CHAPITRE II.
Du Méchanijme de la Vitrerie, ou 1’Artdu Vitrier.
(ZJOMME je me fuis déja fort étendu (# ) ailleurs9 en entrant dans des détails prati¬ques & importants qu il feroit ennuyeux de répéter ici, d’ailleurs communs a la Vitrerie & a la Peinture fur verre, comme Arts co-relatifs; je ne traiterai dans toute la fuite de ce Chapitre que de ce qui regarde les vitres blanches & la fa^on de les traiter.
L’ufage des vitres blanches s’étanc beau- coup accrédité vers la fin du feizieme fiecle, alors le Vitrier laborieux & intelligent cher- cha tout a la fois a faire entrer la variété des compartiments & la folidité dans les ouvrages dont il fut chargé. On vit les vitres blanches prendre plus fréquemment dans les Eglifes mêmes la place des vitres peintes. Leur plus grand éclat féduifit plus faciiement ceux qui, moins recueillis que leurs peres , voulurent un jour plus gai, jufque dans les faints Lieux, dans lefquels une fombre lumiere édifioit leurs aieux, & leur infpiroit ce gout pour la priere, auquel les neveux ont fubftitué fi légérement une dangereufe démangeaifon de voir ou d’être vus. C’eft par une fuite de ce nouveau gout que les plus grands carreaux prennent a pré- fent auffi dans nos Eglifes la place des pan- neaux de verre en plomb, comme ils 1’ont prife dans les maifons, ou on ne peut avoir trop de jour; mais comme cet ufage, fruit de la vicifiltude & de la légéreté, pourroit a fon tour voir revivre celui defdits pan- neaux ; comme Fefprit d’épargne pourroit un jour fuccéder au luxe prefqu’inconce- vable qui s’étend fur cette portion des bati- ments; j’ai cru devoir a la poftérité la defcription que je vais lui donner dans ce Chapitre de la pratique de cet Art relati- vement aux panneaux de verre en plomb qui eft plus particuliérement 1’Art du Vitrier.
Nos aïeux accoutumés a trouver dans l’ufage des vitres non - feulement Putilité de l’abri contre les injures de Pair , mais encore ce qui pourroit récréer la vue , trouverent Pun & Pautre , dans Papplica- tion des Vitriers a donner différentes figu¬res de compartiments aux vitres blanches qu’ils fa^onnerent, & qui parurent fuccef- fivement fous différentes dénominations. Les plus anciennes furent la piece quarrée
(a) Voyez les cinq derniers Chapitres de la feconde Partie de mon Traité , ou je traite du méchanifme de la Peinture fur verre, & en particulier le Chapitre VÏII, ou je traite de la Vitrerie relativeraent ala Peinture fur verre.
foïgeur de chaque panneau qu’ii falloit exé-cuter ; on déduifoit fur chacune de ces par¬ties la fuperficie de la verge de plomb qui devoit fervir a encadrer les pieces de verre deftinées a en former Fenfemble : fans cette préóaution que le Vitrier appelle la diminu¬tion du plomb , le panneau deviendroit & trop haut & trop large. On diftribuoit enfuite a 1’aide du compas cette hauteur & cette largeur en autant de quarrés parfaits ou oblongsfuivant la facon de vitres acceptée par le devis, en nombres pairs , ft la facon de vitres le demandoit , comme dans la lozange & la borne couchée &c, en nombre impair , comme dans la borne en piece quart ée y £tc. Ces échiquiers, ( car c’eft ainfi qu’ils nommoient cette diftribution tracée dans le quarré du panneau par des lignes très- iégérement décrites perpendiculairement & horizontalement de chaque point de diftri-bution parallele), fervoient de guides, lorf- qu’il s’agiffoit d’y figurer d’une maniere plus fenfible, les pieces qui devoient compofer Fenfemble du panneau par leur rapport entre- elles, fuivant les fe&ions que demandoit la faqon.de vitres.
Ainfi le deffein entier de leur panneau de vitres tracé fur la table leur fervoit de patron pour la coupe & la jointure des pieces qui devoient le compofer.
Cet ufage eft encore fuivi par les Alle- inands & les Flamands, même dans les faqons de vitres qui ne foht affujetties a aucune figure circulaire ; mais les Francois ont trouvé un moyen plus fur & plus expé- ditif dans 1’ufoge des calibres. Ils fe conten- tent de tracer avec la pierre blanche fur leurs tables, qui n’ont d’autre couleur que cellé qui eft naturelle au bois, la hauteur & la largeur de leur panneau; enfuite ils s’affurent par le compas du nombre dequarrés qui entreroit dans leur échiquier , s’ils le traqoient en entier t fuivant la facon de vitres qu’ils doivent y exécuter; en obfer- vant néanmoins de diminuer la trace blanche de toute la hauteur & celle de route la lar¬geur de deux ou trois lignes, pour Fépaif' feur des coeurs du plomb qui doit les join- dre, afin qu’ii n y ait rien a couper fur les bords, lorfqu’on en mettra Fenfemble en plomb. Ils portent enfuite fur une carte ou carton mince & bien uni autant de ces quarrés qu’ii en faut pour figurer la plus grande piece qui entre dans ladite facon de vitres. Dans le quarré que les différents petits quarrés réunis leur donnent, ils arrêtent au trait noir par forme d’analyfe toutes les difïé- rentes pieces dont Faffottiment entre dans Fharmonie proportionnelle de ces vitres, foit pour les pieces entieres, foit pour les derni- pieees, foit enfin pour les quarts de pieces qui doivent former le contour de chaque panneau , le commencer & le terminer.
C’eft fur ce quarré analytique, qu’ils appel- lent calibre, qu’ils coupent, avec le plus de jufteffe qu’ii leur eft poflible, toutes les pieces de leurs panneaux, qui j pour être réguliers, doivent former perpendiculaire¬ment & horizontalement un accord exa& dans 1 harmonie qui doit régner entre toutes les pieces du panneau , & tous les plombs qui les joignent. C eft de ce calibre que fort comme de fa fource dans nos plus grands vitraux une multitude de vitres toutes égales entre-elles, d’autantplus régulieres quefup- pofant dans chacun des panneaux une hau¬teur & une largeur égale, un feul panneau de vitres devient la regie de tous les au- tres, comme le calibre eft devenu celle du panneau entier.
L’ancien ufage de blanchir les tables eft encore ufité parmi nous dans Fexécution de nos chef-d oeuvres , qui font compofés $ entre lac S) dont les différents contours, dans les paffages d’une piece a 1’autre, forment des pieces de verre fi différentes entre-elles , qu’on ne peut les bien couper & les joindre en plomb qu’après les avoir fignées fur la table, fur laquelle elles ont été tracées.
Nous nous fervons encore de tables blan- chies dans ce qu’on appelle des uitres en diminution.
On donne le nom de diminution aux pan-neaux de vitres qui rempliffant en partie un vitrau circulaire dans fon entier, ou feule- ment dans la partie cintrée d’un vitrau quarré vers le bas, font rayonner la facon de vitres en fe raccourciffant & fe rétrécif font par gradation vers le point de centre» Cette diminution, dont 1’effet eft très-agréa- ble a la vue, a été particuliérement & fa- vamment ordonnée dans quelques vitraux de la Nef de 1’Eglife Paroiffiale de Saint Jacques-du-haut-Pas a Paris vers le milieu du dix-feptieme fiecle , par le fieur Dulac 1’un des plus habiles Vitriers de fon temps.
Or il y a en Vitrerie de deux fortes de diminutions ; Pune plus compliquéo, & Fautre plus Ample.
La diminution plus compliquée dont nous allons donner les regies , ne fe pratique que dans des vitraux totalement circulaires. Pour le faire d’une maniere plus intelligi¬ble, prenons pour exemple un vitrau. par¬faitement circulaire a remplir de panneaux de vitres en pieces quarries en diminution : fup- pofons encore que nous voulions partager ce vitrau en huit fedions ou panneaux : ces fedions arrêtées, nous diviferons cha¬cune d’elles, en commencant par la grande ligne circulaire, en douze parties ou points parfaitement égaux entre-eux ; de chaque point donné par cette diftribution , nous tirerons des lignes ou rayons dont chacun aboutira au point de centre : puis étant convenus de la hauteur que nous voulons
L’A RT DU yi-TRIE-R,
comme la feconde a travers des rayons, fixera a fon tour la hauteur des pieces du troifieme rang. On continue ainfi de rang en rang en faifant fervir la largeur du bas de chaque piece du rang de deffus de hauteur aux pieces du rang de deifous jufqu’au douzieme rang ; nous trouverons par ce moyen la mefure donnée d’un vuide circulaire , que cette diminution entoure, & que Ton remplit ordinairement par un panneau de vitres en entrelacs, ou par un panneau de vitres pein- tes furmonté par une frife ou de pieces entre- lacées, ou de pieces peintes qui les encadre. Cette diminution qui n’eft pas fans effet récrée beaucoup la vue , fur-tout fi le grand cercle eft lui-même furmonté par un pareii cadre.
Ce que nous venons d’établir par rapport a la piece quarrée, peut fervir de regie en Tappliquant a chaque facon de vitres, en obfervant d’en diftribuer les échiquiers en nombre pair ou impair, fuivant que la facon de vitres le demande : on obfervera néan- _moins de n’en tracer les traits que bien légé- rement fur la table , a la mine de plomb ; paree que, comme nous 1’avons déja dit, ils ne doivent fervir que de guides, pourdeïïiner les traits principaux qui figurent & caraélé- rifent les pieces de la facon de vitres qu’on s’eft propofé d’exécuter.
Or tous les rangs de pieces qui doivent être dans la diminution d’un vitrau parfaite- ment circulaire, pour en faire un tout régu¬lier , dans quelque facon de vitres qu’ii s’exé- cute, fe raccourciïïant, & fe rétréciffant en- tre-elles, & étant par conféquent fort inéga- les; on ne peut mieux faire que d’en deïïiner une ou plufieurs feétions ou panneaux fur la table blanchie a eet effet. Alors on coupe toutes les pieces fur la table , en obfervant de le faire avec le plus de jufteffe & en dedans du trait pour retrouver les épaiffeurs des coeurs du plomb, de facon qu’en finif- fant la jointure de chaque panneau , il ne fe trouve rien de fuperflu a retrancher fur les pieces de la ligne qui le termine.
II eft encore une diminution plus fimple qui peut s’exécuter dans les parties ceintrées qui couronnent la partie quarrée d’un vitrau: prenons encore la piece quarrée pour modele de cette diminution. Difcribuons la partie cintrée du vitrau en quatre feêlions ou panneaux égaux ; divifons la plus grande demi-circulaire de chaque fe&ion en autant d’échiquiers ou efpaces qu’en comporte cha¬que panneau quarré dans fa largeur en nom¬bre pair ou impair, ainfi que la fufdite lar¬geur fe comporte; puis partageons chaque ligne droite ou diagonale de chaque feétion en autant d’efpaces égaux : tirons enfuite du point du centre a commencer par la rangée d’en-haut des demi-circulaires qui commencent & aboutiffent a chacun des points marqués fur les lignes droites ou diagonales de chaque feélion, & ainfi de point en point nous arriyerons a la der- niere circulaire, que nous diviferons enfuite en autant d’efpaces que la premiere; de-la nous ferons paffer fur les points marqués dans la grande circulaire d’en-haut, & dans la plus petite vers le bas, qui fe répondent, des lignes ou rayons qui fixeront 1’étendue de chaque piece, & , confervant la même hauteur a chaque rangée de pieces, fe rétré- ciront feulement a fur & mefure qu’elles avanceront vers le centre, dont le vuide pourra être rempli comme dans la précé- dente diminution.
■ Cette maniere d’opérer la diminution plus fimple, mais moins favante que la précé- dente, doit être également deffinée fur la table pour y couper les pieces & les joindre avec le plomb , en faifant les mêmes obfer- vations pour la coupe des pieces que dans 1’article précédent. Elie eft d’un plus grand jour, étant moins refferrée par les plombs qui la joignent.
On n’emploie guere la diminution que dans les vitraux qui ont trois panneaux de large. Le vuide que laifferoit dans le milieu un vitrau, qui dans fa partie quarrée auroit quatre panneaux de large, devenant trop grand , on ne pourroit qu’y continuer la facon de vitres pleines dans les deux pan¬neaux du milieu , ce qui feroit fans grace; la diminution n’étant gracieufe qu’autant qu’elle forme une efpece de cadre autour d’un autre objet que celui que la facon de vitres répandroit dans tout le vitrau.
On peut inférer de ce que nous venons d’établir, que les premiers outils de néceflité pour le Vitrier font une ou plufieurs tables, de grandes regies pour relever la mefure des panneaux d’après les chaÏÏis ou vitraux; d’autres pour en tracer les lignes de hauteur & de largeur fur la table, & d’autres plus petites, dites regies d main avec un tenon y attaché avec clous vers le milieu, qui la maintienne fermement & 1’empêche de varier fur le verre, qui foit affez mince pour entrer fans réfiftance dans les finuofités du verre,’ lequel n’eft jamais droit; des compas , dont un grand, qu’on appeile ordinairement faujje
equerre
celte du fer rouge 9 qui fervoit a conduire la premiere langue ou fêlure qu’elle y avoit formée a 1’endroit qui avoit été mouillé du bout du doigt hume&é de falive , en faifant prendre au verre telle figure que 1’on défiroit fuivant la ligne traces; nous nous contente- rons, avant que de paffer a 1’ufage de la pointe de diamant dont les Vitriers fe fer¬vent avec plus de diligence., de remarquer que cet ancien ufage de couper le verre n’eft' pas fans utilité de nos jours, & que c’eft par une fuite de cette ancienne ma¬niere qu’un Vitrier économe & adroit qui appercoit dans un plat de verre , entier d’ailleurs , quelque langue qui pourroit pré- judicier a la totalité du plat, fait la con¬duire ou il veut avec un fer chaud ou un petit bout de bois allumé.
Ce ne fut que vers le commencement du feizieme fiecle, que 1’ufage du diamant pour couper le verre s’introduifit parmi les Vi¬triers. II paroit que cette découverte , comme tant d’autres, fut 1’effet du hazard.
II avoit fallu bien des fiecies pour appren- dre aux hommes que le diamant, cette efpece de caillou dont 1’extérieur annonce ft peu 1’exceilence, qui reffemble affez ordinairement a un grain de fel ou a urt fimple caillou d’un gris blanchatre 3 terne & fale , étoit la plus éclatante , la plug riche & la plus dure production de la nature. On ne connut bien le mérite de cette pierre précieufe, qu’après qu’on eut découvert 1’art de la tailler, art, qui ne date pas même de trois cents ans, & qu? eft dü a Louis de Befquen,natif de Bruges. Ge jeune homme de familie noble, qui n’étoit pas deftiné au travail des pierreries, & qui fortoit a peine des claffes, avoit éprouvé par hazard que deux diamants s’entamoient fi on les frot- toit un peu fortement 1’un contre 1’autre; e’en fut affez pour faire naitre dans une tête induftrieufe & capable de méditation des idéés plus étendues. II prit deux dia¬mants, les monta fur du ciment, les égrifa 1’un contre 1’sutre,. £e ramaffa foigneufement la poudre qui en provint; enfuite a 1’aide de certaines roues de fer qu’il inventa, il parvint par le moyen de cette poudre a polir parfaitement le diamant, & a le tailler de la maniere qn’il le jugeoit a propos; il eh
fit fortir par les facettes ces jeux de feu , qui éblouiffant les yeux, jettent un éclat fi brillant. Une fi bene découverte piqua vivement la magnificence des Grands, qui ne connoiffoient dans le diamant que des bruts ingénus, des pointes naïvesf d angles gr facet- tes tranfparehtes, tirant fur le noir, fans beaucoup de jeu ni de vivacité , n’ayant-. prefque d’autre effet que des morceaux d’a- cier uni, tels que 1’agraffe du manteau qui fert au Sacre de nos Rois ( qu on croit être dü têmps de Saint Louis J, & ceux de phï-
fieurs Reliquaires ornés de pointes naïves ? ijoires & fans agrément pour la vue, que I on voit dans les tréfors de nos plus riches Eglifes.
Bs Forïgïne Cette découverte étoit encore dans fa de eet ufage. prjmeur * Jorfque Francois 1, curieux d’Hif- toire Naturelle, & fur-tout appliqué a la connoifiance des métaux & des pierres , occupé des foupqons d’infidélité qu’il crai- gnoit d’éprouver de la part d’Anne de Piffe- leu , fa favorite , ótDucheffe d’Eftampes , effaya de graver fur le verre avec le diamant de fa bague , la rime qui fuit , & qui fe voit peut-être encore dans un cabinet de fon chateau de Chambord, a cóté de laChapelle:
Souvent femme varië,
Mal habil qui s’y fie.
L’effet de 1’imprefiion d’une des pointes de ce diamant fur le verre, fe fit remar- quer non-feulement par la gravure des ca- ra&eres qui y refterent tracés, mais encore par le jour qui s’étant fait fous les traits, laiflerent appercevoir que les parties en étoient défunies & coupées ; ainfi un nou- vel hafard prouva que le diamant étoit très- propre a couper Ie vérre, & donna lieu fans doute a 1’ufage qu’on en fit par la fuite a eet effet. Les recoupes qui reftoient de la taille des diamants, devenus plus a la mode, & les plus petits de ces diamants qui ne purent fouffrir ïégri/age & la taille, furent appliqués a eet ufage (a).
Ils devinrent d’autant plus utiles que le verre devenant plus mince de jour en jour avoit befoin pour être coupé , fans dom ma¬ge , d’un outil plus léger, & qui par-la con- venoit d’autant mieux a cette légéreté de main , fi néceffaire a un Vitrier.
Entre les differences couleurs de dia¬mants ; car il y en a de blancs, qui font les plus eftimés dans la Joaillerie, d’incarnats, de bleus couleur de faphir, de jaunes, de verds de mer ou feuille morte; 1’expérience fait préférer par les Vitriers ceux qui font de couleur incarnate, ou qui en approchent le plus, & qui (comme ils difent) font de couleur de Pinaigre.
Ces petits diamants fe vendent chez les Lapidaires, au poids de grain. Les plus efti- mables font ceux dans lefquels une bonne vue peut découvrir plus de pointes ou de coupes; paree que ces pointes étant plus ou moins fujettes a s’adoucir par un long ufage, un diamant qui a plus de pointes peut four- nir plus de coupes.
Be ïa rna- Autrefois les Vitriers plus jaloux de leur monter2 & biduftrie montoient eux-mêmes leurs dia-
{a} On appdle Diamants de Bsrd, ces petits diamants qui font ordinairement bïtins.
UT TRIER,
mants dans des viroles de fer rondes; qui de s’en venant en diminution vers leur pointe, fe ter- vir‘ minoient vers le haut par un manche de buis, ou d’ébene, ou d’ivoire, a leur choix.
Ils fe fervoient pour inférer Ie diamant dans le creux de la virole, de cire d’Efpa- gne qui fe contenant dans une confiftance mollaffe dans la virole qui avoit été chaufi* fée, leur donnoit le temps de les tourner & retourner fur les pointes ou coupes qu’ils ’ croyoient les plus avantageufes , jufqu’a ce qu’ils euffent bien rencontré pour la pofi- tion de leur main. Les uns, en effet, en coupant le verre ont le poignet plus orï moins renverfé; ou en devant, ce qui dénote une main pefante , ou en arriere , ce qui procure plus de légéreté; ou fur le cóté hors de la regie , ce qui fait varier la coupe ,
& eft bien moins sur; ou en penchant fur la regie, ce qui donne a la main plus d’appui , par conféquent plus de sureté, & a la coupe une direction plus égale. Dela vient qu’un Vitrier peut rarement & difficilement fe fer- vir du diamant d’un autre.
Depuis quarante ans, au plus, quelques Vitriers qui éprouvoient a leurs dépens que leur main étoit moins sure , crurent fe pro¬curer un expédient plus utile en faifant en- chaffer cette virole dans une autre , fur laquelle du cóté de la coupe étoit brafée une petite plaque d’acier qui leur fervoit de conduite; & c’eft le nom qu’ils donnerent a cette nouvelle monture , qu’ils trainoient au long de la regie.
Enfin depuis une vingtaine d’années, ils ont confié le foin de monter leurs diamants a des hommes , qui admits a faifir la pen te naturelle de la main de ceux qui les em- ployoient, fe font fait une profefiion de Part de monter les diamants , a 1’ufage tant des Vitriers que des Miroitiers. Ces hom¬mes , la plupart Vitriers eux-mêmes, inven- terent des montures d’une nouvelle forme , dont la virole de cuivre, dans laquelle iïs enchaffent le diamant avec de la foudure d’étain fondu , eft enfermée dans un fut d’a¬cier, au travers duquel elle paffe. Ils donne¬rent a cette monture le nom de Rabot. Le cócé plat qui frotte le long de la regie, fe trouve parallele a la coupe ou pointe du dia¬mant, fuivant la flexion habitueile du poi¬gnet de celui qui doit s’en fervlr, & pour lequel on a eu intention de le monter.
On tient le diamant comme la plume pour écrire, avec cette différence néanmoins qu’au lieu que la plume paffe entre le pouce & le fecond doigt, le manche du diamant doit paffer entre le fecond & le troifieme doigt qui lui fert de conduéteur, pendant que le pouce lui fert d’appui, le fecond doigt qui tombe négligemment fur le man¬che fervant uniquementa 1’entretenir dans fa jufte pofltion.
III. PAR TIE de I’Art
On juge de la bonté d’une coupe, lorfque blant avec un cri, ni trop aigre, ni trop doux, fur Ie verre qu’elie preffe, elle y forme une trace noire, fine, qui s’ouvre len- tement, & devient, lorfqu’elle eft ouverte, aufii claire qu’un fil d’argent, fans laiffer fur la furface du verre aucune pouffiere blanche : car alors le verre ne feroit que rayé fans être coupé. Il ne faut pas non plus que la coupe ouvre trop, pour lors 1’air s’in- troduifant trop vite dans la premiere ouver¬ture que la pointe du diamant auroit faite dans le verre, il y auroit danger que venant a fe cafTer , il ne prit en fe fratlurant toute autre route que celle qu’on vouloit lui tracer avec la pointe du diamant. Enfin le Ineiileur indice de la bonté d’une coupe ; c’eft lorfqu’après la défunion des deux mor- ceaux qui ont été coupés, on fent au long de la tranche qui forme leur féparatión, que les deux furfaces de chaque divifion font unies; toute coupe rabot'eufe étant fujette a former des langues qui peuvent cfevenir rui- neufes au Vitrier.
Au refte, les mêmes diamants ne mor¬dent pas également fur toutes fortes de ver- res. Tel diamant eft propre a couper le verre èommun, qui ne preffe point le verre blanc, celui-ci étant ordinairement plus dur. II y a même dans le verre commun , du verre fee comme le grais, fur lequel la coupe la plus vive ne fait que blanchir (a ).
Get outii, depuis fa découverte, eft deve- nu le premier terme de 1’induftrie du Vi¬trier ; il eft de 1’état conftkutif de ce Mé¬tier. Son ufage , comme de droit, femble ne devoir être autorifé en d’autres mains que dans celle des Ouvriers , dont 1’état eft de tailler le diamant, comme les Lapidai- res, ou dont la profefilon fert en détaillant fur des matieres vitreufes, comme la glace, le cryftal, le verre, &c.
Du gréfoir Peut mettre > entre les ou-
’ tils propres a couper le verre , ou au moins a le difpofer a la jointure qui doit s’en faire avec le plomb. Nous avons déja parlé de eet outii, que les Italiens nomment Gri-
( a 'l C’eft a la coupe qu© Pon reconnoit Ia bonte' de Ia recuiffon du verre en plats. Un plat de verre mal re- cuit fe coupe difftcilement. Le diamant y prend naai; ïe trait s’ouvre avec peine; fouvent il fe caffe &: fe met en pieces avant que ie trait foit ouvert. La main qui foutient le plat de verre en Pair pour en diriger Ia coupe & la faire ouvrir, en Ie frappant fe trouve alors repouf- fe'e pat les morceaux qui fe détachent du plat, , a-peu- près comme elle Ie feroit par unreffortqui fe débande- roit. La raifon de ce phe'nomene eft le réfroidiffement trop fubit du verre, dont les parties ont fouffert un degre de contraction , qui en a fait comme de petits refforts bandés, qui, venant a fe débander par Ia preffion de la pointe du diamant ou par les efforts que Pon fait pour Pouvrir, font un effet différent; car quelquefois le plat éclate par morceaux, queiquefois Ie trait, que la pointe du diamant y a empreint, s’ouvre dans toute fa longueur avec une rapidité incroyable. Que de rif- que en coupant de tel verre 1 car outre la perte de la marchandife, combïen y a-t-il de Vitriers eftropie's ou du moins bleffés par de tels accidents!
de Peindre Jur J/errè. zo?
fat oio ou Top o, paree qu’il ronge & mord lè verre.
Il y a de plufieurs fortes de gréfoirs, qui ne différent 1’un de 1’autre que par la grof- feur, Les plus petits que 1’on nomme Ca- voirs, fervent a ronger les contours circulai¬res & les angles des pieces percées & évui- dées de toutes figures qui entrent dans la compofitiqn des pieces de verre eri entrelacs ou dans les rempliffages ou fonds de ces mêmes pieces dans les chef-d’oeuvres.
Féiibien mettoit encore au rang des outils du Vitrier , une pointe d’acier propre a percer des pieces de verre d’un feul morceau dont on remplit enfuite le vulde, en les joi- gnant avec le piomb, par un autre mor¬ceau de verre de la même configuration que le vuide. On a trouvé pour eet effet urï expédient plus aifé & plus sur, en fe fer- vant d’une pointe de diamant monté en foret fur un archet; ouvrage de fantaifie, qui fuppofe dans le Vitrier beaucoup de loifir & de patience, de légéreté de main & da- dreffe , dont la pratique étoit néanmoins tres - fréquente & plus néceffaire dans les vitres peintes des quinzieme & feizieme fie- cles, & fe foutient encore dans plufieurs Villes de France, ou 1’on donne aux afpi- rants des chef-d’oeuvres , dans lefquels il fe trouve de ces pieces très-difficlies dans leur exécution. C’eft une regie indifpenfable en matiere de chef-d’oeuvre de Vkrerie, que toutes les pieces en foient terminées par la groifure,
Le plomb que le Vitrier deftine a join- .dre fes pieces dë verre taillées dans 1’ordre que demandent les différentes fa^ons de vi¬tres } ne doit être ni trop aigre ni trop doux. Trop aigre, il eft plus fujet a avancer la ruïne des rouets Ou üre-plombs; a fe caffer, non-feu- lement, lorfqu’on le tire pour 1’employer , mais même après 1’emploi, au collet de la (oudure, Trop doux , ou il fe pliffe, en s’al- longearit dans le tire-plomb, ou il fe coupe y en paffant entre les couftinets , qu’il engor¬ge, a moins qu’on n’ait foin d’en retirer de temps en temps les bavures qui s’y amaffent; ce qui fe fait , en faifant mouvoir les pi- gnons a rebours, ou bien il fe chiffonne eri 1’employant.
C’eft pour cela que les Vitriers ont foin y lorfqu’ils font prêts de fondre leur vieux plomb , de Vénouer , c’eft-a-dire , d en fépa- rer tous les noeuds de foudure, qui rete- noient les différentes branches de plomb dans la jointure des vieux panneaux qui leur font rentrés , ou pour les remettre en plomb neuf, ou pour en faire des neufs. Ils cou- pent, a eet effet, avec des cifeaux tous les noeuds de foudure, & les mettent a part. Si on les fondoit avec le plomb pêle-mêle , ils le rendroient trop aigre. Ces noeuds ainfi mis a part, entrent dans la eompofitron da
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la foudnre comme nous le dirons en fon temps: le plomb étant ainfi enoue, on y ajou- te, en le faifant fondre, telle partie.de plomb neuf que 1’on juge a propos pour rendre le plomb moins aigre. On fe fert, a eet effet, d’une marmite de fonte de fer plus ou moins grande , fuivant les fontes que le Vitrier eft dans Fhabitude de faire. Les plus grandes marmites ne contiennent guere que fix a fept cents livres pefant de plomb fondu. On pofe cette marmite le plus de niveau qu’il eft poffible , fur un trépied plus ou moins fort, a proportion que la capacité de la marmite eft plus ou moins grande j de maniere que la marmite ne penche pas plus fur un cóté que fur Fautre , & qu’on puiffe la remplir également. On entoure ordinaire- ment le trépied de gros pavés de grais, qui maintiennent la chaleur, & qui tiennent toujours le bois élevé, de maniere que la flamme entoure •& chauffe le haut de la mar- mite, pendant que la braife en échauffe le fond. Quelques-uns élevent autour de la marmite, & jufque vers le bord un mur de brique, en laifTant un efpace de trois poli-ces entre Fun & Fautre pour mettre le bois. Ils pratiquent vers le bas, fur le devant, une ouverture d’environ huit pouces en quar- ïé , pour laiffer écouler le plomb, qui peut tomber dans le foyer en rempliffant la mar¬mite , & pour donner au feu plus d’adivité. Le bois qu’on emploie pour fondre, dolt être fee & de nature adonner plus de flamme que de braife. On remplit continuellement ia marmite a fur & a mefure que le premier plomb qu’on y a mis eft fondu. Lorfque la marmite eft pleine, c’eft-a-dire, a 2 ou 3 doigts au-deffous du bord, on agite avec tine buche de moyenne groffeur les cendrées êt le fable qui furmonte le plomb fondu. Alors on jette fur ces cendrées petit a petit
des morceaux de vieux fuif qui venant a fe fondre avee elles prennent aifément feu , & les brulant, en décachent vers le fond de la marmite ie plomb qui s’y trouvoit encore mélange , & fervent a 1’adoucir. Lorfque les cendres commencent a rougir, on en diminue peu a peu le volume, en les retï- rant de la marmite avec une petite poële per- cée en forme d’écu moire a manche de bois arrondi, qu’on agite au-delfos de la mar¬mite, afin que Ie plomb fondu , qui pour- roit s’y trouver mêlé y retombe. Le plus gros de ces cendrées, qu’on jette a part dans un des coins de la cheminée ,. ou dans quel- que vaifleau qu’on y difpofe a eet effet, afin que la fumée qui s’y évapore , incom¬mode moins les Fondeurs, étant ainfi enlevé, on continue de remplir la marmite, jufqu’a ce qu’elle fe trouve pleine de plomb fondu; on recommence a écumer en détachant du fond de la marmite la cendrée qui auroit pu s’y attacher. Alors le plomb paroiffane
plus fort fur le manche, en rempliffant la lingotiere de plomb fondu.
On emplit la lingotiere de plomb fondu avec une-cuille< de fer, a manche de bois arrondi , au bord de laquelle on a pratiqué un bec, pour , après avoir puifé le plomb dans la marmite , en écartant toujours la cendrée, qui s’éleve fur la furface, y verfer le plomb. On le verfe lentement & de plus haut, fi le plomb ou la lingotiere fe trou,- vent trop chauds; plus vite, fi 1’on s’apper- coit qu’il refroidit.
Dans le premier cas, le plomb fuyant, au lieu de féjourner dans la lingotiere, les creux du moule ne fe rempliront pas. Dans le fecond, le plomb venant a fe figer ne des¬cend pas jufqu’au bas du moule, & ne le rem- plic pas. Il eft très-avantageux de remédier de bonne heure a ce dernier inconvenient, en ranimant l’a&ivité du feu; autrement, il feroit a craindre que le plomb fe figeant dans la marmite ne fe convertit en une maffe , qu’il feroit difpendieux de liquefier de nouveau.
C’eft auffi de la fermete du poignet de celui qui remplit fon moule, que dépend la perfection des lingoes.
Plus la lingotiere eft jufte & fermée v-ers fa charniere, plus la partie d’en haut s’ou- vre facilement, comme par une efpece de Telfort , lorfque ceffant d’appuyer fur le manche on lache la bride, & féparant les deux parties, on gliffe le couteau d’un des cótés du manche pour détacher ies lingots de ieurs creux, & ies en retirer.
Une lingotiere donne trois lingots, dont Tun eft féparé de 1’autre par un plein d’une ligne & demie de face oy environ entre cha- que creux; mals ils fe réuniffent vers le haut dans toute la largeur du moule par une tête qui s’y forme, lorfqu’il eft rempli»
On coupe cette tête ou avec des cifailles folidement retenues fur le banc du tire-plomb> ou fur un billot avec un maillet, & un fer- wioir quand on veut féparer les trois lin¬gots 1’un de 1’autre.
Si les deux parties de la lingotiere n’ont pas été affez ferrées 1’une contre 1’autre , le plomb qui s’extravafe du creux des lingots, lorfqu’on emplit la lingotiere , formera de fortes bavures, que Von eft obligé d’enle- ver avant que d’en faire paffer les lingots au rouet ou tire plomb, & qui s’enlevent avec d’autant plus de peine qu’elles font plus épaiffes. Ge n’eft pas que quelque precau¬tion que 1’on prenne, il ne refte toujours quelque fuperfluité a enlever fur les cótés du lingot. Cette opération s’appélle doler le plomb , & fe fait en paffant un bout de latte dans la ceinture du tablier , qui, affermi contre les bords de la table, recoit le bout de la verge de plomb a laquelle il fert d’ap- pui, pendant que tenue, par 1’autre extré-
peu Yais du genou gauche , on porte promptement la cuiller vers Fextrémité des trois feuillets 9 pour y recevoir ce qui fe trouve de trop de foudure fondue $ apres ce qui a fuffi pour en former trois branches , en s’arrêtant dans le feuillet , ou elle fe re- froidit; ainfi de feuillet en feuillet jufqu’a la fin. Plus la foudure eft chaude, moins elle s’étale dans le feuillet 9 & moins la branche eft large ou épaiffe. Une branche de foudure bieny’mó?, ne doit avoir au plus que trois lignes de large, & Fépaiffeur dun fol marqué. Gette opération eft longue; car dans le cas ou elle feroit de cent livres de foudure, elle feroit capable d’employer au moins deux tiers de jour de deux Ouvriers, dont au moyen de deux ais , Fun jetteroit les branches, & 1’autre les détacheroit du premier ais , pour les dreffer & en faire des paquets , pendant que fon camarade empli- roit le fecond ais , & ainfi fucceflivement.
11 eft intéreffant d’entretenir toujours la foudure dans la marmïte dans un même de- gré de chaléur. Trop froide, elle fe fige a Fentrée du feuillet, ne coule pas , ou donne des branches trop épaiffes> ce qui emgêche TOuvrier de fouder proprement; trop chau¬de , elle donne des branches trop menues, qui donneroient au plomb le temps de fe fondre lui-même fous le fer, avant qu’il eüt recu la quantité de foudure qui doit le join- dre, fans le dilfoudre.
La lingotiere, dont nous avons donné la defcription & la maniere de s’en fervir, peut a bon droit être confidérée comme un refte de 1’ufage le plus ancien pour employer le plomb dans la jointure des vitres. Rien en effet ne reffemble tant au plomb que les anciens Vitriers y employoient, & qu’ils appelloient -plomb a rabot, que les lingots qui fortent de ces moules, a la vérité beau- coup plus gros, mais dont nous avons trou- vé le moyen de diminuer le volume en les allongeant & les prelfant par Fufage du rouet ou tire-plomb,
Quoiqu’on ne puilïe pas établir précifé- ment le temps oü les tire-plombs paflerent en ufage dans la Vitrerie , on peut néan- moins avancer que leur invention ne remon¬te pas plus haut que les dernïeres années du feizieme fiecle. Ce n’eft en effet que de ce temps qu’on voit des panneaux de vitres joints avec un plomb plus foible; c’eft-a- dire, moins épais dans le cceur & dans les ailes que celui des fiecles précédents, ce qui femble annoncer Finvention d’un outil plus expéditif que le rabot, & qui, ména- geant plus de temps ou de matiere donna plus de foupleffe au plomb, & au Vitrier plus de facilité pour Femployer.
Une tradition confervée dans une familie de Lorraine , qui eft encore de nos jours très-induftrieufe dans le méchanifme du tire-.
plomb, nous apprend que la connoiflance de cette machine lui étoit venue des Suiffes Vitriers qui s’en fervoient en courant, com¬me on dit, la lozange , dans 1’Alface , la Lorraine & la Franche-Comté , ce qu’ils font encore de nos jours. Un des aïeux de cette familie , nömmé Haroux, célebre Armurier , établi a Saint - Mihel, ayant examiné de prés cette machine , en connut Futile, en corrigea le défeéfueux, en pólic le groffier, & la porta a un degré de per¬fection, oü depuis ce temps on a bien pu Fimiter, fans le furpaffer.
Cette machine, telle quelle fort des mains des defcendants de Haroux, fe nomme tire- plomb d’AIlemagne.
Avant de rendre compte de la maniere dont nos Francois chercherent a la Ampli¬fier , nous allons donner la defcription du tire-plomb d’Allemagne,
Les détails que nous donneróns fur fa conftruétion, ne ferviront pas peu a faire con- noitre la maniere de le gouverner , les cau- fes de fes dérangements, & les moyens d’y remédier. C’eft ce que nous allons tacher de faire, non en Philofophe, pour qui il eft intéreffant de faire des recherches fur la vraie méthode de déduire des loix du mou¬vement des principes pratiques de la mécha- nique, mais en Ample Vitrier, quiconnoif- fant par Fexpérience , & les obfervations qu’elle lui fait faire, la portée de ces mêmes principes en ce qui concerne fon Art , s’eft mis en état de combiner, & de prévoir les effets des inftruments qui lui font propres , avec une certitude convenable a fon état, laiffant aux premiers ces recherches qui ne font pas toujours néceffaires aux progrès des Arts.
Le tire-plomb d’AIlemagne eft compofé de deux jumelles ou plaques de fer trempé 9 de cinq a fix pouces de hauteur, de dix- huit a vingt lignes de face, & de fept a huit lignes d’épaiffeur.
La jumelle de devant eft terminée par le bas par une efpece de patte prife dans le même morceau, mais amincie pour lui don¬ner plus de face : cette patte eft aufli haute que 1’épaiffeur du banc, fur lequel on doit monter le tire-pied.
Ce banc qui doit être d’un bon coeur de chêne , ne peut être trop folidement arrêté. La patte de la jumelle de devant doit être percée de trois trous ( 2 & i ) , pour rece¬voir les trois vis en bois qui aflujettiflent le tire-plomb fur le banc, & Fy retiennent dans un jufte niveau.
Cette jumelle n’eft point fujette a être démontée fréquemment de deffus fon banc auquel fa patte la tient appliquée ; mais bien la jumelle de derriere qui porte fim- plement fur le nud du banc fans y être retenue par aucun empattement.'
Ces deux jumeiles fe joignent enfemble par deux entre-toifes a vis & a écrous fur la jumelle de derriere , & rivée fur celle de devant, ce qui donne la facilité de féparer la jumelle de derriere toutes les fois qu’il s’agit de changer les pieces qui gar- niffent Pintérieur du tire-plomb. Nous ren- drons compte fucceffivement de ces diffé- rentes pieces.
Chaque jumelle eft percée a égale dif- tance des entre-toifes de deux trous garnis chacun dans fon épaiffeur dun dé d’acier calibre en rond fur le diametre des arbres qui doivent y rouler. Entre ces deux trous de chacune defdites jumeiles eft ajufté & folidement rivé fon porte - couflinet entaillé dans le milieu, de la largeur du couflinet qui doit y être inféré, de maniere que quoi- que amovible a volonté, ce couffinet ne foit fufceptible daucune variation, lorfque la machine eft en mouvement.
Chaque couflinet doit être de fer de la trempe la plus dure, qu on nomme trempe au paquet. La hauteur de chacun des deux couffinets doit être de Pefpace qui fe trouve entre les trous des jumeiles dans lefquels les arbres doivent rouler, échancré en rondeur vers le milieu pour le jeu defdits arbres. Un couflinet doit avoir deux engorgeures 9 une plus évafée 6c plus enfoncée vers Pentrée du lingot qui diminue de face 6c augmente d’épaiffeur dans Pendroit ou la verge de plomb acquiert la face qu on veut lui donner en largeur, c’eft-a-dire, ou pendant que les roues le fendent, les couffinets en pref- fent les ailes entre les deux ourlets ( ce qu’on appelle la cote des couffinets ) , 6c dirigent la verge vers fa fortie par Pautre engorgeure moins haute, moins évafée & moins enfoncée que la précédente.
Il eft d’ufage de donner aux couffinets une certaine épaiffeur qui empêche que les ju¬meiles ne joignent les entre-toifes qui doivent laiffer un vuide d’une ligne 6c demie au moins entr’elles 6c la jumelle par laquelle paffent les vis. Ce font les couffinets qui donnent a la verge de plomb tirée la lar¬geur 6c la force défirée. Ainfi Pon peut avoir fur un même tire-plomb autant de paires de couffinets y ajuftées que Pon veut fe procurer de différentes fortes de plomb plus ou moins larges de face, ou plus ou moins épais aux ailes, ou avec un plus ou . moins fort ourlet. Il y a auffi des couffinets deftinés a former ces petites branches de plomb nommées communément des attaches ou liens , qui foudées fur le panneau aux endroits convenables embraflent les targettes ou verges de fer qui fervent a fupporter le panneau. Cette invention a été habilement fubftituée a ces moules femblables a un go- frier dans lefquels les anciens couloient plu-
fieurs de ces hens ou attaches a la fois.
Ces couffinets faconnés comme les pré- cédents, ont plus qu’eux vers le milieu un avant-corps d’environ une ligne d’épaiffeur pris dans le couflinet même. Cet avant-corps reffemble affez a un grain d’orge, dont il a pris le nom. Sa pointe regarde le milieu du couflinet du cöté de fa plus grande engor¬geure. Cette pointe aiguë 6c tranchante ainfi que fes cótés, fert a prendre fur les ailerons du lingot, ce qui dans les autres couffinets formeroit les ailes de la verge de plomb, pour en faire a droit 6c a gauche deux Branches de liens de chaque cöté ; pendant que Pentaille faite 6c pratiquée dans le milieu du grain d’orge auffi tranchante que fes cotés fert a divifer le coeur du lingot d’avec le lien. Chaque lingot par ce moyen forme quatre branches qui s’alongent jufqu’a deux pieds & demi 6c plus fur une ligne 6c demie de face, & une demi-ligne au moins d’é- paiffeur. Quelques Vitriers fe fervent du coeur lorfqu’il eft détaché des quatre autres branches, comme d’une cinquieme branche; ils coupent enfuite ces branches avec des petites cifailles, a la longueur de trois ou quatre pouces, fuivant la groffeur des verges qu’elles doivent entourer.
Les couffinets étant les pieces du tire- plomb qui s’ufent les premieres, a caufe de la frequence des frottements, font plus fujets a fupporter des rafraichiflements. C’eft ainfi que les Ouvriers en tire-plomb nom¬me nt le rétablifTement en neuf qu’ils font foit aux couffinets, foit aux roues , qu’ils font obligés de détremper a cet effet, pour les refouler, les relimer, 6c les mettre dans leur premier état, en les trempant de nou¬veau.
Or cette opération emportant toujours quelque chofe fur 1’épaiffeur du couflinet, empêcheroit a la fin,fans la précaution fufdite, l’a&ion des écrous qui fervent a preffer les parties du tire-plomb, en les tenant toujours dans un point jufte entre-elles. La jufteffe de ce point eft effentielle pour mettre le lingot a tirer dans un état oü les ailes ne fe cou¬pent, ou ne fe pliffent point, ce qui arrive quand elles font trop preffées entre les roues par les couffinets, ou qu’elles ne prennent trop d’épaiffeur, ou qu’elles ne forment des bavures ou dentelles fur l'ourlety ce qui arrive lorfque le tire-plomb eft trop lache.
Le tire-plomb dAllemagne eft en outre compofé de deux arbres ou eflieux de fer trempé auffi dur que les couffinets. Celui d’en-haut fe termine du cöté de la jumelle poftérieure en une forme ronde juftement calibrêe fur le dé d’acier qui garnit le trou de la jumelle , que cet arbre doit traverfer. Quarré dans fon milieu , on y introduit une roue, dite auffi la bague, trempée comme les couffinets, percée quarrément dans fon milieu a la mefure jufte du quarré de 1’arbre
qui lït reqoit 3 hachée fur fes deux faces de quelques coups de lime, & taillée fur fon épaiffeur de demi - ligne en demi - ligne pour lui donner plus de prife fur 1’épaif- feur du milieu du lingot qui doit former le coeur de la verge de plomb.
Cette roue ou bague placée dans fon lieu y eft retenue par un chaperon pris du même - morceau de 1’arbre qui 1’empêche de s’echap- per. C’eft d’après ce chaperon que eet arbre fe termine fur la jumelle de devant par une partie ronde qui 1a traverfe , comme dans celle de derriere ; & enfin d’après Fépaiffeur de ladite jumelle, par une partie quarrée dans laquelle paffe un pignon retenu en
fon lieu par un écrou.
L’Arbre d’en-bas eft en tout femblable au précédent, pour fa faculté de rouler dans les jumelles, de recevoir dans fon quarré une roue ou bague femblable a celle de l'arbre d’en-haut, a. la réferve qu’il doit être plus long fur le devant; paree qu’il doit porter plus que lui la manivelle qui s’y ajufte au devant du pignon, & doit être retenue par une vis a écrou.
Ces roues ou bagues qui doivent occuper le milieu du corps du tire-plomb , doivent être exa&ement rondes & paffées au tour, ainfi que la partie ronde des arbres. On donne a ces roues ou bagues Fépaiffeur que 1’on défire donner a ia chambrée de la verge de plomb tirée, pour y loger un verre plus ou moins épais; comme la diftance qui refte entre-elles perpendiculairement fert a former ce que Fon nomme le cceur de ladite verge; plus fort, fi elies font plus éloignées Fune de Fautre ; plus mince, lorfqu elies fe rap- prochent davantage. Au refte un des princi- paux foins d’un Ouvrier en tire-plomb eft de difpofer routes chofes de maniere que le cceur du plomb foit exa&ement placé dans le milieu de la verge , & que chaque cóté des alles ne foit ni plus haut ni plus bas que Fautre.
Enfin les pignons a qui la manivelle donne le mouvement néceffaire pour Feffet qu’on en attend , doivent être comme les couffi¬nets & les autres pieces, d’une bonne trempe. Ils font ordinairement a douze dents qui doivent être exaHement taillées a diftances & formes égales, & s’engrener très-jufte, fans fotmer aucun fautillement ou cahot, très-nuifibles a la machine, & a la verge de plomb qu’elie produit.
Ces fautillements ou cahots qui fe font fentir en abattant ou en relevant la mani¬velle, peuvent être encore occafionnés par le défaut de rondeur des arbres, ou des trous par lefquels ils paffent : de-la vient fouvent, comme du même défaut, lorfqu il fe trouve dans les roues ou bagues, cette inégahté qu’on remarque dans Fépaiffeur du coeur de la verge de plomb, qui la rend
fujette a fe caffer lorfqu’on la tire pouf Fallonger, ou a fe percer quand on l’ouvre avec la tringlette , ou a rejetter un bon ouvrier dans Ia conduite de fon Ouvrage.
Quant a la manivelle, elle eft ordinaire¬ment de fer, formée en 5, de dix-huit pouces de longueur, fe termine en faillie par un manche de fer de fept a huit pou¬ces de long, recouvert par une poignée de bois arrondie & tournante autour de fa tige, rivée au bout par une petite plaque de fer ou de cuivre, que les deux mains puiffent embraffer, une deffus, Fautre def- fous, pour la faire mouvoir.
C’eft cette manivelle qui fait tourner I arbre d’en-bas, par le moyen de fon pignon, qui s’engrenant dans celui de deffus, fait aufii tourner /’ arbre d’en-haut; alors le lingot de plomb fendu dans le milieu, par les roues qui en forment le coeur, paffe entre les couffinets qui en preffent les ailes & les applatiffent des deux cótés, & a propor-tion que les engorgeures des couffinets font plus ou moins enfoneés, donnent a la verge de plomb des ailes plus ou moins épaiffes.
Outre les pieces que nous venons de décrire comme appartenantes au tire-plomb d’Allemagne , il eft encore des pieces dou¬bles , qui doivent commencer 1’opération , & que , par allufion a la reffetnblance qu’el- les ont avec Fancien plomb a rabot, on nom¬me encore parmi nous pieces de rabot ou dbembauche.
Ces pieces, dont Fagencement ia for¬me eft la même que dans celles que nous venons de décrire, confiftent en deux roues de Fépaiffeur d’une ligne & demie ou en¬viron, deftinées comme les précédentes a fendre le plomb par le milieu , & en deux couffinets dont les engorgeures plus enfon- eées forment des ailes plus épaiffes que dans la verge de plomb qu’on fe propofe d’em- ployer pour joindre les vitres. Ainfi un lingot de plomb de douze a treize pouces que les pignons mus par la manivelle font filer fous ces roues entre les couffinets d’em- bauche, s’alonge par cette premiere opé- ration, jufqu’a deux pieds&plus, fuivant la groffeur & la longueur du lingot : fur quoi j’obferve, en paffant, que les aile¬rons d’un lingot ne doivent point être trop hauts, ce qui occafionneroit aux couffinets des frottements trop rudes ; ni trop appla- tïs ou trop épais, ce qui fatigueroit trop & les roues qui le fendent & les couffinets qui le preffent.
Cette premiere opération qui n’eft pas la plus pénible, s’appelle tirer des embauches* On peut en tirer une certaine quantité par provifion, lorfque Fouvrage preffant moins d’ailleurs donne au Vitrier plus de loifir.
On garde ces embauches, ainfi que les lin gots enfermés dans un cofre, ou ils ne foient
tige quartée qui doit recévoir la manlvelle $ qui n’y eft point retenue> comme dans le Tire-plomb d’Allemagne, par un écrou a vis* II n’eft pas néceffaire de répéter ici ce que nous avons dit fur la fon&ion des roues de ces arbres : elle eft la même que dans le Tire-plomb d’Allemagne, ainfi que celle des couflinets, beaucoup plus étoffés dans les Tire-plombs Francois; ils font retenuS fur chacune des jumelles, ou ils font ap- pliqués par des tenons ou queues faillantes qui entrent jufte dans des entailles prati- quées dans fépaiffeur des jumelles. On voit par ce que nous avons dit plus haut, que les pignons , au lieu d’être fur la jumelle de devant, comme dans les Tire-plombs d’Al¬lemagne , faillent fur la jumelle de derriere ; mis en mouvement par la maniveile, ils produifent par une feule opération le même effet que le Tire-plomb d’Allemagne produit en deux; en forte qu’un lingot de plomb de 12 a 15 pouces, paffé une feule fois pat le Tire-plomb de France, fournit une verge de plomb finie de cinq pieds plus de lon¬gueur , felon que le lingot eft plus ou moins fort t ou que la verge de plomb aura plus ou moins de face ou de force.
On fent aifément par la comparaifon de ces deux machines, que la main-d’oeuvré du Tire-plomb Francois doit être bien plus pénible pour celui qui le fait mouvoir; que par conféquent toutes fes pieces, bien plus fujettes a s’échauffer dans l’aêtion , doivent être d’un volume plus fort, pour, avec la dureté de la trempe, qui leur eft ff nécef¬faire , être plus en état de réfifter a la plus forte preflion qu’exige cette unique opération, & aux frottements qu’elle leur fait éprouvet avec plus d’inftance.
II n’y a que les pignons & les roues qui, n’ayant pas plus de dimenfion & de force que ceux & celles du Tire-plomb d’Alle- magne , font aufli plus fujets a fe caffer & a s’égrener.
Ces accidents, a la vérité, feroient plus rares, ff on ne paffoit dans un Tire-plomb quelconque que des lingots moulés dans une lingotiere faite expres pour le Tire-plomb.
Les Tire-plombs Francois s’arrêtent fut le banc avec quatre vis en bois, qui paffent au travers des trous percés dans chaque em- pattement des deux jumelles; ou bien , ce qui eft beaucoup plus folide, ils y font retenus par des montures qui fe terminent en-haut par unT, & qui, ferrant de chaque cöté les deux empattements, & paffant a travers 1’épaiffeur du banc, font arrêtées pat de forts écrous a vis contre ce banc, que Pon garnit jen deffus d’une forte femelle de fer 9 contre laquelle 1’écrou ferre la vis plus étroitement qu’elle ne feroit contre le bois nud. . r
On pratique en devant du Tire-plomb de Hhh ‘
VART DU UI TRI E R.
France, comme du Tire-plomb dAllema- gne, du cóté de la plus grande engorgeure des couflinets, une plaque ordinairement de cuivre ou de tóle polie, qui s’y applique ou en couliffe fur le bord des deux jumelles, ou par une efpece de reffort ajufté fur 1’en- tre-toife d’en-haut. Au milieu de cette pla¬que eft percé un trou quarré dire&ement oppofé a la fufdite engorgeure. On nomme cette plaque le Conducteur , paree que le lingot de plomb paflant au travers de ce quarré, fe trouve dans un point de direc¬tion qui l’empêche de vaciller a droite ou a gauche, lorfqu’il file dans le tire-plomb, Ce Conducteur facilite aufii aux roues le moyen de prefler également le cosur du lin¬got ou de Yembauche.
Enfin fur le cóté oppofé & vis-a-vis la plus petite engorgeure des couflinets , a fa hauteur, on ajufte une couliffe de bois de cinq a fix pieds de longueur qui reqoit la verge de plomb.au fortir du tire-plomb..
On ne peut ufer -de trop de propreté pour conferver le plomb fondu en lingot > ou tiré en embauches, avant que de le faire paffer au rouet ou tire-plomb : un grain de fable qui s’y rencontreroit, étant capable de faire caffer une roue, d’écorcher un coufli- net ou de faire égrener les dents d’un pi- gnon.
II eft bon auffi de nettoyer de temps en temps avec un linge doux, les pieces d’un tire-plomb pour en enlever une efpece de cambouis qui fe forme autour des pignons des arbres, & quelquefois même des couj- finetS'
Ce cambouïs eft occafionné par le peu d’huile que Von introduit autour de ces pie¬ces , & done on frotte même les lingots de plomb, avant que de les introduce, & par le mélange qui fe fait de cette huïle avec les particules de fer qui fe détachent par les frottements, & la pouffiere qui vole fans ceffe, quelque foin que 1’on prenne de couvrir le tire-plomb, fitöt que Ton ceffe de s’en fervir.
Une légere goutte d’huile fuffit pour oin- dre chacune de ces pieces, & le plus léger frottement d’un lingot de plomb paffé par l’extrémité des doigts que i’huile n’a fait qu’effleurer, eft plus que fuffifant pour le faire gliffer, & diminuer la force des frot¬tements réitérés des furfaces des pieces du tire-plomb, qui s’échaufferoient trop tót, fi on négligeoit de mettre de Phuile.
Mais pourquoi les pieces d’un tire-plomb d’Allernagne, bien moins étoffées que cel¬les d’un tire-plomb Francois (a 1’exception des pignons & des roues qui font les mê¬mes ), font-elles moins promptes a s’échauf- fer ? Pourquoi les tire-plombs d’Allemagne fouffrent-iis plus d’huile' fans rebuter le plomb, que les tire-plombs de France (a) 1 C’eft que les roues ou bagues d’un tire-plomb d’Allemagne étant hachées fur leurs furfa¬ces par des coups de lime en tout fens, Phuile qui en remplit les inégalités les plus groffieres les rend plus liffes & plus propres a gliffer fur les ailerons du lingot, pour accélérer Paétion des couflinets qui les pref fent, pour en former les alles de la verge de plomb tirée ; & que le trop d’huile la retarde dans les tire-plombs de France $ dont, comme nous 1’avons dit ailleurs , les roues font déja trop liffes au fortir de la main de 1’Ouvrier.
Le tire-plomb d’Allemagne a encore eet avantage fur le tire-plomb Francois, que la même carcaffe & les mêmes arbres peuvent fervir , poury tirer des verges de plomb de route forte de calibres, en changeant feu- lement les couflinets fuivant le befoin, & pour donner a la verge de plomb telle chambrée que 1’on veut, en changeant de roues plus ou moins épaiffes.
II y a des tire-plombs d’Allemagne qui peuvent donner des verges de plomb de- puis deux Ügnes, jufqu’a fix lignes de face , & depuis moins qu’une ligne jufqu’a deux lignes de chambrée.
Dans le tire-plomb Francois le change¬ment de couflinets y ajuftés peut bien opé- rer des plombs de faces différentes; mais les roues n’étant pas amovibles , & ne fai- fant qu’un avec 1’arbre, lorfque 1’on a be- foin d’une chambrée plus ou moins large, d’un coeur plus ou moins fort, il faut fur un tire-plomb autant de paires d’arbres qu’on en défire de différentes chambrées, ou coeurs , qui augmentent le prix du tire- plomb, chaque arbre coütant trois livres, & plus felon leur force.
Ces avantages du tire-plomb d’Allemagne fur le tire-plomb Francois , & fur-tout la douceur du premier, bien moins fatiguant que le fecond, confirmés par 1’expérience , ont attiré les regards des Vitriers les plus verfés dans 1’emploi du plomb dans les vitres, fur le fuccès avec lequel le fieur Lamotte, Eleve d’un des defcendants de ce Haroux de Saint - Mihel en Lorraine , dont nous avons parié, fe diftingue dans la Fabrique des tire-plombs d’Allemagne ( mê¬me des tire-plombs Francois , & de tous les outils qui concerne la Vitrerie ). Do¬micilie a Paris > depuis pres de 40 ans, il en fournit des premiers plus que jamais dans la Capitale, óc même pour les contrées les plus éloignées. Les Vitriers ne font pas les feu Is qui connoiffent fon habileté ence genre;
(ƒ) Voyzz les Le§ons de Phyfique de M. TAbbé Hollet» row. i, pag, 117, ÖC tont, IF, pag. 238-
les Savants dans la Méchanique Font honoré de leur eftime en employant fon talent; & feu M. d’Ons-en-Bray a fait placer un tire- plomb de fa facon , entre les machines que FAcadémie des Sciences conferve dans fes Cabinets.
Nous finirons ces defcriptions eft difant que toutes les différentes pieces dont un tire-plomb d’Allemagne ou de France eft compofé, doivent être exa&ement établies & repairées entr elles par des points ou des lettres alphabétiques, tant fur les jumelles, que fur lefdites pieces refpe&ivement; afin que quand on les a démontées} on puiffe les remettre toutes a leur place, fuivant les repaires établis. Ceci demande une atten¬tion fcrupuleufe de la part du Vitrier. Une piece dérangée de fa place, arrêteroit Fef- fet de la machine, & en avanCeroit la deftrudion.
On appelle tourner le plomb, 1’opération qui fe fait par les machines que nous venons de décrire. Les compagnons Vitriers étoient autrefois dans 1’ufage de tourner le plomb qu’ils devoient employer ; mais 1’utilité que les Maitres , fur-tout ceux qui font le plus employés a faire des vitres en plomb, ont trouvée a faire faire cet ouvrage rude & pé- nible par d’autres que leurs Compagnons, les a portés a y employer des hommes forts & robuftes, qui, quelquefois dans une jour- née, en tournent cinq a fix cents lingots, qu’on leur paye au cent.
Nous avons dit qu’on pouvoit tourner fur un même tire-plomb de France ou d’AÏ- lemagne, des verges de plomb de différen¬tes faces , depuis ‘deux jufqu’a fix lignes.
Le plomb de deux lignes ne s’emploie guere que pour les chef-d’ceuvres , dont il prend le nom. Un plomb trop large maf- queroit la délicateffe des entrelacs , & la jufte précifion de la groi/ure. II peut aufïi fervir a joindre dans les vitres peintes, lorf- qu’on les rétablit en plomb neuf, certaines pieces fêlées qui ne font pas trop de remar- que. Dans des têtes, par exemple , il feroit plus a propos & moins diffonant d’en réunir les morceaux a la colle de poiffon fondue dans 1’eau-de-vie, & chaudement appliquée fur Fépaiffeur des morceaux défunis.
Le plomb de trois lignes de face s’em- ployoit autrefois très-fréquemment, lorfque Fufage descarreaux entourésde plomb étoit plus ufité. Ceux qui Favoient accrédité vers la fin du dernier fiecle, fur'-tout dans les Maifons Royales, prétendoient que des car- reaux de verre entourés de plomb, dont les ailes bien relevées par dehors, enfuite ra- battues autour de la feuillure étoient rete- ftues dans fes angles avec quaere pointes, êc contrecollées en dedans avec des bandes de
apier étroites, tenoient les appartements ien plus clos, que ceux qui n étoient que
niy
collés & contre-collés ; maïs les dépenfes plus fréquentes qu’occafionnoit non-feule- ment le renouvellement de ce plomb, mais encore le dépériffement des croifées dans lefquelles Feau de la pluie féjournant dans la chambrée du plomb, & fe répandant dans les feuillures, y croupiffoit & les pourriffoit; la découverte du maftic, qui rempliffoit le même objet, d’une maniere plus sure & moins difpendieufe , paree qu’elle étoit moins fujette a Fentretien, firent profcri- re cet ufage. II eft vrai que cet ufage étoit affez agréable a la vue par dehors, lorfque le plomb étoit neuf; mais fon afpeét deve- noit aufïi difforme, lorfque les croifées fe trouvoient remplies en partie de carreaux anciennement entourés, dont le plomb étoit devenu terne &fale, & en partie de car¬reaux nouvellement fournis , & entourés de plomb neuf, a la place de ce qui s’en étoit caffé.
Au refte, ce même ufage tenoit encore les Vitriers affujettis a des précifions géo- métriques , dans les carreaux cintrés de différentes mefures de certaines croifées , dont les impoftes fe terminoient en éventail, & dont il leur falloit rapporter & équarrir exa&ement les mefures fur la table avant que de les couper & de les entourer de plomb neuf, en obfervant, comme dans les pan- neaux, d’y diminuer Fépaiffeur du plomb qui devoit les entourer.
On ne donne pas a préfent beaucoup plus de face au plomb qu’on emploie dans certaines faqons de vitres , autrefois fi com¬munes dans les croifées des appartements ; auxquelles on fubftitue tous les jours des croifées a grands carreaux : ufage qui en répandant plus de jour a déchargé les pro- priétaires de la dépenfe que leur occafion- noit Fentretien de ces mêmes panneaux, qu’ils étoient tenus de faire rétablir en plomb neuf, lorfque le plomb étoit dégradé par vétufté.
Le plomb de quatre a cinq lignes de face s’emplofoit plus ordinairement dans les fa- cons de vitres , dites lozanges ou barnes cou~ chées 9 peu ufitées ailleurs que dans les Egli- fes ou dans les falies des Hópitaux, ou au- tres lieux publics, oh les grands carreaux par la quantité qui pourroit s’en caffer de- viendroit d’une trop grande dépenfe.
On appelle aufïi ce plomb, plomb a pieces quarrées 9 paree qu’on Femploie par préfé- rence dans cette facon de vitres , ou les pie¬ces devenant tous les jours plus étendues, & par conféquent moins planes, ou plus gauches, elles ont befoin d’une enchaffure plus large.
On ne fe fert guere du plomb de fix li-gnes que pour les lanternes de verre en plomb, ou pour les cloches fur les couches des jardins.
Ce n’eft pas toujours de la largeur de la face d’une verge de plomb que dépend la folidité des vitres. Un bon plomb eft celui qui ayant une bonne ligne de coeur eft fortifié vers le milieu dans fes ailes en s’amincif- fant vers leur bord , pour donner la facilité convenable pour les relever, lorfqu’il s’agit d’y inférer de nouvelles pieces a la place de celles qui fe caffent. Cette efpece de plomb , fur-tout lorfqu’il eft un peu arrondi fur le milieu de fa furface eft d’un tres-bon ufage pour la jointure des vitres peintes, ou le verre plus épais a aufli befoin d’une plus haute chambrée, ainfi que d’une plus forte épaifleur dans le coeur de la verge , a caufe de fa pefanteur.
On lui donne cette rondeur en enfon^ant un peu en creux le milieu de la cöte des coufllnets. Un plomb trop large dans la join¬ture des vitres peintes en rend les contours moins gracieux & plus pefants.
Le plomb de jointure ne doit prefque point avoir d’ourlet fur le bord des ailes; car alors n’étant pas fujet a fe pliïfer, il prend mieux la forme des contours qu’il enchaffe , & leur donne plus de folidité par fon adhéfion. Un plomb plus étroit aflu- jettit le Vitrier a maintenir un panneau de jointure de vitres peintes dans fa premiere forme , lorfqu’il le remet en plomb neuf. Car pour peu qu’il altere avec le gréfoir la premiere ordonnance des pieces, lorfque le tout a été bien mis enfembie dès Ia pre¬miere fois > un plomb étroit décélera bien- tot fa faute , en laiflant appercevoir du jour en certains endroits.
Les outils propres a employer les verges de plomb tourné pour en faire des vitres, outre la table & 1’équerre de fer a bifeau 9 dont nous avons parlé , font la tringlette , le couteau d mettre en plomb, la bo'ête d la réfine & i’étamoïr, le fer d fonder , & les mouflettes.
Les Vitriers nomment tringlette, un mor- ceau d’ivoire ou d’os de cinq a fix pouces de long, & environ vingt lignes de face, dont les extrêmités un peu arrondies fe ter- minent par une pointe obtufe , amincie vers les bords de chaque cóté. On préfere or- dinairement les tringlettes d’os a celles d’i- voire , paree que les premieres étant un peu camhrées vers le milieu 9 elles tiennent la main de i’Ouvrier plus au-deflus de fon ouvrage} & 1’empêchent de ternir le plomb tourné par le frottement du revers de fa main, qui en óte tout le luftre , & nuit beaucoup aufli pour la foudure. Nous ver- rons 1’utilité de eet outii dans la fuite.
Le couteau d remettre en plomb , doit être tranchant des deux cótés, mince fur les bords, plus élevé & a cótes dans Ie milieu. II doit être en forme de fer de pique, large dans fon milieu d’environ deux pouces &
demi , ayant dans cette partie en dehors de chaque cóté, un dos uni de l’épaifleur d’une bonne ligne , fur lequel le fecond doigt puifle fe repofer fans danger 9 en appuyant deffus pour couper le plomb.
On 1’emmanche affez ordinairement d’un morceau de buis, de trois a quatre pou¬ces de longueur , & d’autant de circonfé- rence, a pan, afin qu’il ait plus d’afliette fur la table. Ce manche eft ordinairement garni par le bas, a la hauteur d’un pouee & demi ou environ> d’une maffe de noeuds de plomb fondu. Les Vitriers fe chargent ordinairement du foin de cette garniture; ils pratiquent a eet effet a une certaine hau¬teur a 1’extrêmité du manche des entailles* & des trous qui fe répandant de tous les cótés également, fe rempliflent de eet al¬liage de plomb fondu, fe traverfent & fi- niffent par une maffe de la groffeur du man¬che; car ils ont eu 1’attention de pratiquer avec des cartes .qu’ils ficelent le plus fer- ré qu’ils peuvent autour du manche, une efpece de moule, de même diametre que le manche , qu’ils empliffent debout le plus promptement qu’ils peuvent de eet alliage de plomb fondu, & le laiflent ainfi xefroidir.
Outre que cette garniture par fon poids donne plus de coup au couteau , elle fert encore a chaffer les pieces de verre vers le coeur de la verge de plomb avec moins de rifque de les caffer qu’avec le bois; ou enco¬re a enfoncer légérement dans la table les pointes de fer , dont on fe fert pour y arrê-* ter 1’ouvrage, a fur & a mefure qu’il s’avance, afin qu’il ne fe dérange pas de fon enfembie,
Le couteau d raccoutrer eft de la forme d’un couteau de table , dont la lame feroït courte; fa pointe obtufe reffemble aflez a celle de la tringlette , quoiqu’un peu plus étroite : il ne doit point être tranchant. Ce couteau fert a relever les ailes du plomb , lorfque 1’Ouvrier veut fournir quelques pie¬ces a la place de celles qui fe feroient caf- fées. Alors, avant de contre-fouder les pan- neaux, il fe fert de ce couteau pour relever les ailes du plomb qui entoure la piece caf- fée , & pour y inférer la piece neuve; puis a rabattre , fur la piece qu’ii a fournie, ces mêmes ailes, en les renverfant fur le verre. On s’en fert aufli pour rabattre les bords du plomb qui entoure un panneau que 1’on leve hors de fonchaflis pour le réparer,& pour en gratter lesfoudures caffées qui font a refaire, & fur-tout a la place des liens ou attaches de plomb caffées, au lieu defquelles il en fauc fournir de neuves.
La boete d réfine, eft une efpece de poi-* vriere fermée par le haut, par un bouton amovible percé d’un petit trou. C’eft par ce trou que 1’on répand un peu de cette poix- réfine en poudre que 1’on a mife dans la boete,
de Peindre jiir Verre>
dans le voiflnagë de fa table, il la tirë par l’autre extrémité dont il fe fait un autre anneau entre les doigts. Ce plomb ainfi dé- tiré s’allonge d’autant plus qu’il eft plus vieux tourné , öc fe met dans le point ou il doit être, pour être employé, c’eft-a-dire $ fans rides & fans plis. Moins flexible qu’au- paravant, il acquiert par-la une certaine roideur qui donne la facilité de le manier fans le chiffonner : alors 1’Ouvrier coupe les anneaux des extrémités, & il difpofe les verges fur fa table qu’il aura eu grand foiit de broffer, pour en chaffer toutes les ordu¬res & la poufliere qui y auroient féjour- né, & fur-tout fous Féquerre a bifeau par laquelle il va commencer fon panneau.
II prend alors une de ces verges de plomb qui font devant lui, dont il deftine une par- tie pour la largeur du panneau , Fautre pour la hauteur: il 1’entaille avec la pointe du couteau a remettre en plomb, fans la fépa- rer a Fendroit de 1’aile dans laquelle Féquer¬re doit entrer ; puis ouvrant cette aile avec la tringlette dans la longueur de la verge de plomb, ou il la gliffe légérement, il la pouf¬fe d’abord vers Fangle de Féquerre, & tout de fuite fur la hauteur & la largeur du pan¬neau tracé fur la table, puis ouvrant avec le même outil Faile qui regarde 1’öuvrage, il preffe le coeur de la verge contre Féquer¬re, & arrête les deux extrémités, de crain- te qu’elles ne s’écartent. Alors il infere dans ladite verge de plomb, en commen^ant du cöté de Fangle, la piece de verre par laquelle le panneau doit commencer, & con¬tinue a ageneer avec une autre verge de plomb qu’il coupe en autant de parties que le demandent les diftances convenables, toutes les pieces qui font deftinées a le par- faire, en continuant d’en ouvrir les ailes
avec la tringlette , & d’en entailler certai- nes parties oü il convient, fans qu’elles fe quittent, ou en les coupant tout-a-fait ou ü convient.
II n’eft pas poflible de décrire ici toutes les différentes coupes de plomb que de¬mandent les différentes fa^ons de vitres. C’eft une de ces chofes que 1’expérience feule peut indiquer, & que 1’intelligence de 1’Ouvrier doit fentir en s’affujettiffant a ne point s’enfermer, c’eft-ci-dire, en pre- nant la coupe qu’il aura fuivie dans le com-mencement de fon panneau, pour regie de celle qu’il doit fuivre, & en combinant le tour qu’il aura fait prendre a fes premie¬res coupes, en conduire la fuite jufqu’a la fin; de forte que toutes les pieces puiffent fans fe nuire être jointes entre elles dans 1’ordre qu’elles ont été levées de deffus Ia table. . t
Lorfqu’on joint les pieces de verre avec le plomb , on les chaffe pour les ferrer éga- lement contre le coeur du plomb, foit avec
Fextrémité du manche du couteau a remet¬tre en plomb 9 foit avec un bout de regie un rpeu épaiffe ; de maniere que toutes les croix de plomb , lorfque la fecon de vitres en compöïte, foient régulieres, & que cha- cune des branches de la croix fe rapporte vis-a-vis celle qui lui répond.
Dans la jointure des vitres peintes que Fon remet en plomb neuf, les coupes de plomb pratiquées dans Fancien panneau qui eft fur la table de celui qui doit le remettre en plomb, fervent a le diriger pour celles qui doivent joindre les pieces du panneau que FOuvrier doit remettre en plomb neuf,
Cet ufage pour ce qui eft des vitres blan-ches a remettre en plomb neuf, ne peut quê- tre fort utile aux commen^ants, en fe con-formant pour la coupe de leur plomb a celle qu’ils fentent avoir été pratiquée dans Ie vieux panneau qu’ils remettent en plomb neuf.
Lorfque toutes les pieces qui doivent compofer un panneau , font bien jointes en- tre elles par le plomb , & affleurent le trait du dehors du panneau qui en prefcrit fur la table la hauteur & la largeur, on entoure Féquerre avec une verge de plomb, qu’il étoit autrefois plus qu’a préfent d’ufage de ferrer avec des tringles a bifeau, corn- me celles de la premiere, équerre, arrêtées par dehors avec des pointes de fer fur les bords. Cette opération fervoit a bien reffer- xer Fenfemble d’un panneau; alors on rabat les alles du plomb, en les couchant fur le verre avec Fextrémité de la tringlette , de forte qu’un ne s’éleve pas plus que Fautre, & que toutes les jonêtions foient prefixes fi uniment que la pointe de fer qui va les fou- der, ne trouve rien qui 1’arrête.
Avant de fouder, on a foin de battre la réfine fur tous les points de réunion des diffé- rentes coupes de plomb, de Fécrafer, com- me nous avons dit, & de fouffler avec la bouche ce qu’fi y en auroit de trop. Ce fu- perfiu échauffé par la chaleur du fer s’ap- pliquant fur le plomb, le gate, foit que FOu-vrier foit affez négligent pour Fy laiffer, foit qu’il le gratte avec le bout de la trin¬glette pour Fenlever, ce quiraye le plomb au tour de la foudure, & lui óte fon poli & 1’ornement d’un panneau qui ne peut être fini trop proprement..
L’art de fonder proprement & folidement demande de la part du Vitriex beaucoup d’attention, comme étant ce qui donne la force a Fouvrage, & ce qui le conduit a fa perfedion. Four bien fouder , il ne feut point que le plomb ait été gaté par des mains graffes & fales, ni qu’il ait contradé aucune humidité. Ces inconvénients empê- cheroient la foudure, en fe fondant, de s’in- finuer avec le plomb , dont nous avons déja dit quelle doit lier & réunir les affembla- ges , fans les diflbudre, en mettant ïè plomb lui-même en fufion; ce qui arriveroit encore, fi le fer étoit trop chaud, ou s’ii n’étoit pas bien êtamé (<z). Ceuxqui foudent le mieux, font ceux qui tenant le fer è fouder de la main droite avec les moufftettes qui embralfent le bas de fon manche , après en avoir effuyé légérement la pointe avec un chiffon , 1’élevent perpendiculairement fur le lieu de la foudure que cette pointe laiffe a découvert; alors le corps un peu in- cliné fur la droite, les yeux appliqués vers la pointe du fer dont le manche doit être comme collé au coude , ils gliffent adroi- tement fous cette pointe la branche de fou¬dure qu’ils tiennent de la main gauche, n’en laiffant fondre que ce qu il feut pour faire une foudure ronde, qui bien fondue lie éga- lement tous les coeurs de plomb en dimi- nuant d’épaiffeur vers Fextrémité des ailes, qui ne foit pas trop élevée au-deffus du plomb, qui, comme on dit, foit ronde & plate , un peu plus forte a Fendroit des croix, & de la largeur d’une lentïlle aux autres jon&ions.
Une des principales attentions qu’un bon Soudeur apporte, c eft de bien connoitre le jufte degré de chaleur d’un fer a fouder; trop chaud, il ne s’étame pas bien, & court rifque de faire fondre le plomb, ce qu’ort appelle bruler la foudure; trop froid, il don¬ne une foudure épaiffe & mal fondue qui ne lie point les parties qu’elle devoit réu- nir , paree qu’elle ne fent point affez de chaleur pour s’y étendre. C’eft ce qui arri¬ve ordinairement a ceux qui font pareffeux a changer de fer, lorfqu’ils s’apper<;oiventque celui dont ils fe fervent commence a fe re- froidir. On ne doit omettre aucune jonéfion dans le corps du panneau , ou fur fes bords, fans la fouder.
Ce cóté du panneau par lequel on a com-mence & fini Fouvrage, & que 1’on appelle du foudé, étant achevé, on le tire de 1’équerre a bifeau. On en rabat les bords avec la trin-glette, on le broffe pour en enlever la poufliere ou la poudre de réfine qui auroit pu y féjourner, & on le retourne de Fau¬tre cóté. On rabat les ailes du plomb avec la tringlette que Fon paffe aufli fur toutes les jonöions des plombs. On bat la réfine 9 on 1’écrafe, on la fouffle , & on foude, comme de Fautre cóté; a laréferve qu’on n’en fou¬de pas les bords (au moins a Paris; car il eft des Villes, oü il eft d’ufage, comme a Rouen, &c. de les fouder des deux cótés ).
(a) Voyezce que nous avons dit en parlant de 1 e- tamoir. Il y a encore une autre maniere beaucoup mcil- Ieure d’étamer un fer a fouder, c’eft de faire un petit creux dans une brique, & après y avoir fondu un peu de re'line & de foudure avec Ia pointe du fer, I’y agi- ter en tournant de tous fens, afin de Ia conferver öc de Ia blanchir également.
ÏII. PAR TIE de ÏArt
Quoiqu ön ne les foude pas des deux cótés a Paris , les vitres n’en font pas moins foli- des; mais on obvie par-la a un inconvenient, qui, lorfque les bords font foudés des deux cótés, empêche qu’on n’en rabatte les ailesfi faciiement dans la feuillure, ce qui occafion- ne la rupture des pieces du bord. On appelle ce cóté d’un panneau Ie contre-foudé. C’eft le plus ordinairement de ce cóté que fe fou- dent les croix, fi la diftribution du panneau le permet, les attaches ou liens de plomb qui doivent embrafler les verges de fer defti- nées a les retenir en place.
Les Vitriers fe fervoient autrefois pour porter 1’ouvrage enVille d’un fléau, Cette machine ne différoit des crochets > dont on fe fert pour porter des fardeaux, qu’en ce que les montants du fléau étoient traverfés par deux longues tringles de bois applaties, qu’on nommoit les atles du fléau. Elles fer¬voient a foutenir la longueur des panneaux que 1’on tranfportoit en Ville. La partie inférieure de CQ fléau 9 au lieu de fe terminer, comme dans les crochets, en deux efpeces de V, 1’étoit par deux confoles affemblées dans chaque montant, recouvertes d’une planche unie retenue en rainure fur les mon¬tants , & en mortaife fur le devant. Deux bouts de fangle palfés a la hauteur convena¬ble dans une traverfe affemblée avee les deux montants, recevoient par une bouclé formée a leur extrémité les deux pieds du fléau, & formoient les braflieres qui le fixoient fur le dos du Vitrier, après qu’il y avoit fixé 1’ouvrage par des cordes qui s’entrela<;oient dans les ailes pour le retenir.
On a fubftitué a Paris, depuis que 1’ufa- ge des vitres en plomb y eft moins fréquent, a ce fléau, un chaflis d’affemblage de menui- ferie, que leVitrier porte fur 1’épaule , & au- quel la tête fert d’appui. La planche qui porte les vitres eft foutenue par de bonnes équerres de fer attachées avec clous fur les montants des chaflis, & qui retiennent la- dite planche, qu’elles traverfent en deflous , & qu’elles débordent fur le devant par un talon. Les Vitriers ont donné a ce chaflis le nom de Porte-vitres. On fe fert encore néan- moins du fléau dans les Provinces , lorfqu il faut tranfporter 1’ouvrage dans les Villages & Chateaux voiflns des Villes, ou rien n’eft fi commun que de voir un Vitrier a cheval avec le fléau gami de vitres fur le
dos. t
Les panneaux de vitres fe placent ordi-nairement ou dans des chaflis de bois dor- mants ou ouvrants > que les Menuifiers nom- ment Croifées d la Franfoifè * dans les bati- ments ordinaire^, ou dans des vitraux de fer, ou dans des formes de vitres divifées par des meneaux de pierre, comme dans nos Eglifes.
Avant de placer un panneau de vitres
22ö L'ART DU
ouverte, ót propre a arracher de plus gros clous y en pefant fur le manche. Ce manche , tout de fer , fe termine en efpece de cifeau qui fert de pïncé , pour attirer a foi les croi¬fées & chaflis a couliffes qui font trop ferrés dansles tableaux, ou aenlever les fiches a tête des croifées a deux ventaux.
Quanc aux tenailles , telles qu’elles font deflinées dans lefdites planches de Félibien, elles paroiffent plus convenables aux Vitriers de fon temps qui travailloient plus en pan- neaux qu’en carreaux. Ghaque branche en étoit platte, en quarré vers le haut : ainfl appliquées contre la feuillure d’un chaflis, elles paroiffoient en s’ouvrant donner plus de prife, pour arracher la pointe, qu’elles ferroient par Tangle de ce quarré. On leur a fubftitué depuis des tenailles femblables a celles des Menuifiers, mais de^ moindre groffeur, a ferrés rondes; elles font fi con- nues qu’il eft inutile d’en donner une def- cription particuliere , n’y ayant point de ménage, pour peu qu’il foit uftenfllé, qui ne foit fourni de ces fortes de tenailles.
La pofe des vitres en plomb dans des vi-traux de fer, eft, a proprement parler , la partie de TArt du Vitrier qui doitlui fuppofer un efprit de réflexion & de jufteffe capable de combinaifons & de rapports. Ici le Vitrier fert de guide au Serrurier; c’eft, en effet, au premier a prefcrire au fecond les détails de fon oüvrage, & a veiller fur la conduite qu’il y tient, pour en former de concert un tout régulier.
Je fuppofe done qu’un Vitrier foit chargé de remplir une grande fenêtre de panneaux de vitres en plomb dans un vitrau de fer ; ceft a lui de prendre exaêtement la mefure de Touverture de la baye : ou c’eft un chaf- fis de fer qui doit régner autour d’elle , fur lequel les montants & les traverfes ou les gonds des portes ou guichets ouvrants dudit vitrau, leurs verrous & leurs man- tonnets doivent être rivés; ou ce vitrau ne doit être compofé que de montants & de traverfes de fer fcellées a Tarrafement de la feuillure. S’il s’agit d’un chaflis de fer au pourtour du vitrau, le Vitrier obferve- ra de prendre exa&ement la mefure des contours du cintre, ou plein rond ou fur* baiffé, ovale ou anfe de panier , & de la partie quarrée dudit vitrau, s’il n’y a point de chaflis de fer.
II na befoin que de la hauteur du milieu du cintre & des deux hauteurs de la naif- fance du cintre de chaque cóté & de la partie quarrée. Ces mefures exa&ement pri- fes, il en rapporte le plan fur le papier, en les réduifant du grand au petit. L’ufage le plus ordinaire eft de réduire Téchelle qu’il doit fuivre a un pouce pour un pied. Ainfl il combinera le nombre de panneaux qu’il peut donner au vitrau , de maniere qu’ils
PITRIE ÏL
foient égaux entre eux en largeur & en haüteur dans la partie quarrée, ou qu’ils ayent tous la même mefure, ou quarrée ou oblongue, toute forme plus large que haute n’étant point gracieufe a la vue. Sa parti¬tion ainfl faite fur le papier & tracée pat des lignes au crayon, il peut y tracer a Ten- cre la largeur du fer , moitié de chaque cóté du milieu de ces lignes; ce qu’il obferve dans la partie cintrée, lorfqu’il y en a une , en la diftribuant en autant de rayons que la mefure & le bon fens peuvent lui en indiquer. Le nombre & la mefure de fes panneaux étant arrêtés, il partage , a 1’aide du compas ( comme nous 1’avons dit ci-de¬vant, en parlant de 1’ordonnance des diffé- rentes fa^ons de vitres blanches) (a), en partant de la ligne du milieu , la hauteur & la largeur de chaque panneau en autant de petits quarrés égaux ou prolongés qu’en demande la facon de vitres prefcrite ou acceptée par TArchite&e. C’eft au moyen de ces échiquiers ( ainfl que les Vitriers les nomment) 'qu’ils tracent fur le papier les différentes figures & compartiments de pie¬ces qui doivent compofer Tenfemble de cha¬que panneau du vitrau , par leur rapport entre elles, & qui par conféquent doivent leur en donner le calibre, Le Vitrier fent alors la quantité de verges de fer qu’il peut donner a chaque panneau, pour le foutenir en force , la place qu’elles doivent y occu- per, celle des crochets de fer qui doivent porter les verges, celles des nilles propres a recevoir le panneau & a lui former, pour ainfl dire, une encadrure qui 1’aflure en pla¬ce , par le moyen des clavettes de fer qui, paflant au travers de ces nilles, retiennent les bords du panneau.
Un Serrurier expérimenté dans cette for¬te d’ouvrage,qui n’eft pas fort fréquent,pour- roit fur le Ample plan exécuter le vitrau , & Ie Vitrier fes panneaux pendant que le premier feroit fa ferrure. Celui-ci regardant toujours la tige du milieu du deflin comme le milieu de fon fer, ne peut fe tromper, quand il n’auroit que le modele en petit.
Cependant le vitrau doit être entouré d’un chaflis de fer, pour éviter la mal-pro- preté qu’occaflonnent par la fuite les gra- viers du fcellement, qu’il faut démolir, toutes les fois que Ton veut lever les pan¬neaux pour les nettoyer ou les réparer. II eft expedient, fur-tout lorfqu’il eft cintré , d’en tracer le plan en grand dans un lieu aflez fpacieux, & d’y marquer exaélement avec la largeur du fer la diftribution des panneaux qui doivent le compofer, la place
(-# )Voyezau commencement de ce Chapitre , & Ie Chapitre VIII de Ia feconde Partie, ou je traite de Ia Vitrerie relativement a la Peinture fur Verre. II con- tient plufieurs obfervations auxquelles je me contente de renyoyer Ie Le&eur, afin de ne pas trop me répéter.
des porte.
Un vitrau de fer eft quelquefois compofé de fimples barres de fer, de feize a dix-huit lignes de face, fur cinq a fix lignes d’épaif- feur, garnies, comme nous avons die, de nil- les & de crochets $ 6c quelquefois ces bar¬res de fer font recouvertes de plates-bandes de forte töle ou de fer battu, entaillées 6c percées a Vendroit des nilles qui les tra- verfent, ou elles font retenues par des cla- vettes. Quant aux crochets, on les rive fur ces plates-bandes; quelquefois aufli ce font des boulons a vis 6c a écrous rivés fur les montants 6c les traverfes , qui paffant au travers des plates-bandes 6c même au tra-vers des verges de fer applaties 6c percées par les bouts, tiennent la place des nilles 6c des crochets , 6c les écrous ferrent le tout enfemble ; mais cet ufage doit être regardé comme le moins a fuivre , a caufe de la faci- lité avec iaquelle ces écrous fe rouillent, 6c de la difficulté qu’ii y a a les devijjer, lorfqu’ils font rouillés, ou a caufe du rif- que de cafler une vis en la formant, ou de perdre les écrous, qui peuvent échapper de la main de l’Ouvrier , 6c dont le tarreau feroit difficile a retrouver , ou a refaire; au lieu qu’un léger coup de marteau chaffe aifément la clavette de fa nille , 6c que POuvrier ne craint point d’être renverfé du haut dune échelle, ou d’un échafaud , par Ia faute ou de la vis qui lui manque en fe caffant, ou de la clef qui gliffe fur 1’écrou , au lieu de 1’embraffer; ce qui n eft malheü- reufement pas fans exemple.
Comme je ne me propofe point ici de prefcrire au Serrurier ce qui eft parciculié- rement de fon induftrie , je veux dire 1’af- femblage des montants 6c des traverfes d’un vitrau, je dirai feulement que le plus ordi¬nairement après avoir coupé la quantité de montants néceffaires pour la hauteur du vi¬trau , après avoir laiffé au premier 6c au dernier un peu plus de longueur qu’aux autres pour le fcellement, lorfqu’il n’y a pas de chaffis de fer, il les joint enfemble par des croifillons appliqués de 1’autre cóté des vitres fur chaque montant, en laiffant entre chacun d’eux un vuide capable de loger la traverfe qui eft arrêtée entre les deux montants, par un boulon a tête du même cóté que les croifillons , 6c a vis du cóté des vitres , Iaquelle paffant a travers d’une rondelle de forte tóle ferrée, qu’on y place, lorfque les vitres font pofées, eft ferrée par un écrou centre les coins de qua- tre panneaux qu’elle empêche de s’entr’ou- vrir.
C’eft ainfi que font affemblés les vitraux de fer neuf que j’ai remplis de vitres neuves dans PEdife de Paris, 6c qui font d’une
£22 L’A R T DU
attaches , dont on les entortille avec les doigts, ( corame cela fe pratique dans toutes les vitres en plomb ) , on les fcelle fur cha- que rainure ou feuillure en dehors, li elles font pofées par dehors, ou en dedans li elles le font en dedans , en platre ou en mortier, fuivant 1’ufage des lieux , avec une petite truelle de fonte de cuivre ou de fer, formée cotnme une feuille de laurier.
Au furplus , les Vitriers fe fervent pour préparer le platre ou le mortier, propre a fceller les panneaux de vitres des Eglifes, d’une petite auge de bois, moins étendue que celle des Couvreurs , percée vers le haut de chaque cóté , fur fa longueur , de deux trous , dans lefquels ils font paffer une corde, qui lui fert d’anfe & eft retenue par un crochet de fer en S , qui la tient fufpen- due fur la main de l’Óuvrier dans un des batons de 1’échelle, dont il fe fert pour pofer fes vitres en place.
S’il fe trouve dans ladite forme de vitres une feconde ou même une troifieme traverfe dormante, femblable a celle qui fupporte la partie cintrée , le Vitrier doit tenir , par rapport aux efpaces qui fe trouvent entre chacune defdites traverfes dormantes , le même ordre que delfus, en allongeant ou raccourcilfant, fuivant le befoin, fes échi- quiers fur leur hauteur feulement.
Quant a la partie cintrée des amortiffe- ments, il en leve exatlement le plan, en y obfervant fidélement la largeur de la pierre du fond de fes feuillures ou rainures, & tous les compartimens qui en reglent 1’o.rdonnan- ce, qu’il trace lur le papier a pouce pour pied; puis prenant pour regie les échiquiers qui ont donné le calibre qu’il a fuivi dans la partie quarrée,en obfervant de mettretou- jours dans le milieu la piece principale de la facon de vitres qu’il y a fuivie, il les trace fur toute la hauteur & fur toute la largeur de ladite partie cintrée , comme li toute cette partie ne devoit faire qu’un feul pan- neau, & laiflant nuds les contours de la pierre fur laquelie fes traits ont paffé, ii fe contente de deffiner la facon de vitres dans les vuides qui doivent être remplis de vitres, dont la pierre eft cenfée occuper la place dans toute fon ordonnance.
11 répete enfuite la même operation en grand, d’après ce modele en petit fur fa table , ou par moitié, ou par tiers, ou par quart, fuivant 1’étendue dudit rempliiïage , pour y couper toutes fes pieces (comme a la diminution) (a) & les joindre aveele plomb
z lorfqu’elles font coupées.
II eft des Eglifes ou les vitres fe pofent en dehors , qui, comme la Cathédrale de Paris, ont des plates - formes , fur lefquelles le
(a) Voyez au commencement de ce Chapitre, oü Je traite de la diminution*
_ ( a} Nous ne nous fommes point applique's a donner ici la description de ces cages ou corbeilles. Ce font de ces machines dont le méchanifme fe developpe mieux a la vue que fur le papier. 11 cd d’aiileurs peu d’Eglifes qui n’en foient fournies pour le houflage qui s’en fait de temps a autres, ou pour fervir au Vitrier.
lorfqu’il eft hors d’état de prouver que c’eft par violence que le plomb en a été altéré, les pieces fêlées regardent le propriétaire feul; & lorfque les panneaux s’étant taffés par le mauvais état des chaflis, ils font de- venus trop courts ou trop étroits , les pieces du bord qu’il faut reformer, pour en fournir de plus longues , regardent égalefnent le propriétaire.
Des re'pa- Lorfque le locataire veut faire nettoyer rations des fes vitres en panneaux, ou pour entretenir la
SSesaen d£ clarté & P^preté dans fa maifon , ou pour plomb. les rendre nettes & en bon état, en la quit- tant , on nomme cette reparation racoütrage. Elie confifte d’abord , en les ótant de place, pour la premiere fois, a marquer fur le plomb des panneaux vers lehaut, aveclebout du couteau ou de la tringlette , dans le milieu, 1’ordre des croifées en chiffres romains , 6c dans le coin, du cóté du mur , a chaque panneau,1’ordre qu’il tient dans chaque croifée Cette précaution, prife la premiere fois , fert pour les reparations fuivantes a les re- mettre en place dans le même ordre & fans rien déranger ; on leve les verges de fer, 6c on arrache avec les tenailies les pointes qui les retiennent. Les panneaux étant apportés a la boutique, on pafte le couteau a racoutrer fur toutes les ailes du plomb & fur les bords du panneau. On redrefte avec 1’extrémité des
doigts les liens ou attaches qui font encore bons; on arrache celles qui font rompues; on gratte avec le même couteau le noeud de celles qu’on a arrachées; on en fait autant a la place des foudures qui pourroient être ïompues fur les bords ou dans le corps du panneau , lorfqu’elles ne font pas en trop grand nombre ( car en ce cas on les remet en plomb neuf). On refait les foudures, & on reflbude d’autres attaches neuves, de la ma- niere que nous 1’avons dit en parlant des vitres neuves , puis on mouille les panneaux a la brofte, pour enfuite les fécher au fable avec une autre brofte, & les remettre en place avec les mêmes precautions dont nous avons parlé pour les vitres neuves.
Quand il s’agit de rendre les panneaux de vitres en état, comme réparation locative, le locataire eft tenu des pieces de verre caffées, des verges de fer qui retiennent les panneaux de verre en plomb , lorfqu elles manquent ou qu’elles font caftées, a moins qu’on ne reconnut que des padles qui étoient dans les verge* de fer euffent contribué a les faire caffer; car pour lors elles feroient au compte du propriétaire.
On fuit cette même méthode pour la ré-paration des panneaux de vitres en vitraux,
ou en formes de vitres ; on les refcelle en platre ou en mortier aux endroits ou ils 1’étoient , après avoir préalablement bien nettoyé les feuillures & rainures de tout 1’ancien platre & ciment; ce qui fe fait avec la befaiguë, dont nous avons déja parlé. Cet outil eft une efpece de marteau, dont la tête eft d’un cöté en forme de cifeau, qui fert a enlever le platre & la pierre qui pourroit nuire dans les feuillures ou rainures : vers la panne, il fe termine en une efpece de coin pointu , qui fert a démolir le vieux platre 6c a faire dans le mur ou dans la pierre des meneaux, les trous de revêtiflement néceft faires pour y placer les verges de fer qui fe mettent au-devant des panneaux.
Il eft aftez d’ufage de donner les vitres d’une Eglife a 1’entretien , au Vitrier , moyennant un prix fixe chaque année, par un bail de fix ou neufannées. LeVitrier, qui reconnoit par lemarché avoir requ les vitres en bon état, s’oblige de les rendre telles. Cet ufage eft bon , lorfque les vitres, faites depuis peu , ne demandent qu’un entretien qui les maintienne en bon état, en y excep¬tant le cas de grêle , ouragans ou vents im- pétueux, ou autres cas imprévus. Mais a la fuite des temps cette maniere d’entretien peut devenir ruineufe aux Fabriciens 8c aux Vitriers. Fera-t on fupporter aux héritiers de celui-ci les frais d’une réparation qui fur- viendroit par caufe de la vétufté es plombs , qui , aufli anciens dans tous les panneaux enfemble , pourroient périr en même-temps ? La fortune la plus forte pourroit a peine parer , de la part du Vitrier , une pareille révolution ; alors, ( ce qui a toujours été plus conforme a la Loi, qui charge le Pro¬priétaire de réparer les plombs , dégra lés par vétufté ) la réparation tombera toute entiere fur le compte des Fabriciens.
J1 eft done n ieux de conftater de part ÖC d’autre 1’état des vitres , 6c d’après cet état fixer au Vitrier, par un bail de fix ou neuf années, la quancité de panneaux qu’il fera tenu de lever dans 1’Eglife pour les nettoyer , 6c celle qu’il conviendra d’en remettre en plomb neuf: 1’ordre qu’il doit tenir dans cette réparation annuelle , eft d’y mettre un prix raifonnable , au moyen duquel le Fabricien fera sur de la quantité d'ouvrage que le Vitrier aura fait, comme le Vitrier de la jufte valeur de fon payement.
Mais ce qui eft encore le plus & propos 6c le moins a charge au Fabricien 6c au Vitrier, il vaudroit mieux payer au Vitrier les re¬parations , a 1’eftimation , lorfqu’on les fait faire, ou comme on dit a la piece*