CHAPITRE XV.
Très-beaux Ouvrages de Peinture fur Perre du feizieme fiecle,
dont les Auteurs font inconnus.
QUOIQÜE mon deffein n’ait jamais été de donner dans ce Traité un Voyage vitro- pittorefque des différents endroits oü la Peinture fur Verre a été le plus en vigueur & le mieux pratiquée, j’ai cru néanmoins qu’il étoit a propos de faire connoitre , autant qu’il eft en moi & le plus fuccinCtement que je pourrois, les plus beaux ouvrages de Pein¬ture fur verre du feizieme fiecle, tant en France qu’en Flandre, &c. dont les Auteurs font inconnus. Quant aux monuments de eet Art dont la connoiflance auroit pu facile- ment m’échapper, je laifle, en quelque part qu’ils exiftent, aux Amateurs le foin de juger eux-mêmes de leur beauté & d’y applaudir , & a ceux qui les poffédent le défir foigneux & efEcace de pourvoir a leur confervation.
Vitresdel’E- On doit mettre au rang des vitres pein- pielparis.m' tes du feizieme fiecle, celles de la Chapelle du Saint Nom de Jefus en 1’Eglife du Grand- Prieuré du Temple, a Paris. Cette Chapel¬le, conftruite par les libéralités de Philippe
de Villiers de 1’Ifle-Adam, Garand - Maitre de 1’Ordre de Saint-Jefan de, Jérufalem, öt bénite en 1732, eft éclairée par plufieurs grandes fenêtres remplies de vitres peintes de la meilleure maniere, ou font repréfentés plufieurs traits de la vie de Jefus-Chrift. Le coloris en eft des plus vifs : les têtes en font très-belles & d’un grand fini. La reflemblance de quelques-unes, de celle fur-tout du pre¬mier Mage qui eft en adoration devant la Crèche du Sauveur, avec celle qui entre dans la compofition du grand tableau de 1’au- tel, femble annoncer que ces vitres ont été peintes d’après les cartons du Maitre qui a peint ce tableau.
Ces vitres ont été levées hors de place 6c rétablies en plomb neuf depuis une trentaine d’années, avec autant de foin que d’intelli- gence , par feu Nicolas Montjoje, Maitre Vitrier a Paris, 1’un des meilléurs de fon temps. II ne lui manqua pour les remettre en leur premier état que le talent de la Peinture fur Verre; mais il s’eft efforcé de le fup-
pléet en remplacant les piéces qui étoient caffées par d’autres aflbrties au mieux pof- fible.
On feit affez de cas a Paris des vitres peiiv tes qui rempliffent ie haut du vitrau de la Chapeïle d’Harcourt en FEglife Cathédrale, ainfi que de quelques panneaux au bas du même vitrau , fur lefquels on a confervé les portraits des Donateurs. Ces vitres fönt de la fin du feizieme fiecle.
II n eft pas d’Eglife en cette Ville, qui contienne une aufïi grande quantité de vitres peintes de la bonne maniere & du même temps, que celie des Révérends Peres Cor¬deliers , fur - tout dans les vitraux du cöté gauche de la Nef, qui font dun affez beau coloris. Cette Eglife, ayant été incendiée en iy8o & totalement réduite en cendres, fut reconflruite en partie par la munificence de Henri III, & par les foins de Chriftophe de Thou, Premier Préfident, & de Jacques Augufte de Thou fon fils 9 Préfident a Mor¬tier & Confeiller d’Etat. On y diftingue leurs portraits, ainfi que ceux des plus grands Seigneurs de ce temps, qui, a 1’exemple du Roi, avoient contribué a la reftauration de eet édifice. Il ne fut fini qu’au commence¬ment du dix-feptieme fiecle , fous le regne de Henri le Grand, dont on y voit le portrait tres - bien confervé, dans un des vitraux du Chceur, prés du San&uaire a gauche.
L’enceinte de la Capïtale ne ren ferme pas feule de belles vitres peintes du feizieme fiecle. Lë gout de la Peinture fur Verre étoit fi accrédité dans ce temps , qu’elle fut pro- diguée, fi j’ofe m’exprimer ainfi, dans les Eglifes même de la campagne. Celles de Montmorenci, Groflay, Margency, Domont, Ecouen , Attainville, Puteau, Limours , Villeneuve - Saint - George , Brie - Comte- Robert , Cofligni, Malnoüe & Champeaux confervent encore de très-bonnes vitres pein- tes de ce fiecle. On remarque entr’autres beautés a celles de Margency une tête de Chrift ineftimable.
A Anet, Diocefe de Chartres, Eledion de Dreux, routes les vitres du Chateau étoient autrefois peintes fur verre engrifaille & con- tenoient divers fujets tirés de la Fable. Mais M. de Vendome les fit óter, pour y fubfti- tuer des croifées vitrées a la moderne. C’eft une tradition a Anet, que le grand Dau¬phin , qui connoiffoit ces anciennes vitres & en faifoit beaucoup de cas, reprocha a M. de Vendome fon peu de gout. Au fur- plus celles de la Chapeïle de ce magnifique Chateau, que Henri II fitbatir pour Diane de Poitiers, fa favorite, font très-eftimées. Elies ne font pas rehauffées par Véclat des
couleurs, mais de fimple grifaille. Les fujets y font rendus avec beaucoup d’expreflion. On diroit que les figures fortent du verre. On diftingue fur - tout le premier vitrau a gauche qui repréfente Moyfe levant les mains vers le ciel pendant le combat des Ifraélites : mais on ne fait rien du nom des Peintres de ces admirables vitres qui furent feulement ordonnées être faites & peintes de cette ma¬niere par Philibert de Lorme qui conduifoit la conftruêtion de ce Chateau, en qualité d’Architeêle.
L’Eglife
L’Eglife Paroiffiale de Saint-Jean, dans un des Fauxbourgs de Dreux, poffede auffi deux vitraux trè s- renommés de 1580 , dans la Chapelle des Confreres de la Gharité. L’un repréfente un enterrement fait par ces Con¬freres avec toutes leurs cérémonies, 1’autre toute 1’hiftoire de Tobie. Ces deux vitraux font d’un goüt de deffin exquis : on diroit que les figures vont parler. Dans un panneau ou 1’on voit les deux époux en prieres aü pied du lit nuptial, le Peintre a imaginé d’y mettre des draps blancs ,& deux oreillers fur Ie chevet.
J’avois prié un des Chanoines de la Col¬légiale ( Al. Plet) de s’intéreffer pour moi a
. la recherche des noms des Auteurs de ces belles vitres : mais le fuccès a démenti fon zele. C’eft a lui néanmoins que je dois tout ce que j’en ai dit, ainfi que de celles du Chateau d’Anet (a).
Vïtres de S’il n’eft point de Province en France ou fesde Rouen. Temples dédiés au culte du Seigneur
foient plus fréquents que dans la Normandie , il en eft peu oü la dévotion des Fideles ait plus éclaté dans leur décoration. La feule Ville de Rouen nous offre dans la quantité & Ia beauté des vitres peïntes dont les Eglï- fes Paroilïiales fur-tout font ornées, un té- moignage bien certain du gout que fes habi¬tants prirent a la fin du quinzieme fiecle, & dans le feizieme pour les en enrichir. Ce qui m’a furpris , c’eft que 1’Auteur de 1’Hil* toire de cette Ville célebre, qui par unecon- tinuité de ce gout national eft entré dans des détails alfez étendus fur la beauté des vitres peintes de ces Eglifes, paroiffe avoir autant négligé fes recherches fur les noms de ceux qui les ont peintes, qu il a apporté d’ap- plication a nous tranfmettre ceux des parti-
culiers qui les ont fait pdndre.
Entre les vitres peintes de ces Eglifes,
celles des Paroiffes de Saint-Etienne-des- Tonneliers, de Saint-Jean, de Saint-Martin- fur-Renelie, de Saint-Vincent, de Saint- André, de Saint-Nicolas & de Saint-Godard, font les plus eftimées. On admire particulié- rement la vivacité de coloris de celles de Saint-André, & encore plus de celles de Saint-Godard. La beauté éclatante du verre rouge employé a celles-ci a donné lieu dans Rouen, a 1’afped d’un vin rouge velouté, de dire ce proverbe: 11 ejl de la couleur des vitres de Saint'Godard.
Les peintures de deux vitraux de cette Egiife, dont un au-deffus de la Chapelle de
(a) Nous avons remarqué a I’article de Jean Coufin , qu’on lui attribuoit les belles grifailles du Chateau d’Anet: mais Laurent Lucas & Robert Hérufie, décharge's duro He des tailles d’Anet , en 1570, par Sentence contradiéloire rendue en 1’Eleélion de Dreux, & rapportée a la fin de ce volume, parmi les Privileges des Peintres fur verre, pourroient bien être les Auteurs de quelques vitres des Eglifes de Dreux.
PEINT. SUR VERRE, I, Part,
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la Sainte Vierge, communément connü fous la dénomination de 1’Arbre de Jeffé, fur lef quels font peints les Rois de Juda dont elle eft defcendue & dont Jeffé eft la tige, &
1’autre au-deffus de la Chapelle Saint Nico¬las, repréfentant la vie de Saint Romain ± font regardées comme des plus belles qui foient en France. Les Gonnoiffeurs croyent y reconnoitre le crayon de Raphael ou plu- tót celui de Lucas Penni, fon éleve, qui fournit en grande partie les cartons de celles de la Sainte Chapelle de Vincennes. Ges vi¬traux contiennent chacun trente-deux pieds de haut fur douze de larger
On eftime aufïbdans cette Capitale de Normandie, entre les vitres peintes les plus parfaites de 1’Europe, deux formes de vitres de 1’Eglife de Saint-Nicolas, qui datent de la fin du feizieme fiecle, & repréfentent , dans la Chapelle de la Sainte Vierge, fa Vi- fitation & fon Affomption, que 1’on dit avoir été peintes d’après les cartons de Raphael Sadeler.Une autre,d’après ceux de Rubens ou de quelqu un de fes meilleurs éleves, repré¬fente la Pêche miraeuleufet,
Ces Eglifes de la Ville de Rouen ne font pas les feules dont on célebre les vitres pein¬tes. On yen trouve encore qui fontdignefc des Curieux, entr’autres les excellentes gri¬failles de la Chapelle du cimetiere de 1’Hó- tel-Dieu, plus connue fous le nom des Saints Morts, & conftruite vers la fin du feizieme fiecle, aux frais de Guérard Louf, Alle- mand, Peintre & Sculpteur , domicilié en cette Ville. Celles fur-tout qui donnent fur le cimetiere ont mérité de tout temps l’eftb me des connoiffeurs & 1’adnuration des fpe&ateurs.
Je place au même rang comme étant du r.Y?**és ® même fiecle les belles grifailles du Chapitre FAbbaye^è fous le cloitre de 1’Abbaye Royale de.Saint Saint-van- Vandrille, prés Caudebec , dans lefquelles caulebeF^ eft repréfentée 1’Hiftoire destrois Chevaliers *
de la familie des Marchaix & de la Princêffe Ifmérie, qui fert de fondement a la dévo¬tion qui attire un fi grand concours a Notre- Dame de Lieffe,près Laon en Picardie.
Les vitres peintes de la Chapelle de la Vifrësdë Sainte Vierge de VEglife de Bloffeville en BïtjfeviIle« Caux, fur lefquelles j’ai prié AL Alarye $ Cn Receveur des Décimes dü Diocefe de Rouen* a qui cette terre appartient, de me donnet quelques détails, font de toute beauté * & il y en a peu qui approchent de leur fmeffe.
Cette Chapelle eft éclairée par quatre fenê- tres a chacune defquelles, fuivant le croquis qu’il me dow^* de leur forme, font deux pans de vitree peintes féparés dans le milieu par un meneau de pierre & furmontés dans Pamortiffement par un ovale rempli d’ar- moiries très-belles êc très-riches dont il nö
P
L’A R T D E LA
développe point le blafon. Chaque pan de vitres eft cotnpofé de quatte panneaux de hauteur, dont deux repréfentent des Aétes particuliers de la vie de Saint Lezin, au bas defquels une infcription indique ce qui y eft repréfenté. Chacun de ces pans eft fur- monté par un petit panneau cintré , ou font affemblés,comme des trophées, les ornements qui ont le plus de relation aux traits hiftori- ques qui font le fujet du pan entier. L’art du Peintre & la corre&ion du deflin y bril- lent beaucoup plus que la connoiflance du coftume. En effet ft, comme Fannonce 1’inf- cription, Saint-Lezin gagne la bataille, il place avantageufement fes batteries de ca¬nons ; au feptieme fiecle (0)! Si pour com- plaire au Roi & a fa familie le Saint prend le parti de fe marier, FEpoufée & les Dames qui Faccompagnent font parées dans le goüt du fiecle du Peintre , qui nous apprend que Saint Lezin approchant de fon affidée la trouve ladre. S’il le fait paffer de Connétable & de Gouverneur d’Angers a la dignité d’Evêque de cette Vilie, il peint une proceffion qui va au-devant de lui, une Chapelle Epifco- pale, un Evêque entouré de fes Grands-Vicai- res, qui lui confere les faints Ordres avec tout Fappareil du cérémonial ufité dans le fiecle oü il peignoit, & le Saint revêtu de Fhabit violet avant qu il les eut recus, avec ces mots Saint Lezin prend les Ordres,
Son facre s’y fait en préfence du Roi, reconnoiffable par le fceptre & la couronne. Ailleurs il le fait monter en chaire, & laver les pieds aux pauvres revêtu de fes orne¬ments pontificaux. Ici il eft repréfenté con- férant le Sacrement de Confirmation avec toutes les cérémonies en ufage au temps du Peintre. La fe voit une Proceffion générale dans laquelle on diftingue au milieu du Cler- gé un aveugle que le faint Evêque a guéri. Ailleurs on le remarque écoutant une fem¬me en confelfion. La habillé pontificalement il eft prêt a partir avec fon Clergé pour exorcifer une femme poflédée qu’un homme robufte s’efforce de retenir dans Faccès de fa fureur. On lit au bas de ce panneau : Dix~ fopt péchés mortels pires que fept diables.
Dans Fautre moitié de ce pan de vitres , boiteux & aveugles garis par Fimpofition des mains du faint Prélat , font repréfentés en trés grand nombre avec un ordre admirable. Ici d’autres s’empreffent pour obtenir leur guérifon. Il prie pour eux. Douze boiteux & aveugles s1en revontgaris, remportant comme autant de trophées leurs béquilles fur leurs épaules, & témoignant fur leurvifagela gaie-
P E I N T U R E
té & la joie qu’ils reffentent de leur guérifom La les prifons font ouvertes: on y diftingue des prifonniers les fers aux pieds & aux mains; ce font des prifonniers délivrés au foul foing de la Croix,
Ailleurs il guérit deux ladres, & leur fert lui-même a manger. Jamais il n’eft fans fes habits pontificaux; & on remarque, quel- que fondion qu’il exerce, toujours 1e même Prêtre a fes cótés.
S’il s’agit de le repréfenter mourant, les Anges voltigent autourde fon lit, fur lequel il paroit couché, environné de fes Prêtres , a qui il femble donner des inftrudions avant de les quitter. L’infcription porte: Anges vus par Saint Lezin en mourant.
Enfin après fa mort, au devant de fon tombeau, le Peintre a repréfenté un Crucifix, deux cierges allumés, quatre autres petites croix, fix chandeliers & huit flambeaux, & a cóté un aveugle en prieres. On lit au bas:
Aveugle nê gari enpriant au tombeau du Saint.
Une compofition ft diverftfiée dans fes objets, & exécutée fur le verre avec tant d’intelligence qu’on ne fait ce qu’on doit le plus admirer de la beauté du deftin ou de la vivacité du colons, auroit demandé pour être parfaite que FAuteur y eüt peint les ufages du feptieme fiecle & non ceux du fei- zieme. Car on peut d’autant moins s’empê- cher d’attribuer a queiqu’habile Peintre de ce fiecle ces beaux vitraux, que Fon voit dans la même Chapelle une ftatue du même Saint qui date de i £77.
L’élégante Eglife de Sainte Foy de Con- Vitres de ches, a quatre lieues d’Evreux , eft éclairée conchesjrès par vingt-trois vitraux de différentes gran- Evreux,* deurs, dont quatre inférieurs en mérite êc en beauté fervent a relever Féclat des dix- neuf autres. Entre ceux-ci feize fur-tout réuniflent la correöion du deflin au colons le plus vif & le plus brillant.
Quoique le détail de chacun de ces vi¬traux foit exaêlement déduit dansunMémoi- re que feu M. Sorhouet pere, Confeiller honoraire au Grand-Confeil, nfa envoyé de fa terre de Bougy prés Conches (a), noïis ïnfifterons feulement, crainte de prolixité , fur ceux qui nous ont paru les plus dignes de remarque.
Dans le choeur, qui eft un heptagóne, on compte fept vitraux de quarante pieds de haut fur treize a quatorze de large. Un cintre établi en la partie mitoyenne de chaque pan de vitres forme un cordon qui fépare en deux parties égales les fix féries d’hiftoire qui y font
(d) Cette anticipation eft ici plus dépïacée que celle de Milton : car, en pla§ant des canons dans fa defcrip- tion du combat des bons 8c des mauvais Anges, ce grand Poëte n en caraélérifoit que mieux le mauvais genie ^des démons t qui feuls ont pu fuggérer aux hom¬mes rinvention de ces machines infernales.
(a) Le choix que ce Magiftrat a fait d’un homme 3 talent, originate de cette Vilie ( M. Goffeaume ), pour drefler ce Mémoire, juftifie bien le goüt qu’il a voit pout les Arts, & ƒ auroit été manquer a 1’un 8c a 1’aiitre, de n’en pas inferer ici du moins un Extrait,
jpeïntes les lines fur les autres.
On ne peut fe laffer d’admirer le vitrau qui repréfente Fhiftoire de Sainte Foy, dans fa premiere divifion. On y voit, en effet, fa naiffance, fa confeffion , les différentes épreu- ves par iefquelles le Préfet la fait paffer , fa proftitütion détournée par un miracle, qui, en la fauvant du peril dont elle eft menacëe , fait écrouler la maifon & écrafe fous fes rui¬nes les foldats a Fimpudence defquels elle devoit être livrée.
La vue du bücher auquel elle eft condam- née ranime la fermeté & le courage de Saint Caprais, Evêque d’Agen, qui, témoin de fa conftance, fe réfout a partager fes fouffran- ces & fa gloire. Enfin Foy périt par le glaive. Pendant qu’on s’occupe a Fenfevelir, des boi- teux & des malades de tout genre s’empref- fent a demander leur guérifon par fon inter- ceflion 3 & Fobtiennent. Sa pompe funebre termine Fhiftoire; & la vénération que les Fideles rendent a fes Reliques annonce la juftice du culte qu’on lui rend.
La feconde divifion repréfente les princi- pales aéffons de Jefus-Chrift, fource de toute juftice, fa Réfurreétion, fon Afcenfion & la defcente du Saint-Efprit fur les Apótres.
On admire fur-tout dans cette vitre un Portique foutenu fur un grand nombre de colonnes , fur le fronton duquel font-peints en miniature beaucoup de perfonnages. C’eft un morceau d’une délicateffe fans exemple. Les ruines de la maifon fous Iefquelles font écrafés les foldats deflinés a corrompre Sainte Foy font fort eftimées. Le coup-d’oeil le plus rapide fe trouve fatisfait dans la totalité de ce vitrau.
Dans celui qui repréfente la Nativité de Jefus-Chrift, on admire par-deffus tout un lointain , oü un grouppe de Bergers danfants forme par leurs attitudes naïves un point de vue des plus gracieux.
II eft un de ces vitraux dans la Chap elle de la SainteVierge, qui repréfente furun fond d’azur des plus éclatants fa figure coloffale. Toutes les épithetes allégoriques par lef- quelles cette Sainte Mere de Dieu eft défi- gnée dans la Sainte Ecriture, y font peintes ayec beaucoup defoin. Telle eftuneVille avec cette infcription : Civ'ttasDei/ un puits avec celle-ci: Pateus aquarum ruiventium) &c. Enfin on y diftingue trois figures d’Anges qui déploient en trois endroits différents un rou¬leau fur lequel on lit cette Légende fingulie* re : Seale fans fi dans fa Conception»
Dans un autre vitrau eft peinte FAnnott- ciation faite a la Sainte Vierge par 1’Ange Gabriel. On y fent toute la force de Fimagi- nation du Peintre qui dans ie moment de la falutation AngéÜque fait defcendre le Saint- Efprit fur Marie, & le fait fuivre immédia- tement par Jefus-Chrift portant déja fa croix & annon^ant a fa Sainte Mere le glaive de douleur que fon humble docilité a la parole de FAnge lui deftinoit de toute éternité, ót dont le vieillard Siméon la fit refföuvenir lorfqu’elle alia au Temple pour fe purifier óc le préfenter a Dieu fon Pere.
Celui de ces vitraux qui repréfente lé Triomphe de la Sainte Vierge, quoique le plus compliqué de tons par la multiplicité des perfonnages, ne fouffre néanmoins au- cune confufion. Trois Temples ou Palais occupent fa partie fupérieure. Le premier porte fur fon fronton cette infcription: Le Palais P'irginal; le fecond, le Temple d3hon- near; le troifieme, Palais de Jeffe, Une trou¬pe de peuple portant des bannieres , des com ronnes & des palmes fort du Palais Virginal, & porte fes pas vers le Temple d’honneur. Elle eft fuivie de Rois, entre lefquels on reconnoit David a fa harpe ou lyre. Jefus- Chrift portant fa croix les fuit immédiate- ment a la tête des fept Vertus, reconnoiffa- bles aux emblêmes qui les caraétérifent* Elles précédent le Char de la Sainte Vierge, au¬quel font enchainés les fept Vices qui leur font oppofés, & le fuivent dans le plus grand abattement. On y voit un flambeau renverfé & la tête du ferpent écrafée. A tra¬vers les colonnes de fon Palais, Jeffé paroit admirer ce fpeêtacle. Six vers, en ftyle dü temps, expliquent ainfi le fens de cette allégorie.
Ia noble Vierge va trioiïiphant en bonheur Du Palais Virginal jufqu’au Temple d’honneur* Jefle en fon Palais a Ia vue epandue Pour voir les douze Rois dont elle eft defcendue 5 Et leur dit: Nobles Rois, volei de Dieu 1’AnceIIé Qui tous vous ennobüt, & non pas vous icelle.
Les Verfets ï,-j,4&ifdu douziemé Chapitre de FApocalypfe forment le fujet de la feconde divifion de ce vitrau. La femme couverte du foleil y eft peinte ayant la lune fous fes pieds 3 de même que le ferpent roux dont la queue entrame la troifieme partie des étoiles du ciel, & dont une gueule vomit un fleuve.
On volt aufli repréfentée dans un autre vitrau une Paque Juive qui en occupe lé tiers. Un autre tiers repréfente David rece- vant un des. pains de propofition des mains du Grand-Prêtre. L’autre repréfente la man- ne qui tombe dans le défert. Il eft d’un colo¬ns très-vif & d’une compofition très-variée*
II en eft un qui repréfente 1’allégorie dé Jefus-Chrift dans le preffoir, avec cette lé¬gende : Torcular catcavi folus» Tous les Ou- vriers qui travaillent a la vigne y font peints d’un cöté, & de 1’autre les portraits de la familie du Donateur*
Un des plus beaux a pour fujet la derniere Cêne de Jefus-Chrift avec fes Apótres, dont tous les perfonnages font grands & réguliers*
Le cadavre du Donateur y eft peint avec le portrait de fon Epoufe a fes pieds.
Il y a encore dans cette Eghfe d autres vitraux , dans lelquels 1 art ne brille pas moins que dans ceux-ci.
Toutes ces vitres peintes, fur-tout celles du choeur, fe font confervées dans tout 1’é- clat de leur origine. Si quelques-unes, en- rr’autres du cóté de FEvangile, font un peu altérées , Fentier des perfonnages n’y laifle rien a défirer.
De ces beaux vitraux , qui font du meil- leur temps de la Peinture fur verre, ii en eft qui portent des Chronogrammes, tels que ceux de 1’Annonciation & du Preffoir qui datent de i , & le Triomphe de la Sainte Vierge, de i; ƒ 5.
L’Auteur du Mémoire ne s’eft pas borné a nous donner des détails fi circonftanciés : fes foins ont été jufqu’a feuilleter les Archi¬ves des families originaires de Conches , pour nous faire part du nom des Donateurs de ces vitraux. II s’eft dirigé dans fes recher¬ches a eet égard par les armoiries qui y ref- tent empreintes.
Nom; des II donne pour certain que Meffire Jean Ie de°cesSvi- Vavaffeur, Abbé Régulier de 1’Abbaye de tres. Conches, fitpréfent de ceux^du choeur; que la Nativité de Jefus-Chrift eft un don de M. Baudot, lors Lieutenant Général de cette Ville ; que M. Ducoudray a donné celle de FAutel de la Sainte Vierge qui eft la plus ef- timée ; que Fallégorie du Preffoir & FAn- nonciation ont été données par M. le Tellier des Brieux; que Fon doit a la pieufe libéra- lité de M. Berthelot, Procureur du Roi, le vitrau admirable du Triomphe de la Sain- te Vierge; enfin que celui de la Cêne a été légué par un Sieur Duval Martel, fuivant
la légende qu’on y découvre.
Quant aux Artiftes qui les ont fi admirable-
ment inventées ou peintes fur le verre , notre Auteur avoue qu’il ne lui a pas été poffible, quelques recherches qu’il ait pu faire , d’en découvrir les noms.
Il y a lieu de croire que les vitres de cette Eglife, celles de Bloffeville, celles des Parodies de Rouen, celles de la Chapel- le de Gaillon, maifon de campagne de fes Arehevêques, & un très-grand nombre d’au- tres répandues dans toute 1’étendue de la Normandie, auront été faites par ces excel¬lents Peintres fur verre y domiciliés, que nous avons vus dans le Chapitre précédent {pag. 72.) avoir été maintenus par fes dif¬férents Tribunaux, dans les Priviléges ac- cordés par nos Rois, des le quatorzieme fiecle , a tous ceux de cette profeffion.
Vitres de A Nantes, dans FEglife Paroilïïale de Saint
^Names’ ^1C2laS> vitres P^es du grand vitrau du Sanctuaire, au-deffus du Maitre-Autel , méritent finguliérement Fattention des cu-
rieux par la corre&ion de leur deffin & la vivacité de leur coloris. Dans cette forme de vitres d’une étendue extraordinaire font repréfentés cinquante-fix miracles, émanés de la toute-puifTance de 1’Homme-Dieu , dans 1’ordre defquels les cinquante-fix têtes du Sauveur fe reffemblent toutes avec la plus grande vérité, vues fur leurs différents profils.
On ne peut fe laffer d’admirer a Bour- de ia bon - FArchambaud, les vitres de la Sainte peiiedeSu^ Chapelle peintes dans le feizieme fiecle ; kon -l’Ar- car fi elle a été commencée par Jean II c ambaud* du nom , & continuée par fon augufte frere Pierre II, Due de Bourbon, qui lui fuccéda, elle na été finie qu en 1 ;o8. Ges vitres, d’u- ne grande beauté, fe font très-bien confer- vées. Entre les principales hiftoires qui y font repréfentées, on remarque celle de la guérifon du Paralytique fur le bord de la pif- cine de Bethfaïde, fans doute par allufion a ce que les Eaux de Bourbon ont de falu- taire pour ceux qui font atteints de cette maladie : le facrifice fanglant de Jefus-Chrift fur lacroix & la figure de ce facrifice repré- fentée par celui d’Ifaac qu’Abraham fon pere eft prêt a immoler : Fapparitiön de 1’Ange a Conftantin , & le figne miraculeux de la Croix que eet Empereur vit dans le ciel, avec cette infeription: In hoe ftgno -uinces: les perquifitions qu’Hélene fa mere fit faire pour découvrir le lieu ou la croix du Sauveur avoit été dépofée: le fuccès des pieufes folli- citudes de cette Impératrice par la découver- te qu’elle en fait en 326: le recouvrement de ce figne du falut par Héraclius , après la défaite de Chofroës par eet Empereü^r : en¬fin le culte d’adoration qu’il lui rend en la rapportant les pieds nuds en grand triomphe a Jérufalem, après qu’elle eut été pendant quatorze ans entre les mains des Infideles.
Moréry, dans fon Diétionnaire , au mot fingu^ Bourbon^!Archamband, rapporte un trait fin- cesr * gulier relativement a ces vitres peintes. On voit, dit- il, dans ces vitres des armoiries qui font de France, avec un baton péri en bande pour brifure; ce que je remarque, ajoute- t-il, paree que divers Hiftoriens racontent que dans le même-temps que Henri III, le dernier des Princes de la maifon de Valois fut affaffiné , un coup de tonnerre emporta la brifure de ces armes , fans toucher au refte de 1’écu; ce qu’ils regardent comme un préfage que la branche des Valois alloit céder la couronne de France a celle des Bourbons..
On ne peut paffer par Bourg-en-Breffe t Vitres de fans y admirer la magnifique Eglife qui y fut conftruite entre les années 1; 11 & 1; 36, Bourg-en- fous les ordres de Marguerite d’Autriche, Bre^e* veuve en dernieres noces de Philibert le
t Beau 9
SUR VERRE. I PARTIE: 6Ï
Beau, Due de Savoye. Elie ne s’occupa plus depuis ce dernier veuvage,que des foins d’ac- complir en partie le voeu de Marguerite de Bourbon, femme de Philippe II, Due de Bourgogne, fa belle-mere , de faire batir a Brou une Eglife & un Monaftere. Elie ne fit que changer la deftination , mettant fon Eglife fous 1’invocation de Saint-Nicolas de Tolentin, & donnant a des Auguftins de la Province de Lombardie le Monaftere que fa belle-mere avoit deftiné pour des Béné- di&ins. Elie le commenga dès iyotf, mal- gré toutes les difficultés qu’elle éprouva de la part de la fituation du lieu , & de la part même de fon Confeil,qui fit de grands efforts pour Ten détourner. Elie n en fut que plus active a en preffer 1’exécution ; & fa magnifi¬cence , dans cette entreprife, fut portée au plus haut degré. On en eftime entr’autres les vitrages , dans lefquels on ne fait ce qu’on doit le plus louer , ou la majefté & la correction du deffin, ou la beauté des pein- tures & des objets qu’elles repréfentent. Nous ne nous occuperons pas d’en donner ici la defcription : on peut la voir aifément dans un petit Ouvrage que vient de rendre public un Pere Auguftin réformé de la Con¬gregation de France ( a ). Toutes les figures de ces vitraux font parlances & parfaite- ment caractérifées. Elies paroiffent de gran¬deur naturelle, malgréleur élévation. A Fex- trémité feptentrionale de la croifée, il y avoit aufli des vitraux en peinture a grands perfonnages qui ont été détruits par la grêle dès F an Cet accident a déterminé a
couvrir avec des treillis en laiton tous ceux qui refterent entiers. On trouve dans les Archives de cette maifon les noms des Verriers qui en firent le verre a Brou. Ils fe nommoient Jean Brochon > Jean Orqttois & Antoine J^oïfin. Comment, s’écrie ici FAu- teur de la Defcription, ne nous a-t-on pas tranfmis les noms de ceux qui les ont peints? On ne doit pas douter que ces morceaux ne foient des plus excellents Maitres, puifque , comme il le dit lui-même, la France, Flta- lie,IaFlandre & 1’Allemagne y fournirent un grand nombre de leurs Artiftes. lnformés du deffein ou étoit Marguerite d’Autriche , & invités par cette Princeffe de contribuer par leurs ouvrages aparfaire cette Eglifemagnifi- que, ils s’y étoient rendus avec empreffement.
Vitres des A Aix en Provence, les vitres peintes de &°desRC'a^S Eglife des Dominicains font remarquables iets, a Abt en Par la beauté du deffin & par Féclat du colo- ftovence. rjs. On y en voit aufli de trés-belles, chez les Peres Récpllets, fur lefquelles on recon-
(a) Hïftoire Sc Defcription de 1’Eglife Royale de Brou, See, par le Re'verend Perc Pacifique Rouifeler, Auguftin réformé de la Congregation de France , Province de Dauphiné. Paris, 1767, chez Defaint, Libraire, rue du Foin. Chap. VI. Des Vitraux de ïEglife, pag. 67 juf- qu’a la page J07. , < "
FEINT, SUR KERRE. ƒ. Part,
noit par les armoiries du Maréchal de Vitry, qu’il en fut le donateur.
Nous terminerons cette notice des belles vitres du feiziemé fiecle, dont les Auteurs font inconnus, par celles que Fon voit en Flandres & dans les Pays-Bas; êtnouscé- lébrerons avec les deux Bénédi&ins, Auteurs des Voyages Littéraires,
i°, Celles du grand & magnifique Cloitre de FAbbaye d’Anchin, fur lefquelles font repréfentées avec des couleurs très-vives les douze plaies d’Egypte & le paffage de la mer rouge, ou la tête de Pharaon eft, au dire des Connoiffeurs, un morceau fi par¬fait, que, quand on la couvriroit de louis d’or, on 11’y mettroit pas fa valeur.
2°, Celles du Cloitre de FAbbaye de Mar- chiennes , fur lefquelles la Vie de Jefus- Chrift admirablement repréfentée, devient le digne objet de la méditation des Reli- gieux, dont 1’ufage étoit de paffer la plus grande partie du jour a méditer fous ce cloitre. 5°, Celles du Cloitre de FAbbaye de
Grimbergue, Ordre de Prémontré, fur lef» quelles on voit tous les jours avec une nou- veile fatisfaëtion Fhiftoire de la Vie de Saint Norbert, Inftituteur de cet Ordre.
4°, Celles du Cloitre de FAbbaye de Sta- velo, fur lefquelles font peints les portraits des Abbés fucceflifs de ce Monaftere , avec des inferiptions en vers Latins, qui ont trait aux Aëtes de jurifdiëtion que ces Abbés exer- qoient fous ce Cloitre fur ceux de leurs Religieux qui étoient tombés en faute.
y°, Celles du Cloitre de FAbbaye d’Affli- ghen, en Brabant, repréfentant d’un cóté la Vie de la Sainte Vierge, de Fautre celle de Saint Benoit, avec des inferiptions peintes après coup en vers Latins, compofés pat Haëften, Prévót de cette Abbaye, qu’il réfor- ma en 1626.
6°, Celles du Cloitre du Monaftere des Chanoines Réguliers de Rouge - Cloitre en Flandres , qui font peintes avec la plus gran¬de délicateffe, ainfi que celles de leur Réfec- toire & de leur Bibliotheque.
Nous conduirons encore nos Amateurs avec la Guide univerfelle des Pays-Bas ou des dix-fept Provinces, par le Révérend Pere Bouflingault, Chanoine Régulier de Saint Auguftin, de FOrdre de Sainte Croix, fous les Cloitres des Monafteres de cet Ordre a Namur, a Liege & a Tournay, oü les Aëles de la Vie de Saint Quiriace & de Saint Odille, leurs Patrons, font fi merveilleufe- ment peints fur verre; dans la Bibliotheque des Dominicains d’Anvers; fous le Cloitre des Chartreux de Louvain, aufli curieux par fa longueur extraordinaire que par 1’éclat & la beauté des vitres peintes qui le fer¬ment; & enfin a Saint-Omer, dans FilluG
\ tre Abbaye de Saint Bertin.
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