CHAPITRE XIV.
Peintres fur Verre quife diftingusrent au feifieme Jiecle.
„ . C^UOIQUE nous ayons déja parlé de Mottre
Claude & Claude & de Frere Guillaume de Marfeille, kume GUje Pelntres Ibr verre Francois 9 ne craignons Marfeille , pas de répéter ce que nous en dit Vafari Dominicain, 3ans fa Vie des Peintres. Il y avoit a Rome, verre^Fran- fous le Pontificat de Jules II, un Francois gois, Peintre en apprêt fur le verre nommé Maitre
Claude. Cet habile homme étoit a la tête des ouvrages de Peinture fur verre qui fe faifoient aux Eglifes & au Palais Papal. Le Bramante qui avoit entendu parler de 1’ha- bileté dans cet Art dun Religieux Domi¬nicain de Marfeille nommé Frere Guillaume engagea Maitre Claude a le mander auprès de lui, avec promefle d’une forte penfion de la part du Pape. Ce Religieux, fupé- ïieur en talent a Maitre Claude, muni de 1’obédience de fes Supérieurs, fe rendit a
tesa Rome. Rome, ou il peigmt lur verre, en concur¬rence avec lui, les grandes vitres de la Falie prés la Chapelle du Pape ( qui dans la fuite ont été fort endommagées par des coups d’arquebufade lors du fac de Rome ). Guillaume , que Vafari appelle de Marcilly , furvéquit a Maitigs Claude; car celui-ci, fuivant Félibien , mourut peu de temps après 1’arrivée de Frere Guillaume en cette Ville. Guillaume y fit feul plufieurs mor- ceaux de Peinture fur verre pour les ap- partements du Vatican & pour les Eglifes de Sainte Marie del Popolo & del FAnima.
Le Cardinal de Cortone, qui connoifibit Pétendue du talent de ce Religieux dans 1’invention de fes fujets & dans i’admirable variété de fes compofitions, le conduifit
Vitrespein- ^ans & Ville de Cortone, ou il peignit, tesaConone tant fur le verre qu’a frefque, plufieurs mor- a reszo» eeaux qUj furent fort eftimés. De Cortone il pafla a Arezzo, oil vivanc doucement des revenus d’un Prieuré que le Pape lui avoit donné, il s’appliqua particuliérement a fe perfeétionner dans le deflin. Il fe mit par ce moyen en état de faire de plus belles chofes que celles qu’il avoit faites a Rome. 11 y peignit pour la Cathédrale les vitres des grandes fenêtres de la Chapelle des Albergotis. Vafari qui fut fon éleve , ne craint point de dire que ces Peintures fur verre étoient fi bien traitées qu’il y avoit quelque chofe de divin dans les belles expreflions des figures , & fur-tout dans celle de Jefus-Chrift a la vitre ou eft repré- fentée la vocation de Saint Matthieu. II ajoute que 1 Architecture 8c les fites cham-
pêtres , qui entroient dans la compofition de ce vitreau, étoient d’un goüt & d’une exécution admirables. Ce Religieux Peintre fur verre, mourut a Arezzo en i ƒ37, agé de 62 ans (#).
Vers le même temps travailloit aux vitres peintes de la Cathédrale de la Ville d’Aufcn, Capitale de Gafcogne, un nommé Arnaud Defmoles , trés-habile Peintre fur verre Francois, ainfi que fon nom 1’indique; car nous ne connoifions ni le nom de fa patrie , ni celui de fes Maitres, ni le temps de fa mort. Francois-Guillaume de Lodeve, Car-
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dinal, Archevêque d’Aufch, que fa magni¬ficence envers fa Cathédrale rendra a jamais mémorable a fes diocéfains , chargea ce Peintre fur verre de 1’exécution de ces incom- parables vitres , qui, depuis deux fiecles & demi, ont fait & feront toujours a bon titre le fujet de 1’étonnement & de 1’admiration des eonnoiffeurs. Ces vitreaux, dont le deffin fe trouve répété en Sculptures d’un tres-bon goüt fur les doffiers des ftales des Cha- noines de cette Eglife, font au nombre de vingt , de quarante-cinq pieds de hauteur fur quinze de largeur. La plupart des figures qui y font peintes, font de grandeur naturelle,
Arnaud Defmoles Peintre verre Fran¬cois.
Vitres de la Cathédra¬le d’Aufch.
(4) Le peu de cre'dit que Ia Peinture fur verre a acquis en Italië lui feroit-il done fatal même parmi nous 1 On voit que toutes lestentatives qui ont été faites poury en introduire le goüt, font toujours refle'es fansfuccès; en effet, il n’y avoit pas 50 ans , queleB. Jacques l’AIIemand, auflt Dominicain, e'toit mort a Boulogne en Italië, après en avoir parcouru les differents Etats, en travailiant de la Peinture fur verre, oü il avoit affez bien re'uffi , mais fans y faire d’Eleves, lorfque Jules II fe vit oblige de faire venir des Francois a Rome pour travailler a pein- dre les vitres du Vatican. Depuis Ia mort de Frere Guil¬laume de Marfeille, cJeft-a-dire, depuis plus de 200 ans, on ne lit point dans les vies des Peintres Itaiiens , qu’au- cun d’eux, excellents d’aïlleurs dans toute autre maniere de peindre, fur-tout en mofaïque, le foit applique a pein- dre fur verre ( * ).
Quoi done! Paree que les Itaiiens n’ont pas montrs de gout pour ce genre de Peinture, faut-il que nos Fran¬cois qui y ont excellé de tout temps , abandonnent auffi cet Art fl noble 8c ft noblement traite' par ieursa’ieux ? Neft-il pas plutót deleur honneur de faire de nouveaux efforts pour le faire revivre? Et feroient-ils afièz inconfé- quents pourcreufer eux-même le tombeau d’un Art auquel ils donnerent naiffance , dont leurs diffe'rentes Provinces, 8c dont celles de leurs voifins devinrent a I’envi le bei-
( ) L Auteur ae ce Traite n’a point connu un. Peintre fut vette Italien > dont parle ie grand "Vocabulaire Francois. On y lit au moc Sienne , que « les vitres de Ja Rofette, qui eft au-deflus du portail ( de » la Cathédrale de cette ville ) furent peintes en 1549, par Pafiorino « di Giovanni Micheli de Sienne , qui apprit cet Art de Guillaume Mar- ai %il!a , Francois , 1 un des plus glands Maitres qu’il y eut alors pout aj ces fortes d’ouvrages JJ, Ce Guillaume Marfilla ne feroit-il pas le frere Guillaume de Marfeille, que Vafari appelle De Marcilly ? II auroic . pu faire un Elevc en Tofcane , puifqull s’efl fixé a. Aiezzo, & qu’il y a
Éni fes jours, Note di I’Eiixur,
& les Lucas de Leyden, né dans cette Ville en £Ucas de 1494 ne s’eft pas tellement adonné a la Leyde, Pein- Peinture fur verre, qu’on puiffe le confidérer HolIandoT* uniquement fous cet afpeéh Son pere, habile Peintre, plus connu fous le nom d’Hugues Jacobs y lui donna de très-bonne heure les premieres lemons de deflin, qui furent per- feétionnées par Cornille Enghelbrechtfen.
Sa mere craignapt pour fa fanté, qu’une trop grande application dans un age encore tendrepouvoitaltérer, s’effor^oit tantqu’efle pouvoit a Fen détourner. La Gravure lui plai- foit; il s’y appliqua. Il ne fréquentoit que ceux en qui il fentoit une même ardeur pour le travail. Dès 1’age de neuf ans, il fe mit en état de graver. A douze il mie au jour fa fameufe planche de Saint Hubert.
A quinze il peignit toute la vie de ce Saint. Travaillant jour & nuit, tous les genres de peinture lui devinrent familiers. On doute encore dans quel genre il excelia. Sur le verre, en détrempe, a 1’huile ; dans le por¬trait, dans le payfage, il réu flit également.
Ses Gravures, parfaitement traitées a lean forte, lui acquirent une grande réputation & fe vendirent fort cher , même de fon vivant, Cette réputation attira auprès de lui le célebre Albert Durer. La douceur & les agréments de leur converfation firent naitre entre eux cette aimable rivalité que produit une noble émulation. L’envie n’y prit jamais la moindre part. Ils traitoient les memes fujets , & s’admiroient 1’un Fautre. Ils crurent ne pouvoir fe donner une plus grande preuve de leur parfaite union, qu’en fe peignant tous deux fur un même tableau.
S’il amafla de gros biens, il feut s’en faire honneur. Il rechercha la connoiffance des plus grands Maitres. A trente-t^<is ans il fit équiper un navire a fes dépens pour rendre vifite a Jean de Mabufe, excellent Peintre a Midelbourg , & aux plus célebres Artiftes de Gand, de Malines & d’Anvers, auxquels il donna de belles fêtes. Ce grand homme, ft digne de vivre, ne jouit pas d’une vie bien longue. Après en avoir paffe au lit les fix dernieres années, il mourut en 15*33, agé de 39 ans, & put a peine finir une .
Pallas qu’ii avoit gravée dans ce tombeau an- ticipé. M. Defcamps nous apprend que le nombre de fes ouvrages en tout genre de Peinture fut extraordinaire; mais il ne nous faitconnoitrel’emplacementd’aucun de ceux qu’il exécuta fur le verre. ‘
Dans le même temps vivoient deux Artifi Aert ciaef- tes, qui, par Futilité dont ils furent pour les Jon Peintres fur verre, méritent d’occuper une PeintrTHoI- place parmi eux. kndois, Sc
Le premier nommé Aert {ktnmd)Claejfoon, wftte” Pein-mais communémentappellé Aertgen. étoit un treFiamand, grand Deflinateur. Né a Leyden en 1498, il entra en 1 y 16 chez Cornille Enghelbrecht- Peintres fur T ' verre,
fen & devint habile Peintre. II Pr<\n0'c ^es fujets dans 1’ancien & le nouveau Teftament, & ne recommandoit rien tant que ce choix a fes éleves. Ses compofitions étoient fort belles & d’une facilité étonnante. Ce choix décidé pour des fujets pieux le fit recher- cher par les Peintres fur verre. II fit beau¬coup de deflins ou de cartons pour eux. II ne recevoit jamais plus de fept fols pour un deffin d’une feuille de papier : auffi n’a-t-on jamais guere vu de Deffinateur qui ait mis au jour une fi grande quantité d’ouvrages. La modicité du gain qu’il en retiroit, nelui permit pas une grande correction de deffin.
Il fe noya par une chüte qu’il fit fur les bords d’un Canal en 1764.
L’autre, originaire de Gand, fe nommoit 'Li&vin de IPïtte. II étoit excellent Peintre d’hiftoire, d’archite&ure & de perfpettive. Ses ouvrages font rares. On voit dans cette Ville en lEglife de Saint Jean beaucoup de vitres peintes daprès fes cartons. On ne fait point 1’année de fa mort.
Charles Au commencement de ce fiecle Charles Pdmrefur d’Ypres naquit dans cette Ville, dont il por- verre Fla- ta conftamment le nom jufqu’au jour de fon décès. II travailla beaucoup en Peinture fur verre, tant dans fa patrie que dans fes envi¬rons ; mais au retour d’un voyage qu’il fit en Italië, il peignit a frefque & a 1’huile. Il a fourni aux Peintres Vitriers une très-grande quantité de cartons, & eft mort fuicide vers 1564.
Jacques de Jacques de Friendt, bon Peintre fur verre Peint^fur Flamand, eut plufieurs freres diftingués verre Fla- dans les Arts , entr’autres Francois, plus lïianc1, connu fous le nom de Franc Floris , &
furnommé de fon temps le Raphael des Flamands. M. Defcamps dans fon ouvrage pittorefque nous apprend qu’on voit de lui une Nativité de Jefus-Chrift peinte fur une vitre de 1’une des croifées de la Cathédrale d’Anvers ; & il a repréfenté le Jugement dernier fur le vitrage au-deffiis du grand portail de 1’Eglife Collégiale de Sainte Gudule a Bruxelles.
Rogïers , Dans laChapelle du St. Sacrement de cette vlrr^ Hob ^oll^giale, on voit des vitres d’un autre Pein- landois. tre fur verre de ce temps nommé Rogiers. II falloit qu’il excellat dans fon Art; car elles font autant de préfents faits par des Souve- xains. La premiere en entrant a été donnée par Jean III, Roi de Portugal; la feconde par Marie, Reine de Hongrie; la troifieme par Francois I, Roi de France; la quatrieme *par Ferdinand, frere de 1’Empereur Charles- Quint ; & la cinquieme par cet Empereur.
Robert Pi-
Feimre fur Pans le même temPs v‘voit un Francois verre Fran- Fcintrc fur verre ? nommé Robert Pitif.i- $oi$.
grier, dont les ouvrages connus feront tou- jours des modeles pour nos neveux. Mes recherches ne m’apprennent rien du jour & du lieu de fa naiflance, non plus que de fa mort. Ce qui eft certain , e’eft qu iltravail- loit en concurrence avec Jean Couiin, Pein- tre fur verre Francois, dont nous parlerons bientót. On voit a Chartres dans 1’Eglife Paroiffiale de S. Hilaire, des vitres peintes par Pinaigrier en 1727 & iyjo, d’un bon gout de deffin & d’un bel apprêt de couleurs. Entre ces vitreaux on en remarque un plus particuliérement, qui depuis a été copié en différentes Eglifes de Paris. Il eft la vive expreffion d’une allégorie qui rapporte a 1’effufion du Sang de Jefus-Chrift, 1’éma- nation des graces que les Sacrements con- ferent; ouvrage néanmoins dans lequel il eft difficile de difcerner fi les vues du Peintre font plus religieufes que politiques , plus pieufes que ridicules. D’ailleurs cette allé¬gorie, dont le premier fens eft admirable, fe trouve plus ou moins chargée d’épifodes dans les différentes copies qui en ont été faites en divers lieux (a), La defcription que Sauval donne de cette vitre allégorique eft très-conforme a une de ces copies , mer- veilleufement peinte fur verre, qui étoit autrefois fous le charnier de 1’Eglife Paroif-fiale de Saint Etienne-du-Mont a Paris, & que, de 1’ordre des Marguilliers de cette Êglife, j’ai tranfporté au cóté droit de la Chapelle de la Sainte Vierge , qui fert de Chapelle de la Communion. Voici comme notre Auteur s’en explique:« On voit dans » cette vitre des Papes, des Empereurs, des » Rois, desEvêques, des Archevêques, des Cardinaux, tous en habits de cérémonie, » occupés a remplir & rouler des tonneaux, 55 les defeendre dans la cave, les uns mon- 55 tés fur un poulain (£), les autres tenant » le traineau a droite & a gauche; en un 55 mot on leur voit faire tout ce que font les 55 Tonneliers. Tous ces perfonnages au refte 55 ne font pas des portraits de caprice. Ce 55 font ceux de Paul III (r), de Charles- 55 Quint, Empereur, de Franqois I, Roi de 5> France, de Henri VIII, Roi d’Angleterre, 55 du Cardinal de Chatillon & autres, pref- » qu’auffi reffemblants que fi on les avoït » peints d’après eux, le tout fur ces paroles » de 1 Ecriture, 'F'orcalar calcaui ftolus^ quare » eft rubrum véftimentum meum. Les muids 55 qu’ils remuent font pleins du Sang de J. C.
s étendu fous un prefloir, qui ruiffelle de ® fes plaies de tous cótés. Ici les Patriarches » labourent la vigne, la les Prophetes font » la vendange. Les Apótres portent le raifin » dans la cuve : Saint Pierre la foule. Les » Evangéliftes dans un lointain , figurés par y> un Aigle, unTaureau & unLion, la trai- » nent dans des tonneaux fur un chariot que » conduit unAnge. Les Doóteurs de 1’Eglife » la recoivent au fortir du corps de Notre- » Seigneur s & 1’entonnent. Dans Féloigne- » ment & vers le haut du vitreau, fous une » efpece de charnier ou galerie, on diftin- » gue des Prêtres en furplis & en étole qui » adminiftrent aux Fideles les Sacrements de » Pénitence & d’Euchariftie ».
Vitrcs de Le même Peintre fit aufïi a Paris de très-
Saïnt Ger- belles vitres pour PEglife Paroifliale de Saint vais a Paris. Qervajs . tel[es font fians fe choeur de cette
Eglife, Phiftoire du Paralytique de la Pifcine, celle du Lazare ; & , dans la nef, la forme de vitres peintes de la Chapelle de Saint Mi¬chel , fur laquelle font repréfentées les cour- fes des jeunes Pélerins , qui, pres d’atteindre la cime du roefher efcarpé fur lequel eft fituée V Abbaye de Saint Michel in tumbdy s’exercent a des danfes & a des amufements champêtres. Ce vitreau a toujours été fort eftimé pour la corre&ion du deflin , le vrai qui regne dans Ia compofition & la beauté du colons. II eft formé en partie de verre de couleurs en table, découpé fuivant les contours du defïin , & en partie couché d’émaux. Ce Peintre s’appliqua néanmoins linguliérement a perfedionner & a rendre les émaux plus fréquents dans fes ouyrages que n’avoient fait fes prédéceffeurs. II fut même regardé en France comme leur inven- teur. Pinaigrier pourroit bien auffi être 1’Au- teur des vitres peintes de la Chapelle de la Sainte Vierge dans la même Eglife, quoique Pemploi des émaux y foit plus rare.
Vitres de Sauval, aux recherches duquel nous fom- Pariï^01 * mes reéevables de la confervation des noms 1 des plus habiles Peintres fur verre Francois de ce fiecle, qui ont laiffé dans Paris des preuves de leur favoir faire, attribue encore a Pinaigrier les vitres de la Chapelle de Saint Clair,en 1’Eglife de 1’Abbaye Royale de Saint Vidor de cette Ville, fur lefquelles les dé- bauches de 1’Enfant prodigue & une partie de la vie de Saint Léger font repréfentées. II dit que ces vitres ont été eftimées comme les plus belles de Paris qui ayent été peintes d’après les deflins de eet habile Maitre , fur-tout a caufe de la beauté & du fini des têtes. On peut néanmoins lui faire fur le deflin des vitres de cette Chapelle, le repro- che que 1’on fit a Albert Durer du défaut de la pratique du coftume , fi Ton fait attention que 1’habillement des figures fe rapproche plus du goüt moderne que de la maniere de s’habiller des Juifs a qui le Sauveur adreffoit
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fa parabole. On remarque d’ailleurs dans fes ouvrages un refte du gout gothique dont Jean^Coufin, le modele de nos bons Peintres Francois, ne fut pas exempt.
On pourroit attribuer a Angrand ou En* guerrand le Prince les vitres des Chapelles de Sainte Marguerite, de Saint Nicolas, de Saint Pierre, de PArbre de Jeffé, de PAdoration des >.
Mages au-deffus de la porte qui conduit au cloitre, & celles de la Chapelle de Saint De¬nys, comme ayant beaucoup de reffemblance avec celles de Beauvais, dues a eet excellent Peintre fur verre de cette Ville, dont nous avons parlé a la fin du fiecle précédent. Au refte Sauval ne nomme pas leur Auteur.
Quant aux Chapelles du cóté gauche du choeur en allant a celle de Saint Jean, ou, comme on dit, du cóté de Montholon , on peut affurer fans crainte de fe tromper, qu’el- les ne font pas des mêmes Maitres que les au* tres. Les touches en font beaucoup plus lar¬ges & la maniere d’un gout plus noble & plus frappant, fans le céder aux précédentes par la vivacité pétillante de leur colons. On'pour- roit en attribuer le deflin a Lucas Penni, dont le féjour a Paris peut être du temps de Montholon, & 1’exécution a Robert Pi-naigrier. Il paroit que Jean de Montholon,
Chanoine Régulier de cette Abbaye , n’a pas peu contribué par fes libéralités a la dépenfe des vitres peintes de ces dernieres Chapelles. Ce célebre Dodeur en Droit, de qui nous avons un ouvrage de Jurifprudence, intitulé, Breviarium Juris y imprimé en i£2O par Henri Etienne , eft repréfenté fur les vitres d’une de ces Chapelles qui fert a préfent de facriftie a celle de Saint Jean , avec fes armoiries fur fon prie-dieu. Enfin Félibien dit que Pinaigrier fixa 1'on féjour a Tours, oü fes éleves fe rendirent tres* célebres dans la Peinture fur verre , & fou- tinrent, comme nous le verrons en parlant des belles vitres du charnier de 1’Eglife Royale & Paroifliale de Saint Paul a Paris, la haute réputation de leur pere.
La Ville de Metz poffédoit vers Ie même Valentia temps , Nalentin Bouch: je ne connois ce Peintre fur verre que par une copie de fon fur verre. ' Teftament qu’un Maitre Vitrier de cette Ville vient de me faire paffer. Ce Teftament ou Tevife , comme il eft intitulé, eft daté du
Mars 174-1; il nous apprend que Maitre Valentin Bouch , Peintre & Carrier , a fait les vitres peintes de la grande Eglife de Metz, a laquelle il legue tous fes grands Pa- vitres de Ia trons y dejquels il a fatt les varrieres de ladite Cathédrale Eglife , pour s’en fervir & aider d l’avenir d de AIetx* la reparation d’icelles varrieres y toutes & quart- ■
desfois nécejjiré/era, II paroit que Bouch pei- gnoit aufli a Fhuile; car il legue a la même Eglife un fien Tableau de Notre- Dame fait en huiley avec deux écus d’or au foleil pour faire
dorer’ les lettres quifont a Fentottr d icelui ta-bleau , le tout pour prier Dieu pour Jon ame. On peut juger par les différentes difpolitions defon teftament, qu H étoitfort riche, & qu il avoit voyage en Italië. Après beaucoup de legs pieux en faveur des Religieux desquatre OrdresditsMandiants, de plufieurs Monafte- res de Religieufes de Metz 9 & des pauvres honteux & quêtans leur pain de ladite Ville, Ï1 legue au nommé Harman Foliq , qu’il ap- pelle fin vieux ferviteur, outre un bechin d’argent pefant quatre onces , douze pieces de portraitures d’ltalie ou d'Albert a fon choix; autant a Mangin le Peintre, fonChi- rurgien , telles qu’il femblera duifant a lui ; en outre, toutes fes couleurs pour peindre & une dague ferrée d’argent; a George le J/arner y un béchin d’argent pefant environ quatre onces, & douze Apótres fur papier rehauffés deblanc & denoir, avec un moule pour jetter du plomb .... ; a Collin , fon mortier de gray, &c. Ce Teftament contient de plus une finguliere difpofition en faveur de fes Confreres ; sen donne , y effc-il dit , aux Matures & fix du metier de Carrier de Mets, dix fils de Mets pour une fois pour eux aller boire enfemble le jour de Jon firvice & obit y & pour Dieu prier pour fame de lui. Elie eft aufli ridicule que celle de Martin Léemskerck , Peintre Hollandois y mais moins impie. Celui-ci avoit fait un legs con- fidérable pour marier quelques jeunes filles , a la charge de danfer fur fa fojfe (a). Bouch donne encore a Antonin le Carrier , une robe a la difcrétion de fa main bourfe (b) y avec 400 liens de blanc voir ( verre blanc ) pour une fois , pour prier y &c. Enfin il éta- blit Idate, fa femme , fa légataire univer- felle , fa garde, main-bourfi & departereffe. Ce Peintre fur verre ne furvecuc a fon Tef- tament que l’efpace de cinq mois ; car cette Devife ou Teftament fut acceptée & dete¬ntie par Idate, le 22 Aoüt iy^i.
Les opinions font partagées fur la patrie de deux freres Peintres fur verre, qui bril- lerent le plus en Hollande vers ce temps-la, Entre les Hiftoriens de la Ville de Gouda , a qui leur mérite étoit d’autant plus connu que cette Ville poflede leurs plus belles vi- tres, les uns les font originaires d’Allema- gne , les autres les croient Francois. Leur propre poftérité les fait naitre aux Pays-Bas. Ces deux habiles Peintres , nommés Dirck ( Thierri ) & l^outer ( Gauthier ) Crabeth , réuflirent parfaitement dans 1’Art de Pein¬dre fur verre, en grand comme en petit, avec une promptitude extraordinaire , fur- tout de la part de Dirck.
Wouter vifita la France & 1’Italie ; fa coutume étoit de laifier un carreau de vitres ou un panneau peint de fa main dans cha- que Ville ou il paffoit : les connoiffeurs di- fent que Wouter 1’emportoit fur fon frere dans le coloris comme dans le deftin, mais que Dirck donnoit plus de force a fes ouvra- ges; ce qui fit dire dans le temps que Dirck étoit fupérieur dans les ouvrages ou il faF loit une Peinture male , & Wouter dans ceux qui demandoient des lumieres plus bril- lantes. La force de Dirck confiftoit dans des coups de pinceau plus hardis; il formoit fes ombres par des hachures larges & bien en- tendues; il epargnoit (c) beaucoup le verre dans les contours des membres & des drap- peries : cela fuppofé , on a moins lieu d’être furpris de fa plus prompte exécution. Wou¬ter, au contraire, s’étoitapproprié une prati¬que conftante du clair-obfcur, par la dé- gradation du lavis de la couleur noire , ha- bilement étendu fur le verre, qu’il épar- gnoit moins que fon frere, mais dont il en- tendoit parfaitement les rehauts. Or, cette maniere de faire ne pouvoit manquer de don¬ner plus de brillant dans les lumieres , mais lui demandoit plus de temps & de délica- teffe.
Nous avons en notre poffeflion un livret de 3 1 pages d’imprefli on , intitulé : Explica¬tion de ce qui efi repréfinte dans le magrirfique vitrage de la grande & belle Eglifi de Saint Jean d Gouda, pour la fatisfaéfion tant des habitants de cette J^ille, que des étr angers qui viennent y admirer cette merveille, imprimé d Gouda, che^ André Endenburg, Imprimeur de la brille, avec privilege, mais fans date de fon année d’impreflion. Suivant ce livret , qui fe vend a Gouda par 1’autorité du Con- feil de cette Ville, cette Eglife ayant été réduite en cendres par la foudre le 12 Jan¬vier iyy2, fut promptement relevée par les magnifiques libéralités de Philippe II Roï d’Efpagne & dernier Comte de Hollande, de la Ducheffe de Parme fa foeur, Gouver¬nante des Pays-Bas, d’autres Seigneurs de ces Provinces , tant Eccléfiaftiques que fé- culiers , & des Cours Souveraines. Le peu- ple même y contribua par fes travaux gra¬tuits comme par fes dons volontaires. Le monument le plus diftingué de cette reftau- ration brille encore fur fon fuperbe vitrage : Dirck 8c UAouter Pieterfie Crabeth s’y dif- tinguerent par préférence.
Les vitreaux de cette Eglife font au nom- bre de 44, tous remplis de vitres peintes de la plus grande beauté, tant pour leur ordonnance & la correction du deflin , que
(a) Voy. Félib.Entret. fut la vïe & les Ouvr. des Peintr. tom. i.p. 581, & M. Defcamps,*»». i.p. Ce Peintre tnpurut en i$74-
Son exécutrice teftamentaire.
(a) Epargner fe dit en Peinture, d’un endroit ou on ne couche point de lavis , ce que nous explïquerons par la fuite relativement a la Peinture fut verre.
pour
poür leur admirable colons* Il paroit que les troubles de Religion qui répandirent de fi tumultueufes allarmes dans les Provin- ces de Hollande, oecafionnerent quelque interruption dans la continuation de cette entreprife» La datte de ces vitres 9 qui , commencées en iyyy, ne paroiffent avoir été finies qu’en ido? ; la différence qu’on y remarq ueentre les Sujets qui y furent trai¬tés , lorfque les Provinces étoient encore Catholiques , & ceux qui datent d’après les exploits du Prince d’Orange, qui les ar- racha a la domination Efpagnole 9 en font unepreuve exiftante.
Notre Livret détaille exadement tous ces vitreaux, rapporte les infcriptions peintes au bas de chacun par les différents bons Peintres fur verre qui les ont faits (a) 9 dont plufieurs font inconnus a M. Defcamps , & diffingue les Copiftes des Inventeurs qui en ont fait les cartons. Quelques infcrip¬tions latines annoncent les principaux dona¬teurs, &font confaerées a leur mémoire.
Entre ces belles vitres peintes, il y en a quatre de la main de Wouter Crabeth, deux de fes Êleves, neuf de Dirck & quatorze de fes Êleves. Nous parlerons de celles des autres Peintres Vitriers a leurs articles.
Le premier vïtreau de Wouter , repré¬fente Salomon dans toute fa pompe rece- vant la Reine de Saba. On voit au-deffous le portrait de Madame Gabrielle Boetze- laer, Abbeffe de Rynfburg, qui en a fait préfent a 1’Eglife de Gouda : elle eft afliftée de 1’Ange Gabriel, avec fes armoiries & celles des alliances de fa Maifon ; i’infcrip- tion mife au bas annonce qui en eft 1’Inven- teur & le Peintre: on y lit JTTuter Crabeth fig, &pinx. (Figuravit & pinxit.) Goud#, 1561.
La naiffance de J. C. eft peinte dans le fecond; ce vitreau a été donné par les Cha- noines de Saint Salvator d’Utrecht, qui y font figurés dans le bas, préfidés par J. C., avec leurs armoiries derriere eux; 1’infcrip- tion porte Wouter Crabeth ,&c. iytfy.
Le troifieme repréfente 1’hiftoire d’Hé- liodore: il a été donné par le Prince Erie, Due de Brunfwick, &c. qui eft peint au bas, ayant derriere lui Saint Laurent avec fes attributs. Les armoiries de la maifon du Due font au-deffus de 1’infcription, qui porte Wou- ter , &c. 1
Le quatrieme donné en iféa, par Mar¬guerite d’Autriche , Ducheffe de Parme & Gouvernante des Pays-Bas, paroit n’avoir été peint qu’en ij7é. On y voit le Sacri- crifice d’Élie & le Lavement des pieds. La Princeffe y eft repréfentée au-deffous, &
(aj Le feul dont notre Livret ignore Ie Peintre, rêpré- fente la Decollation de Saint Jean-Baptifie ; il a été don¬né par le fieur Henry Van-Zwol t Commandeur de 1’Or- dre de Saint Jean a Harlem,Pan ijyo. Au-deffous de 1’hifi toire eft fon portrait, Sc derierre lui la figure de ce Saint*
PEINT, SUR FERRE* I, Pan,
derriere elle , fa Patrone aVec ün Dragon fous fes pieds. On lit dans 1’infcription ZT"5#*
Deux de fes Êleves ont peint, fans douté d’après fes cartons, dans deux vitreaux de la mêmeEglife laPaflion, la Réfurre&ion & 1’Afcenfion de Jefus-Chrift» Ces vitreaux* qui avoient été deftinés pour le cloitre des Réguliers d Ëmmaüs dans le pays de Steyn , furent donnés a 1’Eglife de Gouda, Pun par Théodore Cornelifze, TréforierduRoi d’Ef- pagne pour’le reffort de Ter-Goude, & par le Bourguemeftre Jean Hey; 1’autre par Ni¬colas Van-Nieuland, Evêque de Harlem* On lit dans leurs infcriptions : Peints par les DiJ^ ciples de Wouter Crabeth , d Gouda. 1 $ 80.
Quant aux vitres peintes par Dirck Cra- Vitres de beth, la premiere qu’il a faite pour cette £ra“ Églife repréfente le Baptême de Notre-Sei- a 0U* gneur: George d’Egmont, Evêque d’Ütrecht & Abbé de Saint Amand en eft le donateur*
On y reconnoit le portrait de ce Prélat, fes armoiries & celles des alliances de la maifon d’Egmont. L’infcript. porte: Theod. {Theo- doricus 9 en Francois Thierry) Crabeth 9 fig. dr pinx. Goud# ƒƒƒƒ.
II a peint dans la feconde, d’une part Saint Jean qui baptife dans le Jourdain, de 1’autre Jefus-Chrift qui donne million a fes Apótres pour inftruire & baptifer les nations.
Dans cette vitre donnée par Cornille de Mycrop, Prévót, Archidiacre & Chanoine du Chapitre de Saint Salvator a Utrecht, on remarque le portrait de ce dignitaire aflifté de la Sainte Vierge & de Saint Benoit, avec des attributs relatifs a 1’hiftoire du Patriarchs des Moines de 1’Occident. On lit dans 1’infcript. Theod. Crabeth , &c. 1 ƒ ƒ ff.
On voit dans la troifieme la Prédication de Jefus-Chrift & les difciples de Jean dépu- tés vers le Sauveur, qui fait plufieurs miracles devant eux. En haut, dans Féloignement, eft la prifon du Précurfeur du Meflie : en bas font les portraits de Gerard Hey Gerritfze de fa femme & de fa fille , tous trois dona¬teurs de cette vitre. L’infcript. porte: Theodi &c. 1 y y 6.
Dans la quatrieme, on apperqoit vers le haut la dédicace du temple de Salomon a Jérufalem, & les offrandes qui s’y firent: au bas la derniere Cêne de Jefus-Chrift avec fes Apótres. Le Roi d’Efpagne Philippe II, donateur de cette vitre, & la Reine fon époufe, y font repréfentés avec toutes les marques diftinêtives de la majefté royaler On y lit plufieurs devifes en leur honneui L’infcript. porte : Theod. &c. 1 ƒ ƒ7.
La cinquieme, donnée par i’Evêque de Liege, Abbé de Bergue, repréfente ver9 le haut, David a la tête de fon armée, qui envoie des députés a Nabal poür en obtenue des vivres ; vers le bas, la premiere prédi* cation de Saint Jean-Baptifte aux Soldata
4<? L’ART DE LA
Toutes les armoiries des différentes alliances de la maifon de ce Prince Evêque y font pem- tes. On lit dans l’infcript. Theod. &c. I ƒ ƒ 7.
Dans la fixieme, donnee par le Prince Philippe, Comte de Zour, &c. font repré- fentées trois hiftoires , favoir, celle du bap- tême de 1’Eunuque de la Reine de Candace par le Diacre Philippe, celle de la guérifon du Boiteux a la porte du temple, & celle du Paralytique de trente-huit ans auprès de la Pifcine de Bethfaïde. L’infcript. porte : Theod. &c. 1$$9*
La feptieme repréfente le fiege de Béthu- lie & la mort d’Holopherne. Au-deffous de cette hiftoire font les portraits & les Patrons du Prince Jean de Bade, Due d’Arfchot &c. Chevalier de la Toifon d Or , & de Cathe¬rine , Comteffe de la Marck, fon époufe, avec les armoiries de ces deuxMaifons & de leurs alliances. L’infcript. porte: Theod, &c.
/ƒ71. .
Dans la huitieme, donnée par Guillaume de Naffau, Prince d’Orange, on admire la belle ordonnance & 1’excellente peinture de Fhiftoire de Jefus-Chrift chaffant les Marchands du temple. On lit dans Finfcr. Theod. &c. 19 J 6, On y a ajouté en 165-7 les armoiries des vingt-huit Confeillers de Gouda.
Enfin une neuvieme vitre de Dirck , placée au-deffus des orgues de FEglife , repréfente Jonas fortant du fein de la Baleine, avec cette devife, Ecce plus qudm Jonas hic. Elle a été donnée par le corps des Poiffon- riiers de Gouda. L’infcr, porte: Theod. Cr abet h fig. & pinx. Goud#, fans Chronogramme.
Un des Eleves de eet habile Peintre a peint pour la même Eglife, fans doute d’a- pres fes cartons, les treize vitreaux du haut du choeur, repréfentant dans Fun Jefus-Chrift,
& dans chacun des douze autres la figure de chaque Apótre. Ils datent de lyyé”,
On ne fait fi c’eft le même Eleve qui a peint une vitre prés la Tour du Midi , donnée fans date d’année par le corps des Bouchers de Gouda. Elle repréfente le repro- che de PAnefle de Balaam au Prophéte qui la maltraitoit.
Tels font les magnifiques vitreaux dont Dirck & Wouter Crabeth furent les inven- teurs & les Peintres. Quoique ces deux freres fuflènt amis, ils fe cachoient leur fecret, ou pour mieux dire leur maniere de faire. Le frere qui recevoit la vifite de fon frere , couvroit fon ouvrage en fa préfence. II arriva même qu’un des deux ayant demandé a Fautre comment il s’y prenoit pour réuflir dans ce qui lui paroiflbit fi difficile a trou- ver , il ne put avoir d’autre réponfe que êelle-ci: Mon fiere, j ai trouvé par le travails cherchez, & vous trouvere^ de même. Ils fe contentcrent dès-loxs de fe voir peu, & dc
P EINTURE
s’écrire lorfqu’ils avoient quelque affaire a fe communiquer. lis firent tant de recherches & tant de frais dans leur Art, qu’ils fe virent obligés de travailler comme de fimples Vi- triers , pour éviter Findigence.
Des deux freres , il n’y eut que Wouter qui fe maria. 11 époufa une fille de la familie de Proyen, dont il eut un fils, nommé Pierre, qui depuis a été Bourguemeftre ; & une fille qui fut mariée a Reynier Parfyn , Graveur, qui a donné au Public les portraits de Dirck & de Wouter. Son petit-fils, nommé comme lui Wouter Crabeth, le meilleur des Eleves de Cornille Ketel, s’eft diftingué dans 1’hifc toire & le portrait, après avoir parcouru toutes les Villes de France & avoir féjoiirné long-temps en Italië, entr’autres a Rome.
Dirck (Thierry) Van-Zyl, Peintre fur verre Dirc^yan" d’Utrecht, fut affez célebre pour être em- fuïverred ployé dans Fentreprife des vitres de Saint Hollandoi®. Jean de Gouda. Les cinq qu’il a faites pour cette Eglife, dans le même temps que celles des freresCrabeth,doivent donner une' grande idéé de fes talents & de la confiance qu’on v mettoit. II paroit cependant qu’il étoit plus copifte que compofiteur; car il a peint fes cinq vitreaux d’après les defiins ou cartons de Lambert Van-N oord Van-Amersfoort. On a lieu d’être furpris que M. Defeamps n’ait parlé ni de Fun ni de l’autre.
Sulvant notre Livret, la premiere vitre Vitres de que Van-Zyl a peinte pour FEglife de Gouda *
repréfente Saint Jean qui reproche a Hérode ’ fon incefte. On voit au-deffous le portrait & les armoiries de Wouter Van-Bylaert J Bailli de la Commanderie de Ste. Catherine d’Utrecht, qui en eft le donateur. Sainte Elifabeth eft devant lui, qui tient fon fik entre fes bras. On appei\oit par derriere Saint Jean tenant un agneau , & a cóté Hérodias avec une épée nue. On lit dans 1’infcription: Lamb. Van-Noord Van-Amerfi foort inv. &fig. Theod. Van-Zyl pinx, Utrecht
Dans la feconde , on voit 1’Ange Gabriel qui annonce a la Sainte Vierge Fincarnation du Verbe : elle a été donnée a 1’Eglife de Gouda en iyyp, par Spiering de Wel,1 Abbé de Berne. La même infeription ne s’y trouve pas, quolqu’elle foit düe au crayon & au pinceau de ces deux habiles Maitres, paree qu’ayant été maltraitée par un ouragan, mais rétablie en 1 éy e , on y a fubftitué ce diftique :
1 yyp.M? dedit antiftesBernarditVefous olim :
Adiles Senoi jam periijfe vetant.
ttoifieme repréfente FApparition de lAnge a Zacharie faifant fes fon&ions fa- cerdotales dans le Temple, & la Prédidion de la naiffance de Saint Jean, On reconnoit
Ü R EER
tu-deflous ie portrait de Dirck Cornelifzé Van-Oudewater , donateur , celui de fa femme & ceux de ieurs quinze enfants. Deux fils Religieux SC deux filles Religieufes font figurés fous leurs habits de religion* L’infcription eft la même que dans la pre¬miere vitre, avec le chronogramme I ƒ <f z*
La Nativité de Saint Jean-Baptifte eft peinte fur la quatrieme, donnée pat les héritiers de Hermes Letmatius , natif de Gouda, premier Profefteur en Sorbonne , Chanoine & Doyen de 1’Eglife de Sainte Jiferie- a- Utrecht. On voit les portraits de cinq d’entre-eux auprès de Saint Jean & de Sainte Eiifabeth. L’infcription eft la même, avec le chronogr. i $
Enfin la cinquieme répréfente Jefus-Chrift aftis au milieu des Do&eurs. Des lettres hébraïques marquent la loi de Moyfe. L’Ab- bé de Mariawaert en eft le donateur. II eft repréfenté au-deflous de 1’hiftoire aflifté de la Sainte Vierge & de 1’Apótre Saint Pierre, avec quatre écuffons. On lit toujours au bas la même infcription. Mais il n’y a point de date.
II feroit a fouhaiter que tous ceux qui ont été propriétaires ou dépofitaires des beaux morceaux de Peinture fur verre qu’on admire encore dans notre France & dans les Pays-Bas, ou qui ont été détruits en entier a caufe de leur délabrement, euffent tenu la même conduite que MM. les Régents *de 1’Eglife de Gouda, qui ont foigneufement confervé les cartons de leurs vitres peintes. Chriftophe Pierfon , auffi bon Poëte que Peintre célebre (a), en a bien fenti 1’utilité, lorfqu’en 167? il fe chargea, fuivant notre livret , de defliner & d’arrêter en grand celui de la troifieme vitre de Dirck Crabeth qui manquoit feut II peignit encore en petit fur le parchemin les defïins de toutes les vitres, & on les conferve aufti précieufe- ment dans la chambre des Régents, ou les curieux qui paffent par Gouda ne manquent pas de les aller voir. De quel avantage ne furent pas les anciens cartons en itfyy lors du rétabliffement de lafeconde vitre de Van- Zyl ? C’eft pour faciliter une femblable répa- tation que nous avons vu Valentin Bouch léguer a 1’Eglife Cathédrale de Metz les cartons d’après lefquels il en avoit peint les vitres.
rim?ï!ïlain Jai trouvé dans les manufcrits de M. Guinlume^ l^bbé Leboeuf, copie d’un acte Capitulaire Commonafle du Chapitre de la Cathédrale d’Auxerre,
peSresS fur 8 1 f28, flu* accorde a Germain Mi-
Vine.
(a) M. Defcamps , qui nous a donné Ia vie de eet ha¬bile Peintre, n’a pas parlé de fes talents pour la Poéfie, Pierfon eft ne' alaHaye en 1631, 6c eft mort a. Gouda en 1714. Ses portraits , fes tableaux d’hiftoire , §t fur* iout fes attribute de chafTe font eftimés.
R Ë. 1. PARTIË* 47
ckel, Peintre Vitrier, deux charretées de bois, pour être employées aux échafiSiidö néceffaires pour pofer en place les nouvel» les vitres qu’il venoit de faire pour le portail neuf de cette Eglife.
On voit encore par uhe copie de corriptè en date-du mois d’Avril i ƒ7y préfenté a ce Chapitre, qü’un autre Peintre Vitrier, nom- mé Guillaume Commonaffe , avoit recu 50 lm pour avoir rétabli a neuf la Verriere dii cóté de la Cité. Par la comparaifon dun autre article de ce compte, qui porte en> ploi d’une fomme de 24 liv. payée au maitre Ma^on, pour réparations faites a la pierre de la rofe au-deffus du grand portail & pour autres faitès aux dalles de pierre au- dehus de la tour, avec celle de trente livresj payée a Commonafle, il parort que le prix des ouvragês de Peinture fur verre étoit fupérieur a celui de la groffe Maconnerie , qui, fuivant la remarque de 1’Abbé Le- bomf, ne coutoit que deux fols le pied , dans un temps ou 1’argent étoit tres-rare.
Je ne puis omettre la mémoire qu’il nous a confervée dans le même manuferit, d une délibération de fon Chapitre, en date du 13, Juillet 1576. Elle porte défenfes de ti¬ter des coups d’arquebufade fur les Verrie- xes de la Cathédrale , fous prétexte de dé- truire les pigeons & autres oifeaux avides des fels qui fe trouvent dans le mortier, qui forme iejointoyernent des pierres des grands batiments d’ancienne conftru&ion : précau* tion dont 1’oubli & la négligence n’ont pas peu contribué jufqu’a préfent au dépériffe- ment des vitres peintes des autres grandes Bafiliques.
Dans un de fes manufcrits, le même Hi£ torien fait mention des belles vitres peintes en 1y 29 , dans le réfedoire des Bernardins de 1’Abbaye de Cerfroy, dans le Soiflonnois, par Dom Monori, Prieur de cette Abbaye , ainft que le porte 1’infcription d’une de ces vitres , ou il fe qualifie Prior humïlis^ Exem- ple d’autant plus remarquable que la Peinture fur verre a paru profcrite dans 1’Ordre de Citeaux , par les ftatuts d’un Chapitre Gé- néral dont nous avons parlé ailleurs,
Le Mémoire manuferit des belles vitres peintes de Beauvais, nous apprend que cette Ville poffédoit vers Van 1^40, un habile Peintre Vitrier ,nommé Nicolas le Pot , qui peignoit fur-tout élégamment en grifaille. L’Auteur du Mémoire dit, qu’il a de lui en ce genre, une tentation de Saint Antoine , qui s’eft très-bien confervée; on y recon* noït, ajoute-t-il, de 1’imagination & du ta¬lent : un des diables figuré en oifeau monf trueux, avec un capuchon fur la tête, porte une bande ou rouleau fur lequel on voit le» trois lettres initiales du nom du Peintre $
48 r A R T D E LA
N.L.'P. 15-40. La plupart des Vitriers de Beauvais portent encore le nom de le rot 3 & font de la familie d’un le Prince , qui ma¬ria fa fille è un le Pot , Sculpteur de cette Ville; mais aucun d’eux n a confervé le ta¬lent deles aïeux.
Notre Mémoire remarque encore que la Ville de Beauvais eft de plus redevable aun autre Peintre Vitrier , non moins habile , & qu’il ne nomme pas, d’une vitre de la Cha- pelle de Saint Euftache en l’Eglife de Saint Etienne, dans laquelle Charles IX eft peint au naturel, avec des accompagnements qui ont donné lieu a des critiques hiftoriques, Cette Peinture a, dit-il, mérité de trouver place dans le Livre des Monuments de la Monarchie Fran^oife de Dom Montfaucon, Tome V.
Le même Mémoire nous apprend aufli qu’il y a peu de maifons dans Beauvais ou Ton ne trouve des vitres peintes d’une bonne maniere, foit en portraits , payfages ou ar- moiries dun très-bon gout & d’une grande vi- vacité de coloris; qu’on en voit quelques-unes dansles hotels des Compagnies d’Arbalêtriers & autres de cette Ville; mais que tous ces morceaux dépériffent tous les jours par le nouveau gout & 1’ufage des croifées a la mo¬derne.
Divers Francois Peintres fur verre, a peu- pres des mêmes temps, font nommés dans ces Lettres-Patentes & autres Attes & Sen-tences , dont nous avons annoncé au Cha- pitre X que nous donnerions copie ala fin de ce volume, Tels font les freres Beufelin, qui obtinrent de Charles IX en 1563 la confirmation des Priviléges des Peintres Vi- triers , que Henry II en 1 y y y venoit de con¬firmer en faveur de Rene & Remi le Lagou~ bauldepeiQ & fils; a Anet, Eledion deDreux, * Laurent Lucas ^Robert herujje ƒ a Bouffi, Philippe Bacot; a Fécamp, Pierre Eudier ; enfin de la feule Vicomté de Caen, Simon Meheftre 9 de la Rue pere & fils, Martin Hu¬bert , Gilles & Michel Dubojc freres 9 mis en jouiffance de ces Priviléges avant le regne de Henry II. Ces mêmes Ades & Sentences ëmanés de différents Sieges, la plupart de ia Province de Normandie , ne nomment pas un grand nombres d’autres Peintres fur verre, dont ils fe contentent de nous appren- dre 1’exiftence par des termes colledifs, Mais comme il n’y eft fait aucune mention des ouvrages qui ont le plus accrédité les habiles Maitres dont ils nous ont confervé les noms, renon^ons au détail des vitres peintes ; une grande partie n’en fubfifte plus , ou par 1’injure des temps qui les a rui- nées , ou par Pabandon de ceux qui les ont Jiégligées; comme nous regrettons a Paris la plus grande partie des belles vitres pein¬tes de 1 Hopital des Enfants rouges 6c de
Un jufte fentiment de reconnoiffance nous a porté a embellir la lifte de nos Pein¬tres fur verre du nom de ceux qui par leur habileté dans le deffin, la faciüté & 1’excel- lence de leurs compofitions, doivent être regardés comme les auteurs de la célébrité d’une grande partie des meilleurs Peintres Vitriers du feizieme fiecle : ceux-ci, avec moins de talent dans 1’invention & une plus grande fécurité, s’eftimerent affez heureux de bien rendre fur le verre la production du crayon, de la plume & du pinceau de ces grands Maitres, au rang defquels nous mettons:
i°. Marc Villems, né a Malines vers Pan 1^27 : ce Peintre Fiamand furpaffoit fes contemporains pour le genre & la facilité de compofer. Son inclination bienfaifante qui le portoit naturellement a obliger, le rendit le compofiteur , non-feulement de beaucoup de Peintres fur verre , mais encore de nombre de Peintres & de Tapiffiers. Ses Ouvrages lui ont mérité Feftime des con- noiffeurs: aimé pendant fa vie, il mourut en iy 6T généralement regretté. ’ •
20. Marc Guérards : ce Peintre un de$ meilleurs de Bruges , étoit, dit M. Def- camps , univerfel; il peignoit 1’Hiftoire 9 FArchitedure , le Payfage. 11 étoit bon Deflinateur, & gravoit a Peau forte. La Ville de Bruges & celles des environs ont de lul de bons tableaux : il deffina beaucoup pour les Peintres fur verre; il arrêtoit en couleme les cartons qu il leur fourniffoit : c’eft fans doute ce qu’on a voulu exprimer en le qua- lifiant auffi dfEnlumineur. Il pafTa de la Fian- dre en Angleterre, ou il mourut on ne fait en quelle année.
3°. Lucas de Héere , né de parents qui lui avoient infpiré le gout , le talent & I’exemple ; ne pouvoit manquer de devenir
lité , que Franc-Florisx, ami de fon pere , le lui demanda pour Éleve. Il ne tarda pas longtemps a égaler & même a furpaffer fon Maitre, qui le fit compofer & defliner long¬temps pour les Peintres fur verre. Franc- Floris adoptoit comme fiens les deflins de fon Éleve} & les faifoit pafler fous fon nom. De Héere le quitta pour pafler en France , oü la Reine mere 1’employa a faire des def- fins pour les Tapifliers, Après un long fé- jour a Fontainebleau , ou il étudia les anti¬ques de cette Maifon Royale, ii revint dans fa patrie & y fixa fon établiflement: il y fut recherché des plus grands Seigneurs. La Peinture n’étoït pas fon feul talent; il fut un des plus beaux génies de fon temps. Sa¬vant dans la Chronologie, il fut aufli bon Poëte ; il mit en vers le Jardin de la Poéfie, le Temple de Cupidon& la Vie des Peintres Flamands. On a de lui quelques tradu&iöns de Marot. II mourut honoré de charges diftinguées en 1584, agé de yo ans.
Le temps de la naiflance & de la mort de Jean Coufin, le premier modele des Peintres Francois , nous eft abfolument inconnu : on fait feulement qu’il naquit a Souci, prés la Ville de Sens, & qu’il vivoit encore en iy8p , dans un age fort avancé.
Bon Géometre & grand Deflinateur, il fit de la Peinture fur verre fa premiere & fa plus fréquente occupation; il y excella com¬me inventeur & comme copifte; il abon- da en belles penfées comme en nobles ex- preflions ; les connoifleurs lui reprochent un refte de ce gout gothique qui 1’avoit devancé.
Il feroit prefqu’impoflible de raconter la grande quantité d’ouvrages qu’il a faits pen¬dant le cours d’une vie longue & laborieufe, principalement fur des vitres qu’il peignit lui-même, ou dont il fournit des cartons dans plufieurs Eglifes de Paris & de la Pro¬vince , pour les nombreux Eleves qu’il dut faire dans qet Art, qui pour lors étoit dans la plus grande*vogue. Les plus belles de fes vitres font dans 1’Eglife Paroifliale de Saint
R E. I. PARTIE. 49
ce Roi, le Chronogramme, i yy i. On lui . attribue aufli les belles grifailles du chateau d’Anet, dont nous parlerons dans le Cha- pitre fuivant, & les vitres de la Sainte Cha-pelie de Vincennes , d’après les deflins de
Lucas Penni & Claude Baldouin. On voit aufli beaucoup de fes ouvrages de Peinture fur verre , a Moret & a Sens , entr’autres , ou il a peint le Jugement dernier dans 1’E- glife de Saint Romain. Il peignit a 1’huiie ce même fujet qui 1’a fait regarder comme le premier Peintre d’hiftoireen France. Cet excellent tableau qu’ii avoit fait pour 1’E- glife des Minimes du bois de Vincennes, ayant été arraché des mains d’un voleur par un Religieux qui furvint fort a propos, fe conferve depuis cet accident dans la Sa- criftie de cette Eglife. 11 a été gravé par Pierre de Jodde, Graveur Flamand , & ex-cellent Deflinateur : il peignit encore dans une vitre des Cordeliers de Sens , J. C. en ■ croix, figuré par le Serpent d’airain, dont 1’hiftoire y eft admirablement repréfentée.
On voit fous le charnier orné de vitres peintes de 1’Eglife paroifliale de Saint Etienne du Mont a Paris , dans le vitreau qui fert de porte au petit cimetiere, le pareil fujet repréfenté d’un gout exquis en deflin, & d’un merveilleux détail. Ce vitreau a été tranfporté fous ce charnier après avoir dé- coré pendant longtemps la Chapelie des * onze mille Vierges dans la nef de cette Eglife; il s’y trouve beaucoup de parties effacées par le peu de fufion que la Peinture noire a prife au fourneau de recuiflon. La beauté de la compofition de ce vitreau donne lieu de croire qu’il pourroit avoir été peint par Jean Coufm ou par quelqu’un de fes meilleurs Eleves d’après fes cartons.
On voit encore dans la Chapelie du Cha¬teau de Fleurigny, a trois lieues de Sens, un de fes ouvrages, dans lequel il a repréfenté la Sibylle Tiburtine , qui montre a Augufte 1’Enfant Jefus porté dans les bras de la Sainte Vierge , environné de lumiere, & cet Empe- reur qui 1’adore; le tout peint d’apres les cartons du Roflo.
Jean Coufin ne pofféda pas le feul talent de la Peinture , il y joignit celui de la Sculp¬ture ; le tombeau de 1’Amiral Chabot, qui eft dans la Chapelie d’Orléans, en 1’Eglife du Monaftere des RR. PP. Céleftins a'Paris , eft du a Part avec lequel il manioit le cifeau , comme a la profondeur & a 1’élévation de fon génie : enfin on reconnoit dans tous fes ouvrages la bonté de fon gout & 1’étendue de fes talents.
Il a écrit fur la Géométrie & fur la Perfpe- öive: fon livre fur les proportions du corps humain, toujours eftimé & tou jours eftimable, lui lufcitera toujours de nouveaux Eleves.
La réputation de ce grand Maitre s’accrut de jour en jour fous les regnes de Henri II ,
N
de Francois II, de Charles'IX & de Henri III, done il fut fort confidére. x
Ón le foupconna davoir été attaché a la prétendue réforme. La figure d un Pape pré- cipité dans 1’Enfer, & expofé a toute la fureur des démons qui le tourmentent, a donné lieu a ce foupcon. Sa probité & la réo-ularité de fes moeurs, lui gagnerent pen¬dant une longue fuite d’années Peftime de tous ceux qui le cormurent.
Félibien & Florent ie Comte, mettent au rang des bons Peintres fur verre Francois Claude & Ifraël Henriet fon fils : ce quenous favons du pere , cell quil peignit les vitres de la Cathédrale de Chaalons en Champagne, qui font de toute beauté pour la correction du deflin & pour lechoix & la vrvacité des couleurs, Florent le Comte femble donner a entendre qu’il travailla même a 1’huile , & qu’il fit heureufement plufieurs copies de la Sainte Familie d’après André del Sarto : il dit de plus, qu’après avoir rempli avec fuc-cès plufieurs entreprifes qu’il fit a Nancy, ou il s’étoit érabli, ily mourut. Callot, Bel¬lange & de Ruet re^urent de lui les pre-miers principes du deflin, avec fon fils Ifraël Henriet, qui fut 1’ami inféparable de Callot, dont il partagea la célébrité de talents & la fortune , en s’attachant parpréférence au ta¬bleau. Félibien ajoute a cela, que Claude travailla beaucoup de Peintures fur verre pour plufieurs Eglifes de Paris: il n’y a pas lieu de douter qu’on ne doive a fes ta¬lents une partie des vitres peintes dans la partiefupérieure de 1’Eglife de Saint Etienne du Mont en cette Ville, parmi lefquelles il s’en trouve qui ont les caraCteres qu’on ad¬mire dans les mePleurs ouvrages de ce Pein- tre Vitrier, qui y travailla fans doute en concurrence avec les meilleurs de fon temps. On y en remarque entr’autres plufieurs qui pourroient avoir été faits d’après les deflins d’Angrand ou Enguerrand le Prince, de Beauvais, telles que la Nativité de la Sainte Vierge , Phiftoire de Saint Etienne & cells de Saint Claude : la defeente du Saint Ef- prit fur les Apótres, qui eft de la plus grande beauté , n’eft pas d’après le même Peintre, & peut bien être de Claude Henriet, ainfi que celle qui, derriere la chaire admirable de cette Eglife, repréfente Jefus Doéleur de la loi , Penfeignant dans le Temple , dont les touches larges & faciles & la beauté des têtes annoncent un grand Maitre.
, On admiroit en France vers le même temps
S jiéon ’ les talents des Monnier de Blois, pere & F-«ucwi, * aïeul de Jean Monnier, dont nous aurons par la fu^te occaflon de parler ; on n’y eftimoit pas moins ceux de Heron. Entre les monu¬ments de Phabilete de ce Peintre fur verre Francois ? Sauval en diftingue un qui fub-
fifte encore de nos jours, & qui mérite biet les regards des connoibeurs. Ce vitreau fe^ voit a Paris, dans la Chapelle de M. le Curé de la Paroifie de Saint André des Arts, at- Vitresde tenant le paffage ala tour du clocher. Ce S. André des Peintre y a repréfenté la défobéiftance de Arts * Paris« nos premiers parents ; 1’Adam & PEve font dun deflin des plus élégants. Des Paroifliens plus fcrupuleux que le Peintre les ont beau- coup défigurés par des feuiPages peints a Phuile qu’iis ont fait ferpenter autour des corps nudsde ces deux figures : la promeffe d’un Rédempteur, qui fuivit de prés leur dé- fobéiflance, y eft infinuée par cette inferip- tion latine en forme de rouleau porté par des Anges , Korate cali defuper. On volt aufli a S aint Merry des vitres de Héron.
Les chroniques de Gouda, les defcrip- tions des Villes de Harlem & de Delft, & M. Defcamps nous apprennent que, dans le temps des freres Crabeth, parurent deux fort bons Peintres fur verre, favoir,
(Guillaume) Thibout & Cornille IJbrantfche Kuffeus. II paroit que ces deux Artiftes, morts, le premieren 1599 , le fecond en 1618, s’affocierent dans leurs entreprifes, ou travaillerent en concurrence.
L’Eglife de Sainte brfule de Delft a de Thibout une belle vitre faite en 1563. Philippe II, Roi d’Ffpagne, & fa femme Elifabeth de Valois, fille ainée de Henri IT, Roi de France, y font peints revêtus de leurs habits royaux, ayant a leur cóté leur Ange Gardien & les armoiries de ces deux Maifons fouveraines. L’Adoration des trois Rois accompagnés d une multitude de Peu- ple eft,repréfentée au haut de cette vitre; le tout d’un aufli bon gout de deflin que bien peint.
Notre livret des magnifiques vitrages de PEglife de Gouda, qui, comme on verra bientót , écrit différemment le nom de familie de ces deux Peintres , dit qu’elle poflede une vitre de chacun d’eux. On vort dans eelle de Thibout , donnée par les Bourguemeftres de Harlem , la prife de Damiette en Egypte , Pan 12 19, par les Seigneurs qui fe croiferent fous 1’empire de Frédéric I. On dut le fuccès de cette expedition a Guillaume fils de Florent de Harlem, qui, a la tête des troupes croifées de cette Ville, rompit la principale chaine qui fermoit Pentrée du port de Damiette & y introduifit Parmée des croifés. Cette devife , 1/icit vim virtus9 annonce le courage du hé¬ros. On lit dans Pinfcription au bas de cette vitre: ITilhelmusTtbaut^fig. &pinx.Haerfemi 1^97- '
Celle de Cornille Kuffeus eft , fuivant le même livret, un préfent fait a PEgiife de Gouda par les Bourguemeftres d’Amfter- dam» Les armes de cette Ville font peintes
amdeffous du fujet hiftorlque qui repréfente les fuïtes différentes de la priere du Pharifien & du Publicain dans le Temple. L’infcription parle de celui qui en a fourni les cartons : on y lit, Henry Key]er, Ingénieur d’Hmfterdam, inv, Corn, KuJJensfig, & pinx, Hmjl, I$$7*
Les mêmes Peintres fur verre repréfente- rent auffi en pied les portraits de tous les Comtes de Flandres. On les voit encore aujourd’hui, dit M. Defcamps , fur les vitres du grand Salon des premieres Butes de la Ville de Leyde.
On admire auffi dans la Chapelle du Confeil privé de Delft un vitreau peint par Laurent Han-Cool, ou les Confeillers font peints grands comme nature & cuiraffés depuis la tête jufqu’aux pieds. Je penfe que c’eft de fes deffins , dont Florent le Comte dit qu’ils furent gravés en France dans le fei- ziemefiecle fous le nom de Laurent le Hitrier,
Henry Goltzius, Peintre fur verre Alle- mand , naquit au mois de Février 155% dans le Bourg de Mulbrack, prés de Venloo, dans le Duché de Juliers. Iffu d’une familie diftin- guée dans les Arts, il comptoit de fes aïeux & de fes oncles au rang des plus habiles Peintres & Sculpteurs, & 1’illuftre Hubert Goltzius entr’autres, a qui fon voyage de Rome ouvrit une fi illuftre carrière. Henri fit voir par la fuite qu’il n’étoit pas indigne de porter le nom de ces grands Hommes. II avoit appris le defïïn de fon pere qui pei- gnoit habilement fur le verre. Dès Vage de fept a huit ans, ii avoit déja fait tant de progrès que fes deffins lui avoient mérité 1’eftime des connoilfeurs. Continuellement occupé par fon pere a deffiner fur le verre, c’eft-a-dire a retirer ou prendre fur le verre le trait du deffin que ie Peintre s’eft propofé d’y traiter, ce qui avancoitle travail du pere, il n’étoit guere poffible au fils d’étudier. II en témoigna du chagrin, & s’adonna de lui- même a la Gravure. II y avanca fi rapidement • que Coornhert, habile Graveur, quij’avoit demandé pour éleve a fon pere, 1’employa non comme un de fes écoliers, mais comme un maitre. Son burin, auffi facile que fon génie étoit profond , produifit beaucoup de bons morceaux en gravure. II féjourna quel-
que temps a Harlèm, ou Coornhert 1’avoit engagé ale fuivre, lui & fa familie; car il s’étoit marié dès Vage de vingt & un an. II avoit concu une grande envie de voir l’Italie: fon mariage paroiffoit s’y oppofer ; il s’en chagrina fi fort qu’il en tomba dangereufe- ment malade. II éprouva pendant trois années un crachement de fang, qui luieaufa un épui- fement confidérabie. Abandonné des Méde- cïns, foible & knguiffant, il ne put renoncer a fa forte paffion de voir les antiques de Rome. Réfolu , puifqu’il falloit périr , d’en courlr tous les rifques, uniquement occupé de
la confolation qu il fe procureroit s’il pouvoit entrevoir les beautés de Rome, il laifïe chez lui fa femme, fes éleves & fon Imprimerie , part pourAmfterdam, s’y embarque, accom- pagné dun feul domeftique, parcourt les Villes d’Allemagne fous différents déguife- ments, & entend ainfi, fans être connu, les jugements que 1’on porte de fes gravures. Le changement d’air, la fatigue améfiorent fon tempérament: fa fanté fe rétablit: fon défir de voir Rome augmente avec elle; il y arrive enfin, & y vit inconnu fous le nom de Henri Bracht, 11 s’y occupé avec une adli- vité fans égale a deffiner & a rechercher les plus belles antiques, au milieu même de la corruption des cadavres les plus infefts que la famine & la mort&lité y avoient alors rendus très-fréquents. En un an & quelques mois que dura fon voyage, il parcourt toutes les Villes d’Italie, en deffine les plus beaux morceaux, & rentre dansle fein de fa familie. A fon retour, il s’occupaa graver plufieurs de fes deffins. On en conferve de lui en forme de camaïeux faits a la plume fur la toile. Ces deffins hachés comme la gravure font un grand effet. Habile dans la Peinture a 1’huile, qu’il n’avoit commencé de pra- tiquer qu’a 1’age de 42 ans, il fit fur-tout des prodiges fur le verre. C’eft en général ce que M. Defcamps nous en apprend, fans dire rien des endroits ou ces prodiges furent placés. L’air du pays lui étant vraifemblable- ment contraire , & ne ceffant des’occuper, il retomba dans fes anciennes infirmités , & mourut a Harlem en 1617 , agé de yp ans. II eut plufieursbons éleves, tels que Jacques Ma- than, de Gheyn & Pierre de Jode, d’Anvers.
Jacques Je Gheyn, né a Anvers en iytfy, peignoit fur verre & gravoit alternativement. Ce double talent, auffi heureufement rempli par de Gheyn que par Goltzius, prouve qu’ii y a une efpece de confanguinité entre la Gra¬vure & la Peinture fur verre, que nous aurons occafion de faire remarquer plus particuliére- ment dans la fuite de eet Ouvrage. Jean de Gheyn, fon pere, étoit bon Peintre fur verre, en détrempe a gouaffe. Ce ne fut que vers la fin de fa vie , qu’il s’avifa de peindre fes cartons a 1’huile fur des toiles. II mourut en iySé agé de yo ans. Jacques fon fils n’en avoit alors que 17; mais il étoit déja fi habile dans fon Art qu’il fut chargé de finir fes ouvrages. Son pere qui avoit reconnu la capacité dans la Gravure , lui confeilla en mourant de quitter le pinceau pour ne fe livrer qu’au burin; mais il ne laiffa pas de pratiquer 1’un & l’autre. .
II éprouva par la fuite combien eft fatale a un jeune homme la perte d’un bon pere. Les liaifons qu’il contra&a dès lors trop librement avec des jeunes gens de fon age, lui firent négliger fes travaux. II reconnut
52 L'ART D E LA
enfin fon erreur; &, dans 1’intention de ïuivre fon talent avec plus d’application, u prit le parti du manage. Perfuadé que la Peinture conduifoit mieux a 1 imitation de la nature que la Gravure, il abandonna celle¬ek & regretta beaucoup le temps qu’il y avoit employé. Or le coloris a Vhuile lui étoit inconnu. Il ne voulut point de maitre pour 1’inftruire dans les différents tons de eouleurs que le feul lavis ombré & éclairé, ou le trait haché avec la couleur noire appliquée fur le verre coloré, operent dans la Peinture fur verre. Son génie lui ffidiqua un moyen qui lui réuffit. II prépara une planche qu’il divifa en cent petits quarrés peints fous les différentes combinaifons des eouleurs. II donna des ombres & des lumieres a chacun de ces petits quarrés : il diftingua les eouleurs amies d’avec celles qui ne s’ac- cordent pas. Chaque quarré étoit numéroté, & il eut foin de tranferire fur un petit livre fes obfervations. C’eft de cette ma- niere qu’il apprit a peindre a 1’huile. Un pot de fleurs fut fon coup d’effai, & ce tableau fut 1’admiration des premiers Peintres de fon temps. Du pinceau dont il peignoit le cheval du Prince Maurice a la tête de fon armée, iltracoit Vénus & 1’Amour. On ne dit pas le temps de la mort de ce Peintre, qui
a fait de bons Eleves en Gravure, entr’au- tres Cornille qui paffa en France.
Bernard de PaliJTy pouvoit alors en ce Royaume, ce que peut en fait de fcience un bon génie armé de patience & de perfévé- rance. Natif d’Agen, Peintre fur verre de profeffion, eet homme célebre vivoit encore en 1584, oü il avoit atteint 1’age de 6o ans. II fut, cöt 1’hiftorien de 1’Académie des Scien¬ces (a)9 un auffi grand Phyficien que la nature feule puiffe en former un. Il nous apprend lui-même-, dans le fecond de fes ouvrages dont nous allons parler, qu’il ajoutoit a la pratique du deffin & de la Peinture fur verre celle du Génie, de la Géométrie & de 1’Arpentage, & qu’il fut chargé par ordre des Magiftrats de lever des plans qui fer- voient a régler les procédures. 11 s’étoit établi a Xaintes , ou il s’employoit par préférence a la Peinture fur verre & a la Vitrerie. Un génie vafte & laborieux, quoïque fans cul¬ture , le rendoit capable de beaucoup d’ob- fervations fur la nature des différents exer- cices auxquels il s’adonnoit. Des 1763 eet homme fans lettres avoit néanmoins fait ïm- primer iw-40. a la Rochelle fon traité intitulé: Recette veritable par laquelle tous les hommes de la France pourront apprendre d augmenter leurs trefors, avec le dejjin dlun jardin delec¬table FA utile CA celui cFune forterejfe imprena-
es» ann. 1710, 7. y,8c fuiv, > in-40, tom. 1. 207.
PEINTURE "Ik
ble, que Ton regafde comme le plus curieux de fes ouvrages. Dix - fept ans après, il en fit imprimer un autre a Paris, fous le titre de Dijcours admirable de la nature des eaux FA fontaines 9 des métaux, des Jels9 des falines9 des pierres , des terres, du feu & des emaux 3 avec un Traité de la marne (a) nécejfaire al a- griculture, On y voit qu’ayant effayé de paffer de fon premier état (b), fans cependant Va- bandonner entiérement, a celui de modeler la terre & de la revêtir de peinture en émail par la recuiffon; après environ vingt années d’épreuves & d’effais plus ruineux les uns que les autres ; après, comme il le dit lui- même , un millier dangoijfes trés - cuïfantes, il réuffit enfin, & méxi'ta le titre glorieux délnventeur des rujliques figulines du Roi FA de la Reine fa mere. Son fecond ouvrage fut le fruit de différentes obfervations que fes effais divers fur les émaux lui avoient donné occafion de faire. Ce qu’il fera tou- jours difficile de concevoir, c’eft que 1’ex- périence fuppléa chez lui la fcience a un tel point, que, fans favoir ni latin ni grec, il fe mit en état de donner dans Paris mêmé, fous les yeux des plus habiles Phyficiens de fon temps & des hommes les plus expéri- mentés, des lecons d’Hiftoire naturelle. Après un fommeil de plus de cinquante ans, dans le cours defquels fon nom étoit tombé dans 1’oubli & comme mort, les idéés qu’il y donna fe font réveillées dans la mémoire de plufieurs Savants, & y ont fait une efpece de fortune. Ses ouvrages ont été réimprimés a Paris en 1Ó36 en un volume m-8°. fous ce titre: Le moyen de devenir riche, ou la manïere véritahle par laquelle tous les hommes de la France pourront apprendre d multiplier FA d augmenter leurs tréfors FA pojfejfions; avec un Difcours de la nature des eaux & fontaines tant naturelles qu artificielles.
Nous fommes redevables a Paliffy de la connoiftance d’un autre Peintre lur verre Francois, mais par une anecdote que nous ferons valoir ailleurs. « J’en ai connu un, » dit-il, nommé Jean de Connet9 paree qu’il » avoit 1’haleine punaife , toute la Peinture » qu’il faifoit fur Ie verre ne pouvoit tenir » aucunement, combien qu’il fut favant en » eet Art. »
Pius nous avons avancé dans la le&ure des Jacques Pïes des Peintres Flamands , FAc, plus nous Lenards » avons trouvé lieu a une réflexion que nous pefo^°fei ne devons pas omettre , & qui releve infini- verre.
(a) Daps 1 edit, de Paris de 1580, que j’ai fous les yeux , ainfi que dans Moréri, edit, de 1759 au mot Pa- liJJj , on üt Marine; ce qui e'tant inintelligible, j’ai cru pouvoir rendre ce terme par celui de Marne,
(F) Nous aurons occafion de rapporter ailleurs Ie paf¬fa ge oü Paliffy dit pourquoi il s’étoit determine' a quitter la Peinture fur verre 6c la Vitrerie.
ment le mérite & 1’habileté des Peintres fur verre du feizieme fiecle, & du commen- =toital’E- cement du fuivant. II falloit qu’ils fuflent bien verfés dans les Principes du deffin; car ils tenoient le plus ordinairementre Pécole, par laquelle on fait paffer d’abord la jeu- neffe que les Parents ou les Prote&eurs def- tinent a 1’Art de peindre. L’Artifte dont nous nous glorifions de n’être ici que Pécho dans ce que nous rapportons des Peintres fur verre Etrangers , & qui, comme nous 1’avons dit, eft a la tête de 1’Ecole de Def¬fin d’une des plus floriflantes Villes du Royau- me, remarque dans la vie de Guérard Hoët, dont nous parlerons dans la fuite, que ce Peintre avoir toujours penfé qu’une Ecole de Deffin, en formant des Eleves dans un Pays, perfe&ionnoit ie Maitre lui-même.L’occafion fréquente de corriger les deffins de fes Eco- liers devient pour lui celle de defïiner fou- vent. Les plus habiles Maitres, en quel- qu’Art que ce foit, ont toujours été con- vaincus qu’ils ont encore tous les jours quel- que chofe a apprendre. Ce n’étoit qu’après s’être aflurés de la force & de la correÖion du deffin de leurs Eleves, que ces premiers Maitres les exhortoient a paffer fous les Grands-Maitres , qui les admettoient alors au rang des leurs.
C’eft ainfi que Jacques Lenards } d’Amf- terdam, qui excelloit dans PArt de peindre fur verre , d’une maniere facile & qui lui étoit particuliere, avan^a en très-peu de temps Guérard Pieters , & le mit en état d’entrer ehez Cornille Corneliffen, dont il fut le premier & le meilleur Eleve. Qu’il fe- roit a fouhaiter que tous les Eleves, pourfe rendre parfaits dans leur Art, euffent de la Peinture une auffi haute idéé que Pieters ! Cet habile homme concut de fa profeffion une eftime fi relevée, qu’on luientendit fou- vent répéter qu’i/ aimoit mieux être Peintre que Prince. On ignore le temps de la mort de Lenards, & de Pieters qui fut undes plus grands maitres dans le Nud.
Vytenwaë!» Les fujets des vitres de Saint-Jean de &Adrien de Gouda changerent avec les fentiments fur la Vrije,n Hol- Religion. On choifit pour deffiner cesnou- tres^for’ ve^es vitres Joachim J/ytewwaèl 9 & pour les
re. exécuter fur verre Adrien de lArïje..
Vytenwaë!, né a Utrecht, en 106, étoit fils dun Peintre fur verre de cette Ville, & petit-fils par fa mere de Joachim Van- Schuyck, affez bon Peintre. II exerqa la pro¬feffion de Peintre-Vitrier jufqu’a Page de 18 ans. Mais entiérement dégoüté de cet Art, par les inconvénients qui 1’accompagnent, il le quitta pour la Peinture a 1’huile. II s’y appliqua pendant deux ans fous les yeux de Jofeph de Bier, Peintre médiocre. II prit enfuite la route d’Italie, & la parcourut en entier. Le féjour qu’il fit a Padoue lui procu-
Ces peuples ont fentï la cruauté d’Efpagne:
Un tyran furieux ravages leur campagne : L’ambition , la mort, la difcorde & les feux Se raflemblent ici & s’uniflent contre eux •
Mais Dieu quifut toujours a ces Peuples propice Fait fuccéder 1’Amour, 1’Union, la Juftice,
La Conftance s’y trouve & la Fidélité ,
Trainant un chariot avec la Liberté;
On 1’y voit triompher comme une grande Reine« Et fouler a fes pieds la Tyrannie même ,
Peuples de ce Pays que vous êtes heureux,
De qui les juftes Loix répondenta vos vceux!
On lit dans 1’infcription , Joachim Uyten- waël tot Utrecht^ invent. Adrian, de Jd & pinx. Gouda I $96.
Cette infcription & ce chronogramme répétés dans la troifieme vitre de Vrije, nous font connoitre qu’il Pa peinte la même année d’après les cartons de Vytenwael. Elie a été donnée par les Etats de Nord-Hollande, & eft
tuinlui 1UWJ IV _
repréfente la remontrance du Prophéte Na¬than a David après fon péché , & les armoi-
ries des Etats. .
De Vrije fut charge lannee luivante par
les Bourgmeftresde Dordrecht, dé péin- dre une quatrieme vitre dite la Pucelle de Dordrecht, Cette vitre contient en outre les armoiries de quatorze Villes ou Bourgs de la dépendance de Dordrecht, avec cette inscription: Divce amicitice, cum S, P, Goudano religiose hattenus culta fanbléque dein- ceps colenda, hoe vitrum facrüm efe voluit Se¬nates populufque Dordraeenus, L infeription porte ; Adrian, de V'fe, fig, & pinx, G ou¬de? 1597,
Notre Livret nous apprend encore qu’il a peinten 15*93 & 1794, les armes de la Ville de Gouda dans les vitres de la nef.
Van Dycfc Quelques talents que les enfants apportent pere , Hol- en naiffant, leürs progrès dans les Sciences tre furore.' & dans les Arts , dépendent affez ordinaire- ment de la bonté de leur premiere inftitu- tion. Le célebre Antoine Van-Dyck, pref- qu’auflltót émule qu’éleve de Rubens , re- <~ut a Bois-le-Duc oü il naquit vers 1’an 1 ƒ pp, les premiers principes du deflin de P?an-Dyck fon pere, habile Peintre fur verre de cette Ville. Au défaut de connoiffance de 1’excel- lencé & de 1’em placement des ouvrages de Peinture fur Verre de Van-Dyck pere, n’eft- ce pas faire fon éloge de dire qu’il fut le pre¬mier Inftituteur d’un fils que les Pays-Bas , Pltalie , la F rance & 1’Angleterre ont géné- ralement eftimé, & dont on a recherché avec une grande diftin&ion les ouvrages, fur-
tout les portraits ?
jean-Bap- Jean-Baptifte P’ander-P'eecken , Peintre fur W“ckendet* verre ’ FI am and, ne m’eft connu que par ce Flamand ƒ qu en dit M. Defcamps dans fon Voyage Peintre fur Pittorefque. Il nous apprend que la grande verre’ croifée de la Chapelle de la Communion de 1’Ëglife Paroifliale de Saint-Jacques a An¬vers , a des vitres peintes par Véecken, mai$ prefqu’effacées. Elles font d’après les def- fins de Henri Van-Baclen, qui, après avoir voyagé en Italië, mérita de tenir fa place parmi les meilleurs Peintres Flamands, & fut le premier maïtre oü ait été placé Antoi¬
ne Van-Dyck.
jean Léo- II n’eft peut-être pas de canton en France nard Gontier renferme des vitres peintes aufïi précieu- card Ka- fes & en fi grand nombre que la ville de ^bin” ’ FK^" Troyes en Ghampagne , & fes environs. Les §ois, Peintres Gontier , les Linar d & les Madrain, qui ont fur verre, encore des defcendants dans cette Ville, y ffeuriffoient vers ïa fin du feizieme fiecle dans 1’Art de peindre fur verre ; ainfi que les ancêtres de Ad. Cochin, Ecuyer, Chevalier de Saint-Michel , Secretaire & Hiftoriographe
PEINTURE
de 1’Académie Royale de Peinture de Sculpture, Garde des Deflins du Cabinet du Roi, êtCenfeur Royal (0). Voici ce que m’écrivoiten 1759 , a 1’occafion des freres Gontier, un des notables de cette Ville, qui avoit lu dans la Eeuille nêcejfaire, que je me préparois a donner au PubÜc un Traité hifto- rique & pratique de la Peinture fur Verre.
Je me fais un vrai plaijir, Monfeur, de vous Vitres de informer quil y a dans notre taille de tres- champagne belles vitres du feizieme fiecle, peintes par les cêlebres freres. Gontier, On les voit d la Cathé- drale, d la Collégiale, d Saint--Martin-ès-PÏ- gnes, d Moutier-la-Celle, d /’Arquebufe, Elles mèritent f attention des Connoijfeurs, & fur- prennent même P admiration de ceux qui ne le font pas. Le Di&ionnaire de Moréry, édition de 175*9 , parle avec diftinétion des deux fre¬res Jean Leonard Gontier. II dit qu’ils font peut-être originaires de Troyes, cêlebres pour la figure & pour 1’ornement. II vante entr’autres la vitre de la Chapelle de la Pa¬rodie de Saint-Étienne, que Léonard peignit a 1’age de 18 ans , remarque qu’il en peignit encore d’autres pour la même Eglife, & nous apprend qu’il mourut a 1’age de vingt- huit ans, laiffant un fils qui travaiüoit a 1’or- nement. Les deux Bénédidins de la Con- grégation de Saint-Maur, Auteurs des Voya¬ges Littéraires ( Paris, 1717, Tom. 1. pag.
93), difent que le Cardinal de Richelieu, avoit offert 18000 livres , du feul vitrau qui eft dans le fond du Sanduaire de Saint- Pantaléon a Troyes, & parlent trés avanta- geufement des vitres de la Bibliotheque des Dominicains de cette Ville, & de celles de PAbbaye de Notre-Dame des Prés, Ordre de Citeaux, qui eft dans fon voifinage. Mais continuons notre Lettre : J*at moi-meme dl af fez bons morceaux de ces deux Freres, Je pojfe- de, au furplus, un manuferit de ces deux grands Art fes, tant pour peindre le verre de tout es couleurs que pour la recuijfon des verres peints,
& empêcher qutls ne caffent au fourneau, On reconnoit ici un de ces Amateurs de la Peinture fur Verre, ft rares de nos jours.
Qui ne croiroit que, citoyen zélé, ce nota-ble ne m’annoncoit ce manuferit, que dans le deffein de me charger d’en enrichir la poftérité dans un Traité, oü les fecrets & les préceptes de ces grands Maitres auroient
trouvé une place aufli durable qu’utile 1 Maïs non; je n’obtins rien : mes follicita-tions les plus empreffées , les offres de payer les frais du Copifte font reftées fans fuccès. Les lecons que ces Peintres cêlebres Laténaci- té des Poffef
(a.) Que ne nous eft-il parvenu quelque Mémoire fur la reputation que fe firent dans notre Art les Ancêtres de ce célebre Artifte ! Cette découverte eüt admirable- ment fervi a prouver ce que j’ai avancé, qua 1’écoïe des Peintres fur verre fe formeren t en France comme cans les Pays-Bas, les meilleurs Deffinateurs, talent quï s’eft tranfmis de pere en fils dans cette familie.
avoient laifTées a la poftérité, dans la vue fans doute de 1’inftruire fur un Art , dans le- quel Us excelloient, refteront, par laténa- cité des Poffefleurs de ces manufcrits, enfe- velis fous la poufïiere dun cabinet, pour paffer enfuite a des héritiers, qui, nen con- noiffant pas le prix, les mépriferont au point d’en faire, pour ne rien dire de plus, des fa- crifices a Vulcain. Pendant ce temps ces vi- tres ineftimabies périffent faute d’en avoir confervé les cartons, & d’avoir formé des Artiftes capables de les réparer. Telles font les vitres magnifiques de Saint-Pantaléon, endommagées par de fréquents orages, aux- quelles le talent des Peintres fur verre qui fubfiftent/ encore a Troyes ne peut remé- dier, a caufe de la difette des verres de cou- leurs & de la perte des cartons.
Combien de productions femblables a cel¬le des freres Gontier , faute d’avoir écé ré- vélées ou rendues publiques, ont accéléré la ruine de certains Arts! Nous ofons même affurer que celui de la Peinture fur Verre n’a point eu d’autre caufe phyfique de fon oubli. Ces habiles Peintres fur verre & en émail, qui fe diftinguerent fous le regne de Francois I, contents de mériter les gra¬ces d’un Souverain, qui témoignoit une fin- guliere prédileöion pour ces deux Arts, &
(«) Voyez Ie Livre intitule' .• l’Art du Feu ou de peindre en Email, par Ferrand, a Paris, 1711» de I’Imprimerie de Colombat, vers la fin. Foye? aufli un Me'moire de M. de Vigny , Surintendant des Batiments de M. Ie Due d’Orléans, inféré dans Ie Journal CEconomique, Mars 1757 , pzg. 131 & fiiiv.