Chaptire 11
De la RecuiJJon.
L A recuifion , fource de nouvelles inquié- tudes pour le Peintre fur verre par 1’incer- titude du fuccès , eft la derniere opération qui aflure ou qui détruit tout le fruit qu’il doit attendre de fon travail.
Nous ne lui répéterons pas ce que nous lui avons tant de fois inculqué fur Fexac- titude avec laquelle il doit faire valoir , dans la composition, la préparation ou le choix de fes émaux colorants, toutes les combinaifons d’expérience qui doivent opé- rer entre eux ce parfait concert de fufibi- lité , dans un même efpace de temps, a 1’adivité d’un même feu. Sans ce concert heureux les uns feroient déja brulés, quand les autres ne feroient que commencer a fe parfondre a la recuifion.
C’eft fur le traitement de ce feu, c’eft- a-dire, fur ce qui le précede, ce qui 1’ac- compagne, & ce qui le fiiit, que nous nous propofons de Finftruire, avec le fecours des Maitres qui nous ont fervi de guides, dans ce que nous avons dit de la composition de fes émaux (0).
Deïaconf- NotreArtifte, avant toutes chofes, doit trudion du fe rappeller ici cè que nous lui avons pref- recuiffon, crit fur le choix d un bon emplacement pour avec la ma- fon attelier, dont le fourneau fait une des poëierlevS" parties principales (b). II y a vu les incon- re peinu vénients dangereux a la recuifion qui, ré-
fulteroient d’un mauvais emplacement. Conftrudion Lorfque les couleurs font appliquées & du fourneau, bien feches fur les morceaux de verre, on
DomSPernetr reculre t°utes l^s pieces dans un petit tid’aprcsFé- fourneau fait expres, avec des briques, qui ïibien, n>ajt en quarré qu’environ dix-huit pouces, a moins que la grandeur des pieces n’en demande un plus grand. Dans le bas, & a fix pouces du fond, on pratique une ouverture pour mettre le feu & Fy entretenir. A quel- ques pouces au-defius de cette ouverture, on fixe en travers deux ou trois verges
quarrées de fer, qui par leur fituation puif- fent partager le fourneau en deux parties. On pratique encore une petite ouverture d’environ deux pouces au-defius de ces bar¬res, pour faire paffer les ejfais quand on re- cuit Fouvrage.
Le fourneau ainfi dreffé, on pofe fur les barres de fer une poële de terre, quarrée comme le fourneau; mais de telle grandeur qu’elle laiffe trois bons polices de vuide en¬tre elle & les parois. Cette poële doit être épaiffe d’environ deux doigts, & fes bords élevés d’environ fix pouces. II faut qu’elle foit faite de terre de creufet, & bien cuite. Le cóté qui doit répondre au-devant du fourneau, a un trou pour les effais.
Ayant placé cette poële fur les barres de fer deftinées a la porter , on répand fur tout fon fond de la chaux vive bien tami- fée, de 1’épaiffeur d’un demi-doigt, ou de la poudre de platre cuite trois fois dans un fourneau a Potier ; par - deffus cette pou¬dre des morceaux de verre caffé, & par- deffus le verre de la poudre; enforte qu’il y ait trois lits de poudre & deux dè vieux verre. Sur le troifieme lit de poudre , on étend les morceaux de verre peints, & on les diftribue aufii par fits avec de la pou¬dre , jufqu’a ce que la poële foit pleine , ff 1’on a affez d’ouvrage pour cela, ayant foin que le lit de deffus foit de la poudre.
; Tout étant ainfi difpofé, ón met quelques barres de fer en travers fur les parois du fourneau, & 1’on couvre la poële d’une grande tuile, qui puiffe s’y ajufter en facon de couvercle, de maniere qu’il ne refte au fourneau qu’une ouverture d’environ deux pouces de diametre a chaque coin, & une en haut pour fervir de cheminée & laiffer échapper la fumée. .
Telle eft la conftru&ion du fourneau a recuire, enfeignée par Dom Pernetti (a), d’après Félibien. Nous avons préféré de
copier le premier , paree qu’il a porté dans les précepte's de celui-ci plus de netteté , & qu’il eft plus pur dans fon ftyle. Nous obferverons néanmoins que Félibien avoit dit, au füjet du couvercle du fourneau, qué fi Ton ne pouvoit s’en procurer un d’une grande tuile , on pouvoit en former un de plufieurs autres, en les arrangeant & les luttant le plus juftetnent que faire fe peut avee de la terre grafie ou de la terre fran- che; enforte qu’il n’y ait aucune ouverture, excepté aux quatre coins du fourneau. Ecou- tons a préfent Haudicquer de Blancourt (a).
Conftru^ion Le fourneau pour la Peinture du verre , du fourneau, & pour en recujre }es couleurs, doit être querdeBlan- quarré, fait de bonnes briques, de 24 pou- court» ces de hauteur , autant de largeur & de profondeur, divifé en trois parties. Celle du bas 9 qui eft le cendrier9 doit avoir fix pouces de hauteur. Celle du milieu, oü le feu doit s’entretenir par le moyen d’une ouverture ou porte de cinq a fix pouces de large & quatre de hauteur, doit avoir une bonne grille de fer, & fix pouces de haut, ou feront pöfées trois barres de fer quar- rées, qui traverferont le fourneau, poür foutenir la poële de terre dont nous ballons parler. La partie fupérieure de ce fourneau doit avoir unpied de hauteur, & une petite ouverture par-devant, dans le milieu, d’environ quatre doigts de hauteur fur deux bons doigts de largeur, pour met- tre & retirer les effais, lorfqu’on recuit 1’ou- vrage, pour connoitre s’ils font bien condi- tionnés. Dans cette partie fupérieure de vo- tre fourneau (& fur’les barres de fer), il faut y mettre la poële, dont nous venons dé parler , qui foit faite de bonne terre de creu- fet réfiftante au feu, épaiffe dans le fond d’un pouce & demi, & haute par les bords de dix bons pouces. Cette poële doit être quarrée comrae le fourneau, & avoir deux pouces de jeu de tous cötés, pour donner lieu au feu de circuler tout autour de la ‘poële & de recuire 1’ouvrage ; Payant bien placée dans le milieu du fourneau également. Par le devant de cette poële, il doit y avoir une ouverture pareilie, & vis-a-vis celle du fourneau, c eft-a-dire, dans le milieu , aufii haute & aufii large; enforte que Pon puiffe y mettre & retirer facilement les éffais qui doivent entrer dans la poële, pour y être recuits comme les ouvrages peints qu’on
a mis dedans.
Vous aurez alors de bonne chaux vive bien cuite, réduite en poudre fubtile, êc paffée par le tamis fin ; ou a fon défaut de bon platre recuit a trois fois au four a Potier, aufii réduit en poudre & paffé par le tamis
(4) Haudicquer de Blancourt, Art de Ia Verrerie, Chap. CCII CCXIII.
fin. De 1’une defdites poudres vous ferez un lit au fond de vótre poële, de 1’épaiffeur d’un demi-doigt, le plus égalque vous pour- rez; enfuite vous eouvrirez ce lit de poudre de morceaux de vieux verre caffé, fur lef- quels vous ferez encore un lit de votre pou¬dre , puis un pareil lit de morceaux de vieux verre caffé, & par-deffus un troifieme lit de poudre, de la même épaiffeur que lé premier. La précaution de faire ces premiers lits de poudre & de vieux verre, fert pour empêcher que 1’ardeur du feu qui donne fut la poële, ne recuife pas trop ceux qui font peints, cette ardeur étant tempérée par ié moyen de ces lits. Après cela, vous com- mencerez de mettre fur ce troifieme lit de poudre les pieces de verre que vous aurez peintes, que vous difpoferez de même quê le verre caffé, lits fur lits, & toujours un demi-doigt de poudre de chaux ou de pla¬tre entre chaque piece de verre.peint, tres- uniment étendu; ce que vous continuerez de faire jufqu’a ce que la poële foit rem- plie des pieces que vous aurez a recuire.
Enfuite vous remettrez fur les dernieres pie¬ces dé verre, un lit de pareilie poudre un peu plus épais, puis vous couvrirez le four¬neau avec fon couvercle de terre de deux pieces , que vous joindrez bien , & qué vous lutterez de même tout autour , avec dé bon lut & de la terre franche , de manieré qu’il ne puiffe y avoir aucune tranfpiration que par des trous ménagés aux quatre coins Öc au milieu du couvercle , & par 1’ouver- ture qui eft au-devant du fourneau, pat laquelle on doit mettre & retirer les pie¬ces de verre.
II fera aifé de remarquer, par 3a compa- raifon de ces deux Extraits, que leurs Au¬teurs ne différent guere entre eux que dans la dimenfion qu’ils donnent au fourneau : lé fecond qui lui donne vingt-quatre pouces en - quarré , tandis que le premier ne lui en don¬ne que dix-huit, me paroit préférable, par¬ee qu’il peut contenir de plus grandes pie¬ces. D’ailleurs fes détails plus étendus laif- fent moins a défirer.
Ce que mes fecrets de familie prefcrivent Conftrüétion fur cette matiere, eft cqntenu dans une Let- du fourneau, tre du mois de Mars 170;, écrite par Guil- cret” cUfa- laume le Vieii, mon aïeul, a feu mon pere, mille, lorfqu’il fe difpofoit a travailler aux vitres peintes du dome de 1’Eglife des Invalides.
» Vous aurez fans doute, mon fils , des » recuiffons fort abondantes a faire pour votré » entreprife de 1’Hótel Royal des Invalides^
» Vous ne pouvez mieux faire que de mar- » cher fur mes traces, en donnant a votré » fourneau la même dimenfion que j’avois 3» donnée a ceux dans lefquels j’ai recuit toiis » mes ouvrages de Sainte- Croix d’Orleans.
» Ma poële étoit oblongue , a caufe de la » hauteur de mes pieces de frife : elle avoit
» dix-neuf pouces de longueur, & quatorze » pouces de large hors - d oeuvre ? un bon s> pouce & demi d’épaifleur dans le fond & un » pouce fur les bords, & douze pouces de >> profondeur. Cette mefure de la poële, » comme vous faVez, doit vous diriger dans » la conftru&ion de votre fourneau. Partant »il doit avoir dans oeuvre deux pieds trois » pouces de long (pied de douze pouces ), » un pied dix pouces de large, a caufe des » quaere pouces de vuide que je fuis dans » 1’ufage de laifler entre les quatre faces de »la poële & les parois du fourneau ; enfin » votre fourneau aura deux pieds dix pouces » d’élévation ; favoir , dix pouces depuis le » carreau de la chambre jufqu’au foyer, fix » pouces depuis le foyer jufqu’aux barres qui » doivent fupporter votre poële, un pied » pour la prorondeur de ia poële, & fix pou- » ces depuis le haut des bords de la poële juf- » qu’a, la calotte du fourneau. Je donne ordi- » nairement a 1’ouverture du foyer fix pouces » de haut fur fept de large, & au palfage des » eflais fur le devant du fourneau, & a la » hauteur de celui qui eft pratiqué dans la » poële, environ cinq pouces fur quatre, que »je fermois avec une brique taillée de cette »épaifleur & de cette hauteur, jointe aux » autres avec 1’argile, ainfi que les carreaux » de terre cuite dont je le couvre, comme » vous m’avez vu faire.
» Ce fourneau m’a toujours trés-bien réufli, » & je crois qu’avec un pareil vous ferez mer- » veille. Il eft encore une chofe a laquelle »vous devez porter foigneufement atten7 » tion; e’eft que n’étant pas toujours maitre •» de 1’emplacement de votre fourneau , au » cas que vous foyez affujetti a appliquer » quelqu’un des parois fur quelque mur fufpedt » d’humidité , vous ayez foin de le garnir » hors - d’oeuvre d’une double brique de ce » même có té ».
Mon pere employa toujours cette dimen- fion dans la conftrudion de fes fourneaux a recuire > d’ou il a retiré de trés - beaux ou- vrages. Il fuivoit d’ailleurs ce qui eft prefcrit dans Félibien & de Blancourt, pour 1’agen- cement & ftratification des pieces dans la poële, pour laquelle il employoit la poudre deplatre bien fine & bien recuite. Mais je ne dois pas pafler fous filence la précautipn qu’il prenoit de ne pas couvrir en entier Tes émaux de la poudre de platre, fur-tout le bleu , le verd, le violet & le pourpre : il fe contentoit de répandre du creux de la main, qu’il tenoit entrouverte , de petits monticu¬les de cette poudre, qu’il appliquoit fur les autres couleurs a égale épaiffeur, fur lefquels il ftratifioit un fecond lit; par ce moyen fes émaux, a la fufion, ne fe mêlant a aucune des parties de cette poudre, fortoient du fourneau beaucoup plus purs & plus tranf- parents. L’ouverture qu’ii pratiquoit pour le
paffage des effais, étoit ordinairemeht a trois pouces du fond de la poële, & autant au deffous de fes bords. Ces effais font de peti- tes bandes de verre de huit a neuf lignes de large, fur fept a huit pouces de long, colo- rées fur chacune des différentes couleurs qui font employées dans 1’ouvrage, que 1’on agence a un. pouce de diftance d’éiévation 1’un de 1’autre dans la poële, en empoëlant 1’ouvrage, de maniere qu’il en déborde fur la longueur un ou deux pouces pour pouvoir les retirer de la poële lorfqu’il eft temps.
J’ai vu quelquefois mon pere, lorfqu’il n’a- voit qu’une piece ou deux a recuire, batir a la hate dans une cheminée, avec la brique, un petit fourneau, dans lèquel il avoit intro¬duit une poële a frire qui contenoit fon ou- vrage, & 1’en retirer avec fuccès. Je ne vou- drois cependant pas propofer cette conduite pour exemple.
[Sous une cheminée dont la hotte fok haute & avancée > on établit/üne premiere de recuiHon batifle de feize pouces de hauteur, fur trois iTvieif pieds de large, & deux pieds-óc demi de pro- fondeur. Pour épargner le maflif, on conf- truit cette batifle avec une voute qui a neuf pouces dans fa plus grande hauteur. Les murs latéraux qu’on éleve dans les proportions” données de largeur & profondeur, ont neuf pouces d’épaiffeur, & on les éleve jufqu’a la hauteur de deux pieds dix pouces, ce qui forme une capacité qui a, en dedans-oeuvre, deux pieds dix pouces de haut, fur quatorze & dix-fept pouces de large: on comprendra inceflamment ces deux dernieres dimenfions.
L’efpace vuide du fourneau fe divife en cinq parties ou chambres, que nous décri- rons féparément.
La portion la plus inférieure ou premiere chambre, qui dans 1’ufage fert d’abord de foyer, & enfuite n’eft plus que le cendrier , a fix pouces de hauteur, fur quatorze pou¬ces de large; fur la face antérieure eft une porte de pareilles dimenfions. Sur ce cen¬drier eft pofée une grille femblable, au trou ou rond du milieu prés,a celle que nous avons décrite en parlant du fourneau de vitrifica¬tion.
Sur cette grille commence une feconde capacité ou chambre de mêmes dimenfions,
& clofe pareillement, dans toute fa face an¬térieure , par une porte de tóle : elle eft cou- ronnée par trois barres de fer dun pouce, fcélées dans la batifle a trois pouces & demï de diftance 1’une de 1’autre.
La troifieme chambre a fept pouces de hauteur , fur dix-fept de largeur; fa face antérieure eft toute ouverte 6c garnie par un chaflis de toie, compofë de trois parties ou portes, 1’une, celle a droite, & 1’autre a gau¬che , ayant chacune fept pouces de largeur; enfin la porte du milieu, qui a onze pouces & eft d’une part attachée par fes gonds a la
piece
piece a gauche , dont les gonds tiennent au fourneau, & de 1’autre fe ferme par fon lo- quet dans une mentonniere placée fur la piece a droite. Cette porte du milieu eft en outre percée dans fon centre d’un trou quarré de quatre pouces de haut fur cinq de large, fer- mé par une petite porte de tóle de même dimenfion, qu on appelle/wtt ejjdis.
Si les deux portes de la premiere & fe- conde chambres ne font pas aufli compli- quées ni aufli larges, c’eft qu’elles ne fervent qua placer du bois fur ou fous la grille qui les fépare, tandis que celle de la troifieme chambre eft deftinée a placer la poële, a la retirer, & a fournir moyen d’extraire & exa¬miner les eflais; elle ne peut par conféquent pas être trop facile a ouvrir dans toute la largeur du fourneau, pour rendre 1’enfourne- ment & le défournement de la poële com¬modes a 1’Artifte.
La quatrieme chambre eft faite en voute : elle a la même largeur que la troifieme, porte fix pouces de haut, eft féparée de la troifie- me chambre par une grille pareille a celle qui fépare la premiere & la feconde chambre, & elle a une feule porte de tóle de mêmes pro¬portions que celles de ces deux chambres. Sa voute eft ouverte par ün trou rond de cinq pouces de diametre a fa bafe, continué dans toute Fépaiffeur de la batiffe fupérieure, ou il aboutit au dehors par un diametre de trois pouces & demi, ayant dans toute fa lon¬gueur neuf pouces , & c’eft la cinquieme partie de 1’intérieur du fourneau que nous nous propofions de décrire.
1 La maniere de fe fervir de ce fourneau eft la même que celle qu on va décrire pour les autres; nous obferverons feulement, comme particularités de celui-ci, que pour conferver plus de chaleur fur la face antérieure prefque toute garnie en tóle peu épaiffe, quand le fourneau eft chargé, on revêt cette face de briques liées enfemble par de la terre a four, en ne laiffant a découvert que les portes né- ceflaires pour le fervice du bois; que lorfque la recuifïbn eft achevée, on met au-devant de ces portes une large & épaiffe plaque de tóle, qui en ralentit le refroidiffement; enfin que pour juger de la force du feu par la flamme qui fort par le trou du haut du four¬neau , on ménage au manteau de la chemi- née fous lequel il eft conftruit, une porte qu’on ouvre & ferme a volonté, pour voir jufqu’a quelle hauteur cette flamme s’éleve en fortant ].
Conflruftion Nos Religieux Peintres fur verre, fujets a feioïïeÏÏre- ^tre tranfportés par obédience d’une Ville ou ^ Maurice d’une Province a une autre, ne trouvant pas ntoine. par.tQUt tout le néceflaire pour la conftruc- tion de leurs poëles & de leurs fourneaux a calciner les couleurs & a recuire, étoient fpuvent affujettis a recourir a leur induftrie jfour s’en fabriquer eux-mêmes qui puffent
remplir leur objet.
S’ils ne pouvoient fe procurer une poële de terre de creufet, ils s’en conftruifoient une d’une grandeur proportionnée a 1’ouvrage qu’ils avoient a recuire; ils fe fervoient a eet effet de carreaux de terre cuite d’un pouce d’épaiffeur, qu’ils affembloient & arrêtoient avec de la terre glaife. Quand ils ne pou¬voient fe procurer de carreaux de cette épaif- feur, ils en appliquoient deux 1’un contre 1’autre, dont ils faifoient la liaifon avec la même terre. S’ils étoient trop grands, ils en fcioient ce qu’ils avoient de furabondant. Ils obfervoient, en conftruifant cette poële, de le faire dans le milieu du fourneau, furies bar¬res qui devoient la porter, de fa^on qu’ils euf- fent toujours une diftance de quatre pouces entre leur poële fa&ice & les quatre murs du fourneau, qu’ils^ continuoient d’élever dans les proportions & diftributions prefcrites par mes aïeux, dont ils fe rapprochoient beau- coup dans leurs différentes opérations.
Enfin pour ne rien laiffer a défirer d’exaêt fur cette matiere, nous allons rendre compte de la defcription qu’ils nous onttranfmife dans leur manuferit, du fourneau du fieur Bernier, Maitre Vitrier, Peintre fur verre , leur con¬temporain , fur la capacité duquel nos Mé¬moires ne nous ont rien appris.
La poële du fieur Bernier (car c’eft tou- jours la dimenfion de la poële qui regie celle du fourneau ) étoit de terre de creufet: elle avoit dix-huit pouces de longueur, un pied de largeur, & fept pouces de hauteur, le tout hors-d’oeuvre; elle avoit un pouce & demi au moins d’épaiffeur dans le fond, & un pouce fur les bords. Elle étoit ouverte fur le devant a un pouce du fond , & dans fon jufte milieu a la hauteur de fon bord , fur quatre pouces de largeur, pour faire ce que notre Manuferit appelle la vifiere ou le pafTage des eflais. Dans cette vifiere, a demi-pouce d’épaif¬feur , étoit pratiquée , du haut en bas, une rainure. dans laquelle on glifloit les morceaux de verre qui fervoient a retenir la chaux ou 'le platte fin dans la poële, dans les efpaces qui fe trouvoient entre chaque rangée d’effais.
C’eft fur ce moulé de fa poële, ainfi que le Manuferit le nomme, que le fieur Bernier batifloit fon fourneau d$ la maniere fuivante.
II élevoit fes murs de face, des cótés & du fond, a hauteur de feize pouces au-deffus du fol, avec des briques, dont il formoit fur le devant un cintre qu’il appelloit le cendricr: c’étoit ou il placoit fes batons de cotteret pour fécher , a la hauteur fufdite , fur des verges a vitres : il en conftruifoit latre avec des tuileaux a un pouce d’épaifleur.
Au-deflus de 1’atre, & deux pouces plus haut, il placoit deux barres de fer de caril¬lon , qui traverfoient, a quelque diftance des murs, chaque extrémité du fourneau. Ces deux barres de fer fervoient a fupporter les
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extrémités des batons pofoit deffus , afin quayant plus brulaffent plus clair. Au défaut defdites bar- res , il le contentoit de mettre quatre bouts de brique a même élévation de deux pouces au-deffus de 1’atre , aux quatre coins du four- neau : ils produifoient le même effet, em-
barraffoient moins pour le traitement du feu.
Les barres de fer difpofées , il continuoit a élever les murs jufqu’a la hauteur de onze pouces, öc pratiquoit dans le milieu du four- neau , fur le devant, une ouverture de hult pouces en quarré du niveau de Fatre, qui fervoit a y introduire le charbon & le bois.
A la hauteur fufdite de onze pouces, il pofoit en travers trois barres de fer quarrées, qui portoient fur les murs de cóté , qui avoient, ainfi que les autres , quatre pouces d’épaiffeur, c’eft-a-dire, toute la largeur de la brique pofée a plat: ces barres étoient pour fupporter la poële quiétoit difpofée de facon qu’il y eüt entre 1’atre & le fond de la poële, douze pouces de vuide , & quatre pouces entre ladite poële Sc chacun des qua¬tre murs.
P-ouraffurer la poële, il gliffoita chacun de fes angles, une brique debout entre elle & le mur qui la contenoit, de facon qu’elle ne put être ébranlée fur le devant & au-deffus de la bouche du four. Dans le milieu Sc vis-a- vis la vifiere de la poële, il pratiquoit une autre ouverture d’environ fix pouces de haut & de Fépaiffeur d’une brique, qui fervoit a retirer les effais. Pour rendre cette brique plus aifée a retirer & a remettre, il y prati¬quoit une ouverture, dans laquelle il intro- duifoit une verge de fer qui fervoit a eet effet; & lorfque les murs du fourneau étoient élevés a quatre pouces plus haut que les bords de la poële , il étoit cenfé fini.
Le fourneau fe trouvoit alors élevé du fo'1, jufqu’a fa fermeture, de trois pieds trois pou¬ces , long de deux pieds dix pouces , y com- pris Fépaiffeur des murs, & large de deux pieds quatre pouces, y compris la même épaiffeur.
Lorfqu’il vouloit rendre fon fourneau amo- vible & tranfportable d’un lieu a un autre , il faifoit faire un batis de fer a quatre pieds, garnls de roulettes; il en garniffoit les faces de brique, ce qui lui donnoit beaucoup de folidité , & le rendoit plus durable.
Lorfqu’un fourneau étoit neuf, s’il n’avoit pas de chaux en poudre qui eüt déja fervi pour empoëler, il prenoit de la chaux vive, qu’il avoit auparavant éteinte en jettant de Feau deffus. II en mettoit dans la poële, lorf- qu elle étoit en poudre , environ les trois quarts de ce que la poële pouvoit en conte- nir & par-deffus un morceau de craie tendre qu’il caffoit en plufieurs morceaux. II cou- vroit alors le fourneau comme s’il eüt voulu s’en fervir pour recuire de 1’ouvrage ; c’eft-a- dire, il pofoit fur les murs quelques barres de fer, fur ‘lefquelles il agen^oit des briques ou de forts carreaux de terre qu’il joignoit en- femble, & enduifoit de terre grafie, en laif- fant dans le milieu un trou d’un demi-pouce au moins, 6c un autre de la même dimenfion a chaque angle du fourneau, pour fervir de paffage a la fumée. Alors il allumoit le feu dans le fourneau, en y brülant, pendant fix heures au moins, toutes fortes de méchants bouts de bois, ce qui fuffifoit pour faire fécher le fourneau, ainfi que la chaux & la craie qu’il avoit mifes dans la poële , & pour empêóher que 1’humidité d’un four neufne s’attachat a 1’ouvrage, dont elle feroit noircir les couleurs, & ainfi perdroit toute une recuiffon.
Le tout étant froid, c’eft-a-dire, le four neuf & la chaux , paffez, dit notre Manu- fcrit, que nous allons fuivre le plus fuccinc- tement que nous pourrons fur la maniere d empoëler & de recuire le verre peint, paf¬fez cette chaux par Fétamine au-deffus d’une boite; pour ce qui eft de la craie, mettez-la a part. La chaux fe feche encore bien mieux pour la premiere fois, en 1’introduifant dans un four de Boulanger. On peut aufli, en pareil cas , fe fervir de platre bien recuit Sc paffé au tamis. Il eft encore bon, a chaque recuiffon, d’augmenter fa provifion de chaux , en couvrant le dernier lit de verre du deffus de la poële, de chaux nouvelle.
Quel que fqit le fourneau qu’on aura choifi entre ceux dont la defcription précede, ce fourneau une fois conftruit & mis en état de fervir, voici comme on doit procéder a em¬poëler le verre pour fa recuiffon.
Quand vous voulez empoëler 9 ayez une planche de la mefure du fond de votre poële a un demi-pouce prés de tout fens, pour y étendre vos pieces, afin devoir la maniere de ménager leur place fur chaque lit que vous en devez faire dans la poële; gliffez dans la rainure de la vifiere un morceau de verre d’en- viron un pouce de hauteur :fajjezfcz le fond de la poële environ un demi-pouce de chaux; étendez-la bien uniment par-tout avec la barbe d’une plume: couchez par-deffus un lit de vieux verre , fur lequel vous fafferez de nouvelle chaux jufqu’a la hauteur du liteau que vous avez gliffé le long de la vifiere: uniffez la chaux de même , en fondant avec le doigt fi votre premier lit de vieux verre eft bien a-plomb.
Vous devez avoir vos effais, couchés des couleurs qui entrent dans votre ouvrage, dans eet ordre ; d’abord du jaune dans Féten- due d’un demi-pouce , enfuite de 1’azur , du verd & du violet dans les mêmes diftances. 11 faut que ces effais foient bien fees, Prenez- en quatre , mettez-les a cóté 1’un de 1’autre Sc a plat, de faqon néanmoins qu’ils ne fe touchent point, 6c que tout ce qui eft cou-
5 UR V E RRE. II. PARTIE.
ché de couleur entre dansla poële. Vos eflais ainfi placés , faffez de la chaux par-deffus; couvrez-les erifuite d’un morceau de vieux vérre tout a plat, pour les tenir fermes; puis gliffez dans la rainure de la vifiere un autre morceau de verre , que vous aurez coupé affez haut pour venir a fon extrémité, a la moitié de la hauteur de la poële : fouvenez- vous que c’eft 1’azur qui regie tout. Cette couleur une fois bien fondue, les autres le feront de même ( a ).
Avant de procéder a empoëler 1’ouvrage, il eft bon d’obferver que les émaux fur-tout, même la carnation , demandant plus de cha- leur pour fe jjarfindre que le jaune, le noir & les grifailles, ils doivent occuper par pré- férence la place du deffous, & les autres le milieu : que le deffus eft, a proprement par- ler, la place des pieces de conféquence, paree que, quoique plus chauffées que le milieu, elles le font moins que le deffous, plus fujet a brüler; que c’eft aufïï la place des plus grandes, paree qu’étant moins chargées elles ne feront pas fi expofées a être caf- fées; qu’il faut fe donner de garde que les pieces touchent aux .bords de la poële; mais leur donner au moins un demi-pouce de jeu tout autour d’icelle; qu’il eft bon de ne pas les faire toucher entre elles; enfin qu’il eft très-avantageux de ranger toujours les plus fortes ombres vers les bords, paree que, fi elles chauffoient trop , le dégac feroit moins fenfible. •
Vos effais placés , comme il a été dit, au premier rang du fond de la poële, commen- cez a prendre une piece fur votre planche, fur laquelle vous en avez étendu deux rangs, en les mettant couleurs contre couleurs. Levez-les les unes après les autres, dans 1’ordre oü elles y font arrangées, en met¬tant le premier lit, la couleur en deffus & bien a plomb. Si vous*vous appercevez, en frappant deffus légérement du revers du doigt, que quelque piece porte a faux, rele- vez-la; remettez de la chaux a la place qui la tenoit en défaut, pour la tenir plus fer¬me ; bordez aufli de chaux toutes les pie¬ces , en les affermiffant avec le doigt; ce qui eft a obferver dans chaque lit de pie¬ces que 1’on étend dans la poële.
Votre premier lit étant étendu & bien affermi avec la chaux vers les bords de la poële , faffez de nouvelle chaux & 1’étendez avec la barbe de la plume fur tous les endroits
(4) Si les émaux n’étoient pas d’une compofition bien fondante, telle que celles de nos Auteurs , qui, a caufe de la dofe de mine de plomb qu’ils y employoient , évitoient la repetition des calcinations par le lalpêtre, fur tout dans 1’émail couleur d’azur qu’ils ne calcinoient qu’une fois, il y auroit lieu de craindre que le jaune ne brülat, en attendant la fufion du bleu , car,
comme le remarque fort judicieufement M. Félibien, le jaune eft toujours la premiere couleur qui commen¬ce a fe parfondre.
qui ne font point couverts d’émaux ou de carnation. Prenez alors de ces morceaux de craie, dont nous avons parlé, concaffés a la groffeur d’un pois & paffés au travers d’un crible de fer-blanc d’environ huit pouces en quarré, dont les bords foient relevés d’un pouce & le fond percé de trous de même groffeur. Difpofez lefdits morceaux fur les endroits couchés des couleurs fufdites de diftances en diftances a égale épaiffeur, de maniere qu’ils puiffent fupporter, avec la chaux qui eft répandue fur le reftant des pieces , le fecond lit de verre que vous arrangerez a fens contraire au premier lit, c’eft-a-dire, la peinture en deffous (a). Cette précaution, de ne point couvrir les émaux avec la chaux, leur conferve plus d’éclat, en empêchant qu’elle ne les terniffe au moment qu’ils fe parfondent. Si cependant toutes vos pieces n’étoient pas de grande conféquence, ftratifiez tous vos lits de verre du même fens, c’eft-a-dire, la peinture en deffus & de la chaux par-tout, étendue bien uniment avec la barbe de la plume a 1’épaif- feur d’une ligne, & continuez de ftratifiér jufqua ce que vous foyez a la hauteur du liteau de verre pofé au-deffus des effais dans les rainures de la vifiere.
Etendez alors les effais du fecond rang, faites comme au premier. Saffez & répandez un lit de chaux; & , avant d’y étendre un nouveau lit de verre peint ( c’eft ici la place de la partie de votre Ouvrage qui eft le plus eolorié en jaune) faites un lit de vieux verre; répandez peu de chaux par-deffus; ftratifiez fur cette chaux un lit des pieces dans lefquelles il eft entré plus de jaune ; avec cette précaution, le jaune ne gitera point vos lits de deffous couchés d’autres couleurs, qu’autrement il eut pu atteindre, après avoir pénétré la piece fur laquelle il eft couché. Stratifiez enfuite vos lits de pieces de grifailles, en répandant fur chaque lit une ligne au plus de chaux jufqu’a ce qu’elles ayent atteintle bord du liteau de verre que vous aurez gliffé dans la rainure au-deffus de votre fecond étage d’effais. Placez enfuite votre troifieme rangée d’ef¬fais : faites comme a la premiere & a la feconde, & gliffez de nouveau un liteau de verre dans la rainure de la vifiere qui attei- gne le bord de la poële. Répandez de la chaux en faffant ; ftratifiez les pieces que vous aurez réfervées pour le deffus, dans le même ordre & de la même maniere que vous avez fait pour celles de deffous.
S’il n’y avoit pas affez de pieces pour remplir la capacité de la poële (qui dans
( a ) L’ufage de ces petits morceaux de craie eft fop- pléé , dans nos fecrets de familie , par ces petits montF cu]es’ de chaux ou de platre fin diftribue's par petits ef- paces hors des émaux.
3a dimenfion que le fleur Bernier lui don- noit de dix-huit pouces de longueur , douze de largeur & fept de hauteur , peut contenir trente-cinq pieds fuperficiels de verre peint) rempliffez-la de lits de vieux verre & de lits de chaux, afin que la fumée, qui pourroit circuler dans le vuide qui refteroit fans cela, ne.gate point 1’ouvrage. Si au contraire il vous reftoït deux ou trois lits de votre ouvrage a ftratifier, vous pouvez augmenter la capacité de la poële , & la rehauffer avec des morceaux de verre le plus épais que vous
' pourrez trouver , qui feront doucement enfoncés tout autour de la poële dans la chaux qui la borde , de maniere que les dernieres pieces de verre peint, ayant atteint
. le niveau des bords de la poële , vous rem- plifliez Fexcédent en hauteur que vous don- neront ces liteaux , avec deux lits de vieux verre & de chaux ftratifiés, & que votre dernier lit de chaux foit plus épais que les autres. Pour lors vous auriez foin d’élever davantage le couvercle du fourneau < enforte qu’il fe trouve toujours quatre pouces du deffous du couvercle au niveau du dernier lit de chaux.
Prenez garde fur-tout en empoëlant que, par quelqu’accident imprévu, il ne foit tombé du fel dans la chaux ou dans la poële en Pempliffant , paree qu’il feroit cafler les pieces qui fe trouveroient dans fon voifinage.
Tout étant difpofé avec les précautions fufdites, couvrez votre fourneau comme il eft dit ci-deffus, lorfqu’il- s’agit de le faire fécher étant neuf, & qu’on n’a point encore commencé a recuire d’ouvrage dedans.
Refte a examiner le traitement du feu dans la recuiflbn, ce que nous allons faire dans 1’ordre que nous avons fuivi.
Da traite- Les préceptes de Félibien & d’Haudicquer pourlarecuif- Blancourt a eet egard ayant beaucoup de fon, reflemblance , nous nous contenterons de
rapporter ce qu’en dit d’après eux Dom Per¬
netti.
v ï*our échauffer le fourneau, on met d’abord DonvPernet- * Porte feulement un peu de charbons allu- ti, d’aprèsFé- més qu’on y entretient pendant pres de deux
dicq?e^deaU" ^eures > Pour échauffer le verre peu a peu , Biancourt. afin qu’il ne caffe pas. On pouffe enfuite le charbon plus avant, & on Fy laiffe encore une bonne heure ; après cela onle faitentrer peu a peu fous la poële. Quand il y a été ainfi deux heures, on 1’augmente par degrés, rempliffant infenfibiement le fourneau avec du charbon de jeune bois bien fee, enforte que le feu foit très-vif & que la flamme forte par les quatre trous des angles du fourneau. II faut entretenir le feu le plus vif pendant trois ou quatre heures. De temps en temps on tire de la poële , par le trou qui répond a celui du devant du fourneau , les épreuves ou effais, pour voir fi les couleurs font fon¬
dues & incorporées. Félibien & M. deBlan- court ajoutent pour voir Ji le jaune eft fait, ce que Dom Pernetti n’auroit pas du omettre, cette couleur fe parfondant toujours la pre¬miere.
Quand on voit que les couleurs font pref- quefaites, on met du bois très-fec, coupé par petits morceaux, & 1’on ferme enfuite la porte, qui doit être fermée depuis qu’on a commencé a pouffer le feu fous la poële. Lorfqu’on voit que les barreaux qui la fou- tiennent font d’un rouge étincelant & de couleur de cerife , c’eft une marque que la recuiffon s’avance. Mais pour fa perfedion, il faut un feu de dix ou douze heures.
Si on vouloit la précipiter, en donnant dès le commencement un feu plus apre, on rifqueroit de faire cafler le verre & de brüler ’ les couleurs,
C’eft ici une affaire’qui git plus en expé- riences qu’en préceptes: voici néanmoins le traitement du feu prefcrit par mes fecrets de familie.
Le fourneau étant exaclement fermé par Traitement le haut avec plufieurs carreaux de terre cuite, mes^eemtsde tels que nos carreaux d’atre, affemblés 1’un familie, contre 1’autre & luttés avec 1’argile , en obfervant de pratiquer dans le fourneau un trou du volume d’un ceuf, on y met le feu de cette maniere.
On met a 1’entrée du foyer des charbons allumés qu’on y entretient continuellement de nouveau charbon, a mefure que le pre- > mier femble difpofé a tomber en cendres.
Le charbon le meilleur pour cette opération doit être léger, fonore, en gros morceaux brillants qui fe rompent aifément. On eftime par préférence celui qui eft en rondins, & qui • ne refte pas chargé d’une grofle écorce. Le charbon trop menu, ne laiflant pas aflez d’air entre fes différents morceaux, s’allume difficilement, prodifit de la fumée & répand une odeur pernicieufe. Celui qui, étant trop cuit, eft réduit comme en braife, donne peu de chaleur. Il faut encore prendre garde que le charbon n’ait été mouillé : on reconnoit celui-ci en ce qu’il eft plus lourd, qu’il s’al- lume avec peine, ne brule point avec viva- cité, & fe confume fans produire la chaleur au’on en attendoit.On continue ce feu de char-
L
bon pendant deux heures au moins, toujours a Fentrée du fourneau, pour accoutumer peu a peu le verre a fentir la chaleur, & empê- cher qu’il ne fe caffe par une trop prompte & trop vive atteinte du feu. On 1’introduit enfuite un peu plus avant dans le fourneau & par degrés , en le portant également fur chaque cöté des parois. Alors on bouche l’entrée du foyer, ce qui empêche le four-neau de tirer trop d’air, & le charbon de fe confumer trop vite. On le laiffe ainfi pendant une bonne heure au moins. On range enfuite tout le charbon allumé de chaque cóté de la poële
le four. Get inftrument, emmanché dans le bojs, confifte en une tranche de fer de trois è quatre lignes en quarré, un peu recourbée vers J’extrérhité oppofée au manche. Mon pere le nommolt rablax.
Après trois heures & plus de ce feu de charbon, le Peincre fur verre introduit dans fon fourneau deux batons de cotteret d’égale* groffeur, de bois de hêtre dé ja fee, & qu’il a encore fait fécher fous le foyer ou fur la calotte du fourneau. II les porte avec le rablot fur les braifes reftantes du charbon, 1’un d’un cóté, l’autre de l’autre, ou ils ne tardent pas a s’enflammer. On préfere le bois de hêtre au bois de chêne, paree qu’il eft moins fujet a pétiller & a fumer. On choifit ordinairement les plus gros batons pour le commencement, paree qu’ils ne donnent pas d’abord une flamnie fi vive, & qu’ils produifent, en tombant en braife, une chaleur plus douce & de plus de durée.
Si ces deux batons tombent en braife prefque dans le même moment a chaque cóté du fourneau , c’eft un figne que la chaleur eft égale par tout. Alors il faut yeiller , pendant fix heures au moins , a entretenir fcrupuleufement ce feu de cotte- rets, de facon qu’aufïi-tót qu un baton tombe en braife, on en fubftitue un autre en la place. Ainfi la flamme non interrompue circuiera continuellement autour de la poële, en lui donnant ce qu’on appelle un feu de reverb ere. . .
Si la braife vers la fin s’amaffoit en trop grande quantité dans le fourneau , ce qui pourroit fuffoquer 1’aêtivité du feu , ainfi qu’on le reconnoit lorfque la flamme cefle de jouer par les quatre coins du fourneau , & chaufleroit trop le fond de la poële; on retire de cecte braife , peu a peu & par inter- valles, en la ramenant fur le devant du foyer avec le rablot, d’ou on la fait tomber dans un réchaud ou un autre vaifleau propre a la recevoir & a la répandre enfuite fur la calotte du fourneau.
Après fix heures de ce feu de bois foigneu- fement & artiftement conduit, on commence a déboucher le paffage des eflais fur le devant du fourneau. Pendant qu’on le débouche , on doit avoir eu foin d’introduire dans le foyer du fourneau les pincettes dont on doit fe fervir pour retirer les eflais de la poële, afin de donner a ces pincettes un degré de cha¬leur convenable a celle dont les eflais font atteints , & que , faifis par ie froid de 1’inf- trument qui ferviroit a les tirer, ils ne fe caffent ‘pas par i’extrémité qui déborde la ce qui empêcheroit de les retirer. On retire ordinairement trois eflais a la fois, un du bas, un du milieu & un du haut, pour êcre également fur de fatteinte du feu que la poële auroit re<;u par-tout avec le même concert. On les laiffe refroidir petit a petit, en les pofant de rang fur le devant du four.
Si les émaux commencent a s’attacher, fi le jaune fe fait, on augmente 1’aêtivité du feu , en .introduifant dans le fourneau de petits batons ou éclats de cotterets bien fees que Ton aura réfervés pour la fin. Une demi-heure après on tire de nouveaux eflais. Si les émaux, quoique plus adhérents au verre , ne paroifloient pas encore clairs, fondus & liffes; fi ie jaune paroit encore foible par comparaifon au premier effai qui en a été fait au feu domeftique, vous conti- nuerez encore ce feu d’atteinte une demi- heure ou un peu plus , felon Vindication des trois derniers eflais que vous retirerez de la poële. ,
Au refte on peut fuivre les indications des étincelles qui fortent des barreaux, & de leur couleur de cerife.
Les émaux font cenfés fuffifammentrecuits, lorfqu après le.refroidiffement des eflais, vous appercevrez, fur le revers de 1’endroit ou ils ont été couchés, qu’ils commencent a fe divifer par petites lames, fans cependant fe féparer. C’eft ce que les Peintres fur verre appellent des émaux calcines. II faut alors ceffer le feu, boucher exa&ement toutes les iffues du fourneau par lefquelles 1’air pour¬roit s’introduire,& laiffer le tout/fe refroidir ainfi de foi-même avec la plus grande patience. Ce refroidiflement, fuivant les faifons, dure quarante-huit ou foixante heures. Lorfque la calotte du fourneau ainfi que fes parois font froids , vous levez la calotte piece par piece; & fi la poële n’a plus confervé de chaleur , vous en retirerez vos pieces lit par lit, comme vous les y avez intro¬duces , en confervant foigneufement la pou- dre de chaux ou de platre qui vous aura fervi a les ftratifier, pour la garder & la faire reffervir, après 1’avoir tamifée, aux recuiffons fuivantes.
Toutes les pieces étant retirées de la poe¬le, vous dêcottcherez de jaune toutes celles qui en avoient été couvertes (a). C’eft alors que vous reconnoitrez le bon ou le mau- vais fuccès de votre recuiffon , dont un trop prompt & trop impatient empreffe- ment a dépoeler peut, en un inftant, vous faire perdre tout le fruit, en faifant caffer tout 1’ouvrage.
Le traitement du feu pour la recuiffon que nous venons d’enfeigner, eft, a la vérité, plus fatiguant que le précédent, a caufe de
(a) Voy&t au Chapitre VII, au rang des outils, b brofle a Vochre.
Tattitudetöujöurs baiflée, flans laquelle le Peintre fur verre doit fè cenir pendant fix -Ou fept heures au moins , pour s afïurer du moment auquel fes batons tombent en brai- <e, Óc y en fubftituer de nouveaux; mais combien de perfonnes préréreroient cette Fatigue a la vapeur nuifible d’un feu de char- bon qu’il faut foutenir pendant buit ou neuf heures dans le premier traitement! D’ail- leurs je fuis a portée d’affurer que mon pere en a retire les plus grands avantages.
Je n’oferois garantir de même celui de nos Récollets, tant la difference eft grande entre 1’un & Fautre traitement. C’eft au furplus a 1’Artifte a comparer entre eux les différents traitements que nous lui donnons, & a fuivre de préférence celui que l’expd* rience lui indiquera comme le plus sur.
Leur manufcrit, póur Ie traitement du feu , recommande le temps de la nuit, com¬me le plus calme. En commencant, dit-il, a chauffer le fourneau vers les dix heures du foir, la recuiffon peut durer jufques vers les dix heures du matin du jour fuivant. C’eft de 1’étendue du fourneau, de la qua- lité des couleurs qui font a recuire, & du plus ou moins de dureté connue du verre qu’on y a employé, qu’il en fait dépendre le plus ou le moins de durée, y ayant du verre qui ne demande a la recuiffon que neuf ou dix heures de feu, d’autre jufqu’a douze ou treize.
II prefcrit trois heures de feu de char- bon déja allumé , avant qu’on Fintroduife dans le fourneau. Il faut le ranger également le long des murs de cóté du fourneau, en y en fubftituant de nouveau a mefure que le premier fe confume, paree que la flam- me fe porte toujours affez vers le milieu.
Après un feu de trois heures de cbarbon, il veut que Von commence a chauffer avec les plus petits batons des cotterets de bois de chêne, que Ton raffemble pour cet ufage. On les range de chaque cóté des bords de la poële, en les faifant porter de chaque bout fur les barres pofées a cet effet en tra¬vers du fourneau, ou fur les briques plus élevées que 1’atre de deux pouces , qui fail- lent des quatre angles du fourneau. A me- fure que ces batons tombent en braife, on y en fubftitue continuellement de nouveaux. Il réferve les plus gros batons pour la fin.
Si au bout de quatre ou cinq heures le fourneau fe trouvoit trap plein de braife ailumée, il ordonne de la retirer & de la porter fur la couverture du fourneau , en prenant garde deboucher les trous du milieu & des quatre coins dudit fourneau qui fer¬vent au paflage de la fumée.
Ap rès huit heures de ce feu, fi vous vous appercevez, continue-t-il, que la poële commence a rougir, s’il fort par les trous des angles & du milieu , & même du def-
Fous de la poële, des étincelles comme des étoiles , vous pourrez, en ótant la brique qui bouebe le paflage de la vifiere , reti¬rer un effai avec des pincettes, que vous aurez fait rougir auparavant^ en commen¬cant par la rangée des efïais d’en bas. Met- tez-le refroidir dam l’eau (a) : ratiffez la couleur avec le couteau, pour voir fi elle commence a fe fondre, ou fi elle eft en* tiérement fondue. Si elle ne tient pas, n’en tirez pas davantage; continuez de chauffer , & brulez quatre des gros batons de cot- teret de chêne. Si elle tient, n’en tirez plus du bas ; mais tirez-en un promptement du fecond rang; le milieu ne pouvant pas être fitót fondu que le has & le haut, a caufe de Yêloignement du feu (£). Ne laiffez pas que de ratiffer votre effai: fi la couleur ne tenoit pas, que cela ne vous inquiéte pas. Retirez-en un auffi du troifieme rang; fi ce dernier effai eft fondu, retirez toute la brai¬fe qui eft fur la couverture : n’y en remet- tez plus, d’autant que vous feriez bruler les pieces qui font deffus. Si au contraire ce dernier effai n’étoit pas entiérement fondu , il faut examiner avec foin quelle continuité de feu peut être abfolument néceffaire pour achever la recuiffon.
Lorfqu'il y aura un demi-quart-d’beure que les quatre batons feront confumés, re¬tirez de nouveaux effais, en commencant par le bas. Si 1’effai d’en bas eft bien fon¬du , fi la couleur menace de fe bruler, tirez- en un du fecond rang, pour voir s’il eft auffi bien fondu; celui du milieu 1’etant, les autres le feront auffi.
Si vos effais ne s’accordent pas avec ces épreuves, brulez de nouveau quatre batons 9 d’autant que le verre, qui eft dans le mi¬lieu de la poële, ne chauffe pas tant que les effais, qui font expofés a la plus grande cha- leur vers fes bords.
Si tous vos effais fe trouvoient fondus dans le même temps ( ce qui dénote la meii- leure recuiffon ); alors if faudroit ceffer le feu.
Le bois étant confumé, retirez tout le cbarbon; rebouchez toutes les ouvertures du fourneau; luttez-les avec la terre glaife, a la réferve des trous des angles & du mi¬lieu. Vous laifferez refroidir le fourneau deux jours entiers; au troifieme jour, lorf- que le tout eft bien refroidi, vous pouvez retirer vos pieces, en déchargeant douce- ment la chaux avec la plume. Il ne faut jamais lever une piece par un coin, mais toujours par le milieu.
(4) Chaude ou froide ? Pout moi je penfe que 1’eau froide les réduiroit fur le champ en pouffiere. Je n’en ai jamais vu refroidir a Feau chaude.
(&) Il eft en effet a fix pouces plus bas que dans notre fourneau de familie, qui n’a que fix pouces. de latte au-deffous de Ia poële.
’il eft beaucoup plus commode que tou- tes les couleurs feparfondent enfemble» dit le manufcrit , c’eft une chofe trés - difficile (#)•
Quand toutes les pieces, ajóute-t-il, fe-
( a) II paroit que nos Récollets , moins heureux dans Je traitement du feu que dans les autres parties de leut Art * avoient fait quelquefois de facheufes experiences , de cette difficulty; car ils donnent fur Ie rnême ton que leurs autres enfeignements, celui par lequel ilscon- feillént, fi un émail colorant étoit forti du feu fans ctre fuffifamment föndu , de paiTer Iégérement par-def- fus avec une plume un peu d’huile de noix pour ren- dre plus tranfparente la couleur qui n’eft pas affez fon¬due. Ils ne veulent pourtant pas qu’on en mette fur le rouge. ïls recolloient auffi a la colle de poiffon les pie¬ces qui fe calfoient dans la poële. Moyens peu sürs de fe tirer d’affaire t & qui n’échappent pas toujours a tous les regards.
ront hors du fourneau > broffez ïe jaune &c Feffuyez avec un linge , pour vous en fér-, vir dans le befoin a faire un jaune foible.
Notre rfianuferit finit3 & nous finirons ftvec lui par la recette d’un onguent con- tre les br&lures auxquelles les Peintres fur vefre font expofés en recuifartt.
Prenez une partie de mine de plomb rou- Onguentcofc ge , & autant d’huile d’olive : mêiez le tout leasUxquel- dans une écuelle de terre : mettez-la fur la les on eit fa- cendre rouge: remuez bien le tout jufqu’a |^ten teettl ce qu’il commence a s’épaiffir. Quand vous le verrez affez épais, ótez-le de deffus le feu : frottez enfuite vos mains d’huile d’olive : faites-en des petits rouleaux pour vous en fervir, en 1’appliquant fur un linge, & dela fur le mal.
Fin de la feconde Partie,
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