S U R V E R
on la délaye exaöement avec cette eau du bout du doigt bien net.
On ne peut recommander avec trop de foin aux Peintres fur verre de tenir toutes ces couleurs foigneufement renfermées con- tre les approches de la pouffiere. C’eft fou- vent d’ou déffend une grande partie de la beauté de leur travail. Chaque Peintre fur verre devroit en cette partie être un Gerard Dow (a}.
Dans le manufcrit de nos Récollets, la préparation des émaux colorants par le broiement & les lotions répétées eft la même que nous venons de décrire, a ce qui fuit prés.
On ne doit point, y eft-il dit, broyer les émaut trop clairs. Il faut, après qu’ ils ont été broyés, les couvrir d’eau bien nette & les laifler repofer en eet état un jour &
(a) Voyez au Chapitre XVII de notre premiere Par- tie , 1’article de Gérard Dow.
R E. II. PARTIE. ia3
une nuit. Le lendemain, après avoir ren- verfé doucement 1’eau qui furnageoit, on y en remet d’autre, que Ton fait tourner a Fentour & par-defius la couleur, pour la mieux laver , & enlever les ordures blanchatres qui font delfus. On doit répéter ces lotions jufqu’a quatre ou cinq fois pour chaque couleur,. en confervant a part dans des godets féparés ce qui fe feroit précipité de la couleur après ces différentes lotions, pour fe fervir de ces réfidus de couleur , après de nouvelles lotions , faites comme les précédentes. La couleur étant bien égouttée , on verfe de 1’eau de gomme par- deflus, fans la détremper, ni mêler. On fe contente d’en détremper un peu au bout du pinceau avec Peau gommée, pour faire ce que nous nommons ailleurs eau de blanc, de bleu , &c. qui doit faire fur le travail la premiere afliette de chacune de ces couleurs, avant d’y en coucher de plus épaiffe, fuivant le befoin.
SUR VERRE. II. PARTJE.
d’autres couvertes opaques, comme le blanc,’ produiroient difficilement, fur le verre nu , 1’effet défiré. Etant d’ailleurs très-fondantes , elles ne feroient pas propres a ce concert que nous devons attendre au fourneau de recuiffon de la part de tous les émaux qui s’emploient dans la Peinture fur verre, con¬cert duquel dépend toute la perfection de 1’ouvrage.
. Mon frere ayant fait eflai de 1’émail rouge tranfparent, dont ife fert M. Liotard dans fes Peintures fur 1’émail, ne trouya au con¬cours de fufion de fes autres couleurs qu’une teinte trés-I ég ere de ce rouge fort difficile a diftinguer. L’a&ivité du feu avoit dévoré la fubftance colorante de ce rouge qui pro- mettoit merveille avant d’y pafler.
Prenez, dit Kunckel, dans la premiere de fes trois recettes ci-deflus annoncées , trois livres d’antimoine, trois livres de li¬tharge & une livre de rouille de fer : broyez ces matieres avec toute I’exa&itude pofli- ble, & fervez-vous-en pour peindre.
siutre. Prenez deux livres d’antimoine 9 trois livres de litharge, une livre de fafran de mars calciné, & procédez comme deflus.
Autre. Prenez des morceaux de verre blanc d’Allemagne , réduifez-les en poudre impalpable; prenez enfuite du vitriol calci¬né jufqu’a devenir rouge ? ou plutót du Ca¬put mortuum , qui refte après la diftillation du vitriol verd ; édulcorez-le avec de 1’eau
chaude pour en enlever les fels ; mêlez avec le verre broyé, de ce Caput mortuum , autant que vous jugerez en avoir befoin„ Vous aurez, par ce moyen, un rouge encore plus beau que les précédents, done vous pourrez vous fervir a peindre. Vous ferez enfuite recuire votre ouvrage.
Suivant Haudicquer de Blancourt, ilfaut, pour faire cette couleur, prendre un gros d’écailles de fer , un gros de litharge d’ar¬gent, un demi-gros de harderic ou ferret d’Efpagne, & trois gros & demi de rocaille* Broyez bien le tout enfemble fur la platine de cuivre , durant une bonne demi-heure 9 pendant laqueïle vous aurez foin de faire piler , dans un mortier de fer, trois gros dó fanguine (a). Mettez-les fur les autres ma¬tieres. Ayez enfuite un gros de gomme ara- bique trés - feche ; pilez - la dans le même mortier, en poudre fubtile, afin qu’elle atti¬re ce qu’il peut y être refté de fanguine*
(a) La pierre hematite, le ferret d’Efpagne , la fan- guïne a brunir ou Ie crayon rouge, font des efpeces de mines de fer qui fourniflent le plus de ce metal. Le fer > dans 1’e'tat de mines , eft fufceptible des differentes formes 8c couleurs fous la denomination defquelles nous le connoiflbns. La meilleure, fous les denominations que nous envifageons ici, vient d’Efpagne dans Ia Ga- lice. Elle eft dun rouge pourpre. Ces differentes fortes different par le plus ou moins de dureté. La plus ten- dre eft bonne pour faire des crayons, & c’eft celle qu’il faut préférer. Didtionnaire d’Hiftoire Naturelle de M, Valmont de Bomare» au mot fer.
li
126
Ajoutez-Ia aux autres matieres qui font fur la platine de cuivre, mêlant bien le tout enfemble & le broyant prornptement , crain* te que la fanguine ne fe gate.
Pour broyer toutes ces matieres , prenez un peu d’eau 9 & n’en verfez peu-a-peu qu’atx- tant qu’il en faut pour leur donner une bon¬ne confiftance, de maniere qu’elles ne de- viennent ni trop dures ni trop molles, mais comme toutes autres couleurs propres apein- dre. Etant en eet état, vous mettrez le tout dans un verre a boire, dont le bas foit en pointe y & verferez au-deflus un peu d eau claire , pour le détremper avec un petit ba¬ton bien net, ou avec le bout du doigt, ajou- tant a mefure de Peau jufqu’a ce que le tout foit de la confiftance d’un jaune d’oeuf délayé, ou même un peu plus clair. Couvrez enfuite le verre d’un papier, crainte qu’il ne tombe dedans de la pouffiere. Laiffez-le repofer pendant trois jours & trois nuits, fans y tou¬cher. Verfez le quatrieme jour, par inclina¬tion , dans un autre vaiffeau de verre bien net, le plus pur de la couleur qui furnage , & prenez garde d’en rien troubler. Laiffez repofer la liqueur extraite pendant deux au¬tres jours, après lefquels contïnuez de verfer ce qui en furnage comme la premiere fois. Mettez-le dans le fond d’un matras caffé qui foit un peu creux, puis le faites deffécher lentement fur un feu de fable doux , pour le garder.
Pour s’en fervir, on prend un peu d’eau claire fur un morceau de verre, avec laquelle on détrempe de cette couleur, la quantité dont on a befoin, & on 1’emploie dans les carnations, a quoi elle eft très-bonne.
A 1’égard de la couleur reftée au fond du verre, & qui eft fort épaiffe > on la fait aufli deffécher, & on s’en fert pour les drape¬ries , pour les couleurs de bois, & autres auxquelles elle peut être néceffaire, en la détrempant de même avec de 1’eau (zz).
Félibien (£), & 1’Abbé de Marfy (r) en- feignent pour la compofition de cette cou¬leur les mêmes fubftances, dofes & manipu¬lations que M. de Blancourt.
Selon mes fecrets de familie, prenez deux gros de rocaille jaune, un gros de pailles ou écailles de fer , un gros de litharge d’or, un gros de gomme arabique, & autant pe- fant de fanguine que le tout. Pilez toutes ces matieres dans un mortier de bronze, & les broyez enfuite fur une platine de euivre. Quand le tout fera fuffifamment broyé, c’eft- a-dire, réduit a une confiftance plus dure que molle, levez votre couleur de deflus la platine, & la mettez dans un verre de fou-
gere. Délayez-y le tout avec de 1’eau bien claire, puis laiffez repofer la liqueur pen¬dant trois jours confécutifs. Vous verferez enfuite lentement ce qui en furnagera fur une boudine creufe {a); & vous le mettrez fécher au foleil, en le eouvrant de maniere que la pouffiere ne le puiffe gater.
Alutre, Prenez un gros de pailles de fer, autant de litharge d’argent, autant de gom¬me d’Arable, un demi-gros de harderic ou ferret d’Efpagne , trois gros & demi de ro¬caille jaune,& autant de fanguine que le tout. Pilez les pailles de fer , le harderic, la ro¬caille & la litharge enfemble, & les broyez fur la platine de cuivre pendant une bonne demi-heure. Faites piler êtréduire en pou- dre très-fine la fanguine avec la gomme. Mê- lez-les aux matieres déja broyées, & re- broyez de nouveau le tout enfemble, pref- qu’auffi long - temps que la premiere fois. Levez enfuite la couleur de deffus la platine la plus dure que faire fe pourra: mettez-la dans un verre de fougere , dans lequeLvous la délayerez avec eau nette & bien claire du bout du doigt, jufqu’a ce que toute votre couleur ait pris la confiftance d’un jaune d’oeuf délayé. Vous la laifferez repofer trois jours au foleil, en la eouvrant foigneufe- ment d’un morceau de verre que vous au- rez chargé d’un poids affez lourd, pour em- pêcher que le vent ne les renverfe. Enfin ïe quatrieme jour, vous épancherez fur un ou plufieurs morceaux de verre creux , c’eft- a-dire, pris a Ia boudine, la liqueur la plus claire qui aura furnagé, en prenant la pré- caution de n’en rien troubler. Vous expoferez enfuite cette liqueur au foleil, de maniere que la pouffiere ne puiffe s’y attacher.
Cette liqueur, en féchant, fe réduit par écailles d’une couleur de rouge brun. Elle reflemble affez , dans eet état, a la gomme gutte, qui ne montre une couleur jaune que lorfqu’on la détrempe a 1’eau avec la pointe du pinceau.
Lorfque vous voulez vous fervir de cette couleur rouge , vous laiffez tomber une goutte d’eau bien claire fur un morceau de verre bien net, en 1’étendant de la largeur d’un fol marqué. Vous détrempez avec cette eau de la pointe du pinceau autant de cette couleur defléchée que vous favez devoir en employer, & a proportion de la teinte plus ou moins foncée que vous défirez.
Cette couleur eft de toutes celles qu’on emploie aétuellement a peindre fur verre, quoique la moins épaiffe, ia moins tranf- parente & la plus difficile a s’incorporer dans le verre a la recuiffon. II eft affez d’u-
( a) Haudicquer de Blancourt, Art de Ia Verrerie , (a) On appelle de ce nom eet endroit plus epais du
Ch. CCVII. plat de verre qui en occupe Ie milieu, par Iequel on
(b) Félibien, Principes d’Architeélure, pag. Z57. Ie finit , & dont les contours font ordfiiaitemeat plus
(t) Diél. abr, de Pemt. öc d’Architech pagt 332. creux que Ie refte de fon étendue.
RE. II. PARTIE. 127
de fanguine a vue d’oeil que vous avez pris de la premiere compofition, 6c vous broie- rez bien le tout enfemble le plus féchement qu’il vous fera poihble. Mettez chaque broyée dans une écuelle ou taffe de fayence. Tachez de ne point toucher cette couleur, en la ramaflant de deffus la platine avec les doigts, paree que la graifle qu’ils contra&ent pour- roit la faire tourner.
Quand le tout fera bien broyé, ayez un verre de criftal le plus grand que vous pour- rez: verfez enfuite un peu de votre eau de gomme dans le vaiffeau ou eft votre couleur. Détrempez-la peu-a-peu avec une cuiller. Ayez un petit baton au bout duquel il y ait un petit linge lié avec du fil, pour aider amieux détremper la couleur jufqu’a ce qu’el- le foit réduite a la confiftance d’une bouil- lie cuite, mais un peu claire. S’il arrivoit que vous n’eufliea*point affez d’eau de gom¬me pour détremper votre couleur , ajoutez- y de 1’eau claire de votre bouteille, 6c pre¬nez garde que votre carnation ne foit trop claire ou trop épaiffe.
Lorfqu’elle fera ainfi bien détrempée, vous la verferez dans le verre, & vous i’y remue- rez encore quelque peu avec le petit baton ci-deffus. Vous 1’expoferez enfuite dans un endroit oü le foleil donne depuis le matin jufqu’au foir, öc vous la couvrirez d’un mor- ceau de verre commun, ayant foin tous les matins 6c foirs d’effuyer avec un linge 1’hu- midité qui auroit pu s’y attacher, 6c évi- tant d’ébranler ie verre. Pour obvier a eet inconvénient, faites un couvercle en forme de chapiteau, compofé de quatre pieces de verre collées enfemble ou jointes avecplomb, de facon que ce couvercle foit plus large de trois ou quatre lignes que le verre dans lequel eft la carnation, Ce couvercle fera foutenu a deux pouces au-deffus de la hau¬teur du verre, par trois fourchettes de bois, fur lefquelles il pofera , qui feront plan- tées fur un fond de terre glaife, ainfi que la patte du verre , afin que le vent ne puiffe rien renverfer , ni brouiller, obfervant tou- jours de le couvrir avec un morceau de verre.
Vous laifferez ce verre, qui contient la couleur, expofé au foleil, fans y toucher , pendant trois jours 6c trois nuits , ou même pendant quatre ou cinq jours , fuppofé qu’il n’eut pas fait un beau foleil. Mais ne 1’y laif- fez pas plus long-temps ; car les drogues qui doivent donner la carnation, tomberoient entiérement au fond du verre, payee que c’eft le propre de la fanguine 6c de la ro¬caille , de faire ternir la couleur qui en fait la fubftance; la litharge 6c l’étain de glace ne pouvarBtout au plus fervir qu’a lui donner de 1’éclat.
Au bfltft de deux jours, vous prendrez garde fl w couleur s’attache autour du verre
en forme de cercle rouge. Si cela eft ainfi, vous pourrez préfumer que votre couleur
fèra bonne. . . .
Après les trois ou cinq jours expires, vous
retirerez votre verre doucement fans 1’é- branler, puis verferez doucement par incli¬nation la fubftance, c’eft-a-dire, le deffus de la couleur qui eft le plus vif, dans une taffe de fayence.
Lorfqu’après avoir décanté ia partie la plus claire de la couleur, ce qui en refte commence a paroitre noiratre & moins vif que le deffus, vous cefferez de le verfer dans la premiere taffe , mais dans une autre qui fera préparée pour fécher au foleil. Vous la laifferez néanmoins pencher un peu de cóté, afin que s’il vous paroit encore quel- que peu de la fubftance rouge qui foit bien vif, vous puifïïez la verfer doucement fur la premiere taffe, après 1’ayoir laiffé repofer pendant fix ou fept heures. Vous en met- trez fécher au foleil le réfidu , & cette cou¬leur vous fervira a faire de la couleur de chair, en 1’employant toute pure, & de la couleur de bois, en y alliant tant foit peu de noir.
Quant a votre fubftance de carnation, vous la mettiez a 1’ombre, couverte d’un morceau de verre.
Ayez enfuite un petit gobelet de verre ou de fayence d’un pouce 6c demi de hauteur ou environ, que vous mettrez au même endroit qu’étoit votre verre au foleil.
Prenez alors de la fubftance de carnation avec une cuiller bien nette; verfez-la dans le petit gobelet; faites-la fécher au foleil. Quand elle fera feche , vous en verferez d’autre par-deffus, & ainfi jufqu’a la fin.
Il faut toujours prendre avec la cuiller le deffus de la couleur. Quand vous approche- rez de la fin , fi le fond eft noir, ne le mê- lez pas avec la bonne.
Toute Ia couleur étant féchée, vous met¬trez le verre qui la contient, féchement &c proprement a 1’abri de la poufÏÏere, pour vous en fervir dans le befoin.
Si après avoir vuidé dans la taffe la fub¬ftance de carnation, vous apperceviez en¬core de la couleur vive dans le verre ou elle s’étoit faite, reverfez bien doucement dans ce verre un peu de la fubftance de carnation, puis la<remuez légérement, en tournant, pour faire détremper ce qui feroit refté de couleur vive & qui fe feroit raftis. Lorfque vous vous appercevrez qu’il fera détrempé , vous cefferez de remuer, & vous le verfe¬rez fur la bonne carnation.
Vous vuiderez enfuite le fond du verre pour le faire fécher tel qu’il eft ; c’eft ce qu’on appelle fondrilles de carnation^
Suppofé que vous manquafliez de foleil pour fécher votre carnation, voijs pourrez la faire fécher au feu fur une tulle pofée
fur un réchaud de cendres rouges J en met- ta.nt votre petit verre par-deffus, & tenant la même conduite que nous avons enfeignée plus haut.
Vous pouvez aufïï faire la carnation en hiver. Préparez - la d’abord , comme nous avons dit; enfuite mettez le verre, dans lequel vous aurez détrempé votre compoiï- tion, dans un poële ou dans une armoire pratiquée dans la cheminée, en y entre- tenant une chaleur douce avec un feu de cendres rouges , dans un réchaud que vous y introduirez, ou en faifant bon feu dans la cheminée, autant de jours & de nuits que vous Veufïiez laiffé expofée au foleil. Au furplus procédez pour 1’épurer & la faire fécher, comme il eft dit plus haut. La car¬nation ainfi faite fe décharge davantage, & n’eft pas fi haute en couleur que celle qui fe fait au foleil.
Le vrai temps pour faire la carnation au foleil doit être celui des grandes chaleurs , c’eft-a-dire , les mois de Juin, Juillet 6c Aout.
Si vous aviez détrempé de la carnation plus qu’il n’en faut pour remplir votre ver¬re , vous en verferez dans deux; mais elle eft meilleure lorfqu’elle fe fait dans un feuL Si cependant la grande quantité d’ouvrages & 1’occaïïon de la faifon vous déterminoient a en faire deux verres, pefez les drogues pour chaque verre, broyez-les les unes après les autres , 6c procédez au furplus pour cha¬que verre comme pour un feul. L’effet de chacun de ces verres au foleil fera plus cer¬tain que fi vous faifiez le tout dans un verre trop grand.
Cette carnation ou il n’entre point de ferret d’Êfpagne, très-difficile a trouver dans les Provinces éloignées de la Capitale (#) , eft auffi belle qu’un velours de couleur rou¬ge, & tient trés - bien fur le verre a la recuiffon.
En void une autre aufïï bonne , 6c qui tient encore mieux, quoiqu’il n’y entre pas tant de drogues.
Prenez une once de fanguine, deux onces de rocaille, 6c le quart d’une once de gom- me fondue a part. Au furplus procédez com¬me dans la précédente.
Cette carnation ne couvre pas tant; c’eft pourquoi on la couche des deux cótés de la piece, plus épaiffe du cóté de 1’ouvrage, & plus claire fur le revers.
Notez que la carnation, dans iaquelle on fait entrer la paille de fer, ne doit fe cou- cher que du cóté du travail, d’autant qu’elle
(a) Le ferret d’Efpagne , a caufe de fa conforma¬tion par petites aiguilles pyramidales , demande d’ail- leurs beaucoup d’attention de Ia part de ceux qui le pilent : les piquures qu’il fait, difent nos Re'collets, font fort difficïles a guérir,
a plus
& plus do corps que celle óü il n y en entré point.
Autre* Prenez une once de litharge d’or $ une once de rocaille, une once de gom¬me mife a part, une demi-once de ferret d’Efpagne, & une demi-once de pailles de fer : mêlez Ie tout comme ci-devant, ex- cepté toujours la gomme, & pefez fur le total autant de fanguine fans la mêler d’a- bord : enfuite pilez & préparez le tout j comme dans le premier procédé.
Cette carnation tient encore mieux que les deux précédentes. Vous pouvez au refte eflayer les trois, & vous en tenir a celle que vous jugerez la meilleure.
Autre* Prenez une once de pailles de fer, une once de mine de plomb, une once d’é- tain de glace, & une demi-once d’antimoi- ne. Pilez toutes ces drogues avec deux on- ces de rocaille & une once de ferret d’Efpa¬gne : mêlez bien le tout, & pefez fur le total deux onces de fanguine & une demi- once de gomme. Procédez au furplus com¬me dans la premiere recette.
Autre* Prenez une once de fanguine, le quart d’une once de rocaille, autant de fer¬ret d’Efpagne que de rocaille; mettez tou¬tes ces parties féparément , puis prenez la huitieme partie de votre fanguine. Pefez fur cette huitieme partie autant de bifmuth ou étain de glace; mêlez enfuite le tout; pi¬lez & broyez & ajoutez, vers la fin , en broyant , une feizieme partie de gomme détrempée , & féchez comme dans la pre¬miere recette.
Autre, Prenez une once de pailles de fer, une once de rocaille, une once de li¬tharge , une demi-once d’étain de glace, & le quart dune once de gomme que vous mettrez a part. Mêlez le tout en le pilant, hormis la gomme. Pefez autant de fanguine que le tout. Pilez fans la mêler d’abord avec votre premiere compofition que vous broye- rez féparément, en y ajoutant la fanguine lorfque tout fera broyé a peu prés a la moi- tié, puïs la gomme fur la fin en broyant; procédez au furplus comme dans la premiere recette.
Enfin felon la derniere recette de nos Religieux Artiftes , prenez une once de pail¬les de fer, une once de litharge, une once de gomme mife a part, une once d’étain de glace, une once de ferret d’Efpagne, & trois onces de rocaille. Pefez & mêlez au¬tant de fanguine que le tout j au furplus comme a la premiere recette.
hairlêUï de une comP°^on p*opre a faire les
teintes, pour les carnations ou couleurs de chair, également prefcrite par MM. Féli- bien, de Blancourt, &c. (#).
(<?) Félifnen, Principes d’Architecture, png* ij's.
PEINT. SUR VERRE. II. Part.
Prenez une partie de harderic oü ferret d’Efpagne , naturel ou compofé, & une égale partie de rocaille : broyez bien ces deux matieres enfemble, après les avoir pi- lées & paffées au tamis de foie les détrem- pant avec 1’eau gomméè pendant 1’efpace de trois ouquatreheures, tant que cette compo¬fition foit en bonne confiftance, comme lè noïr, pourpouvoirêtre employée fur le verre.
A la compofition derniere , qui émane de la couleur rouge , les Auteurs fufdits en aïoutent une propre a peindre fur verre des cheveux, des troncs d’arbres , des briques êc autres tons rouffeatres.
Prenez une once de harderic ou ferret d’Efpagne, une once de fcories ou écaiiles de fer, & deux onces de rocaille : au fur- plus procédez comme dans la précédent© compofition, Celle-ci vous donnera un rou¬ge jaunatre, dont vous ferez ufage fuivant le befoin,
Nos Artiftes Religieux qui paroifient avoir travaillé beaucoup en grifaille (a), rouffe ou blanche, prefcrivent la maniere de préparer ces couleurs, que nous n’avons point trouvé ailleurs fous cette dénomina- tion.
Pour la grifaille roujfe: Prenez uné once de pailles de cuivre rouge , & une once & demiede pailles de fer ■ faites-en quatre parts égales : pefez autant de rocaille & de rouil- lure de fer, que le poids d’une de^oes quatre parties, c’eft-a-dire, autant de 1’une que de 1’autre. Pilez, tamifez & broyez fur la plati- ne de cuivre rouge avec la moliette d’acicr, Le refte comme a la couleur noire.
Ou prenez une once de pailles de cuivre rouge , une once & demie de pailles de fer 5 mêlez le tout, & lepartagez en quatre par¬ties : prenez autant de rocaille qu’une de ces quatre parties, en réfervant les trois au-tres pour le befoin; pilez & broyez com¬me a la couleur noire.
Pour la grifaille blanche .• Prenez de 1’eau gommée du godet a la couleur blanche, ou même a la couleur bleue , & la couchez derriere le travail, d’une maniere fort déliée & fort mince.
On a pu remarquer dans le cours de ce Chapitre & du précédent, que le mélange ou affemblage de différentes couleurs mat-* trejfes ou principales formoit des couleurs mixtes. Or comme il eft aifé de fe procu¬rer pat-la les différents tons de couleur dont
Haudicquer de Blancourt, Art de la Verrerie, Chanï- treCCX. ’ F •
(#) On appelle Grifailles en Peinture fur verre, co qu on nomme en Peinture ordinaire Cumdieux : lort qu ils font Gvis, on les nomme Grifailles j Cirages, Iorf- qu’ils font jannes, See.
Kk
on peut avoir befoin, j’omets les recettes enfeignées par Kunckel, pour avoir des cou- leurs brunes , ou des couleurs de fer de tou- tes fortes de nuances, recettes plus conve- bles d’ailleurs a un fond opaque, comme la fayence, qu’a un fond tranfparent comme le verre.
Ce que j’appellerai dans les recettes fui- vantes eau de blanc 9 de bleu 9 de verd , de violet & de pourpre, fe fait en détrempant a la pointe du pinceau , avec de 1’eau gom- mée, une partie du plus épais de chacun de ces émaux colorants, qui, par fa pefanteur, fe précipite ordinairement au fond du go- det; ce trempis formant une nuance plus claire que celle de la couleur dans fa pre-miere préparation.
On obtient une couleur brune, en détrem¬pant dans un godet de gres neuf & bien net, de la couleur noire avec de 1’eau de blanc, plus ou moins, a proportion de la teinte qu’on défire.
On obtient une couleur grife, enmêlant dans un godet plus d’eau de blanc que de couleur noire.
Ou en mêlant de cette eau de blanc avec du bleu, fuivant les nuances que vous dé- firez.
Pour faire une couleur de fer , couchez une eau de bleu fur un la vis de noir.
Pour faire un jaune mat 9 couchez un lavis de blanc, plus ou moins délié du cöté de 1’ouvrage, & du jaune fur le revers. Les dégradations de jaune fe font en le cou- chant plus ou moins épais.
On fait une couleur de rofe pale, en cou- chant un lavis d’eau de blanc du cóté op- pofé a 1’ouvrage, fur lequel la couleur rouge aura été couchée affez claire.
On obtient un rouge tirant fur la couleur de rofe foncêe, fi, au lieu du rouge, on a couché 1’ouvrage d’une eau de pourpre, plus ou moins chargée de cette couleur, en procédant comme deffus par rapport au lavis de blanc.
Le marbre s’imite en laiffant tomber , goutte a goutte, fur un lavis fraïs d’eau de blanc, des taches de violet, de pourpre , de verd & de rouge, qui doivent être promp- tement étendues avec la pointe du pinceau, fuivant le goüt du Peintre, & conformé- ment au marbre qu’il veut imiter.
La pratique au furplus apprend mieux que les préceptes dans quelle proportion fe doivent faire ces différents mélanges ou af- femblages. Un Peintre fur verre intelligent ne doit ici confulter que le goüt & 1’expé- rience. Le moyen de s’affurer de 1’effet de ces mélanges eft d’en faire des effais en petit a la cheminée.
Maïs quoique dans toutes les recettes 9 que nous avons recueillies d’après les meil- leurs Maitres, il n’y en ait aucune dont lê fuccès ne foit certain , il n’eft pourtant rien de plus effentiel, fuivant Kunckel, que d’em- ployer dans la compofition de fes couleurs de bons matériaux, dont le choix & 1’exade manipulation puiffent bien étabür ce parfait concert de fufibilité a un feu de même durée, qui doit fe trouver entre les différentes cou¬leurs que le Peintre fur verre emploie dans un même ouvrage. Sans ce concert d’oü dépend tout le fuccès dudit ouvrage, & que la feule expérience peut établir, certaines couleurs brüleroient9 & fur-tout le jaune, avant que les autres fuffent attachées au verre.
G’eft, fans doute , la connoiffance prati¬que de ce concert poffible entre toutes les différentes couleurs employées par mes Aïeux, qui les portoit a admettre, relati- vement a ce degré de fufibilité qu’ils avoienc expérimenté dans leurs autres couleurs a la recuiffon, trois fois plus d’ochre dans la pré¬paration de leur jaune que les autres n’en prefcrivoient.
Nousobferverons encore comme une pra¬tique effentielle a la Peinture fur verre , que le noir ne peut jamais être trop fon¬dant : c’eft en effet cette couleur qui fait tout le corps de 1’ouvrage; c’eft en elle que réfide effentiellement 1’ceuvre du Pein¬tre. On ne peut pratiquer eet Art, pas mê¬me le concevoir, fans le fecours de la cou¬leur noire. Sans elle point de moyen dura¬ble de prendre le trait des formes que le Peintre fur verre fe propofe d’exécuter. La couleur noire eft a eet Artifte, ce que le crayon eft au Deflinateur, & le burin ou la pointe au Graveur. Point d’imitation des objets de la nature fans lignes, fans jours & fans ombres : dans la Peinture fur verre, cette feule couleur, ou fon lavis, fournit des lignes, des jours & des ombres. Avec cette feule couleur on peut, fans employer les verres teints aux Verreries ou colorés par nos émaux tranfparents, mériter le titre de bon Peintre fur verre. On connoit d’ex- cellents ouvrages de cette maniere, fous le nom de Grifailles.^ c’eft a proprement par- ler ie Monochromate des Anciens. Cela fup- pofé , la couleur noire qui n’eft pas affez fondante a la recuiffon ne s’attachant point fur le verre, tout le fond de 1’ouvrage dif- paroit, fur-tout dans les carnations, & le tableau n’eft plus qu’un amas informe de ver¬re de couleurs fans trait , fans ombres & fans demi-teintes, lorfqu on vient a le net- toyer.
Nous avons remarqué dans notre premiere Partie, quon voyoic parmi les vitres pein- tes de lEglife de Saint Etienne-du-Mont a Paris, de très-bons vitraux , tant pour le deflin que pour le coloris, qui ont éprou- vé cette facheufe altération, faute par le
Peintre fur verre, qui les a entrepris, d’a- voir rendu fa couleur noire aflez fondante 3 ou de lui avoir donné une recuiffon fuf- fifante. Ge font ces ineonvénients qui ont dégouté de eet Art les Henri Goltzius 3 les Joachim Pytenwaef les Abraham Diepenbeken & tant d’autres, qui ayant commèncé par la Peinture fur verre Vont quittée pour s’ap- pliquer a d autres genres de Peinture ou a la Gravure,qu’ils ont pratiqués avec tant d4hon- neur & de gloire pour eux, & pour ceux dont ils ont été les dignes Eleves.