CHAPITRE VII.
Du Méchanifme de la Peinture fur Verre dans fes premiers temps.
(3 E Chapitre , comme le précédent, eft fondé fur de fimples conjectures : je les ai puifées dans 1’étude que j’ai faite de 1’exécution des anciennes vitres pein- tes que j’ai été chargé de réparer, & dans les ufages que nos peres nous ont tranfmis pour le faire.
Je fuppofe d’abord dans nos anciens Pem- tres fur verre une attention fmguliere a fe pourvoir fuffifamment de tables de verre tranfparent de toutes fortes de couleurs plus ou moins foncées, néceffaires aux différentes. nuances qu’ils devoient employer , & d’en- viron deux lignes d’épaiffeur. C’étoit avec 1’étain & le plomb , le fond principal de leurs atteliers. Je fens enfuite qu’ils devoient avoir re^u , long-temps avant de yitrer , des mains de l’Architeéte qui dirigeoit la conf- trudion de l’édifice,le plan géométriquedela grandeur & de la forme des fenêtres qu’ils de-voient remplir ; ainfi que du propriétaire ou fondateur, 1’ordre des fujets d’hiftoire ou d’ornement qu’ils devoient y faire entrer.C’é¬toit alors au Peintre Vitrier a faire , d’après ces plans & ces ordres, la diftribution de la quantité de tableaux qui devoient fermer chaque fenêtre, & des fonds fur lefquels il devoit les placer. Sur les mefures données par cette diftribution, il devoit établir fon deffin, & Farrêter en couleur fur fes cartons (a}. Le trait du contour des figures qu’il avoit a peindre , devoit y être formé fi exac- tement, que les pieces prefqu’innombrables, dont chaque panneau devoit être compofé , rapprochées 1’une de 1’autre , en obfer- vant de laiffer entre elles la place de 1’épaif- feur du cvw du plomb, puffent remplir avec jufteffe tout 1’efpace auquel le panneau de vitres étoit deftiné. II paroit que ces cartons fe confervoient bien foigneufement par les entrepreneurs; car fouvent les mêmes fujets fe trouvoient répétés dans différentes Eglifes de différe ntes Provinces , quelquefois bien
(a) Voye^ TEncyclopédie, au mot Canon t article de M. Watelet.
PEINT. SUR VERRE. I. Part,
éloignées Pune de 1’autre. Telles font des vitres peintes d’un même temps dans 1’Eglife des Dominicains de Poiffy, dans la Cathé- drale de Cambray, dans celles de Clermont en Auvergne, & de Saint Etienne de Limo¬ges , qui fe reffemblent en diftribution, def¬fin & exécution, Je penfe que ces cartons devoient être triples ; un pour fervir de modele dans 1’exécution , le fecond pour être découpé en autant de parties que les différents contours des membres & des drap- peries demandoient de morceaux de verre de différentes formes & couleurs; 1e troi- fieme enfin pour y établir dans leur rang les pieces de verre taiilées fuivant les con¬tours du deffin.
On penfe bien qu’il n’étoit pas poffible de découvrir le trait de ces contours au travers de ce verre très-épais & fort haut en cou¬leur , comme on le découvre au travers du verre blanc. Or les cartons découpés levoient eet inconvénient. On diflribuoit par ce moyen dans Pattelier a différents Ouvriers la coupe du verre de chaque couleur différente. On donnoitaux uns une couleur, aux autres une autre. Alors ces Ouvriers arrangeoient avec profit toutes les découpures de carton d’une même couleur fur une table de verre de cette couleur. Ils fignoient avec le blanc dé- trempé a 1’eau de gomme & la dragee, fur cette table de verre, les contours de chacune de ces différentes découpures, pour les entre- tailler enfuite. Les Peintres Vitriers n’avoient pas alors 1’ufage du diamant pour couper le verre: il ne commen^a que vers le 16e. fiecle. On fe fervoit a eet effet d’une pointe d’acier ou de fer trempé très-dur , que 1’on prome- noit autour du trait, en appuyant affez fort pour qu’elle f±t impreffion dans le verre. On humeétoit enfuite légéremenc le contour en- tamé. On appliquoit du cöté oppofé, une branche de fer rougie au feu, qui ne man- quoit pas d’y former une langue ou fêlure, qui , par Fa&ivité de la chaleur du fer, fe continuoit autour de la partie entamée, Alois, au fecours d’un petit maillet de buis ,
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