» ?Senec. Ep. 86.
Voyez auffi Stace , dans Ia defcription qu’il donne des bains d’un Etrufque.
PEIE’T. SUR VERRE. I. Part.
Mals Femploi du verre aux fenêtres ne date pas dune haute antiquité. Le filencé
En parlant ici des miroïrs de Verre, ufités chez les Anciens , je penfe que Ie Public me faura gré de lui donner par extrait une Lettre lavante, fur le miroir de Virgile , dépofé dans le tréfor de 1’Abbaye de Sairtt- Denys en France. Dom Boucher, Bénédichn de la Con-gregation de Saint Maur, ancien Prieur de l’Abbaye de Saint Germain-des-Près, a Paris, 1’a écrite a 1’Abbé Le- boeuf, le zo Avrii 1749. Je l’ai trouve'e dans les manuicrits de ce profond Scrutateur de Pantiquite', confervés a la Bibliotheque de MM. de la Do&rine Chrétienne de Ia matton de Saint Charles en cette ville. Le Pere Serpette, Bibliothécaire, m’en a accords le dépouiilement de la maniere Ia plus obligeante.
« Ce miroir, dit Dom Boucher , avoit dans fon enher £etfre fo u » 14 pouces de hauteur & ti de diametre ; il fórmoit un miroir de virgii© ai ovale ; fon poids étoit de to livrei & plus. 11 fubfifte- ren voit a« »roit encore en entier, fi, par une complaifance qui a Tretor de Saipt» si été fouvent pre'judiciable au Tréfor, on ne J’avoit pas ‘ enjÏB »laiffé manier a un curieux, qui, voulant Pexamincr de
s» prés, Ie laiffa échapper de fes mains, le calia *. 11 refte
ai encore une moitié entiete de c miroir, un mvrceau.
33 confidérable de Pautre moitié, & plufieurs autres petits
a»morceaux. Je vous envoie , Monfieur, un de ces mor-
» ceaux : vous connoitrez ainfi par vous-même que ce mi-
»roir eft tranfparem. On y découvre une cou'.eur verte
siadoucie par le jaune. Dans la partie Ia plus confidéra-
a-. Isio QUI nou? cn TCÜ© > on 3, perron les eprenves de
»ceux qui Pont fondé plufieurs fois pour faveur quelle
3i en étoit la matiere. D.,m Doub et, dans fon Khroire
si de PAbbaye de Saint-Denys, a avancé qu'il étoit de
31 jayet. ... Ün Vertier habile & expert a mis devant mei #
□I dans un creufet , un morceau de ce miroir pour en
31 faire Pépreuve ; Sc nous avons reconnu que 'étoit dut dans Sequel il étoit entré beaucoup de mn-e de
«plomb , ce qui n’avoit pas peu contribué a ia peiameur».
Dom Boucher me permettra d’ajouter, & d Ja teinte d& jaune.
Après quelques courtes obfervati ns fur Pinvention da Verre, & fur fon ufage dans fantiqubé , Dom Boucher paffe ainfi a celui des m.roirs chez les Anciens:« Bien avant 3> la découverte du Verre , ils n’étoient pas pour eda fans » miroir. Les pierres luifantes, les marbres, les bois polis ;
3i enfuite les métaux , Por, Pargent, 1’etain , 1’airain, le fer » 8c les melanges de ces matieres, en prenoientla place ; wl’eau bien claire meme en r .ndoit 1’effet«.
Ici ce Rehgieux , amateur de I antiquité, renvoie M.
1’Abbé Lebaeuf aux Mémoires del révoux( Mars 1749. Art.
24. p. 47y ) fut ia découverte que firent les Académiciens des Rois de France öc d’Efpagne, dans leur dernier voyage de 1’Amérique « de plufieurs tombeaux dans lelqueis on 3> trouva des miroirs de pierres brunes Öc noires. 11 y en 3> avoit des plans, des concaves & des convexes, aufii □i bien polis que shlsl’euffent été par nes meilleurs Ouvriers.
3i On doute cependant, ajoute -1 - il, dts miroir; ardents sid’Archiméde, Sc de leurs violents effets fur la Hotte de w Marcellus ». De la il paffe aux moyens qui ont mis le Tréfor de Saint-Denys en poffeffion du miroir de Virgile.
si Naples, continue t^ii, a eu Pavanrage de poffédec si Virgile. C’eff dans cette grande Ville qu’il étudia les Let- ?i tres Latines & Grecques, les Mathématiques & la Méde-
* On lit dans PHitïoire Littéraire du régne de Louis XtV, par M.
1’Abbé Lambert, Par. ty^T, in-40, ton,. I. p. $66, que Dom Malillon ayant été employé en l’année 160-3 moncrer le t-<<jr de Saint-Denys; il fut décharge de eet empioi , paree r/a il y capy le mirair de Virale, 11 efi lur^renant qui Dom Bouefeer ait ignore cette ^ir-dote
C
des anciens Auteurs Grecs & Latins finCQ point prouve fuffifamment qu’on n en failoit pas ufage a cette fin chez les Peupies de la Grece & deRome, quoique, fechant employer le verre de toutes les manieres, il leur fut facile d’en faire des vitres.
Nous avons établi ailleurs qu’ils fermoient leurs fenêtres avec ces efpeces de treillages que nous nommons ya/sa/tes, que les Romains nommoient tranfinna 9 & les Grecs tkyris de- dtélyomenè ou thyra diaphnnè. Ils fe fervóient encore de pierres tranfparentes, connues de ceux-ci fous le nom de diaphanès lithos , & des Latins fous celui de lapis Jpecularis (a).
En quel temps commentja-t-on a faire ufage du verre aux fenêtres ? C’eft ce qu’il s’agit d’examiner. Jaloux de voir remonter plus haut 1’origine d’un arc, que nous cherchons a tirer autant qu’il eft en nous des ténebres dans lef- quelles il fe perd de plus en plus, nous avions cru lui trouver une date du premier fiecle de 1’Ere Chrétienne.Un paflage de la relation que Philon Juif nous a laiffée de fon ambaffade vers 1’Empereur Caligula fembloit nous y autorifer; mais ce paflage même eft fi fuf- ceptible d’incertitude , que nous nous fom- mes vus réduits a 1’abandonner.
En effet Philon auroit-il regardé les ordres qu’il entendit donner parl’Empereur de garnir de vitres les fenêtres de cette grande falie,ou il lui donnoitaudience en courant, ainfiqu’a fes Co-députés, comme un ufage affez frappant par fa nouveauté pour le faire entrer dans le corps de fa relation, lui, a qui eet ufage, s/il eüt exifté, eut du paroitre d’autant plus familier, qu’il avoit fa réfidence ordinaire a Alexandrie, Ville la plus célebre par Part & le commerce de la Verrerie ?
D’ailleurs les vitres dont il s’agit étoient- elles de verre ? Les Savants ici me plongent dans le doute. Elles étoient de verre blanc femblahle aux pierres reluifantes, felon uné
» cine, & qu’iï compofa plufieurs de fes belles Poéfies.". •. s» Il mourut a Brindes, dans la Calabre, age' de ya ans. Son a» corps fut tranfporté a Naples, & enfeveli a deux milles w de la Ville. II s’eft répandu plufieurs raretés du cabinet » de ce grand Homme, a Naples, fans doute, plus qu’ail- 93leurs. Nos Seigneurs Francois , qui ont porté tantde fois as la guerre dans ce Royaumê, en rapporteren! Ie miroir en 3»queftion, qui paria fuite entra dans le Tréfor de 1’Abbaye 3» de Saint Denys. Cependant il n’eft pas unique. On en voit un autre, qu’on affure lui avoir appartenu, dans Ie
» cabinet du Grand Due de Tofcane. Virgile, auffi bien >»que plufieurs autres grands Hommes, n’a pas manqué »d’etre regardé comme un magicien dü premier rang , 33 un enchanteur, un forcier, un nécromancien, 8c fur- »tout un catoptromancien qui eut 1’art de deviner par »les miroirs. C’eft par eet art fur-tout qu’on rapporte qu’il 3, exercoit fes plus grands fecrets de magie 3,. Enfin Dom Boucher finit fes obfervations fur ce monument de 1’anti- quité, en attribuant a un certain Gervais de Tilifburi, Anglois, qui vivoit en rITO, d’avoir donné a Virgile cette nouvelle qualité, que toute 1’antiquité avoit ignore'e pen¬dant onze fiecles.
C ) Foyez nqtre Diflertation fur la Pierre fpéculaire des
Anciens, a la fuite de notre Ejfai fur la Peintwre en mo- fdique, Paris, 1768, chezVente, Libraire. La lefture de ces deux Ouvrages doit être jointe a celle do CQ Traité» dom ils out été detaches.
ancienne traduétion Francoife du Grec de Philon ( a)9 de verre auffi hlanc que le'cryftal9 fuivant M. A rnaud d’Andilly (£). Sigifmun * dus Gelenius & autres Interpretes & Tra- du&eurs Latins de eet Auteur le difent aufïi ( c). C’étoit apparemment du talc, dit Dom Calmet (d). Enfin un des plus célebres Pro- feffeurs Emérites de 1’Univerfité de Paris (e) a bien voulu me donner la traduction du paflage de Philon con^ue en ces termes: « L’Empereur , en courant, entra brufque- ment dans une grande felle; &, en ayant fait lé tour, il ordonna qu’on en garnit les fenêtres avec une efpece de pierre tranfparente fort approchante d’un verre blanc ».
Pour fortir d’embarras dans ce confKt de tradu&ions, difons avec Saumaife (ƒ), fans rien conclure en faveur du verre, que les Grecs donnerent aflez indifféremment le nom de hyehon, comme les Romains celui de fpe-? cular 3 a toutes les clótures faites de matieres diaphanès, foit qu’elles fuflent de verre pro- prement dit, ou de quelque pierre tranfpa- rente qui en approchac par fon éclat ou par fa blancheur. Saumaife appuie ce fentiment de quelques paflages de plufieurs Auteurs Grecs qui emploient le terme hyelia, en Francois vitres, pour défigner des endroits dont les fenêtres étoient clofes même avec des pierres fpéculaires. N’avons-nous pas par- mi-nous eet ancien proverbe : L’Abbaye eft pauv'e; les vitres ne Jont que de papier,
M. Berneton de Perrin (g) produit, en faveur de 1’antiquité de 1’emploi du verre aux fenêtres, un paflage de Séneque qui nous aflure que ce fut de fon temps qu’on inventa Fufege des vitres aux fenêtres, & que ces vitres font paffer dans les édifices qu’elles éclairent une lumiere brillante qu’elles tirent elles-mêmes d’un corps tranfparent (h}y»v Sans employer ici les raifons que M. de Perrin allegue en faveur de fon fentiment , je penfe qu’on pourroit, pour venir a fon fecours, admettre le teftd perlucente de Sé* neque; le mot tefta étant emp’oyé par les Auteurs des meilleurs temps de la Latinïté également pour exprimer une compofition vitreufe cuite au feu , & pour fignifiec une coquille. Or Pline (Libro 3 6 capite 2 j )
nous apprend que les Anciens faifoient en- trer dans la compofition du verre non-feu- lement le fable, les pierres & les cailloux, mais même les coquilles de certains tefta- eées. Ne pourroit-on pas en conje&urer, en faveur de 1’antiquité de l’ufage du verre aux fenêtres, qu’ici Séneque a pris la partie pour le tout, •& a voulu défigner le verre propre- went dit?
D’un autre cóté ne pourroit-on pas pren¬dre le mot tefta dans fa feconde fignification, en i’entendant comme Cicéron d’une coquil¬le ? Nous ne manquons pas d’exemples de coquilles employées aux fenêtres au lieu de carreaux de verre. Les Japonois, dit M. Vofgien (a) , fe fervent au lieu de vitres, de grandes coquilles qu’ils tirent des Ifles Lé- quios, oü il s’en fait un grand commerce. M. 1’Abbé Prévoft (b) dit que les Chinois em- ploient dans la conftruêlion de leurs bati- ments 1’écaille d’une groffe huitre que 1’on prend dans le Canal de Chan-to; que les Portugais les travaillent avec tant de finefTe , qu’ils les rendent propres a tenir lieu de vitres aux fenêtres. Qui pourroit empêcher de croire que eet ufage eft ancien, & que les coquilles auroient été employées au même ufage par les Romains ? Nous favons qu’ils tiroient, avec autant de profulion que de vanité, toutes les productions poffibles des pays qu’ils avoient conquis, &. qu’ils s’en approprierent fous les Empereurs tous les ufages de luxe inconnus au temps de la Ré- publique.
Si Pemploi du verre aux fenêtres ne re¬monte pas au fiecle de Philon & de Séneque, on peut du moins le dater du temps de Lac- tance. Nous lifons en effet dans fon livre de la conduite de Dieu dans fes ouvrages, que
notre ame voit & diftingue les objets par les yeux du corps > comme par des fenêtres garnies de verre ou de pierre fpèculaire (a).
Saint Jérome s’explique plus nettement ,
& nous indique a n’en point douter la con- noiffance pratique de 1’emploi du verre aux f
fenêtres dans deux endroits de fes Ouvrages.
Les fenêtres , dit-il, étoient en ferme de retst comme des jaldufies qui riétoient point remplies de verre ou de pierre fpèculaire, mats de bois , avec des efpaces vuides qui étoient peints en rouge (b). Dansl’autre endroit (r) il parle , de fênfares fermées avec du verre en lames peu étendues ou très-minces.
Des paffages de ces deux grands hommes L’empioi nous pouvons conclure que 1 ufage du verre Yptte proprement dit aux fenecres a pris namance rolt dater de vers la fin du troifiem© fiecle f & s’êft per- laffodutroi- pétué de fiecle en fiecle jufqu’a nos jours, fur-tout dans POccident. pieine vï-
Entre les Auteurs les plus anciens qui font expreffément mention de Fufage des vitres moins p°ut aux fenêtres des Eglifes, Fortunat de Poi¬tiers, contemporain de Grégoire de Tours, s’eft finguliérement appliqué dans fes Poéfies latines , a faire honneur aux Saints Evêques de fon temps , du fóin qu’ils prenoient de les éclairer de grandes fenêtres garnies de verre.
Leur tranfparence, jointe a 1’abondance de la Ïumiere des lampes qu’ön y entretenoit en tout temps, y maintenoit une clarté con- r tinuelle. Le brillaat éclat de ces lumieresj fur-tout aux approches de 1’aurore, fe ré- pétoit dans les plafonds & fur les murs pat celui des tableaux en mofaïque dont ils étoient ornés. La clarté du jour une fois admife dans 1’enceinte de ces faints Temples fembloit y être captive, & ne pouvoir plus en fortir. Cette penfée fur leffet de ces vitres étoit de venue fi fami fiere a ce Poëte qu’il la reproduit conti nuellement, foit qu il écrive a Saint Vital, Evêque de Ravennes , a 1’occafion des vitres dont il garnit FEglife qu’il venoit d’y faire batir en Phonneur de Saint André (d) , foit qu’il complimente
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FEvêque Ldonce fur celle qu il venoit d é- lever a Bordeaux fous 1’invocation de la
Sainte Vierge (a) . .
Le même Auteur ftit-il la defcription de
FEglife de Paris, conftruite & magnifique- ment ornde par les ordres de Childebert & dclairde de fenêtres garnies de verre ; il releve Fadmirable eftet que le jour des croifdes rdpand fur fes murs & dans fes voütes aux premieres approches de laurore (<£). II n’oublie pas , dans 1’dloge qu’il fait de FEglife que Fdlix Evêque de Nantes y avoit élevde en 1’honneur des Apótres Saint Pierre & Saint Paul, après avoir parld du brillant dclat que jettoit au dehors la cou¬verture d’dtain qui couronnoit eet ddifice, il n’oublie pas, dis-je, celui qu’elle tiroit en dedans des grandes croifdes de verre dont elle dtoit perede ( c).
Enfin Fortunat reproduit fa penfde favo¬rite fur le bel effet du verre dans les fenêtres des Eglifes, tant dans le compliment qu’il adreffe a Agdric Evêque de Verdun fur fon zele a rdtabfir les anciennes Eglifes de fon diocefe & a en conftruire de nouvelles (d}, que dans celui qu’il fait a Grégoire de Tours fur Ia reconftruétion que ce Prélat avoit or- donnde de FEglife de Saint Martin, Patron de fon diocefe (f).
Nous pourrions tirer des Ouvrages de Gré-goire de Tours (ƒ) & de la Vie de Saint Eloi, dcrite par Saint Ouen Archevêque de Rouen
PEINTURE
(rz) des paffages aufli decififs que ceux de notre Poete : mais je crois avoir prouvd fuf* fifamment que 1’ufage du verre aux fenêtres, fur-tout des grands ddifices, a pu commence! vers la fin du troifieme fiecle, & être en vigueur au fixieme, qui devient le terme ordinaire de ce que nous nommons les temps de 1’antiquité, & celui que nous nous fom- mes preterit en confequence, du moins pour 1’Occident.
Je ne puis terminer ce Chapitre fans dire un mot des fenêtres innombrables garnies de verre dont dtoit dclaird le temple de Sainte Sophie. Différents Auteurs Grecs fe font plu a faire la defcription de cette fuperbe Bafi- 1-ique, que 1’Empereur Juftinien fit batir a Conftantinople, & qu’il confacra au Verbe incarné. Ils parlent tous de fes vitres, fic admirent la brillante clartd qu’eiles y repair- doient au foieil ievant, fur - tout dans la croifee (b).
Voila ce que j’ai pu recueillir fur Forigine de 1’emploi du verie aux fenêtres chez les Anciens Peut-être nf accufera-t-on de m’être trop arrêtd fur cet objet: moins d’dtendue m’auroit coütd moins de recherches & em¬ployé moins de temps. Mais 1’etude de i’anti- quitd eft un fonds indpuifable: e’eft un champ fi beaujfi vafte, qu’on n’en fort pas aufii volon- tiers qu’on y eft entré.Un? ddeou verte fouvent nous conduit a une autre. Graces dune encore pour le Chapitre fuivant : j’efpere que le Public le verra avec d’autant plus d’indul¬gence, que la matiere en a été plus raremenc traitee. Il n’y a point de vitres fans fenêtres, rien done de plus dans 1’ordre que de dire quelque chofe de ces dernieres, après avoir dtabli i’ufage des premieres dans 1’anti* quitd.
{aft In Vit. San Pit Eligif Lib. x. Cap. 4J. legitur pec maximam Vitriariam.
(O Paul le Silentiaire, dans la defcription particu¬liere qu’ii donne du Dome de cette Eglife dit, au rap¬port de du Cange, qui a traduit & commente' fort au long les CEuvresde ce Poete Grec, que ce Dome étoit percé de trois grandes fenêtres, divife'es chacune en cinq par¬ties , quie'toient garnies de petits carreauxde Verre, 6c que les approches de 1’aurgre répandoient dans cette Bafilique au travers des vitres l’eclat e plus brillant '.Quin- quefariam Jeparata ac divifa lucis receptacula ( Concha ) aperit levioribus Vitris operta , per quorum medium belli corufcans ingreditur aurora. Du C. ad Verf, Paul. Silent. Z7$» fic interpretatum. Ailleurs ce favant C fftcier de 1’Em¬pereur Juftinien , en parlant des autres fenêtres de cette Eglife, avoit admire' le bel eftet que ces vitres y produi- foient: Lucentium femftrarum arcus fabricavsrunt per quast auricomtE lumen aurorae emittitur. Ib. poll lacunam Versus 90. du Cange cite Gillius fur la quantité prodigieufe de fenêtres vitrées, dont elle e'toit orne'e : Jd arcus duos , feptentrionalemfcilicet & meridionalem, curvaturam fuam in arcu Jubftrutlam habent, tenui pariete feneftellis vitreis pleno. Ib. ex Gillio. Er.fin I’Auteur inconnu, dont le P. Combefis nous donne la tradutlion, parmi celle de dif¬ferents Auteurs Grecs qui ont fait 1’e'loge de ce magni- fique Temple, parle aufli de ces fenêtres : Dia tón hye- . bon ontór.ta, id eft, per vitreas porticus. Manipul. Orig. Rerumq Conftantinopol. var. Aut. a F. Franc. Combe¬fis, Ord. Prajdicat. teddit. & not. ijluftr,: Ex inc. Aut. ib 24,
CHAPITRE IV.
*770 & 771.
Cg-) Diflertation fur 1’Art de la Verrerie, inférée dans Ie Journal de Trévoux, du mois de Novembre 1753.
( h) Séneque, Epift. 90, «Quadam noflra demum menta^ 33 ria prodiijfe f imus, ut fpeculariorwtt uftasa f perlucente H clartwt emittentium Iwaes,
(a) Laclance,Ecrivaïn Eccléfiaftiquedu commencement du quatrieme fiecle, De opifiew Dei, Cap. 8. Bertas & ma- nifeflius eft mentem ejfe, qua per oculos ea qua funt oppo~ fita tranfpiciat, quaji per feneftras lucente Vitro aut fpe- culari Iapide obduliat. M. Nixon a employé ce paflage dans fa Diflettation fur un morceau de Verre trouvé a Herculanum : elle fe lit dans les Tranfa&ions Philofophi- ques de Londres, tom. L.p. 60 r.
(b ) Saint Jéröme , dans fon Commentaire, fur Ie Ch. 41 d’Ezéchiel, v. 16, s’exprime ainfi: Feneftra quoque want faSia in modum retis ad inftar cdncellorum , ut non fpeculari Iapide nee Vitro, fed lignis interrafilibut & ver- miculatis iucluderentur.
(t) II dit encore dans un endroit rapporté par du Cange, dans fon Gloifaire, au root Vitrea, fans citation de lieu ; Feneftra qua Vitro in tenues laminas fufo obduda erant,
( d ) Fortunat» Carmin. Lil. 1.
Emicat aula potens Colido perfefta Mefaïlo,
Quo, fine node, manet continuata dies.
Invit at locus ipfe Deum, fub luce perennj
Grejfibus utplacidis intret antanfto lares.
(a) Ibid. De Leontio Epifcopo.
Eccebeata facrx fundafti Tempi a Mart#,
Nox iibi viEla fugit lèmper habendo diem.
Lumine plena micans imitata epi aula Mariam ■■ Ilia utero Lucem, claufit & ifla diem.
(£) Eortunat. Lib. z. §. II. De Ecclef. Parif.
Prima capit radios Vitreis oculata feneftris, Artificifque manu. claufit in arce diem.
Curftbus aurorae vaga lux laquearia complet, Atque fuis radiis & fine foie micat.
(c) Idem. Lib. 3.
Tota capit radios patulis oculata Feneftris,
Et quod mireris hie foris, intus habes.
Tempore quo redeunt tenebr#t mihi dicerefasfit? Mundus habet notlem , deiinet aula diem,
(d) Id. Lib. 30. 5. XXU.
Templa vetufta novas pretiojius & nova condis? Cultior eft Domini, te famulante, domus.
Candida fincero radiat haec aula fereno,
Et, ft Jol fugiat, hie manet arte dies.
(e) Id. Lib. 10.
Eundamenta igitur reparans haec prifea facer dos, Extulit egregius qudm nituere prius.
Nunc placet aula decens patulis oculata feneftris Qpia no&is tenebris clauditur arce dies.
<ƒ) Gregor. Turon, de Gloria Manyrum, Lib. 1°. Cap. 39? Lib. 6°* Cap. JO, & Lib. 7°. Cap. 29,