CHAPITRE XVII.
Peintres fur Verre qui fe diflinguerent aux dix-feptieme
dix-huitieme fiecles.
GEST a notre Livret des belles vitres de Saint Jean de Gouda que nous fommes rede- vables du premier Peintre fur verre Hollan-dois de ce fiecle. Nous y apprenons qu’il fut chargé en 1601 par les Bourguemeftres de Rotterdam de peindre une vitre pour cette Eglife , repréfentant l'hiftoire de la Femme adultere. Ii paroit par l ’infcription qu’il a peinte au bas du vitrau, qu’il étoït inventeur & Peintre fur verre : on y lit Claes Janfzefig, & pinx. Rotterdam , 1601,
Corneille- C’étoit une gloire pour chaque Ville de Clock, Hoi- Hollande d’avoir contribué d’un ou de plus tref ur verre fleurs vitraux a la cloture de l’Eglife de Gouda. Les Bourguemeftres de Leyden & de Delft en donnerent en 1601 & 1605, peints d’après les cartons de Swanenburg par Corneille Clock, Peintre fur verre de Leyden.
Vitres de Celui de cette Ville repréfente la levée du u a’ fiége de Samarie fortement preffée par le Roi Benadad, & celui de Delft celle du fiége de Leyden. Dans le bas de celui-ci, on diftingue la Ville de Delft & les Villages circonvoifins. On y reconnoit le Prince d’Orange, Boifot & les perfonnes les plus re-commandablés qui eurent part a cette affaire. Tout ce qui y contribua, foldats, bateaux qui les portent, & les magafins de munition y font admirablement exprimés. On lit au- deffous de l’un & de Pautre vitrau cette infeription qui ne differe que par le chrono¬gramme : le Eourguemeftre Swanenburg inv, & fig, Leyden, Corneille Clock pinx, Leyden, 1S01 & 2 To 1
Vers le même temps fe diftinguoient a Paris dans la Peinture des vitres de S. Médéric, dit vulgairement Saint Merry, heron , dont nous avons parlé au rang des Peintres fur verre du fiecle précédent, Jacques de Paroy, Chamu & Jean Nogare. Ils repréfenterent en concurrence dans le choeur de cette Eglife, qui ne fut finie qu’en 1612 , a droite, l’hif-toire de Saint Pierre tirée des Aftes des Apótres avec des citations latines; a gauche, l’hiftoire de Jofeph dans la même ordon-nance. Ils peignirent dans les vitres de la nef, d’un cöté la vie de Saint Jean-Baptifte, & de 1’autre celle de Saint Franqois d’Aflife. Ils exécuterent aulfi fur le verre d’autres fujets pour des Chapelles de la même Eglife.
Voici d’abord ce qu’Haudicquer de Blan- court (a) nous apprend de Jacques de Paroy. Il le fait naitre a Saint-Pourcain fur Allier, & le donne pour un des plus habiles que nous ayons eu pour la Peinture fur verre. Il a écrit fur Ton Art (b). Son génie le portoit
aaturellement au Deflin & a la Peinture : ii s’y appliqua avec aflè&ion , & y réuflit. II crut ne pouvoir mieux fe perfeétionner qu’en entreprenant le voyage de Rome qu’il regar- doit comme l’école univerfelle de la Peinture & de la Sculpture. II y étudia un très-long- temps fous le célebre Dominique Zampini, dit le Dominicain. On ne peut douter qu’il n’ait fait de grands progrès fous un maitre qui ne cefloit d’inculquer a fes Eleves qu’il ne devoit fortir de la main d’un Peintre aucun trait ou aucune ligne qu’elle n’eut été d’a- bord formée dans fon efprit; qu’un Peintre ne devoit confidérer aucun objet comme en paflant, mais avec une longue & férieufe attention, paree que c’eft a 1’efprit & non a 1’oeil a bien juger des chofes. Après avoir acquis beaucoup d’habileté fous un tel mai¬tre, de Paroy alia a Venife ou il a fait quantité de tres-beaux ouvrages. De retour en France & dans la Province d’Auvergne, fon pays natal, il en fit encore de fort beaux dans le Chateau du Comte de Catignac , & depuis a Paris dans l’Eglife de Saint Merry, ou l’on admire entr’autres dans une Chapelle, le Jugement de Sufanne exécuté fur le verre d’après fes deflins par Jean Nogare; ouvrage exquis, aufli bien que les vitraux du choeur, pour lefquels il paroit qu’il s’eft plus occupé d’en fournir les cartons que de les peindre fur le verre. On voit encore de lui a Gannat, prés Saint-Pourcain fur Allier, dans la grande Chapelle de 1’Eglife Collégiale & Paroifliale fous le titre de Sainte Croix, des vitres peintes oü font repréfentés les quatre Peres de 1’Eglife Latine, S. Ambroife, S. Jéröme, S. Auguftin & S. Grégoire. Les têtes de S. Ambroife & de S. Auguftin y font reconnues pour être les portraits de MM. de Filhoi, dont un étoit Archevêque d’Aix. Leurs ar- moiries peintes fur verre font aufli répan- dues fur les autres vitraux de cette Eglife. Cet habile Peintre décéda agé de 102 ans dans la Ville de Moulins en Bourbonnois, ou il recut les honneurs funebres dans TE-glife des Jacobins.
A Fégard de Chamu, il y a lieu de croire qu’il fut un des meilleurs Peintres fur verre du commencement du dix-feptieme fiecle. La quantité d’entreprifes en ce genre dont il étoit chargé , attira dans fon attelier plu- fieurs Artiftes, même étrangers, entre lef¬quels étoit Jean Van-Bronkhorft, Hollandois, bon Peintre fur verre , dont nous parlerons dans la fuite. On lui doit Vexécution d’une bonne partie des vitraux de l’Eglife de Saint Merry, d’après les deflins de Jacques de Paroy; mais Sauval n’a point diftingué ceux qui for-tirent de fon attelier. II paroit qu’il ne forma dans fa familie aucun Eleve de fon Art. J’ai ^onnu dans ma jeuneffe un Vitrier de ce nom qui n’avoit aucune teinture de Peinture fur verre. II étoit entrepreneur de la Vitrerie
Les charniers de l’Eglife Royale & Paroiffiale de Saint Paul a Paris font fans contre- dit les plus beaux de cette Ville. Ils font ornés de vitres peintes a ;’envi par les meil¬leurs Peintres fur verre du commencement du dix-feptieme fiecle; car les plus ancien- Francois Per-
nes datent de iéo8, & les plusnouvelles de Herr’ NicoIas. Nous allons extraire ce que Sauval Francois Por-nous a laiffé fur ces vitraux & fur les talents cher * Pein' particuliers des Artiftes qui en ont été chargés : nous y joindrons quelques reflexions relatives a cet Art, que l’étude particuliere que nous en avons faite nous a didées.
Le cöté de ces charniers qui touche a la Chapelle de la Communion n’eft pas d’une beauté fupérieure, quoique la plus grande partie en ait été exécutée fur les cartons de J^ignon , par Nicolas le lajeur, Peintre fur verre , & par d’autres en concurrence. C’eft ce même Peintre qui paroit avoir peint fur les cartons du même , les quatre vitraux de la Chapelle de la Communion a main droite, ou la compofition de Vignon fe fait reconnoitre.
Le cóté qui regarde 1’Arfenal eft moitié exécuté par les mêmes Peintres fur verre, & l’autre moitié par un Robert Rinaigrier,
Ce qu’il y a peint, eft d’une bonté médiocre.
On y voyoit autrefois fur des ovales, qui entrent dans 1’ornement des foubaffements des vitraux , des payfages d’une bonne maniere, que 1’injure du temps a détruits
( a ) Page 3 3 de F addition au tom. L de fes Antiquités de Paris.
(b) Les hauts vitraux du Choeur de cette Eglife, ont été peints vers 164* > & repréfentent a droite & a gauche fous une galerie voütée d’une alfez belle perfpe&i- ve , des figures de Saints, beaucoup plus forres que nature, a caufe de leur élévation, qui femblent diriger leurs pasvers le vitrau du fond du Sanduaire, comme vers le terme de tout cet edifice. ,
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ou que quelque main avide autoit pu s’ap-La partie des vitraux de ce coté & du précédent, qui danschaque vitraueft mar- quée I. M. eft d’après les defïins & de la main de Jean Monnier.
Félibien dit de eet Artifte qu’il fut un des meilleurs Peintres Francois du commence¬ment de ce fiecle. Il avoit pour aïeul & pour pere des Peintres fur verre dont nous “srvons fait mention parmi ceux du fiecle précédent. Son aïeul étoit de Nantes, & s’é- toit établi a Blois. Jean avoit apprïs de fon pere 1’Art de peindre jufqu’a lage de ié ou 17 ans. Dès-lors il copia pour Marie de Médicis un tableau d’André Solarion , dit la Vierge a F oreiller verd. II lui mérita une penfion de cette Reine de France & fa pro¬tection auprès de 1’Archevêque de Pife qui s’en retournoit a Florence. Ge Prélat 1’em- mena avec lui, & dela a Rome. Monnier revint enfuite en France, ou il fit quantité de beaux ouvrages.
Pu même cóté, vers le milieu , Franfois Perrier a peint 1’hiftoire du premier Concile de PEglife, & 1’ombre de Saint Pierre gué- ïiffant les malades.
Félibien & d’Argenville ne difent point que Perrier ait peint fur le verre. Le peu de cours que eet Art avoit en Italië ou Lan- franc mit le pinceau a la main de Perrier encore jeune, ne donne pas lieu de le penfer j mais il peut avoir fourni les cartons de ces deux beaux vitraux & de quelques autres de la même bonté.
Le dernier cöté qui eft parallele a la rue Saint Antoine eft fermé par les plus belles vitres de tout le Charnier, & peut être auffi bonnes qu’aucunes de Paris.
Le fecond vitrau de ce cóté repréfentant 1’impofition des mains par Saint Paul aux Ephéfiens, ainfi que le troifieme ctans lequel on admire la guérifon des malades par Pat- touchement des linges & de la ceinture de eet Apótre, font Pun & Pautre de la main de A/icolas Defangives Peintre fur verre, qui avoit une liberté de travailler incroya-ble.
On remarque en effet une intelligence admirable dans la diftribution & la coupe des contours des membres & des drape¬ries de fes figures. Leur jointure par le plomb eft fi délicate & fi peu fenfible que, loin d’appéfantir Penfemble dun panneau, elle n’y marque que le trait néceffaire pour former les contours. File en réunit fi parfai- tement les parties qu’on croiroit volontiers que tout le panneau n’eft qu’un même mor- ceau, comme la toile eft au tableau : talent fi effentiel a un bon Peintre Vitrier qu’ac- tuellement même, lorfque la Peinture fur verre paroït totalement oubliée , dans plu- fieurs Villes de France , & notamment a
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font d’une beauté paflable , & ont été peints par Jean & Louis Pinaigrier. <
On remarque dans les vitraux que Sauval attribue aux Robert, Jean & Louis Pinai¬grier , & même dans ceux de Jean Monnier & de Nicolas le Vaffeur, beaucoup d’ómaux qui, en bouillonnant a la recuiflbn, fe font écaillés; d’autres, qui trop durs, fe font écartés dans la fufion de ce concert au four- neau de recuiflbn, dans lequel nous venons de remarquer que Nicolas Pinaigrier excel- loit, & quine s’obtientque par Pexpérience foutenue par Fétude de 1a Chimie.
Les vitraux de la main de Defangives font reconnoiflables a cette marque , ab- bréviation de Nicolaus Defangives fecit. Elie eft pratiquée dans de petits ovales qui entrent de chaque cóté dans Pornement qui fert de bafe a ces vitraux.
Il paroit par un autre ovale refté entier dans un des meilleurs vitraux que Sauval attribue a Nicolas Pinaigrier , que la mar¬que de ce Peintre fur verre étoit un compas ouvert, pofé fur fes deux pointes, entre- laflé d’urie branche de laurier. Quant aux au- tres Pinaigriers, Sauval donne lieu de croire qu’ils fe faifoient connoitre par ces petits ovales repréfentant des payfages dont nous avons déja parlé.
Ces vitraux, dont quelques-uns ont moins fouffert de Pinjure du temps que de 1’étour- derie des enfants qu’on inftruit des premiers principes de la religion dans ce Charnier, & du voifinage des fofles que Pon creufe dans le vafte cimetiere auquel il fert de cloi- tre , ont été entretenus autant bien que puifle le permettre un flecle qui manque de Peintres fur verre , & oil ce qui s’en cafle ne peut être remplacé que par des morceaux de verre peint aflbrtis au mieux poflible. Cet entretien étoit confié aux foins de feu Guil¬laume Brice,Maitre Vitrier a Paris. Son intel¬ligence & fon a&ivité dans toutes les parties de fa profeflion Pauroient fait regarder comme un homme digne de fes meilleurs temps, s’il y eut joint la pratique de la Peinture fur verre dont il recueillit chez lui de trés-bons morceaux avec autant de gout que de choix. II en avoit acheté une belle fuite de la veuve de M. Refauty Avocat au Confeil & Auteur d’une Grammaire Fran^oife, le plus grand amateur de Peinture fur verre de fon temps. Ses foins aufli vigilants qu’empreffés , aufli heureux qu’intelligents, pour pofer en place dans leur ordre primitif 1’immenfe quantité de panneaux de verre peint remis en plomb neuf que contient la grande rofe de ia croi-fée de PEglife de Paris du cóté de l’Arche- vêché ; l’habileté avec laquelle il a confervé a la poftérité les magnifiques & anciennes vitres de la Sainte Chapelle de cette Ville qu’il a remifes aufli en plomb neuf; legoüt avec lequel il vient d’aflortir, deux ou trois ans avant fa mort (a), par forme de conti-nuité , une partie fort étendue dun des grands vitraux de cette augufte Bafilique qui avoit été muré depuis long-temps, fans rien déparer de lordre des anciennes vitres, feront pour la poftérité un témoignage cer¬tain de la juftice que j’ai cru devoir rendre ici a fes talents dans fa profeflion.
(0) Il eft mort en 1768.
(а) II y en avoit autrefois vingt-quatre, y compris I’impofte de la porte du petit cimetiere ; mais les chan- gements occafionnés par Tagrandiflement de laSacriftie du choeur, ont force d’en óter deux qui ont été incorporés dans les vitraux de la Chapelle de la Vierge.
(б) Nous en avons parlé, pag. 42, a 1’article de Jean Cpufiiti
audace de Nabuchodonofor, qui, voulant faire adorer par les Ifraëlites, la ftatue d’or qu’il s’étoit fait élever, irrité de la coura- geufe réfiftance des compagnons de Daniel qu’il avoit fait conduire captifs a Babylone, les fit jetter vivants dans une fournaife ar- dente, d’oü 1’Ecriture Sainte nous apprend qu’ils fortirent fains 6c faufs.
Les deux vitraux fuivants, dont 1’un repré- fente le défi du Prophete Elie aux faux Pro- phetes de Baal, f autre les premiers Miniftres de 1’Eglife, les Empereurs, les Rois, tous les Peuplesde la terre adorant Jefus-Chrift élevé en Croix, figuré dans la partie fupérieure par le ferpent d’airain, font, comme le précédent, d’une beauté admirable. ïls paroiffent tous trois dignes de Defangives ou de Nicolas Pinaigrier, qui travailloient dans le même temps a ceux du Charnier de Saint Paul.
On pourroit encore attribuer aux Peintres qui ont travaillé avec moins de fuccès aux vitraux de ce Charnier, ceux de celui de Saint Etienne dans lefquels on remarque, comme a Saint Paul, des émaux bouillon- nants qui fe font écaillés par U fuite; par exemple, le vitrau qui repréfente 1’hiftoire de Saint Denys, 6c celui oü font repréfentés la multiplication des pains 6c des poiffons, 6c la fra&iondu pain en préfence des Péle- rins d’Emmaüs. Ce dernier ne fe voit pas fous le Charnier, mais dans la Chapelle de la Sainte Vierge oh il a été tranfporté.
Rien ne vient fi bien a 1’appui de Ia conje&ure qui me fait admettre Nicolas Pinaigrier au rang des Peintres fur verre qui ont travaillé aux vitres du Charnier de Saint Etienne , que les fujets repréfentés dans un autre vitrau qui a auffi été tranf¬porté dans la même Chapelle. J’ai obfervé ci-devant (a) en donnant la description de 1’allégorie du preffoir, peinte par Pinaigrier en iy2o pour 1’Eglife de Saint Hilaire de Chartres, que ce fujet avoit été copié par la fuite pour plufieurs Eglifes de Paris. Or le vitrau de Saint Etienne oil il eft repré- fenté doit avoir été peint par les defen¬dants de ce célebre Artifte, qui, proprié- taires des cartons originaux de cette allégo- rie , en auront fait Tob jet de leur complai- fance 6c de leur application , toutes les fois qu’ils auront eu occafion de répéter fur le Verre ce morceau chéri de leur Auteur. Et comme Sauval nous apprend que les Mar¬chands de Vin avoient adopté par choix ce fujet pour en orner leurs Chapelles de Con- frairie ou de dévotion, j’en augure que le vitrau de Saint Etienne oü 1’on a peint cette allégorie aura été donné pour Fornement du Charnier de cette Eglife par Jean le Juge , Marchand de Vin, un des plus grands ama-(‘Ï ) Page 4a » a Tactiele de Robert Pinaigrier.
teurs de Peinture fur verre de fon temps. Je crois être fondé a le croire, par une délibé- ratïon dé la Fabrique de cette Paroifle en 1610. On y lit que ce Marguiller avoit per- fifté avec fermeté dans la réfolution qu’il avoit prife de faire peindre a fes frais la grande vitre qui eft dans la nef au-deffus de la Chapelle Sainte Anne, malgré 1’avis de fa compagnie qui avoit arrêté en fon abfence, qu’il feroit prié de converter en valeur, pour être employés d la conjlru&ion du Charnïer 9 les deniers defiinés d cette varrïere hifioriée , qui oteroit beaucoup de jour d cette partie de fEglife, déja objcwrcie par le voifinage de la tour du clocher,
On doit mettre au rang des plus beaux vitraux de ce Charnier, celui du Jugement dernier, également diftingué par le fini des figures & 1’éclat du coloris. Mais la délica-teffe du travail, la beauté des émaux, leur induftrieux emploi & leur réuffite a la recuif-fon, brillent fur-tout dans celui qui repré-fente la fin du Monde. La variété des objets qu’il renferme, tels que 'l’obfcurité que laif- fent les aftres qui tombent du firmament, la confufion des éléments , la frayeur de tout ce qui a vie dans l’air, fur la terre & au fein des eaux, qui touche au moment de fa def- truftion, hommes de tout fexe & de tous états, animaux, poiffons, oifeaux, batiments, monuments de toute efpece,fruits de la nature & de 1’art prêts a rentrer dans Ie néant; cette furprenante variété, dis-je, y eft caradtérifée avec une expreffion qui faifit le fpeélateur d’ef Froi a la vue de ces fujets de terreur, & d’admiration pour le travail de'Artifte qui a fi bien peint & fi heureufement colorié fur le verre tant & de fi différents objets du plus menu détail.
ï el eft encore , malgré fon défaut eflentiel de correction dans le deflin & de pratique dans le coftume, le vitrau dans lequel le Peintre s’eft occupé a rendre la parabole du Banquet du Pere de familie rapportée par Saint Luc. Tous les détails en font fur- prenants & de la plus grande délicateffe. La falie du feftin entr’autres y paroit éclairée par des vitraux, dont les plus grands portent neuf pouces de haut fur un pouce & demi de large. On y diftingue fans confufion des frifes ornées de fleurs au pourtour d’un fond de vitres blanches, dont la faqon paroit le plus exaCtement conduite, & fert elle-même de cadre a des panneaux de verre hiftoriés & coloriés dans la précifion de la miniature la plus délicate. Au bas d’un de ces vitraux diftribué en quatre panneaux de hauteur, dans lefquels Part du Peintre, prefqu’incom- préhenhble, repréfente la Nativité, la Réfur-rection & l’Afcenfion de Jefus - Chrift ; on xeconnoit dans le dernier panneau les armoi-ries du Préfident de Viole, Seigneur d’Andre- fel, dont la veuve fit préfent de ce vitrau en 1618. Les fleurs dont le pavé de cette falie paroit jonché, font du coloris le plus naturel & le plus vif.
Je ne puis omettre, en faifant mention de ce vitrau, une anecdote qui n’eft pas indif- une de ces férente a 1’éloge du Peintre qui 1’a fait. vitxes.
Tous les vitraux de ce Charnier furent réparés & remis en plomb neuf en 1734 par les ordres du Marguiller lors en exercice, homme d’un grand fens & d’une vivacité encore plus grande. Il n’omettoit rierv pour rendre a ce lieu refpeétable, ou le plus grand nombre des Fideles de cette grande Paroifle recoit la Communion au temps Pafchal, toute la décence qui lui convient. II veilloit a toute heure fur les Ouvriers & fur les travaux. Sa délicateffe & fa fagacité ne laiffoient rien échapper a fes remarques. Les vitres fur-tout,
& Tapplication que demandoit de la part de ceux qui y étoient employés le rétabliflement de plufieurs parties d’entre elles, par le rapport des pieces les mieux aflorties qu’il falloit fournir a Ia place de celles qui étoient caffées, lui parurent mériter toute fon attention.
Nous l’avions, mes freres & mof continuelle-ment fur les bras. On venoit de remettre en place les panneaux du vitrau du Banquet : il arrive , il obferve & crie aufli-töt a la négligence. Je m’y attendois prefque; car ce qui pouvoit occafionner fon mécontente- ment ne m’avoit pas échappé: bVe font-cepas ld des vitres bien nettes / Que fait-ld cette mouchef Elle y fait beaucoup , Monfieur, en faveur du Peintre 3 puifque la ftmple imitation de cette mouche a paru pouvoïr vous autorifer d me taxer de négligence, il n’en veut rien croire; il s’emporte, il mouille, il efluye, il gratte ; mais la mouche refte & reftera fans doute long-temps, pour en tromper d’autres qui s’appliqueroient a y regarder d’aufli prés.
Je ne m’attacherai point ici a donner la defcription de tous les autres vitraux de ce Charnier. Les fujets qui y font repréfentés en plus grande partie font des figures de 1’ancien Teftament accomplies dans le nou¬veau. Ils font indiqués au bas par des inf- criptions peintes fur verre dans un cartou¬che taht en profe ktine & franqoife qu’en vers franqois du ftyle des Poëtes du temps.
Quoique tous ces vitraux ne foient pas de la même beauté, le plus grand nombre mérite 1’admirationdesconnoifleurs, & pour- ra fervir un jour de modele aux Peintres fur verre, fi eet Art reprend vigueur, fur- tout dans des parties d’un détail aufli menu & aufli délicat que le demanderoient, ainfl que je 1’infinuerai ailleurs, des fujets tirés dé 1’Hiftoire fainte ou profane, ou de la Fable, peints fur des carreaux de verre, pour orner des Chapelles domeftiques ou voiler dans les appartetnents des Grands ces iieux qui ne demandent que le fecret»
Enfin au défaut d’une connoiflance certaine. des noms des Peintres fur vérre qui ont peint ces admirables vitres, li nous confidérons leur date, ce qu elles ont d ex¬cellent , ce qü’il y a de mediocre , la ref- femblance dans la diftribution & les orne- ments des cartouches qui renferment leurs inferiptions, tout femble devoir nous por¬ter a les attribuer en grande partie a ces Maitres habiles qui ont peint celles du Char- nier de Saint Paul. On peut les regarder les uaes & les autres , route proportion gardée , vu 1’oubli prefque général de la Peinture fur verre, comrae ces feux qui, en expirant, jettent une plus brillante clarté & ne font jamais mieux appercevoir leur eclat que lorfqu’ils font prêts de s’éteindre.
Ce qui eft bien digne de nos regrets, e’eft que ces belles vitres ayent été 6c foient encore expofées aux plus grands dangers dans un, lieu deftiné a faire les catéchifmes des enfants , & dans lequel elles fervent de cloture a un petit cimetiere oü 1’étourderie d’unFoflbyeur, fouvent ivre, malgrd les chaf- fis de fil-d’archal qui fervent a les defendre, fait voler contre ces vitres prdcieufes des terres & des cailloutages qui en ont endom- magé plufieurs, inconvdnient qui, pourêtre le même fous le Charnier de Saint Paul, paroit avoir été moins préjudiciable a celles qui le décorent, a caufe de la vafte étendue de fon cimetiere.
Tandis que les meilleurs Peintres fur verre Franqois du commencement du dix-feptieme fiecle fe diftinguoient a Paris aux vitres de Saint Merry, de Saint Paul, & de Saint Etienne, la Hollande poffédoit d’habiles Artiftes en ce genre, que nous allons faire connoitre fucceflivement fous les aufpices de M. Defcamps. Cet Auteur ne dit qu’un mot de Bylert, Peintre fur verre a Utrecht, qui donna les premieres lecons de deflin a Jean Bylert fon fils. Celui-ci les mit a profit, mal- grd une jeuneffe un peu bruyante & iivrde aux plaifirs; car il devint par la fuite un bon Peintre d’Hiftoire.
Both, Peintre fur verre en la même Ville, ne nous eft dgalement connu que par fes deux fils Jean & Andre, qui, toujours infé- parablement unis, paflerent de 1’école de leur pere a celle d’Abraham Bloëmaert, voyage- rent en France & en Italië a l’aide du produit de leurs ouvrages, & fe diftinguerent par un beau fini dans tour ce qu’ils ont peint.
Jean du Hollandois , Peintre fur verre, donna les principes de delfin a Jean van-Bronkhorft né a Utrecht en 1603. Dès l’age d’onze ans ce dernier avoit été confié a ce Maitre, d’ou il paffa fous deux autres, mais médiocres. A dix-fept il quitta fa patrie, öc travailla dix-huit mois a Arras chez Pierrs Matthieu qui avoit la reputation de bieri peindre fur verre. Il en partit pour Paris on il demeura long-temps chez Chamu<? , habile dans ce genre, dont nous avons parlé. Peu content d’un talent qu’il n’avoit exercé juf- qu’alors que comme fubordonné a 1 entre- prife de fes différents Maitres qui l’em- ployoient pour leur compte, il retourna a Utrecht, & v fit une étroite liaifon avec Poëlemburg. L’habitude de voir peindre & graver ce Maitre, habile fur-tout dans Fart du elair-obfeur, le détermina a quitter la Peinture fur verre pour ne s’appliquer qu’a la Peinture a 1’huile. Quelques ouvrages de Peinture fur verre qui lui étoient com- mandés, & qu’il falloit finir, le détournerent encore quelque temps de ce projet. Sitót qu’ils furent achevés, il s’y livra par préfé- rence. Poëlemburg étoït paffé - en Angle- terre, ainfl Van-Bronkhorft ne dut fon avan- cement dans la Peinture a 1’huile qu’a fon propre génie. On eft furpris quand on exa¬mine fes ouvrages, dans un genre fi diffé¬rent de celui qu’il avoit pratiqué, du progrès qu’il y fit fans maitre. Öes tableaux font recherchés & fes vitres admirées , fur-tout celles qu’il. a peintes pour la nouvelle Eglife d’Amfterdam.
Bois-le-Duc donna le jour a un excellent Peintre fur verre, Abraham Van-Diépenbeke. On ignore Pannée de fa naiffance & le nom de fes premiers maitres dans le deflin & dans la Peinture fur verre. Mais on fait qu’il s’y fit de bonne heure une telle réputation que Rubens 1’admit volöntiers dans fon école. La force de fon génie le mit bien-tót en état de compofer lui-même les fujets qu’on le chargeoit de peindre fur verre. Ses compo- fitions étoient agréables; il inventoit avec génie , il exécutoit avec feu. Mais fa grande facilité a compofer & a defiiner, la grande quantité d’ouvrages dont il étoit furchargé ne lui donnoient pas le loifir de les finir avec tout le foin dont il eut été capable, s’il eüt travaillé moins a la hate. Notre jeune Artifte, encouragé par fes fuccès, quitta la Flandre pour parcourir 1’Italie, oh il fut fort employé a defliner. A fon retour de Rome il revint a Anvers. Sa grande viva- cité & fa grande promptitude n’étoient pas des difpofitions bien propres a lui faire fup- porter patiemment les inconvénients attachés a la Peinture fur verre. Les accidents de la recuiffon, dans laquelle la trop grande aéti- vité d’un feu trop haté détruit fouvent les plus beaux ouvrages en changeant les cou- leurs, le rebuterent; & fa fupériorité fur les Peintres-Vitriers de fon temps ne 1’em- pêcha pas de quitter ce genre de Peinture pour s’appliquer uniquement a la Peinture a 1’huile. II rentra a cet effet a i’école de Rubens, ou, fous cet inimitable colofffte.
11 fit de grands progrès dans cette partie de la Peinture. II donnoit a fes ouvrages une force foutenue d’une belle entente du clair- obfcur, partie la plus diftinguée de la Pein¬ture fur verre. On voit de lui plufieurs vitres a Anvers, a Bruxelles & a Lille : M. Def- camps, qui en rend un compte exa£t dans fon Voyage pittorefque, en a trouvé la com- pofition fine, fpirituelle , & le deflin ferme & correct.
Diépenbeke a peint a Anvers les vitres d’une des deux croifées de la Cathédrale, dédiée a la Sainte Vierge. Dans le haut font repréfentées les oeuvres de miféricorde ; au bas font les portraits des Adminiftrateurs des pauvres en exercice en 163 j.Quelques têtes font aufli belles que fi elies étoient de Van- Dick. On conferve a la falie du Saint Efprit , dans une boete de fer-blanc, le deflin de cette croifée. Les vitres de Fautre croifée font de la main de Jacques de Vriendt, dont nous avons parlé ailleurs (p. 42).
Diépenbeke a encore peint dans cette Ville les belles vitres de la croifée de la Chapelle de la Sainte Vierge dans 1’Eglife Paroilfiale de Saint Jacques : les dix vitraux du choeur des Jacobins, oü plufieurs événements de la vie de Saint Paul font blen peints & bien deflinés; enfin les vitres du cloitre des Mini¬mes , oii Ton voit avec plaifir quarante fujets fur la vie de Saint Francois de Paule. Ce font des petits tableaux tranfparents; la couleur a Fair d’un lavis, mais dégradée de facon que Fon y apper<zoit les teintes locales, des maffes qui forment des effets, fans la marqueterie des couleurs éclatantes entieres & prefque opaques.
On voit a Bruxelles avec la même fatif- faftion les vitres des quatre croifées de FE- glife Collégiale de Saifite Gudule. Sur la premiere eet habile Peintre a repréfenté la Préfentation au Temple, & FEmpereur Fer¬dinand ; fur un des cótés de la feconde le mariage de la Vierge, & fur Fautre cóté FEmpereur Léopold; fur la troifieme 1’An- nonciation, & au bas FArchiduc Albert & FInfante Ifabelle ; fur la quatrieme la Vifitation , & au bas FArchiduc Léo¬pold.
Enfin Diépenbeke a peint a Lille toutes les vitres du cloitre des Minimes. Le ton eff a-peu-près comme des deflins lavés. II y a plus d’harmonie que dans ce que le vulgaire admire dans les vitrages, ou le beau rouge , le jaune & le bleu ne font qu’autant de taches, ou des pieces de mar¬queterie , fans intelligence & fans effet. C’eft dommage que celles-ci com mencent a s'effacer.
Diépenbeke fut nommé en 164.1 Direc¬teur de FAcadémie d’Anvers , une des plus anciennes de FEurope. II mourut dans cette Ville en 167^.
L’Allemagne poffédoit dans le même temps spilberg, affez bon Peintre fur verre & a Fhuile pour avoir été fucceflivement penfionné par les Dues de Gulic ót de Wolfgand. II donna les premieres leqons du deflin a Jean Spilberg fon fils, né a Duffeldorp en 1615}, qui, après avoir fini fes études, s’adoana tout entier a un Art de familie pour lequel il fembloit né, car il avoit un oncle Peintre du Roi d’Efpagne. Mais quoique le pere pratiquat la Peinture fur verre , il paroit que le fils ne s’attacha qu’a la Peinture a Fhuile, dans laquelle il excella pour Fhiftoire & pour le portrait, d’ou il devint premier Peintre de trois Eieéteurs.
On ne fait lequel des deux talents de la Peinture a Fhuile ou de la Peinture fur verre acquirent une plus haute réputation a Ber- trand Fouchier, Peintre Hollandois, né a Berg -op-zoom le 10 Février 11
témoigna fort jeune du gout pour la Peinture. Son application aux leqons d’Antoine Van- Dyck, a Fécole duquel fon pere Favoit fait paffer , le rendit en peu de temps capable de bien faire un portrait. Le peu de loifir que les grandes occupations de Van Dyck lui laiffoient pour veiller fur fesEleves, déterminerentFouchier a quitter Anvers pour paffer a Utrecht. 11 y demeura deux ans chez Jean Billaert, le même fans doute dont nous avons parlé ci-devant fous le nom de Jean Bylert, qui jouiffoit de la réputation de bon Peintre d’hiftoire. Ces deux années expirées, il retourna chez fon pere pour y exercer fon talent. L’envie de voyager ne lui permet pas de s’y fixer : il part pour Rome. A peine y eft-il arrivé qu’il s’y fait diffinguer par fon affiduité a étudier les ouvrages des grands Maitres, & a imiter fur-tout ceux du Tintoret. Urbain VIII, fouverain Pontife, prote&eur des Arts & des Artiftes, fembloit déja lui préparer une grande fortune , lorfqu’une querelle d’un de fes amis } dans laquelle il prit malheureufe- ment parti, 1’oblige de quitter Rome avec lui. Tous deux furent a Florence, dela a Paris, & de Paris a Anvers, ou ils fe quit- terent. L’un s’en retourna au Fort de Wick pres Utrecht, & Fouchier a Berg-op-zoom fa patrie, ou il travailla de Peinture a Fhuile & fur le verre. Il mourut en 1674, & y fut enterré dans la principale Eglife.
Deux ans auparavant, la Hollande avoit perdu un fort habile Peintre fur verre nom¬mé Pierre Janffens, né a Amfterdam en 1612, & placé par fes parents chez Jean Fdn-Êoc- , autre Peintre fur verre; il fuivit la maniere de fon maitre. On voit de lui dans les Pays-Bas plufieurs vitres qui ne font pas
fans mérite. Ses deflins font d’un aflez bon gout.
Le peu que M. Defcamps nous raconte de la célébrité de Gerard Douw dans la Peinture fur verre, en venant a 1’appui de ce que nous avons dit du choix fpécial que les Hollandois fur-tout faifoient des écoles des Peintres fur verre pour former la jeu- nefle dans le deffin , doit être confidéré cornme une leqon raccourcie, mais énergi- que, furies qualités plus particuliérement propres a quiconque veut s’avancer dans eet Art. En effet on remarque dans Gerard Douw aflez d’intelligence dans l art de graver; une connoiflance bien entendue & foutenue du clair-obfcur, c’eft-a-dire de 1’effet des om¬bres & des reflets, une patience infinie, une propreté exquife, & cette grande délicateffe de pinceau que demands le beau fini, qua¬lités eflentielles a un bon Peintre fur verre.
Gérard Douw naquit a Leyden le 7 Avril 1613; fon pere nommé Douw - Janfzoon étoit Vitrier , originaire de Frife ; il s’ap- percut de 1’inclination de fon fils pour la Peinture , & le plaqa en 1622 , chez Bar- tholomé Dolendo, Graveur, pour y appren- dre le deffin : fix mois après ii le fit entrer chez Pierre Kouwhoorn, Peintre fur verre ; en peu de temps le jeune Douw furpafla de beaucoup fes camarades ; fon pere en- fuite le retira auprès de lui, & le fit travaU- ler fous fes yeux. Satisfait au-dela. de fon efpérance du gain que fon fils lui rapportoit, il ne voulut plus 1’expoferaux croifées élevées des Eglifes , & le plaqa a Page de quinze ans chez Rembrand. Trois années d’étude dans cette école lui fuffirent pour n’avoir plus befoin d’étudier que la nature; il mit en pratique les lecons de Rembrand avec une affiduité fans égale , & devint un grand Peintre a fhuile ; il préparoit iui-même tout ce qui lui étoit néceflaire; il broyoit fes couleurs, & faifoit fes pinceaux : fa pa¬lette , fes pinceaux, fes couleurs étoient exactement enfermés dans une boete , pour les préferver, autant qu’il étoit poflible, cen¬tre la poufliere ; il tenoit les croifées de fon attelier fermées au point que Pair pouvoit a peine ypaffer; lorfqu’il y entroit c’étoit très- doucement, il fe plaqoit de même fur fa chaife; & après être refté pendant quelque temps immobile jufqu’a ce que le moindre atome de duvet fut tombé, il ouvroit fa boete, en tiroit avec le moins de mouve¬ment qu’ii pouvoit fa palette , fes pinceaux & fes couleurs , & fe mettoit a Pouvrage. Quelle gêne ! Quel efclavage! s’écrie ici M. Defcamps ! Mais quelle gloire ne fuit pas ces attentions fi minutieufes , ( & fi eflentielles pour le flni de la Peinture fur verre), quand on en tire le parti que ce Pein¬tre délicieux en a tiré !
L’afliduité de Gérard Douw a fon tra¬vail & le prix qu’il vendoit fes ouvrages lui procurerent de bonne heure une fortune confidérable : dèsPage de 3 3 ans, il eut be¬foin de lunettes. Je puis ajouter ici que 1 ap¬plication qu’il apporta a la Peinture fur verre depuis Page de 9 ans confécutivement juf¬qu’a if , auxquels il pafla chez Rembrand, & les fujets en petit qu’il peignit depuis a 1’huile , ne contribuerent pas peu a lui affoiblir la' vue.
Gérard Douw mourut a Leyden; on ne fait en quelle année ; on fait feulement qu’il vivoit encore en 1662. , lorfque Cor- nille de Bie écrivoit fa vie ; & qu’il eft mort fort agé. Ses Hiftoriens au furplus ne nous apprennent rien de Pemplacement de fes plus beaux ouvrages de Peinture fur verre.
Onadmiroit alors a Delft Abraham Toorne- vliet, habile Peintre fur verre & le meilleur deflinateur du pays. Mieris, Peintre Elamand, qui s’immortalifa par fa maniere de peindre, & furpafla par un beau fini ceux même qui ont eu la noble & pénible ambition de bien terminer ïeurs ouvrages , fut imbu par Toornevliet des premiers élements du deffin: fous un tel inftituteur les premiers effais de Mieris furent régardés cornme des coups de maitre, & Gérard Douw a 1’école du- quel il pafla, ne craignit pas de Pappeller le Prince de fes Eleves.
Pierve Taekeron, Peintre fur verre Francois, fe diftinguoit a Soiflons a-peu-près dans le même temps ; c’eft a lui que la Compagnie de 1’Arquebufe de cette Ville doit la célé- brité des vitres de fa Salie d’affemblée : elles ont toujours piqué la curiofité des Voya- geurs les plus diftingués par leur rang com- me par Ïeurs connoiflances. Voici la copie d’un Mémoire fur ces vitres , qui nous a été adreffé par un citoyen de cette Ville.
La falie de 1’Arquebufe de Soiflons eft éclairée par dix vitraux, dont les fix plus grands portent environ dix pieds de haut fur trois de large ; ces vitraux font remplis de panneaux de vitres peintes, repréfentants plufieurs fujets tirés des Métamorphofes d’Ovide , peints en 1622 par Pierre Tache- ron, Maitre Vitrier , Peintre fur verre de cette Ville : elles font d’une corredion de deffin & d’un coloris admirable. Autour de ces vitraux hiftoriés regne une frife ornée de fleurs d’une trés - belle exécution. Louis-le-Grand en paflant par Soiflons en 1663 pour fe rendre en Fiandres, infor- mé de la beauté de ces vitres peintes, vou¬lut les voir : il fe fit accompagner a 1’Arque¬bufe par M. 1’Intendant : Sa Majefté après avoir paffé 1’efpace d’une heure a en parcou- rir routes les beautés, demanda quatre de ces
ces panneaux pour les faire placer dans fon cabinet: la Compagnie lui onrit la totalité: le Roi remit a lui faire connoitre fa décifion a fon retour de Flandres , & n’y penfa plus. On attribue a ce même Peintre les excellen- tes vitres peintes en grifaille que Ton admire fous le cloitre des Minimes de cette même Ville.
Soiffons compte encore au rang de fes Peintres fur verre Charles Minouflet, qui, entre autres bons ouvrages de fon art, a peint les vitres de la rofe de 1’Abbaye Saint Nicaife a Rheims, dans le courant de ce fiecle.
Perrin, Fran- Sauval, met au rang des bons Peintres
cois, Peintre’ fur Verre de Paris , du même fiecle , un fyr verre. nommé Perrin $ qui exécuta d’après les car¬tons de le Sueur , de très-belles grifailles , en 1’Eglife de Saint Gervais pour la Cha- pelle de M. le Roux, a préfent a MM. le Camus. II dit qu’elles ont été très-eftimées de fon temps pour la correöion du deflin & le naturel des différentes attitudes des figures: le peu qu’on en a confervé eft très-mutilé, & a été reporté dans la Chapelle de la Communion. Perrin pourroit bien avoir peint les armoi- ries & les chiffres du Cardinal de Richelieu , prodiguées fur toutes les vitres de 1’Eglife & des batiments de la Sorbonne , conftruits par ordre de ce grand Miniftre, qui y a fon fuperbe maufolée du. au cifeau de Girax-don.
Jacques On vit a-peu-près dans le même temps Vander-Ulft, en Kollande un de ces hommes, dont on
Pe°intred°fur Peut ^re Que c’eft un problême de favoir verre, fi le mérite propre de 1’Artifte a plus illuftré fon Art, ou fi 1’Art a plus contribué a la gloire del’Artifte. II naquita Gorcum vers 1’année 1627 , & fe nommoit Jacques Van- der-Cljt: entre les qualités qui fervirent a le rendre eftimable, fon application aux Scien¬ces & fur-tout a celle de la Chimie, ne tint pas le dernier rang : c’eft a 1’étude par¬ticuliere qu’il en fit, qu’il dut la vivacité des couleurs qu’il employa dans fes vitres peintes; en quoi elles approchent beau- coup de celles des freres Crabeth de Gou-
Vitres de da. On voit de Vander-Ulft de fort belles wPeintre è vitres dans la Ville de Gorcum , & dans le danTiTpays Pays de Gueldres : il ne s’en tint pas a ce de Gueldres* genre de peinture : il excella pareillement dans la peinture a 1’huile, & mérita d être regardé comme un des plus habiles Pein¬tres Hollandois. Plus copifte qu’inventeur il fut en copiant fe rendre original; fes figu¬res étoient d’un bon goüt de deffin & d’un beau coloris : 1’efprit que leur donnoit une touche fine & légere , 1’avantage qu’il ti- roit de 1’entente du elair-obfeur pour fes grouppes, caradtérifoient finguliérement fes ouvrages: mais ce qui le rendit encore plus
PEINT. SVR VERRE. I. Part.
recommandable & plus utile a fa patrie, ce fut la beauté de fon efprit & la douceur de fes moeurs; elles lui mériterent les voeux unanimes qui 1’éleverent a la place de Bour- guemeftre : le temps qu’il donna avec tant de capacité & d’intelligence au traitement des affaires publiques ne 1’empêchoit point d’en trouver encore qu’ii confacroit a la Peinture. Excellent Peintre, Juge integre , ce font les titres que la poftérité lui accorde:
1’année de fa mort eft reftée inconnue.
Holfteyn peignoit alors a Harlem , a Holfteyn; gouache & fur le verre ; nous ne le connoif- fe!!*”*10’ fons qu’a 1’occafion de Cornille Holfteyn verre, fon fils, né dans cette Ville en 16; 5. Ce- lui-ci devint un bon Peintre d hiftoire fans que 1’on fache de qui il fut Eleve : on croit qu’ii avoit re<^u de fon pere les premiers élé¬ment» du deflin.
Notre Livret des magnifiques vitrages To»^rg de lhigluede baint Jean a Gouda, & M. ge, HollanDef camps, parlent d’un / omberg ou 1 omber ge* dois, Peintre reintre lur verre de cette Ville , qui fut chargé au milieu de ce fiecle, de la reftau- ration de quelques vitres peintes de cette Eglife.
M. Defcamps nomme ce Peintre Wïlhem Tomberge ; il nous apprend ( Tom. 1. pag. 126, & Tom. 2. pag. 9. ) qu’il travailla fept ans chez Yferhout ( fans doute Peintre fur verre) d’Utrecht ; que dela il fut a Bois-le-Duc chez Vandyck pere , qui y pratiquoit eet Art avec fuccès ; que néan- moins il fut toujours Peintre médiocre fur verre : il ajoute que les belles vitres des freres Crabeth ayant été prefque détruites par un orage ( qu’il place ) en 1^4, ce Tomberge (mort 104 ans après) eut ordre dans la fuite de les réparer. Onreconnoit, dit-il, & leur médiocrité fes ouvrages & fes couleurs parmi les beautés qui reftent de nos deux Peintres ; il mourut en 1678.
L’éditeur de notre Livret appelle ce Peintre David (& ailleurs Daniël} Tom¬be rg ; il dit qu’il fut chargé en 16^ de rVl'tres rétablirune vitre donnée en iyypparl’Ab- °u a’ bé de Berne, & peinte par Dirck-Van-Zyl * laquelle avoit été endommagée par un ora¬ge dont il ne donne pas la date : mais il rap- porte 1’époque du rétablifïement de cette vitre dans un diftique que nous avons inféré (ƒ. 46) a Partiele de Van-Zyl.
II ajoute que deux ans après Tomberg re<;ut ordre des Confeillers de la Ville de Gouda de peindre leurs armoiries dans une vitre qu’ils avoient projeté d’agrandir, vitre donnée en 1576, par Guillaume Prince d’Orange , & peinte parDirck Crabeth.
Or, felon M. Defcamps, ce font les vitres .peintes par les Crabeth qui furent prefque détruites par un orage, & rétablies par Tom
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berge: le Livret de fon cóté n en reconnoit qu’une qui ait été endommagee, lavoir celle de Dirck Van-Zyl ,j8c ne fait mention d’aucun autre dominate fouffert par les vi- tres de Gouda. Ainfi c eft ici une difcufïion de faits que je renvoie aux citoyens de cette Ville : mais ce qui fait le plus a Ia matiere que j’ai embraffée , c’eft que la Peinture fur verre foit affez déchue en moins d’un lïecle dans les Provinces Unies, oü eet Art s’étoit accrédité avec autant & plus de céléhrité qu en aucun autre Etat de VEurope , pour qu’au moment oü Tomberge fut requis pour réparer ou augmenter les vitres peintes de Gouda , ce Peintre fur verre ait pu avancer que depuis la mort des Freres Crabèth lè ƒeer et de la Peinture (u? verre étoit perdu,
Regardons plutót ce dire de Tomberge com me un a&e de modeftie, lorfqu’il fe vit chargé d’ajouter a la vitre peinte par Dirck Crabeth les armoiries de vingt-huit Con- feillers de Gouda; il pouvoit bien fentir & annoncer 1’inégalité qui fe rencontreroit en- tre la grande & belle maniere & le coloris des Freres Grabeth dans une même* vitre 9 peinte en partie par un Crabeth, & aug- mentée en 1’autre partie par un Peintre dont le talent étoit affez connu pour mériter d’y faire une addition, mais qui fe faifoit un mérite d’avouer fon infériorité a celui qui 1’avoit commencée.
Qu’il me foit permis de repréfenter a M. Defcamps fur fon obfervation a 1’occafion de ce dire de Tomberge, que beaucoup de perfonnes confondent affez ordinairement 1’Art de peindre fur verre avec celui de Ie co- lorer. L’ Allemagne & VAngleterre nous four- niffent a la vérité des tables (ou feuilles ) & des vafes de verre coloré; je ne fai fi PAllemagne a confervé des Peintres fiir verre, comme 1’Art de faire du verre de toutes fortes de couleurs; mais je fuis en état d’affurer d’après eet ouvrage Anglois, dont j’ai promis quelques extraits traduits en Fran¬cois , qu’en 175*8 , lorfque ce Livret parut, ff les Anglois connoiffoient 1’Art de colorer des tables de verre, ils n’avoient pas, ou très- peu de Peintres qui fuffent le coloffer , c’eft- a-dire en faire des tableaux tranfparents par le fecours de la recuiffon, qu’ils pourront cependant porter un jour plus loin que nous (a).
Guillaume La Ville de Rouen poffédoit pour lors un a^ez bon Peintre fur verre, qui comptoit fur verre. au rang de les aieux les plus recules des Peintres de eet Art: il y naquit en 1640 de Guillaume k f^ieil & de Maffe Marye. Celui dont nous parlons, nommé aufli Guillaume ,
(a ) Voyez au Chapitre VI de la feconde Partie, une note ou je parle de deux Peintres fur verre aótuels dö eette Nation.
donna dans plufieurs endroits de Normandie des preuyes de fes talents. Entre fes diffé¬rents ouvrages, on voyoit encore avant la démolition & le tranfport de 1’Hótel-Dieu de Rouen, dont 1’Eglife étoit dédiée fous Pinvocation de la Magdeleine , un vitrau qui fervoit d’impofte* a la porte de 1’efcalier qui conduifoit aux falies des malades. 11 y avoit peint la figure de cette Sainte de gran¬deur naturelle, mais a demi couchée, qui n’étoit pas fans mérite. Son génie entrepre- yitreg nant le porta en 168 5 a fe rendre adjudi- Sainte Croïx cataire des vitres de 1’EglifeCathédrale de Ste d Orleans. Croix d’Orléans. II y avoit des vitres a pein¬dre pour les rofes de la croifée & des vitres peintes & blanches a fournir pour la nef de cette Eglife : cette entreprife difpendieufe Pobligeade fe féparer de fa familie. II s’étoit marié en 1664 avec Catherine Jouvenet* d’une familie originaire d’Italie > & établie dans la Capitale de Normandie , oü depuis longtemps elleprofeffoit 1’Art de peindre (a): il partit pour Orléans avec le troifieme de fes fils qu’il,initioit déja dans la Peinture fuc verre, & laiffa a fon époufe 3a conduite de fes intéréts de Rouen ; mais ie peu de fecours qu’elle avoit de fes enfants, dont 1’ainé ache- voit fes études , & le cadet avoit a peine quatorze ans, fit qu’elle ne put les conduire avec toute la capacité poffible , fur-tout ayant été élevée dans un commerce diffé¬rent qu’elle avoit jufqu’alors foutenu avec fuccès. Rappellé a Rouen par les follicita- tions de fon époufe , il fe preffa de finir fon entreprife d’Orléans : mais la mort la lui ayant enlevée en 1^5 , prefqu’aulfftót qu’il fe fut rapproché d’elle , il difpofa deux ans après en faveur de fon cadet de fes travaux de Rouen ; & ne s’occupa plus que de quel¬ques ouvrages de Peinture fur verre avec fon troifieme fils , le feul qui ait pratiqué eet Art, & dont nous parlerons dans la fuite.
Après de fi belles entrepfffes , il mourut néanmoins peu fortuné vers la fin de 1708 : mais il eut la confolation, avant de mouff r * de voir 1’ainé de fes fils parvenu a la Prêtrife dès 1’an 16^7 ; le cadet établi a Rouen, le troifieme déja chargé a Paris d’entreprifes de Peinture fur verre; & le quatrieme a la veille d’y former un bon établiffemeat.
Dans le même temps vivoit un Artifle, Gue'rard que M. Defcamps affure avoir été fans con-
( a) Catherine Jouvenet, petite-fille de Noël Touve- net, dont Ie Pouflin fut éleve, étoit fille de Jean , Pein¬tre a Rouen. Elie avoit pour oncles FauTent, pere de Jean Jouvenet, 1’un de nos plus grands Peintres Francois qui ait réuni dans Ia pratique les principales parties de Ia Peinture , & Francois, Peintre de 1’Académie, habi¬le dans Ie Portrait. Elie avoit pour frere un autre Jean Jouvenet, Peintre a Rouen , auquel il n’a manqué que la qualité d Inventeur. Enfin eile étoit Tante a la mode de Bretagne de feu M. Refloat, mort, Recteur de I’Aca¬démie Royale de Peinture & Sculpture., a caufe de Magdeleine Jouvenet fa mere.
de fon imagination, de la profondeur de fon érudition dans les ufages 6c coutumes des Anciens qu’il avoit beaucoup étudiés, de la belle harmonie de fon coloris, 6c de fon in-telligence parfaite dans 1’art de 1’oppofition des lumieres 6c des ombres , qui conftitue le grand Peintre; comme le beau terminé de fes tableaux de chevalet annonce le Pein¬tre précieux.
Les Peres Récollets avoïent a la fin du FreresMau* dix-feptieme fiecle , deux Freres de leur AnSe GS Ordre Peintres fur verre, que le hafard m’a biet, Récol- fait connoitre; il m’étoit tombé entre les Iets’ mams , comme j avois rait une bonne par tie 901s, Peintres de ce traité , un Manufcrit intitulé : Ld Art iut ve*I€’
& la maniere de peindre fur le verre , tant pour faire les couleurs que pour les toucher; avec le deffin du fourneau & la maniere de faire pénétrer les couleurs ; le tout tiré des vé* nérables F. F. Maurice & Antoine , Religieux Récollets ; très-habiles Peintres fur verre : d Paris, fans date d’année. Charmé de cette découverte, je m’adreffai au R. P. Protais,
Définiteur, pouf avoir quelques lumieres fur ces deux Freres : voici ce qu’il m’en apprend d’après le Nécrologe hiftorique 6c chronolo- gique de fon Ordre. Article de l7er dun :
Pr ere Antoine Goblet, lay , natif de Din ant,
Profès en J (f8 J , mort le 18 Avril 1721, Zg-éde ƒ ƒ ans) & J ƒ de Religion, avoit le talent de peindre fur le verre» Article de Ne¬vers : Frere Maurice Maget tfêay , natif de Paris} Profès en 16 81, mort d Nevers le 17 Décembre ijoy 9 agé de 4$ ans 9 & de Religion ; fans rien de plus. Ces deux Religieux étant contemporains , le Frere Maurice a pu travailler avec Frere Antoine: il exifte encore aux Récollets a Verfailles , un Frere Juvenal qui a connu le Frere An¬toine , 6c a vu plufieurs de fes ouvrages, en- tr’autres fon portrait peint fur verre par lui- même 6c très-reffemblant. Nous ferons ufa- ge dans notre feconde Partie, du Manufcrit
de nos Récollets , qui nous apprend que de leur temps vivoit un Peintre Vitrier nommé Bernier , fans nous rien dire de fa capacité.
Nous ne favons rien fur le lieu de la naif- le derc, fance de le Clerc, ni fur les maitres fous lef- pCraen^ ƒls * quels ce Peintre fur verre savanna dans eet Peintres fwc Art; je n’en rapporterai done ici que ce que verre* j’en ai fouvent entendu dire a mon pere. Le Clerc fut, fuivant cette tradition , chargé de 1’entreprife des Peintures des grands vi- traux du choeur de 1’Eglife neuve de la Paroiffe de Saint Sulpice a Paris, 6c de quelques panneaux hiftoriés du même genre dans quelques-unes des Chapelles qui 1’en- tourent. Il paroit avoir montré plus d’art dans ces panneaux que dans les figures de grande étendue des vitraux du choeur ; il y a tout lieu de croire qu’il fut auffi chargé
des Peïntures fur verre de la Chapelle du Collége Mazarin , vulgairement dit des quatre Nations, dont Pétabliflement eft une fuite des difpofitions teftamentaires du Car¬dinal Miniftre de ce nom.
Le Clerc a laiffé un Eleve en la perfpnne de fon fils, aux taknts duquel j’ai fouvent entendu mon pere donner fon fuffrage : ce fils ne pouvant élever un fourneau de recuif- fon dans Paris, paree que fon pere ne lui avoit donné aucune qualité, prit le parti de fe rendre le protégé de Michel Dor, Mai- tre Vitrier, a la charge d’enfeigner fon Art au fieur Dor fils , dont nous parlerons dans la fuite.
Benoit Mi- Benoit Michu foutenoit alors dans Paris chu , Fran- ja reputation d’habile Peintre fur verre , par tür verre, & le travail le plus alfidu : je n’ai pu découvrir P* ƒ* Sem/ le lieunile temps de fa naiflance, on croit Peintr™afur néanmoins qu’il étoit Parifien , fils & Eléve verre. d’un Feintre fur verre Flamand : ce que j’en fais de plus certain , c’eft qu’il fut requ en 1677 Maitre Vitrier Peintre fur verre a Paris , & qu’il eft mort vers 1’an 1750, dans un age fort avancé. Quoiqu’il tint boutique ouverte de Vitrerie , il s’adonna par pré- férence a la Peinture fur verre. On remarque dans tous fes ouvrages un grand fini & beau- coup d’intelligence du clair-obfcur; on ne fauroit dire dans quel genre il a mieux réulfl de la figure ou de 1’ornement: les frifes, les tableaux & 1^ armoiries peintes fur verre que nous avons de lui fous le cloitre des Feuillants de la rue Saint Honoré, font un monument public de fon habileté , qui , tant que ce cloitre fubfiftera, méritera lesre¬
. gards des curieux & 1’eftime des connoif-feurs.
Vitres du Ce cloitre qui forme un quarré long , eft
Cloitre des dclairé par quarante vitraux cintrés d’une
Pads.antS,a très-belle forme, fa voir onze au Midi, au-
tant au Septentrion, neuf au Levant & neuf
autres au Couchant; ils font remplis chacun
de douze panneaux de verre a quatre de
haut & trois de large , bordés de frifes
peintes fur verre , & ornés, a la troifieme
rangée , dans le milieu, d’un panneau hif-
torié, & dans les panneaux a cóté, des
armoiries des donateurs.
*
On voit par les chronogrammes des plus anciennes frifes & par le gout de travail des Peintres fur verre qui ont fait les premiers vitraux , que eet ouvrage a été commencé dès 1624 & continué jufqu’en 1628 , il ne fut repris qu’en i7Oi,&achevé qu’en 1709.
Les aétes les plus mémorables de la Vie du bienheureux Jean de la Barrière , Abbé de Feuillants , Ordre deCïteaux , qui, ayant mis la réforme dans fon Abbaye, fut Infti- tuteur de la Congrégation de Notre-Dame des Feuillants , font le fujet des panneaux hiftoriés.
Nous ne connoiffons point les noms de ceux qui les ont commencés. Michu, & P. A. .
Sempï, Peintre fur verre Flamand, les con- tinuerent en 1701 d’après les deflins de Matthieu Elias, Flamand d’origine, éleve du Corbéen , grand Payfagifte & Peintre d’hiftoire, né a Dunkerque. Elias, le meilleur de fes éleves , avoit été par lui envoyé a Paris dès Page de vingt ans : il s’y étoit marié, & y avoit acquis une affez grande réputation.
Des dix-neuf vitraux qui reftoient a rem- plir , Michu peignit les tableaux de onze & les frifes & armoiries de neuf. Le refte fut confié a Sempi. Ceux des panneaux hiftoriés qui font faits par Michu 1’emportent beau- coup fur ceux de Sempi par 1’intelligence du clair-obfcur , le chaud du colons , la bonté & la tranfparence des émaux & leur concert de fufion a la recuiffon. Rien n’eft plus déli— catement traité & fi heureufement colorié que les frifes & les armoiries de Michu.
Michu fut aufli employé aux vitraux de Vitres de ia la Chapelle de Verfailles & a ceux de 1’Eglife verfaiUes & de i’Hótel Royal des Invalides concurrent- dei’Egiifedes ment avec Sempi & Guillaume le Vieil, ïnvalides, comme nous le verrons a Partiele de celui-ci.
II peignit aufli en 1726 les armoiries de Monfeigneur le Cardinal de Noailles qui furent placées au milieu de la grande rofe reconftruite aux frais de ce Prélat, du cöté de l’Archevêché, dans 1’Egllfe de Paris dont il étoit Archevêque ; & le Chrift en Croix du Chapitre fous le Cloitre de PAbbaye de Sainte-Genevieve-du-Mont.
Outre une trés-grande quantité d’autres Vitredela vitres peintes qui firent l’occupation d’une vie Annei Saint longue & laborieufe, on ne peut regarder Etienne-du- fans une vraie fatisfadion un vitrau furmonté ^ont’ d’une gloire & entouré d’une frife de bon * goüt dans laquelle font peints les portraits & les alliances des families de Meflieurs Bou¬cher & le Juge, en la Chapelle Sainte-Anne de l’Eglife de Saint-Étienne du Mont.
Michu a formé un éleve en la perfonne d’un de fes neveux dont nous parlerons dans .
la fuite.
Guillaume le Vieil, contemporain de Mi¬chu , naquit a Rouen d’un Peintre fur verre dont nous avons parlé dans le cours de ce Chapitre ( pag. 74). II re<;ut de Jean Jou- venet, fon aïeul maternel, oncle du fameux Peintre de ce nom, les premieres lemons du delfin, & de fon pere les premiers enfeigne- ments de la Peinture fur verre. L’entreprife des vitres peintes de Sainte-Croix d’Orléans devint pour le jeune le Vieil, qui y accom- pagna fon pere a Page de dix a onze ans, une occafion d’avancer de plus en plus dans la pratique de eet Art. De retour a Rouen avec lui il s’occupa fous fes yeux jufques vers Pan 1697 a la Peinture fur verre & a fe perfec- tionner dans le deflin fous le crayon d’un autre autre Jean Jouvenet , fon onele maternel (a). II avoit pendant cet intervalle lié connoiflance avec un Frere Convers de l'Abbaye de Saint- Otten de Rouen, qui y travailloit de Peinture fur verre pour les Maifons de fa Congregation, & que fes Supérieurs envoyoient a Paris poiir y peindre les frifes des vitres de l'Eglife des Blancs - Manteaux qui venoit d’être achevée. Ce bon Religieux , a Finftance du jeune Artifte, obtint de fon pere la per- miffion de Femmener a Paris pour l’aider a eet ouvrage. Comme il connoiffoit la fupé-riorité des talents de le Vieil fur les fiens propres, il lui fit confier pour fon coup d’effai dans cette Ville Ia peinture du Chrift en eroix qui eft dans le plus haut vitrau du fanduaire de cette Eglife. Le bon exemple excita en lui quelques mouvements de fer- veur, qui dans un jeune liomme de 15? ans ne font pas louvent de longue durée. II demanda a polluier dans cette maifón pour y être admis au rang des Freres convers ; mais il changea de deffein, &, de 1’avis même des Supérieurs, paffa au mois de Janvier un brevet d’apprentiffage de
Vitrerie avec Francois Gaillard, chargé de Fentreprife des vitres blanches de cette Eglife. Il employa a la pratique de la Pein¬ture fur verre la majeure partie des quatre années que dure Fapprentiffage. Ayant été appellé par M. Manfart, Surintendant des Batiments Royaux , pour travailler a Ver- failles aux frifes des vitraux de la Chapelle du Roi; ce fut vers ce temps que, concur- remment avec Michu & Sempi, il fit fur des glacés d’une grande étendue les tenta- tives infru&ueufes d’y peindre fur un feul morceau les armoiries & les chiffres de S. M. La glace étant d’une compofition trop tendre ne pouvoit fervir de fond a la Peinture fur verre. II fut enfuite chargé feul de peindre les armoiries de Monfeigneur le Dauphin fur les vitres, de Fefcalier de la tribune du Cha¬teau de Meudon. Revenu a Paris chez fon maitre , & fon temps expiré , il entra chez Pierre Favier, oü il fut traité comme un liomme a talent. En effet ce nouveau maitre lui offrit fa maifon pour travailler fans trou¬ble en cette Ville a fes entreprifes de Pein¬ture fur verre. Alors par les foins du célebre Jouvenet fon parent, il fut préfenté de nou¬veau a M. Manfart pour peindre une partie des frifes du dome de 1’Hótel Royal des (a) H n’amanqué a celui-cï que Ie mérite de 1’inven- tton. Oneftime beaucoupd’excellentes copies qu’il a faites de plufieurs tableaux des grands Maitres pour plufieurs Abbayes Sx. Eglifes de Ia Province de Normandie. Les Capucins de Rouen le chargerent de leur en faire une du Tableau de Ia mort de Saint Francois, que Jouvenet de-Paris avoit peint pour ceux de Sotteville. Cet habile Peintre étant vênu quelques années après a Rouen, y fut trompé lui-même; il prit la copie pour 1’original, qu’il crur que les Capucins de cette Ville avoient enga¬ge ïeurs Confreres a leur céder. Ce feul trait fait Féloge de Jouvenet de Rouen.
Invalides, d’après les deflinsdeMM. leMoyne 6c de Fontenay. Les ouvrages des Invalides ne Foccuperent pas feuls* II peignit aufli des panneaux de verre hiftoriés, des armoi¬ries, des frifes & des chiffres pour les vitraux du dome de la grande Chapelle de la Sainte Vierge de FEglife Paroifliale de Saint Roch (#)• M. le Comte d’Armenonville voyoït tous les jours avec une nouvelle fatisfaêtion , a 1’extrémité d une galerie de fon hotel, un vitrau percé fur la rue qui paroiffoit couvert d’un rideau de damas blanc, artiflement imité fur le verre , avec une bordure en facon d’une large broderie d’or, aux quatre coins de laquelle fes armoiries paroiffoient rele- vées en broderie. Le Vieil peignit aufli par reconnoifiance plufieurs bons morceaux tant coloriés qu’en grifailles, d’après les eftam- pes des meilleurs maitres, pour décorer les huit panneaux des deux croifées de la cham- bre de celui dont il n’étoit alors que le pro¬tégé & dont il devint le gendre par la fuite. En effet en 1707 fon maitre lui donna en manage Henriette-Anne Favier fa feconde fille. Une entreprife affez confidérable fui- vit de pres cet établiffement. La nef de FEglife Paroifliale de Saint Nicolas-du-Char- donnet 6t fes Chapelles venoient d’être finies. Le Vieil fut chargé d’en fournir les vitres tant peintes que blanches, & même de réparer toutes les anciennes. Les pieces neuves qu’il a peintes pöur remplacer les morceaux cafiés des anciennes frifes furent calquées fur Fancien deffm ; ainfi que Fé- paule gauche & le pied droit du Chrift en croix qui eft dans le principal vitrau du choeur. Les frifes des vitraux neufs font d’après les defiins de M. Jouvenet. Celles de la Chapelle de la Communion repréfentent divers attributs d’ornements qui fervent au culte des faints Autels. Une gloire rayon- nante les couronne a travers de nuages fur lefquels on diftingue des têtes de Chérubins. Le Vieil fe fit aider dans cette entreprife par un jeune Peintre fur verre, de Nantes, nommé Simon 9 qui, fe trouvant alors for- tuitement a Paris, ne le quitta que pour retourner en fa patrie oü il continua de tra¬vailler de Peinture fur verre fans qu’il paroiffe néanmoins qu’il ait formé aucun éleve dans fa propre familie. La Chapelle Royale du Chateau de Verfailles n’ayant été finie qu’en 1709, le Vieil fut appellé de nouveau pour en completter les frifes peintes fur verre fous les ordres de M. Audran Peintre du Roi. II fit feul la frife du vitrau de la tribune la plus proche de la Chapelle de
(a) Tous les vitraux de ce Dome ornés de ftifes 8c tableaux hiftoriés ont, été fupprimés depuis quelques an¬nées. On y a fubftitué de grands carreaux de verre blanc de Bohème , dont le jour plus étendu fert a rehauffer 1’éclat des peintures du plafond de Ia calotte du Dome faites par M, Pierres.
V
s/1-
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la Sainte Vietge, celles des deux vitraux de ladite Chapelle, & celles des quatre vi- traux au rez-de-chauflee au-deffous de cette Chapelle. M. Jouvenet, lors Direëteur de 1’Académie Royale de Peinture & Sculp¬ture, loin de méprifer le talent de notre Peintre fur verre, comme on le méprife de nos jours, ne lui refufa jamais fes deffins, fes regards & fes avis fur fes entreprifes. II deffina lui-même un Chrift en croix que le Vieil exécuta fur le verre pour le Chapi- tre, dans le cloitre des Céleftins, & ne ceffa jufqu’a fa mort de lui donner des preuves de fon eftime. M. Reftout, digne Eieve d’un fi grand Maitre, & qui, comme fon oncle, a mérité le grade de Direëteur de F Académie, fuivit fon exemple. C’eft en effet d’après fes deffins que le Vieil a peint fur verre deux tableaux ronds repré- fentants a mi-corps, Fun un Saint Pierre, 1’autre un Saint Jean - Baptifte , pour être placés au-deffus des deux portes collatérales de FEglife Paroiffiale de Saint Sulpice. Mais ayant changé leur deftination , ii fit préfent du Saint Jean a FEglife de FHótel-Dieu, & du Saint Pierre a la Chapelle de la Vierge de FEglife de Saint Etienne-du-Mont fa Paroiffe. On voit encore dans cette Chapelle un panneau peint par lui qui repréfente la Sainte Vierge recevant des inftruëtions de fa fainte Mere, pendant que fon pere con- temple avec admiration la docilité avec laquelle la plus humble de toutes les Vierges paroit les écouter.
L’Eglife Paroiffiale de Saint Roch, outre les vitres peintes par le Vieil dont j’ai déja parlé, renfermoit encore dans deux Chapel- les, 1’une a droite au-deffus de la croifée, un Ange Gardien & un Saint Auguftin méditant au bord de la mer fur le Myftere de la Sainte Trinité; Fautre a gauche , dans la nef, un panneau repréfentant Jefus-Chrift qui confie 1’autorité des clefs a Saint Pierre , dont le pendant eft de Benoit Michu. Autour du vitrau qui contenoit les deux premiers pan- neaux régnoic une frife fort élégante ornée de fleurs & de fruits d’un beau colons, a laquelle le Vieil avoit apporté beaucoup de foins. ,
J’interromprai ici la fuite de fes ouvrages pour faire remarquer que Michu & lui étant d’égale force dans leur Art, vécurent & travaillerent enfemble comme de bons ému- les, fans rien montrer de part ni d’autre de cette odieufe rivalité qu’une fombre jaloufie nourrit trop ordinairement entre des Artiftes. Ils s’applaudiffoient mutuellement fur leurs fuccès. Ils fe communiquoient même dans le befoin les émaux qui leur manquoient, lorfque, trop preffés de fournir leurs ou¬vrages , ils n avoient pas eu le temps d’en préparer.
Le Vieil préproit & calcinoit lui - même
fes émaux colorants. II avoit fur cette im¬portante partie de fon Art Fexpérience que donne une longue habitude. La grande quan- tité qu’il en avoit vu préparer par fon pere pendant fa grande entreprife d’Orléans, quoi- qu’il y eüt encore dans ce temps des Verre- ries ou Fon fabriquoit du verre en tables coloré, le rendoit comme certain de leur fuccès. AÖJ fecrets, lui écrivoit fon pere, en 1707 , lorfqu’il apprit que fon fils étoit chargé de Fentreprife des Peintures fur verre du dome de FEglife des Invalides, ne réuf- ftjjent que par une longue habitude : on rien vient pas, a bout du premier coup,
Le Vieil a peint plufieurs têtes d’après les deffins qui lui étoient envoyés, pour mettre a la place de celles que la grêle avoit brifées dans les beaux vitraux de la Sainte Cha¬pelle de Bourges, & des Cordeliers d’Etam- pes. On a encore de lui un très-grand nom- bre d’armoiries d’une ou de plufieurs pieces pour différents Seigneurs , entr’autres un affez bon nombre pour les dames Bernar- dines de FAbbaye aux Bois.
Entre tous fes ouvrages celui qu’il finit avec le plus d’exaëtitude eft un panneau repréfentant Saint Pie V, fur Feftampe gravée par De places d’après le grand tableau du Frere André Dominicain, expofé dans FEglife des Religieux de eet Ordre au Fauxbourg Saint Germain. Le Saint Pontife y eft repréfenté a genoux au mo-ment oü il invoque le fecouis du Ciel pour en obtenir la viëtoire fur les Turcs, dans le temps que fes galeres jointes a celles du Roi d’Efpagne & des Vénitiens font aux prifes avec les forces navales du Grand Sei¬gneur , fur lefquelles elles remporterent le cinq Oëlobre 1 ;71 une viëtoire fignalée. Ce panneau admirable, ainfi que celui de la familie de la Sainte Vierge dont il a été parlé, avoit été peint avec la frife qui devoit entourer le vitrau, pour être placé a Saint Roch dans la Chapelle d’un riche Financier. Mais les révolutions que celui-ci éprouva dans fa fortune 1’ayant fait changer d’avis , il refta ainfi que la frife & 1’autre panneau a le Vieil, qui aima mieux le garder que de le vendre au Frere André qui lui en avoit offert jufqu’a cent cinquante livres ; il met- toit toute fa complaifance dans ce panneau, qui raffembloit plus qu’aucun de ceux qu’il avoit peints jufqu’alors tous les degrés de perfeëtion défirables dans la Peinture fur verre. Le bonheur fingulier avec lequel il avoit échappé au danger le plus certain, fembloit lui promettre une fin plus heureufe que celle qu’il éprouva, Voici le fait : le Vieil prés de finir la recuiffon, dans laquelle étoit compris ce panneau , s’apper^ut que le pan de bois contre lequel il avoit appuyé fon four, après y avoir fait néanmoins un contre-mur affez épais, s’incendioit. II fait
adminlftrer promptement Ie fecours de 1’eau, au rifque de perdre toute fa recuiffon. On ne la ménage pas. Le feu ne fait point heureufement de progrès ; il s’éteint, & la recuiffon qui devoit être perdue & brifée par le refroidiffement le plus précipité 3 fe trouve la plus belle & la plus entiere que le Vieil eüt jamais faite. Ce fuccès inefpéré pouvoit-ii avoir une fin plus malheureufe ? Ce panneau , qui avoit été préfervé corame par miracle avant fa perfeétion, périt en un inftant par le coup le plus imprévu : il fut la viöime d’une domeftique par rimpulfron d’une chaife dont elle le heurta affez rude- ment pour le brifer.
Pendant les dernieres années de fa vie, le Vieil fut accablé d’infirmités. II lui furvint douze ans avant fa mort un tremblement prefque continuel dans les bras & dans les jambes, qui le mirent hors d’état de prati- quer fon Art, pour lequel Vindifférence aug- mentoit de jour en jour. II fe fit une fraöure a 1’une de fes jambes; elle fut accompagnée d’une groffe fievre; il mourut le 21 Otlobre 1731, a lage de yj ans ou environ.
On me pardonnera fans doute de m’être un peu étendu fur eet article : c’eft un jufte tribut que je dois a la mémoire d’un bon pere qui n’épargna aucuns foins pour procu¬rer a tous fes enfants une bonne éducation, & a moi en particulier des études que fa mort & les fecours dus a la plus tendre des meres m’ont fait interrompre , pour parta- ger avec le plus jeune de mes freres, décé- dé en 175 3, le foin de fes entreprifes, qui 1’ont fait reconnoitre pour un des meilleurs Vitriers de fon temps, & auquel il ne man- quoit, pour en faire un Vitrier accompli, que la pratique de la Peinture fur verre, dont je m’efforce ici de communiquer la théorie au Public,
Jean le K\eïl * mon frere cadet, filieul du fameux Jouvenet s’exercoic lors de la mort de mon pere au deffin , pour ia figure, chez Francois Jouvenet, Peintre de 1’Académie , dont on a de fort bons portraits, & frere du précédent; & pour Vornement, fous M. Varin, Fondeur & Cifeleur du Roi. Mon pere n’avoit pu lui donner qu’en paffant quelques lemons de fon Art, & la rareté des ouvrages qui étoient demandes, ne lui permit pas d’atteindre fous fes yeux a ce degré de favoir que la grande habitude du travail peut feule procurer. Ce n’eft done pas tant aux leqons de fon pere qu’a fon application & aux vues naturelles de per- pétuer fous fon nom un Art dont il étoit inftruit feul entre fes freres, qu’il doit le progrès qu’il y auroit fait depuis. Après la mort de Jean-Francois Dor, dont nous par- lerons dans la fuite, il eft refté feul initié dans eet Art a Paris. II a donné des preuves de fon talent dans 1’entretien des frifes des vitraux de la Chapelle du Roi a Verfailles dont il a été chargé, dans plufieurs armoi¬ries & chiffres pour différents Seigneurs du Royaume, entr’autres pour M. le Comte de Rugles dans fes terres en Normandie, & pour feue Madame la Marquife de Pompa¬dour en fon Chateau de Crecy ; enfin dans Paris j a la Cathédrale, dans les Chapelles de Noailles & de Beaumont; dans le fanétuaire du College des Bernardins; a PHótel de Touloufe fur le grand efcalier, &c. &c Plus heureux que fon pere, Louis le f^ieil, formé de bonne heure fous fes yeux a la pratique journaliere de la Peinture fur verre, eft a portée d’atteindre a cette perfe&ion a laquel¬le 1’expérience, foutenue par fon application au deffin , fous le crayon de M. Demachy , de 1’Académie Royale de Peinture & Sculp¬ture , donne lieu d’efpérer de le voir ua jour parvenir , fi eet Art abandonné reprend vi- gueur parmi nous.
Paris renfermoit encore dans fon enceinte, vers les commencements du dix-huitieme fiecle, un Peintre fur verre , mais affez mé’ diocre. II étoit fils d’un Maitre Vitrier nommé Langlo jjprincipalement occupéde 1’entretien des vitres de VAbbaye Royale de Sainte Ge¬nevieve. Le fiis avoit paffé la plus grande partie de fa jeuneffe au fervice de la facriftie de cette Abbaye. On ne fait fi c’eft de Miehu ou de le Clerc fils que les Chanoines Réguliers lui firent prendre des lecons de Peinture fur verre. On ne s’eft jamais apperqu qu’il y ait fait de grands progrès. Les deux panneaux qu’il fit pour être placés au deffus des tambours des portes collatérales de la Paroiffe de Saint Sulpice repréfentant 1’un Saint Pierre, i’autfe Saint Jean, & qui devoient être remplacés par ceux de mon pere, font un monument qui attefte fa médio- crité dans eet Art. L’Abbaye de Sainte Genevieve a de lui quelques frifes & des armoiries d’un fuccès auffi médiocre dans quelques vitraux autour de la chaffe. Ce qu’elle en a de mieux eft un camaïeu, ou carreau en grifailles, dans une des Chapelles
de 1’Eglife fouterraine , affez bon pour faire douter s’il n’eft pas plutót de la main de fon maitre. II repréfente une proceffion de la chaffe de la Sainte Patrone de Paris. Langlois mourut Marchand Fayancier de cette Vilie vers 1’an 172;.
M. Defcamps ne dit qu’un mot en paffant de Jean dntiquus , Hollandois, né a Gro- ningue le 11 Septembre 1702, relativement au talent de Peintre fur verre, qu’il y exerqa jufqu’a Vage de 20 ans, chez Guerard- L?cm- der-Kéen. Prévenu en faveur de la Peinture a 1’huile, il quitta le premier genre pour donner a 1’autre toute fon application. A ia faveur de fes heureufes difpofitions &. de
différents ouvrages qu’il entrepot ,^aï\® ^es voyages, fur-tout en Italië, il merita d être diftingué dans les faftes de la Peinture. II xnourut de retour a Groningue en 17^0, agé de 46 ans, avec la reputation de bon Deflïnateur, de Peintre facile & de bon colorifte.
Huvé, & Huvé, neveu & éleve de Michu, vivoit k deCMonti- a ^ar^s ^ans m^me temps, mais ne jaorta gny , Fran- pas le talent de la Peinture fur Verre a un jois, Pem- augj |jaut degré de perfe&ion que fon oncle.
V Le fleur deMontigny, Maitre Vitrier, char¬gé de 1’entretien des vitres de 1’Hótel des In¬valides , fe l’étoit attaché particuliérement pour peindre des frifes pour les vitraux de FEglife de 1’Hótel, a mefure qu’il s’en caf- foit. Ce fut fous les lemons d’Huvé que Mile de Montigny fit fes premiers effais dans la Peinture fur Verre, Art dans lequel elle eüt beaucoup furpaffé fon maitre, fi la mort ne Feut enlevée a la fleur de fon age.
Huvé fut pareillement chargé de peindre des frifes d’attente pour les vitraux de la Chapelle de Verfailles, qu’il eft d’ufage d’emmagafiner pour remplacer celles qui fe caffent. Comme il n’étoit pas Maitre , la crainte d’être inquiété par les Jurés de fa profeffion , a caufe de fes autres entreprifes, ïe détermina a fe retirer au Üeu dit, la Croix- Saint-Leufroy, oü il eft mort vers Fan 17J2. II a été depuis remplacé par mon frere dans eet entretien pour Sa Majefté.
Le petit cloitre des RR. PP. Carmes Dé- chauffés eft fermé de vitraux ornés de Pein¬ture fur Verre, attribués, felon les inferip- tions qu’on y lit, a Jean-Francois Dor, Eleve de le Clerc. Tous ces vitraux ne font pas de la même bonté. Les panneaux qui remplif- Déchauïe's^ fent les parties circulaires vers le haut ne Paris. font pas ce qu’il y a de meilleur. Les frifes qui entourent quelques-uns de ces vitraux , quidatent de 1717 & 1718 , font mieux terminées : on y remarque entr’autres quel- ques camaïeux repréfentant des a&es de
la Vie de la Sainte Vierge, de fainte Thérefe,
&c. qui ne font pas fans mérite. Les autres frifes, dont les plus nouvelles datent de 17 3 8, quoiqu’elles paroiffent fouferites du même nom, font de beaucoup inférieures pour la corredion dudeflin & le traitement de laPein- ture.Les armoiries des alliances de la familie de Bec-de-Lievre, originate de Normandie,font le fujet de la plus grande partiedes panneaux circulaires qui ornent la partie fupérieure de ces vitraux. Les armoiries de cette familie font de fable a deux croix tréflées au pied , fiché d’argent , accompagnées en pointe d’une coquille de même , avec cette devife,
Hoc tegmine tutus eris. Au bas de deux ou trois de ces vitraux, on lit, ab anno 13 3 , ad annum 1738, ce qui a trait a 1’ordre des al¬liances de cette familie jufqu’au temps oü elles furent peintes fur les vitres de ce Cloitre.
Nos plus célebres Villes de France man- Frere Pier- quoient de Peintres fur Verre, lorfque la BénédlaS * Congrégation de S. Maur en poffédoit un Francois, qui vient de mourir au mois d’Avril 1766. fur
Nousignorons en quel temps ilétoitentrédans . cette Congrégation, & quels ont été fes pre¬miers maitres. Ce que nous favons du Frere Pierre Regnier , c’eft que le défintéreffement de ce bon Religieux , foutenu par un grand amour de la Regie & par la plus profonde humilité, ne lui permit point d’exercer fon talent pour d’autres que pour les Maifons de fon Ordre, & fur-tout dans FEglife de 1’Ab- baye de S. Denys. II y trouva une abondante matiere a fon amour pour le travail dans le rétabliffement auquel il s’y occupa des vitres peintes innombrables de cette Eglife, tron- quées & mutilées par 1’injure des temps, fans rien cependant omettre des vertus Religieu- fes, qui femblent lui promettre te rang dont FEglife a honoré celles du Bienheureux Jac¬ques FAllemand , Frere Convers de 1’Ordre de S. Dominique , Peintre fur Verre , dont nous avons parlé au commencement du quin- zieme fiecle.