CH API T R Ë IIL
Maniere de colorer au fourneau de recuifon des Tables de Verte blanc, avec routes fortes de couleurs fondantes aufi tranfparentes , aufi lifes (a) SC aufi unies, que le Verre fondu tel dans toutè fa maffe aux Verreries.
Le verre I L n*y a nul fujet de douter que la maniere teint dans je co]orer verre en maffe n’ait été dans le
joutelamat- \ rr' r o >
fe étoit d’a- commencement tres-dilpendieule , & qu on bord fi dif- n’ait cherché dans la fuite des mo yens d’en di- ^u’onacber- minuerladépenfe. Nousavonsvu,dansl’hiftoi- chéa en di- re des plus anciens monuments de la Peinture penfc? S Ê ^ur verre 3 Suger, Abbé de S. Denys, enché- rir même fur celle en ufage de fon temps, en faifant entrer dans la compofition de fon verre de couleur, les matieres les plus exqui- fes, pour en embellir 1’éclat. Mais fi ce ma- gnifique Abbé prodigua dans fes vitres tout ce que la nature & 1’Art pouvoit ajouter a leur beauté, on peut dire que les Vitriers qu’il y employa étoient très-ménagers, qu’ils favoient y faire entrer les plus petits mor- ceaux. Leur patience dans ce traitement fe fentoit encore des tenips de la Peinture en mofaïque. On étoit refferré dans des bornes très-étroites pour 1’emploi d’une compofition fi précieufe : on effaya par la fuite de fe
mettre plus au large, en dimmuant la dépen- fe; & les Chimifies, comme nous 1’avons vu dans notre premiere Partie, vinrent au fe- cours des Peintres-Vitriers. C’eft ce change¬ment qui fera fucceffivement la matiere des Chapitres fuivants.
Et d’afiord celui-ci mérite dautant plus d’attention que la pratique qui en eft 1’objet eft celle qui, dans 1’Art de ia Peinture fur verre, aété leplus négligée, & dont 1’aban- don a donné lieu au bruit qui s’eft répandu de toutes parts que le fecret de peindre fur verre eft perdu.
he fecret Les préparations que je me fifis appliqué fiveneS * retFa eer ici d’après Runckel, peuvent Ps perdu, raflurer les Amateurs fur la faufleté de ce bruit. Non , Je fecret de la Peinture fur verre, c’eft-a-dire de faire valoir fur des
(a) On entend ici par life, 1’égalité d’éclat & de fuperficie du Verre.
PEINT. SUR VERRE. II. Part.
vitres fArt de peindre fur un verre en tables coloré fur une furface feulement, découpé fuivant fes contours, ombré & éclairé felon le befoin, & recuit enfuite au fourneau, n’eft pas perdu : il n’eft que mis a 1’écart pour un temps. S’il prenoit envie de le faire revivre , les indications fuivantes fuffiroient pour fendre a la Peinture fur verre fon premier éclat & fon ancienne perfection; indications enfeignées , expérimentées óc garanties par un célebre Chimifte, qui a paffé parmi ceux de fon Art pour ie plus célebre Artifte en verre, & qui poffédoit éminemment cette partie d’une fcience fi étendue.
Ce que j’ai obfervé dans Ie Chapitre précédent fur le verre rouge qui en plus grande partie, même dans les premiers temps on il a été en ufage pour les vitres , n’étoit rouge que fur une de fes furfaces & non dans toute fa maffe, fe pratiqua auifi par la fuite pour les autres couleurs. ïi n’en devint que plus aifé aux Venders d’inventer dans chaque couleur une convene fondante dont ils puffent enduire des tables d’un verre nud , qui put fe parfondre fur le verre qui lui fervoit de fond auffi parfaitement que dans la couleur rouge; puifque la maniere d’appliquer ou de faire recuire cette couverté ou vernis, comme 1’appelle Runckel, étoit déja ufitée pour le verre rouge.
Ce qui put occafionner cette nouvelle recherche fut fans doute la confidération du temps qu’on employoit a compofer d’un nombre prefqu’infini de petits morceaux de verre réunis par le fecours du plomb, cer¬tains tons d’un grand détail, comme je 1’ai fait remarquer, lorfque j’ai traité des pre¬miers temps de la Peinture fur verre.
Je penfe que cette invention put avoir lieu lorfque les puiffants Seigneurs , qui s’empreffoient a décorer nos Eglifes de vi¬tres peintes, voulurent que les écuflons de
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leurs armoiries, blafonnées fur }es vitres, ferviffent de monument durable a leur pieufe générofité. Quelle difference , en effet, en- tre le travail d’un écuffon de trance dazur aux fleurs’de-lys d’or fans nombre , de la mefure de 12 a 13 pouces de haut, fur 10 a 11 de large, fait & compofé de pieces de verre de rapport jointes avec le plomb , & celui du même écuffon formé d’un feul mor- ceau de verre coloré en bleu d’un feul cóté fur une table de verre blanc, ufé, com- me nous avons vu dans notre premiere Partie, avec 1’émeri & 1’eau, du cóté des fleurs-de-lys , &£ recouvert , fur chacune ffelles , d une couche de couleur d’or ! La même obfervation peut fe faire par rapport a d’autres armoiries écartelées & chargées de pieces de différents émaux.
Suivons done ici toutes les différentes opé- rationsque Kunckel, lui-même, nous déclare avoir efïayées, &. dont aucune ne lui a man- qué. Il affure qu’elles venoient d’un excellent Peintre fur verre dont il ne fait pas le nom, & qu’il les a fait examiner par un autre Ar¬tifte fort verfé dans ce genre de Peinture. Il nous apprend de plus qu’il ne s’eft déter- miné a les rendre publiques, que pour ren- dre fon Ouvrage plus intéreffant & plus complet, & paree que le plus fimple de ces fecrets , contenant un fait vrai, mérite 9 par eet endroit, de la confidération (a\
Je t&cherai de donner a ces Recettes un ordre plus fuivi que ne femble le comporter une fuite d’expériences recueillies pêle-mêle par un Artifte, plus expérimenté dans 1’art d’en faire ufage pour lui-même, que dans la maniere de 1’enfeigner a d’autres. Ainfi avant d’entrer dans 1’examen de la préparation des différentes couleurs que 1’on peut employer fur le verre , je commencerai par établir, d’après Néri & les remarques de Kunckel, la préparation des fubftances qui fervent de bafe & de fondant a ces mêmes couleurs, beaucoup moins opaques que les émaux qui font üfités dans la Peinture fur verre aduelle: tels font 1’émail & le verre de fonte ou la rocaille.
Prenez trente livres de plomb & trente- trois livres d’étain bien purs ; faites calciner ces métaux de la maniere prefcrite par Néri (b): paffez-en la chaux au tamis; faites-la bouillir dans un vafe de terre neuf verniffé , rempli d’eau bien claire. Lorfqu’elle aura un peu bouilli, retirez-la du feu. Otez 1’eau par inclination : elle entraïnera avec elle la partie la plus fubtile de la chaux. Reverfez de nouvelle eau fur la chaux qui reftera dans 3a terrine; faites-la bouillir comme aupara- vant j & la décantez comme on vient de le
(a) Preface de Kunckel, en tête de la feconde Par¬tie qu’il a ajoutée a 1’Art de la Verrerie de Néri,
(.b) Au Chapitre LXII»
dire. Réitérez cette opération jufqu’a ce qué 1’eau n’entraine plus de chaux. Recalcinez de nouveau les parties les plus groffieres qui font reftées dans le fond de la terrine, puis retirez-en la partie la plus déliée de la ma¬niere que 1’on vient d’enfeigner. Faites en«» fuite évaporer toute cette eau qui aura em- porté la partie la plus fubtile de la chaux 9 en obfervant toujours de donner un feu lent vers la fin de 1’évaporation; autrement la chaux qui fe trouve au fond du vafe courroit rifque d’être gatée.
Prenez de cette chaux fi déliée & de la fritte faite. avec le tarfe (a) ou le caillou blanc , bien broyé & tamifé avec foin, de chacune cinquante livres; de fel de tartre bien blanc, huit onces: mêlez ces matieres & les mettez au feu pendant dix heures dans un pot neuf de terre cuite. Au bout du temps vous les retirerez ; &, après les avoir pulvé- rifées, vous les mettrez dans un lieu fee, mais a couvert de toutepoufliere.
Cette poudre mife en dofe convenable 9 ainfi. qu’on le prefcrira dans la fuite , devient la matiëïe principale & la bafe de tous les émaux fondants (b), •
Kunckel, aprës avoir fait l’éloge du ÓA. Livre de Néri, comme de la partie de fon Ouvrage la plus recommandabie} fubftitue aux huit onces de fel de tartre , huit onces de potaffe purifiée de toutes faletés
Quant au verre de fonte ou rocaille, il y en a de plufieurs efpeces. Le meilleur eft celui qui vient de Venife en forme de ga¬teaux.: il n’a point de couleur particuliere; fon épaiffeur le fait feulement paroïtre un peu jaunatre , a peu-près de la couleur de la cire la plus pure. Les grains de chapelets ou de rocaille verds , jaunes , &c; 1’ancien verre des Eglifes, & celui dont fe fervent les Potiers, font fort propres a eet ufage (d).
Avant de mêler ce verre de fonte avec les émaux colorants pour les mettre en fu- lion, il faut le réduire en poudre très-fine, après 1’avoir broyé pendant vingt-quatre heures avec le vinaigre diftillé (f).
Haudicquer deBlancourt (ƒ) donne la ma¬niere de faire la rocaille ainfi qu’il fuit.
Prenez une livre de fable très-blanc & très-fm, avec trois livres de mine de plomb; pilez le tout erifemble au mortier; mettez le tout dans un bon & fort creufet bien luté ; le lut étant fee, mettez-Je dans un fourneau de Verrier, ou dans un fourneau a
(a) Voyez fur cette fritte Ia note (b) de Ia nafïÊ (ƒ) Nén, Chap. XCIII, qui eft Ie premier de fon
(c) Kunckel, fur ce Chapitre.
(d) Kunckel, a Ia page 337 de 1’Art de Ia Verrerie du Baron dHolback.
Vent, dont le feu foit violent, pour réduire cette matiere en verre, & votre rocaille fera faite. .
Le même Auteur donne la compofition d’tine aütre efpece de rocaille , mais blame
' beaucoup 1’empioi qu’en font les Peintres fur verre & les Peintres en émail, comme ayant de méchantes qualités, & étant pleine d’un plomb impur: la voici.
Rocaille Prenez trois livres de fable fin, contre yette. une livre de mine de plomb : elle fera plus dure. Cette matiere changera de couleur en la refondant; car elle deviendra d’un rouge
p&le.
Telle eft la préparation des fubftances qui fervent de bafe aux différentes couleurs pro- pres a peindre fur verre. Ces couleurs fe font par les opérations fuivantes ia}.
Prenez une partie d’écailles de fer, une partie d’écailles de cuivre, & deux parties de 1’émail ci-deffus indiqué :
Ou des grains de rocaille, des écailles de fer & de i’antimoine , par parties égales :
Ou des écailles de cuivre , de l’antimoine & des grains de rocaille , par parties égales:
Ou des écailles de fer & des grains de ro¬caille , par parties égales:
Ou une livre d’émail, trois quarterons d’écailles de cuivre , & un quarteron d’é¬cailles de fer:
Ou une livre d’émail , trois quarterons d’écailles de cuivre, & deux onces d’anti¬moine :
Ou deux onces de verre blanc d’Allema- gne, deux onces d’écailles de fer, & une once d’écailies de cuivre:
Ou trois parties de verre de plomb , deux parties d’écailles de cuivre, une partie d’é¬cailles de fer, & une partie d’antimoine:
Ou deux parties de plomb , une partie d’antimoine , & mêlez-y un peu de blanc de cérufe:
Ou des grains de rocaille & d'écaiiies de cuivre en quantité égale ; une demi ■ partie d’écailles de fer: ajoutez-y des cendres de plomb; Iavez les écailles de cuivre & les cendres de plomb jufqu’a ce que vous en ayez emporté toute la faleté.
Quelque recette que vous ayez adoptée entre les dix ci-deffus prefcrites, broyez les matieres y défignées pendant trois jours fur une plaque de fer , en les hume&ant avec de 1’eau claire. Vous jugerez de la perfection de votre couleur lorfqu’elle prendra fur la pla¬que un Geil jaunatre, & qu’elle deviendra affez épaiffe pour s’y attacher. Relevez en- fuite votre compofition ; faites-la fécher & la paffez par un tamis très-fin ; puis délayez-
fort vinaigre au lieu d’eau. Le refte comme a la premiere compofition. .
Prenez une önce de verte blanc ou d’é- , Cobleut • *i • • “ ii Uiunc»
mail; joignez - y une ciemi-once de bonne magnéfie : broyez le tout pendant trois jours, comme a la couleur noire, en les humeélant d’abord avec du vinaigre, enfuite avec de 1’efprit-de-vin, ou même avec 1’eau claire ; faites fécher, &c. comme au noir. ■
Prenez une demi - once de .bon crayon rouge, une once d’émail bien broyé & pul- vérifé : joignez-y un peu d’écailles de cui¬vre, afin que le mélange ne fe confume pas fi facilement au feu: broyez bien le tout; faites en d’abord un eflai en petit fur un mor- ceau de verre: s’il perdoit fa couleur au feu, ajöutez-y un peu d’écailles de cuivre : mêlez & broyez avec le refte de la compofition.
Autre. Prenez du crayon rouge qui foit dur, c’eft-a-dire, qui ne marque pas trop aifément fur le papier, femblable partie d’é¬mail , & un quart d’orpiment: .
Ou une demi-once d’écailles de fer, uné once d’émail & autant d’écailles de cuivre :
Ou une partie de couperofe, une égale partie de grains de rocaille , un quart de crayon rouge , & mêlez en broyant:
Ou une partie de crayon rouge fort dur deux parties d’émail, & un quart de partie de grains de rocaille.
Quelque recette que vous chöififfiez par- mi les quatre prefcrites ci-deffus, broyez les matieres y défignées avec de 1’eau claire , & 1’exeeption de la premiere, qu’ii faut broyer avec du vinaigre: faites fécher , &c. comme a la couleur noire.
Autre. Prenez du faffran de mars ou de la Rouge plas rouille de fer; du verre d’antimoine} qui eft beaUi d’un rouge jaunatre , ou de la rocaille jaune , de chacune de ces fubftances égale quantité: ajoutez-y un peu de vieüle monnoie que vous aurez calcinée avec le foufre ; broyez toutes ces matieres jufqu’a ce qu’elles puiffent êtrst
réduites en poudre impalpable, après qu e es auront été féchées: le refte comme a a cou¬leur noire»
■Couleur d.e Prenez une demi-once de minium (^) , une Chair, once de Fémail rouge dont la preparation eft indiquée dans le Chapitre précédent (£}. Après avoir ajouté a eet émail pareille quan¬tité de verre de fonte ou rocaille pour le xendre fondant, broyez le tout avec de Fef- prit-de-vin fur un marbre tres - dur: faites
Lécher, &c. comme a la couleur noire. Cette couleur demande, au fourneau de
xecuiffon , une calcination tres-moderee, & eft du nombre de celles qu’il eft bon de met¬tre dans le milieu de la poële a recuire dont nous parlerons dans la fuite.
Couleur Prenez du bleu de montagne (e) & de bleue. grains de rocaille parties égales ; broyez :
faites fécher; réduifez en poüdre impalpable, comme dans les couleurs fondantes ci-deflus.
Bleud’émail. On peut fubftituer le bleu d’émail au bleu de montagne, avec égale quantité de verre de rocaille. Voici, fuivant Néri (Chap. 96) } la maniere de préparer le bleu d’émaih
Prenez quatre livres de la fritte dont on fait Fémail qui fert de bafe aux couleurs, quatre onces de faffre, ou moins, a propor¬tion que le faffre eft plus foncé en couleur , ou fuivant la nuance bleue que vous defirez: ajoutez-y quarante-huit grains uftum. Le tout bien pulvérifé doit être mis au fourneau des Verreries, dans un pot bien verniffé en blanc. Lorfque ce mélange eft bien en fufion, il faut le tirer du pot, le verfer dans de 1’eau claire pour le bien purifier, le mettre fondre de nouveau, réitérer la fufion & 1’ex- tinélion dans Feau par deux ou trois fois : on obtient par ce moyen un très-beau bleu d’é- mail.
Couleur Prenez de rocaille verte deux parties, de 'r£e* limaille de laiton une partie, de minium deux parties : broyez bien le tout’ fur une plaque de cuivre en humedant avec de Feau claire ; faites fécher: pulvérifez, &c. comme
aux autres coyleurs fondantes.
(a) Le minium eft une chaux de plomb, d’un rou¬ge jaune aflez vif. On pre'tend que c’eft par une calci¬nation lente, & paria re'verbe'raticn, qu’on parvient a faire prendre cette couleur a la chaux de plomb. Cette calcination ne fe fait qu’en grand dans les Manufactures de Hollande, & rarement dans les Laboratoires. Son propre, ainfi que celui des autres chaux de plomb, eft de hater Ia fufion des matieresvitrifiables. Diótionnaire de Chimie , par M. Macquer, aux mots Minium 8c Plomb.
(£) Voyez la recette indiquée fous le nom de Couleur rouge foncée.
(c) En latin lapis armsnus ou ctsruleum montanum. C’eft un mineral ou pierre foffile bleue , plus tendre , plus légere 8c plus caflante que le lapis lazuli. Cette pierre fe trouve en France, en Italië, en Allemagne 8c fur-tout dans le Tirol. On Ia contrefait en Hollande, en faifant fondre du foufre, auquel on ajoute du verd .de gris pulvérifé.
II eft conftaté par Fexpérience , que c’eft de Fargent que fe tire le plus beau jaune pro¬pre a la Peinture fur verre (a): or , pour le préparer, on procédé de Fune des manieres fuiv antes.
Prenez de Fargent en lames; faites-le dif- foudre dans de Feau - forte : lorfqu’il fera entiérement diffous, en ajoutant dans Feau- forte des lames de cuivre, Feau-forte agit fur le cuivre, & lache Fargent qui tombe au fond. On peut fe contenter, au lieu de cui¬vre, d’v verfer du fel commun diflous dans Feau. Lorfque Fargent fera précipité au fond, décantez-en Feau-forte : mêlez Fargent a de Fargile bien calcinée , de maniere qu’il y en ait trois fois plus que d’argent: broyez ; fai¬tes fécher, &c. comme dans les couleurs précédentes.
Autre. Prenez de Fargent en lames a vo- lonté : faites-le fondre dans un creufet; lorf¬qu’il fera entré en fufion, jettez-y peu-a-peu affez de foufre pour le rendre friable; broyez- le, fur une écaille de mer, affez pour le ré- duire en poudre très-fine : joignez-y enfuite autant d’antimoirie que vous aurez employé d’argent: broyez & mêlez bien ces deux matieres; prenez de Fochre jaune : faites-la bien rougir au feu; elle deviendra d’un rouge brun. Faites-en Fextinêlion dans de 1’urine; prenez de cette ochre deux fois autant que de Fantimoine & de Fargent: mêlez bien ces matieres en les broyant avec foin : faites fé¬cher , &c.
Autre. Prenez une demi-once d’argent, une demi-once de foufre, une demi-once d’ochre ; commencez par faire calciner Far¬gent avec Ie foufre, jufqu’a ce qu’il devienne affez friable pour être broyé. Faites auffi bien calciner 1’ochre; faites-en l’extinöion dans de 1’urine. Broyez Fargent & Fochre pendant une journée : faites fécher ; pulvéri- fez, &c.
Autre. Prenez de la vieille monnoie d’ar¬gent , Calcinez-la avec le foufre; prenez aufii de la terre jaune de Cologne , telle que celle dont fe fervent les Peaufliers; calcinez cette terre comme on a dit de Fochre; do- fez de même: broyez le tout en l’hume&ant avec de 1’efprit-de-vin; faites fécher; pulvé¬rifez , &c,
—
(a) C’eft une tradition aflez ancienne chez les pein¬tres-Vitriers, que la découverte de cette maniere de co- lorer le verre en jaune, eft düe a un accident fürvenu au B. Jacques FAllemand. Ce Religieux, dont nous avons parlé parmi les Peintres fur verre du quinzieme fiede, étant occupé a empoëler 1’ouvrage qu’il avoit peint, pour le faire recuire t laifla tomber dans fa poële un bouton d’argent} d’une de fes manches , fans sen ap- percevoir. Ce bouton fe perdit dans Ia chaux tamifée, dont on fe fert a eet effet. La poële couverte , les émaux fe parjonahent. Le bouton, ou partie de ce bouton en- tra auffi en fufion; il teignit de couleur jaune 1’efpace du \-erre au-deflus duquel il fe répandit, 8c cette cou- leur jaune pénétra la piece fur laquelle celle-ci avoit été ftratifiee.
Alitre» Prenez une partie d’ochre fans être calcinée} & une partie d’argent calcine avec ie foufre : broyez , faites fécher, &c. Vous pourrez vous fervir de ce jaune fur un vérre dur & raboteux.
share. Prenez une drachme de limaille d’argent, & deux drachmes de foufre pilé; mettez-les dans un creufet, en obfervant de placer 1’argent entre deux lits de foufre. Faites-le calcirter jufqu’a ce qu’il devienne iaiïez friable. Prenez enfuite une partie de eet argent calciné, deux parties d’ochre, une partie de verre d’antimoine ; réduifez ces matieres en poudre impalpable , pour vous en fervir dans le befoin.
share. Prenez de la vieille monnoie d’ar- geht, faites-en de la limaille fine ; mettez cette limaille dans un creufet; faites-la rou- gir au feu; jettez par-deffus, lorfqu’elle fera bien rouge, du foufre de la groiïeur de deux öu trois pois; remuez ce mélange avec une baguette de fer , afin qu’il ne s’attache point au creufet: de cette faqon le foufre confu- mera 1’alliage , & 1’argent fe changera en une poudre grife : mêlez-y deux ou trois fois autarit d’ochre calcinée : broyez le tout au moins pendant deux tiers de jour; faites fécher , pulvérifez , &c.
Kunckel remarque que le jaune qu’il vient d’indiquer, paroit fort beau , & prend mieux fur le verre de Bohème & de Venife, pour- vu néanmoins qu’avant de 1’appliquer , on frotte la table de verre qui en doit être en- duite , avec un morceau de drap trempé dans de Peau bien claire , & du verre en poudre qu’on y étendra en frottant, pour nétoyer parfaitement cette table de verre 00»
share. Prenez des lames de laiton fort minces , mettez-les dans un creufet: broyez du foufre & de Fantimoine fur la pierre ; ré- pandez de cette poudre fur vos lames de laiton ; mettéz d’autres lames par-deffus;
(a) Je crois devoir faire ici mention d’une de ces 'découvertes que l’expérience feule peut montrer. Il eft certain que ïe jaune eft, dans la Peinture fur verre, Ia couleur la plus tendre a fe parfondre au fourneau de recuif¬fon. Cependant, il eft un verre ordinaire d’une de nos nouvelles Verreries de Tranche - Comté, fur lequel Ie jaune ne marque prefque pas a la recuiffon, dans Ie temps que les émaux y font fondus plus Iiffes & plus unis que fur aucun autre verre. Je penfe qu’en pareil cas, lemoyen indiqué par Kunckel, dans cette recette , ne feroit pas a méprifer. D’ailleurs, il paroit par la cin- quieme de ces recettes que le jaune prend plus diffi- cilement fur un verre dur & raboteux. Alors il ne fera pas mal-a-propos d’employer la compofition de la pou¬dre qui fuit, propre a ufer le verre avant de s’en fervir pour peindre.
Prenez deux parties d’écailles de fer, une partie d é- cailles de cuivre, trois parties d’émail ; broyez Ie tout fur Ie marbre ou fur une plaque de cuivre ou de fer; réduifez ce mélange en une poudre auffi fine que faire fe pourra : détrempez de cette poudre avec de Peau claire : frottez-en la table de verre avec un morceau d’é- teffe ; le poli du verre difparoitra, öc il en deviendra plus propre a recevoir Ia couleur, qui y prendra beau- coup mieux , 8c n’en fortira après la calcination que plus tranfparente. .
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Prenez une demi-once de minium, uné once de 1’émail pourpre prefcrit aux Chapi¬tres 103 & 104 de Néri, auquel, pour le rendre fondant, vous ajouterez une pareille quantité de verre de fonte ou de rocaille : broyez, féchez 9 pulvérifez , &c. comme a la couleur de chair.
Voici la compofition de eet émail que Néri , dans le Chapitre 103 , donne fous Ie titre d’Email pourpre ou couleur de lie de vin , propre aux Bijoutiers pour 1’appliquer fur For.
Sur quatre livres de fritte d’émail, prenez deux onces de magnéfie: ayez foin de met- tre ce mélange dans un pot vernilfé affez
(a) Voyez au furplus dans Ie Chapitre fuivant, a Par¬tiele de la couleur bleue , la maniere dont FéUbien dit qu’on peut faire Ie violet & le pourpre.
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grand pour qu’il y refte du vuide, paree que cette matiere ne manquera pas de fe gonner. Faites fondre le tout a un fourneau de Ver¬sier } lorfque la matiere fera bien fondue , jettez -la dans de leau bien claire pour ƒ n faire 1’extindion & la purification. Faites trois fois la même chofe. Quand la matiere aura été mife en fonte pour la quatrieme fois, examinez fi elle eft de la couleur défi¬rée : fi vous voyez qu’elle foit d’un pourpre pale , ajoutez-y un peu de magnéfie.
Merret (a) préfere le fafran de mars a la magnéfie.
Kunckel (b], qui trouvela dofe de magné- fie.trop forte, remarque qu’il eft difficile de rien prefcrire ici fur les dofes ; que fi ceft aux yeux a decider, e’eft a Ia dire&ion du feu qu’il faut principalement s’appliquer; que les émaux demandent un feu tempéré pour être mis en fonte ; que fans cette application établie fur 1’expérience, la couleur défirée difparoit a un feu violent, & qu’on en trouve fouvent une qu’on ne cherchoit pas.
Quanta 1’émail pourpre du Chapitre 104 de Néri, il fe fait ainfi qu’il fuit.
Prenez fixlivres de la matiere dont on fait 1’émail, trois onces de magnéfie, fix onces d’écailles de cuivre calciné par trois fois; mêlez bien ces matieres après les avoir ré- duites en poudre ; au furplus procédez com- me dans la compofition précédente.
Kunckel remarque que celled lui ayant manqué deux fois, fans favoir s’il devoit s’en prendre aux fubftances colorantes ou a la di- re&ion du feu, il réuflit la troifieme fois, non fans y apporter beaucoup de foins ; qu’il obferva que le fuccès dépendoit de la bonté de la magnéfie, jointe a 1’attention a bien ménager 1’afclivité du feu, II ajouce que dans 1’Art de la Verrerie, on ne peut trop pefer les circonftances, par exemple , d’un temps plus lourd, plus vif ou plus acre, ainfi que les qualités du bois ou du charbon plus dur ou plus tendre. Ne pas retirer a propos la matiere du feu, 1’y laifler trop ou trop peu de temps , e’en eft affez pour man- quer les compofitions les mieux dofées & les mieux entendues (c).
Lorfqu’on vouloit en faire ufage, on les dé- layoit avec plus ou moins d’eau , dans laquelle on avoit fait diftoudre du borax , comme il fe pratique parmi les Orfévres. On fe régloit en cela par le plus ou moins de force qu’on vouloit donner a fes couleurs.
Avant de les coucher fur les tables de verre, on en ufoit la furface la plus rabo- teufe; car le verre en table a toujours un cóté plus uni & plus lifle: on fe fervoit a eet effet de la poudre dont nous avons donné ci- devant la préparation
Le verre ainfi préparé, on couchoit fur la furface ufée les couleurs dont on vouloit le colorer. On fe fervoit, pour les premieres couches, d’une broffe de loie de pore, puis d’une autre de cheveux bien flexibles, de la forme des larges pinceaux dont les Doreurs font ufage. Ces pinceaux étoient ordinaire- ment emboités dans des tuyaux de plume.
On couchoit ces couleurs plus ou moins épaiffes, a proportion des tons que 1’on en attendoit. Ün foin bien recommandé dans cette opération , étoit d’agiter continuelle- ment la matiere délayée ; la poudre ayant, par fa pefanteur, beaucoup d’inclination a fe précipiter vers le fond du vafe.
La méthode d’ufer le verre fur une de fes furfaces avant de le colorer, & d’en öter ainfi le poli, a pu donner lieu a Dom Pernetti d’écrire qu’ö/2 nemploie point de blanc fur le verre, tant paree que le verre coloré en blanc paroitroit opaque, que paree que le verre paroit blanc quand il Ce trouve entre la lumiere & le fpe&ateur (b). II eft néanmoins des occafions indifpenfables de peindre le verre en blanc, par exemple, dans des armoiries, des cou¬leurs de linge, &c. Je donnerai la recette de la compofition de cette couleur blanche au rang des émaux qui font aêluellement en ufage dans la Peinture fur verre, & qui ont pris la place des anciens verres de couleur teints ou colorés. Les meilleurs Peintres- Vitriers du iée. fiecle, ont connu cette couleur blanche , & 1’ont utilement era- ployée. On voic encore de trés belles gri- failles anciennes , glacées d’un And de cette couleur. x
Avant de paffer a la calcination & recuif- Obfenra- fon des tables de verre enduites de différen- t!°ns- tes couleurs rondantes, il eft a propos d ob- leur calcina- ferver i°. qu’il eft très-important que le verre qu’on fe propofe de colorer, foit tout de même fabrique , c’eft-adire, s’il eft poffible, du même pot, d’une même journée, ou au moins d’une même Verrerie; car il y a différentes efpeces de verre dont la matiere
Merret, far le Chapitre CHI de Néri, d’après Libavius.
(b) Kunckel, far ce Chapitre.
(c 1 Kunckel, fur Ie Chapitre CIV de Néri. Les Pein-
tres far verre ne peuvent faire trop d’attention a cette lemarque»
( a) Voyez Ia note (ƒ) de Ia page précédente, col. 1. (b) Diól. port- de Peint. Sculpt. & Grav. Par. 1757 ,
pag. 109 » du Traité pratique des différentes manieres de peindre, qui eft a Ia téte.
eft plus dure ou plus tendre (^), plus blanche ou plus bife, c’eft-a-dire, plus jaunatre, ou tirant plus ou moms fur le verd ou fur le bleu. Or, dans le cas ou des tables de verre feroient plus ou moins blanches 1’une que 1’autre, elles prendroient a la calcination du fourneau de recuiffon, des tons de couleurs différents a proportion, quoiqu’enduites des inêmes couleurs. 20. Toutes les fubftances qu’on emploie pour colorer le verre, produi- fant autant de différentes nuances, & ayant autant de différentes qualités que la Chimie emploie d’opérations différentes pour y por¬ter les couleurs, celles dont on fe fert ici doivent être mifes toutes, autant que faire fe peut, dans un égal degré de fufibilité , n’être pas plus dures les unes que les autres, mais également aifées a fondre , de facon qu’elles puiffent toutes s’attendre dans un parfait con¬cert pour entrer en même temps en fufion*
Si cette attention eft néceffaire pour tou¬tes les couleurs en général, paree qu’elles courent xifque de perdre leur éclat & leur vivacité a un feu trop violent, elle Keft fur- tout par rapport au jaune > qui eft de toutes les couleurs la plus tendre & la plus facile a fe parfondre. Trop de feu lui óte la couleur défirée, & lui donne un rouge fanguin plus opaque que tranfparent, ce qu’on appelle jaune brüté; c’eft pourquoi, comme nous la- vons déja fait entendre , cette couleur de jaune- doré, dans fa préparation, eft fufcepti- ble d’un mélange d’ochre plus ou moins dofé, a proportion que les autres couleurs font plus ou moins dures. Cette opération dépend de 1’expérience que le Peintre fur verre, ou le Chimifte qu’il emploiera a la préparation de fes couleurs, doit avoir ac- quife par les calcinations & recuiffons pré- cédentes.
C’eft de cette calcination & de cette re¬cuiffon que je vais traiter, en fuivant entre les enfeignements de Kunckei (^) , ceux qui m’ont paru les plus clairs. Je tacherai d’éviter les répétitions dans lefquelles il eft tombé, en copiant lui-même le manuferit de eet ha¬bile Peintre fur verre dont il fait mention fans le nommer (c).
Les tables de verre étant enduites des différentes couleurs & bien feches, il faut que la poële dans laquelle on doit les calci¬ner & parfondre par la recuiffon, foit pro- portionnée, dans fon étendue, a la capacité du four dans lequel elle doit être placée. Si done le four ou fourneau, & c’eft ici la me-
(fl) Le verre de Venife, par exemple, entre plus vïte en fufion 8c foutient moins l’a&ivité du feu, que celui des Verreries d’AUemagne, de Heffe 8t de Saint- Quirin en Vofges; 8c ces derniers font plus tendres que le verre de France, qui eff bien moins charge' de fels.
(#) Dans la feconde Partie, ajoute'e a 1’Art de la Verrerie de Ne'ri.
(O Préface dé cette feconde Partie.
fure la plus étendue qu’on puiffe lui donner, contient depuis le foyer jufqu’a la calotte, un pied dix pouces de profondeur dans oeu¬vre , autant de largeur , & deux pieds & demi de longueur; une forme oblongue étant toujours plus eonvenable qu’un quarré par¬fait : la poële, qui doit toujours laiffer un efpace de trois pouces entr’elle & chacurt des quatre paróis du fourneau ; & don¬ner ainft lieu a la flamme de circuler égale¬ment autour & de 1’envelopper , doit avoir un pied quatre pouces de large, dix pouces de profondeur, fur deux pieds de longueur. Ainft, en gardant les proportions fufdites, moins le foyer a d’étendue , moins la poële doit être grande , en obfervant tou¬jours , quelque dimenfion qu’on lui donne f une diftance de fix pouces depuis le foyer jufqu’au deffous de la poële, & une égale diftance du deffus de la poële au deffus de la calotte ou couvercle du four.
La poële eft ordinairement de terre a faire les creufets, fans être verniffée , paree qu’elle ne doit contenir aucun efprit fubtih Kunckei préfere néanmoins a cette efpecé de poële, celles qui font faites de forte tóle ou de lames de fer.
Lorfqu’on veut recuïre les pieces de verre ou tables enduites de leurs couleurs, on prend de ia chaux vive qu’on a fait rougir dans un creufet ou pot. Quand elle eft tota- lement refroidie, on la paffe au travers d’un tamis bien ferré ; enfuite on met au fond de la poële deux couches de morceaux de verre inutiles. On répand par-deffus une couche de cette chaux tamifée , de 1’épaiffeur du doigt; on égalife bien cette couche avec les barbes d’une plume. Sur cette couche, .on place une ou deux tables de verre coloré ; on re¬met enfuite fur le verre , en la paffant au tamis , une nouvelle couche de chaux, & ainft fucceflivement, jufqu’a ce que la poële fe trouve prefque remplie, de maniere que fur la derniere couche de verre, enduit de couleurs , il fe trouve affez de place pour y mettre une couche de chaux de 1’épaiffeur d’un doigt comme la premiere. Enfuite on pofe la poële fur les harres de fer adaptées aux parois du four pour la füpporter. Je don- nerai une defcription exaête de ce four a recuire , lorfque je traiterai de la maniere a&uelle de peindre fur verre.
La poële ainft pofée fur les barres de fer qui lui fervent de fupport, de facon qu’il fe trouve un vuide égal a chacun des quatre bords de la poële , & un de fix pouces au- deffous & au-deffus jufqu’a la calotte, ce que nous répétons comme effentiel au fuccès de la recuiffon, on place perpendiculaire- ment des morceaux de verre dans la chaux qui couvre le haut de la poële, en forte qu’ils la débordent de deux pouces. On ap¬pelle ces morceaux de verre des Gardes 9
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paree qu’ils fervent a faire connoïtre quand 1’opération eft achevée; carlorfqu lis commen- cent a plier & a fe fondre par la chaleur , n ne faut plus pouffer le feu.
Avant de mettre le feu au four, on le couvre avec des tuiles ou carreaux de terre <euite, fupportés par des barres de fer qui portent fur chaque cóté des parois de droite &,de gauche, bien joints & enduits de terre graffe , afin que la chaleur du feu fe concen¬tre, & ne fe porte point au dehors. On ob- ferve néanmoins de pratiquer aux quatre coins de la calotte, pour la fortie de la fu¬mée , quatre trous d’environ deux pouces de diametre chacun.
On prend , pour commencer cette opera¬tion , du charbon bien fee, qu’on allume a 1’entrée du foyer du four. On y en fubftitue de nouveau a mefure que le premier com¬mence a s’éteindre. On continue ce feu doux pendant deux heures. On 1’augmente peu a- peu avec de petits morceaux de bois de hê-. tre bien fees, afin que la flamme en foit claire & donne contre le fond de la poele, fans occafionner de fumée. On continue le feu en employant de plus gros morceaux de ce même bois, que Ton place au-delfous de la poëie de chaque cóté. On obferve de les mettre les uns après les autres, c’eft-a-dire, on met un nouveau morseau de bois lorfque le premier commence a tomb er en braife.
II y a des Peintres fur verre qui ne calci- nent qu’a vue d’oeil; d’autres comptent les heures: mais le moyen le plus sur c’eft de porter fon attention aux gardes & aux barres de la grille fur lefquelles la poëie eft pofée; fi les gardes plient, fi les barres deviennent d’un rouge clair, Ót la poëie d’un rouge fon- cé; fi vous remarquez par les ouvertures des coins de la calotte ou couverture du four- neau, qui font placées fur le devant, qu’il part des étincelles de la partie fupérieure de la poëie; fi le dernier lit de chaux vous pa- roit liquide cornme de 1’eau, ce qui eft 1’effet d’une grande chaleur, laiffez le feu s’étein¬dre , vous en aurez donné fuffifamment. Pour appercevoir ces traces de feu ou ces étin¬celles plus diftinélement, tirez le bois du four, de maniere qu’il ne circule plus de flamme fur la poëie, & remuez la braife avec une baguette de fer : cette manoeuvre vous fera remarquer les étincelles, s’il y en a a la partie fupérieure de la poëie. Quant aux gar¬des , fi vous vous appercevez qu’elles ont fléchi, vous aurez des fignes certains que votre verre a pris une belle couleur. Si après fix heures de feu au moins, vous ne remar¬quez aucune des indications ci-deffus, vous donnerez un plus grand feu jufqu’a ce que les étincelles fe forment, & que la vapeur qui fort de la chaux vous la faffe paroïtre cou¬lante ; car alors, comme je 1’ai déja dit, il faudroit ceflei le feu , fermer 1’entrée du
SUR
t-elie pas nous affurer que nous fommes en poffeffion d’un grand nombre de fecrets dans FArt de colorer le verre , que les meilleurs Peintres-Vitriers du 16e. fiecle ne connoif- foient même pas ? Ï1 ne feroit peut-être pas fi difficile qu’on le penfe, fi ie gout de la Peinture fur verre venoit a fe renouveller, finon de furpaffer les meilleurs Coloriftes en verre, au moins de les égaler.
On ne peut nier que Néri, Merret, & fur-tout Kunckel , ont porté très-loin leurs connoifTances pfatiques dans cette partie de la Chimie. Toutes les Recettes que nous avons données fur cette matiere, quelques- unes mêmes de celles que nous allons y join-
IL PARTIE*
dre, font extraites de leurs Ouvrages. Cé dépot nous eft devenu plus familier par la tradu&ion de M. le Baron d’Holback. Nous ne manquons ni dans notre France, ni parmi les autres Nations 9 fur-tout en Allemagne , d excellents Chimiftes. Que le goüt de la Peinture fur verre fe reproduife, quel’ufage encourage fes Artiftes, ne pourront-ils pas , ou en fuivant lés compofitions indiquées par ces grands Maitres , ou par des découvertes nouvelles dues ala force de leur génie, quel- quefois même au hafard, nous donner des couleurs fur le verre auffi fondantes & d’un auffi grand effet que celles que nous admirons dans les anciens vitrages ?
CHAPITRE IV,
Recettes des Emaux colorants dont on fe fert dans la Peinture fur
Verre acluelle; avec la maniere de les calciner, <3C de les
préparer d ètreportés fur le Verre que Von veut peindre.
Des étnaux JE mets au rang des Emaux propres a pein-
dont^on fe ^re ^ur verre > ceux dont Kunckel dit (a') que fert dans la. les fecrets lui ont coüté beaucoup de peines
terreaSuel- & de dépenfes dans fes voyages en Hollande, ie. & lui ont été communiqués par ceux qui tra-
vailloienta la Fayence, & qui} jufques-la, en avoient fait des myfteres. Car, en même temps qu’il déclare qu’entre ces différents fecrets il y en a de eommuns aux Peintres fur verre & aux Ouvriers en Fayence, il ajoute que les uns & les autres peuvent compter fur ces fecrets avec d’autant plus de fureté 9 qu’il les a vus pratiquer tous de fes propres yeux ,
& qu’il en a effayé un très-grand nombre avec , fuccès. J’ai d’ailleurs appris de mon pere que travaillant de Peinture fur verre au com¬mencement de ce fiecle pour les frifes & ar- moiries des vitraux de FHótel Royal des
Invalides, il fit connoiffance avec M. Trou, alors Entrepreneur de la Manufadure de Fayence & Porcelaine de 'Saint - Cloud; qu’ils firent fur les différents fecrets de leurs entreprifes des effais réciproques de leurs Emaux particuliers avant de s’en communi- quer les recette^, & que le fuccès fut auffi prompt & auffi heureux fur Fune & 1’autre matiere. <
Mais aux recettes de Kunckel, je joindrai celles enfeignées parFélibien, Haudicquer de Blancourt & autres, celles qui m’ont été tranfmifes en héritage , que je nommerai mes
fecrets de familie 9 enfin celles que ces Récoï- lets Peintres fur verre 9 dont j’ai parlé dans ma premiere Partie (a)rapportent dans leur Manufcrit > précieux fur-tout pour la mani-pulation qui y eft déduite avec étendue & clarté.
II eft bon d’obferver d’abord que les ma- Des mafie-
tieres néceffaires pour la compofition des res ciul ,en" TS , r rr o. 11 trent dans
Emaux colorants dont on le lert actuelle- ieUr compo- ment dans la Peinture fur verre , font tres- analogues & même quelquefois femblables a celles que nous avons indiquées dans les Cha- pitres précédents. On y emploie les pailles ou écailles de fer qui tombent fous les enclu- mes des Forgerons; mais on préfere celles qui tombent fous le marteau des Maréchaux; le fablon blanc dit d’Etampes, ou les petits cailloux de riviere les plus tranfparents , tels que ceux de la Loire; la pierre a fufil la plus mure, c’eft-a-dire, la plus noire ; la miné de plomb ; le falpêtre; la rocaille dont nous avons donné la préparation (£), mais quï nous vient de Hollande toute préparée. Cette compofition n’entre dans les matieres nécef- Lires pour nos Emaux, qu’en qualité de fon-dant. On peut ranger dans la même claffe la glace de Venife, les ftras & les criftaux de Bohème. *
Entre les fubftances minérales qui fervent a colorer ces Emaux, on compte 1’argent 9
(a) Livre II, de la feconde Partie, ajoutée par Kunc¬kel a 1’Art de Ia Verrerie de Ne'ri , pag. 407, de Ia Traduction de M. le Baron d’Holback.
PEINT. SUR VERRE. Ii. Part.
(a) Voyez au Chapitre XVII de la premiere Partie da ce Traité, Partiele des Freres Maurice öc Antoine.
(b) Ci-devautChapitre III,pag. 106,
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