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CHAPITRE V.
Des Couleurs acluellement ufitées dans la Peinture Jur Verre,
autres que les Emaux contenus dans le Chapüre précédent.
O u T R E les émaux colorants dont il a été parlé dans le Chapitre précédent , il en eft encore plufieurs autres , enfeignés par les mêmes Auteurs, dont nous allons nous occuper.
Je ne répéterai pas ici les recettes que j5ai données ailleurs (a) d’après Kunckel pour la compofition du jaune je pafferai tout de fuite a celle de JVL Haudicquer de Blancourt.
Prenez de Fargent de coupelle (b); rédui- fez-le en lames très-minces : jlratifie^ (c) ces lames dans un creufet avec le foufre en poudre, ou même avec le falpêtre, en commen^ant & finiflant par les poudres. Mettez ce creufet couvert au fourneau , pour bien calciner la matiere; le fouffre étant confumé, jettez la matiere dans une terrine pleine d’eau; faites la fécher; pilez- la bien dans le mortier de marbre, jufqu’a
(a. ) Voyez les recettes pour Ie jaune données au Chap. Ill, pttg* 108^ fiiiv.
(b) C’eft ainli qu’on nomme fargent le plus fin, qui a paffe' par la coupelle, ou i’examfcn du feu , 6c qui cft ordinairement en grenaille.
(e) Terme de Chimie, qui fignifie mettre diffe'rentes matieres alternativement les unes fur les autres, ou lit fur lit, ce qu’on appelle en Latin Stratum fuper firatum. On emploie cette operation dans la Chimie, lorfqu’on veut calciner un mine'ral ou un me'tal avec des fels ou quelques auttes matieres. Diólionn. Hermétiq.
ce qu’elle foit en état d’être bien broyée fur le caillou, ce que vous ferez pendant fix bonnes heures; détrempez la matiere , en la broyant avec Ia même eau dans laquelle vous 1’aurez éteinte* Votre argent étant bien broyé, ajoutez-y neuf fois fon poids d’ochre rouge; broyez-bien le tout enfemble encore une bonne heure : alors votre couleur jaune fera faite & en état de vous fervir a peindre (a).
La recette que Felibien (b), FAbbé de Marfy ( c) & autres prefcrivent pour faire cette couleur, ne differe de Ia précédente qu’en ce que M. de Blancourt fe contente de ne faire broyer Fargent que pendant Fef- pace de fix heures, & que les autres en de- mandent fept ou huit; le premier femble exiger qu’on y emploie Fargent de coupelle , les autres femblent y admettre toute efpece d’argent.
J’obferverai ici en paflant que 1’ochre jaune, rougie au feu, mérite d’être préférée a 1’ochre rouge naturelle, comme plus chargée des parties métalliques dont elle approche da- vantage. Car , quoiqu’a proprement parler ,
(a) Haudicquer de Blancourt, Art de Ia Verrerie, Chap. CCV.
(b) Felibien, Principes d’Architeóh pag. ifj*. -
(c) Di&ionn. abr. de Peint, 6c d’Architect. pag, 33 a,
clle ne paroiffe fervir que de véhicule aux parties déliées de 1’argent auquel eUe eft mêlée; quoique ce quelle a de groffier & de terreftre réfte après la recuiffon fur la furface du vérre, d’oü on Vote avec une broffe,' on peut 'néanmoins inférer, par la couleur rouge dont elle tache le verre lorf¬qu’elle eft trop recuite, qu’elle lui commu¬nique quelqu’une des parties métalliques dont elle eft chargée.
Selon mes feerets de familie, prenez une once de brülé ( a), & par préférence celui des galons d’or, paree qu’il föifonne davan- tage : prenez de plus une once de foufre & autant d’antimoine cru. Pulvérifez groflié- rement les deux dernieres matieres dans un mortier de fer; ftratifiez Ie tout dans un creufet, de forte que le premier & le dernier lit foient formés de ces deux poudres 9 entre lefquelles vous mettrez un lit de eet argent brülé, & ainfi de lit en lit jufqu’au dernier. Vous lutterez le creufet avec le blanc d’Ef- pagne a fee , avant que d’y rien mettre. Lorfque vous aurez ftratifié les poudres & le brülé , vous couvrirez le creufet d’un carreau de terre cuite, & le mettrez au four- neau de fufion avec le charbon. Quand vous vous appercevrez que la flamme ne donnera plus uné couleur bleuatre & empourprée,mais fa couleur ordinaire, tirez votre creufet du fourneau; verfez promptement la matiere toute rouge dans une terrine neuve, verniffée, pleine d eau nette, & laiffez refroidir. Verfez Peau par inclination dans un autre vaiffeau : laiffez deffécher 1’argent qui fe fera précipité au fond de la terrine ; broyez-le enfuite fur la platine de cuivre, ou fur 1’écaille de mer pendant ILf a fept heurea fans interruption ; ajoutez-y douzefois autant d’ochre jaune que vous aurez fait rougir & calciner au feu, & réduite en poudre. Continuez de broyer le tout enfemble pendant une bonne heure au moins avec la même eau que deflus : levez votre couleur de deflus la platine ou écaille de mer, & la mettez dans un pot de fayence bien net.
Lorfque vous voudrez vous fervir de cette couleur, vous la détremperez avec deTéau claire, en la réduifant a la confiftancé d’un jaune d’oeuf déiayé, & obferverez très-exac- tement de remuer continuellement la cou¬leur , avant de la coucher fur le verre.
Au lieu de creufet poür calciner 1’argene par le foufre & Pantimoine mêlés enfemble, nos Récollets fe fervoient d une cuiller de fer qu’ils faifoient d’abord rougir au feu pour
(a) Terme d’Orfévrerie, dont on fe fert pour défigner 1 argent qu on retire des étoffes ou galons d’or & d’ar- gent. On les jette dans Ie feu pour y faire bruler Ia foie ou Ie fil auquel 1’argent e'toit uni, de facon qu’il ne refte plus que 1 argent, le refte e'tant convert! en cen¬tres, qu on en fepare avec art, par le fecours du mar- Kau dont on Ie frappe.
en emporter la rouille & les ordures qu’elle auroit pu contraéter. Ils ftratifioient dans cette cuiller refroidie un lit d’antimoine, un lit de foufre & un lit d’argent qu’ils avoient réduit fur Penclume, a coups de marteau, en lames*bien minces & coupées de la grandeur d’un fou marqué. Ils met- toient le tout fur le feu , jufqu’a ce que 1’argent füt fondu. lis le reconnoifloient pour tel, lorfque la compofition bien rouge ne donnoit plus de fumée. Alors ils la ver- foient dans une écuelle d’eau bien nette, qu’iis tenoient auprès d’eux. Ils Pen reti- roient enfuite pour la faire fécher fur un morceau de craie blanche, qui en épuife 1’humidité dont ils’imbibe, ou fur une tuile feche, bien nette, échauffée fhr un réchaud de cendres rouges. Enfuite ils la broyoient avec la même eau qui avoit fervi a Péteindre & a la rendre friable, ou fur une écaille de mer , ou fur la platine de cuivre avec la molette d’acier.
Pour faire une belle couleur d’or , ils broyoient huit fois autant d’ochre jaune, ou de terre glaife, ou de vieille argile pro- venant de la démolition d’un four, pourvu qu’elle füt bien douce & point fablonneufe. Ils mettoient 1’ochre ou la terre glaife au feu ; 1’éteignoient dans 1’eau claire , lorf- qu’elle étoit rouge ; la laifloient fécher ; la broyoient enfuite a fee & féparément, puis la mêloient avec 1’axgent qu’ils avoient broyé a part pendant fix ou fept heures; ils broyoient enfin le tout enfemble pen¬dant une bonne heure. Quand le tout avoit été ainfi broyé , ils le détrempoient dans un pot ou gobelet de plomb, ou ils Pavoient dépofé, peu a peu, avec la même eau qui avoit fervi a éteindre 1’argent en fufion, jufqu’a la confiftancé d’une bouillie claire , & couvroient enfuite le pot avec un cou- vercle de même métal.
Pour avoir un jaune plus couvert, au lieu de huit onces d’ochre ou de terre glaife rougie au feu, ils n’en ajoutoient au poids de 1’argent que fix onces. II n’y a point de danger de la trop détremper, en prenant foin, avant de s’en fervir & lorfqu’elle eft raflife , de retirer par inclination le trop d’eau qui y furnage , pour la réduire a 1’épaifleur défirée; &, après en avoir em¬ployé ce qui étoit néceflaire, d’y remettre cette même eau, pour 1’empêcher de fécher, ce qui nécefliteroit a la rebroyer de nouveau.
Le jaune foible, qui fe couche derriere la couleur verte pour lui donner dans les feuillages un ton plus gaï, fe fait avec la terre de 1’ochre qui.a déja paffé par la recuif¬fon. On la broffe pour 1’enlever de deflus le verre recuit, &onla ramaffe a eet effet fur une feuille de papier. On la détrempe avec de 1’eau claire, en prenant la précau- tion d’y ajoutei un peu de jaune, lorfqu’ii paroit