X
NTRODUCTION HISTORIQUE
1 ET PLAN DE CET OUVRAGE.
J-
Parmi les produits si nombreux, si variés, qui attestent le génie - industriel de l’homme, il en est bien peu qui aient des usages aussi multiplies que le verre, dont les propriétés soient aussi intervilleuses : aucune autre manière ne pourrait rein placer le verre dans les plus importants de ses emplois, et le fer soul est
Ƒ, *
capable peut-être de disputer la prééminence a elle substance ;■ diaphane qui, dans nos climats surtout, nous mêlant A l’abri de toutes les internpóries, nous laisse cependant jouir de la clarté du jour. Si nos plus fastueuses demeures sont ornées de glacés., de lustres, de cristaux dont les facettes prismatiques réfractent et 5 reflètent la lumières e avec tant d'éclat, il n’est pas non plus d’humble
Chaumière où Ton ne trouve quelques vitres, un petit miroir et quelques verres à boire. N’étant pas décomposable par les acides I (sauf par 1’acide fluorhydrique), le verre est éminemment propre i à conserver sans altération les liquides de toute nature, dont, par sa transparence, nous pouvais apprécier 1’état. Le verre enfin a prolongé la carrière active d’homme, condamné sans lui A une vieillesse anticipée : la majeure partie de nos hommes d’Eilat, de nos savants, artistes, industriels, ne seraient-ils pas, en effet, réduits à une regrettable inaction, si les lunettes ne vé-
Naine apporter A leurs yeux un indispensable auxiliaire ?
Mais ces avantages ne sont pas encore tout eue qui constitue 1’im- portante résultant des admirables propriétés de cette matière : c’est au verre-que les sciences naturelles ont dû leurs plus nota-
1
2 INTRODUCTION HISTORIQUE
blés découvertes; c’est par lui qu’clés ont été agrandies, éclairées et assises sur des principes solides; c’est par le moyen du verre que homme a soumis è 1’investigation de ses regards les deux termes extrêmes de 1’infini: le verre n’est-il pas, en effet, 1’élé- ment principal du télescope, au moyen duquel le savant calcule les mouvements des globes les plus éloignés, assiste même à la formation de mondes nouveaux, et du microscope par lequel il s’initie aux phénomènes de la vie dans les êtres dont il eût a peine pu supposer 1’existence, et dent il surprend pour ainsi dire la
Création ? C’est au moyen du verre que Ton a décompose la lumière, analysé el pesée Faire, mesuré la chaleur, déterminé les hauteurs, étudié l’électricité et tous les fluides aériformes, ces agents invisibles qui influent si puissamment sur les grands phénomènes de la nature, et au moyen desquels 1’homme franchit les mers contre Les vents, rapproche les distances par la rapidité de la locomotion, s’élève dans les airs, et met en communication instantanée les points les plus éloignés de notre globe.
La multiplicité de ces avantages, exclusivement dus au verre, et leur importance, assurent un intérêt bien légitime aux recherches sur son invention ; on doit être curieux de savoir quels sont les premiers peuples qui Font fabriquer, comment on 1’a succès- vivement perfectionné, a quels usages on 1’a fait servir.
Frappé des merveilleuses propriétés du verre, Bacon place la statue de son inventeur au premier rang de celles dont il orne le portique du temple de Salomon.
Mais ne serait-ce pas en vain que Poon voudrait rechercher et inventeur ? L’industrie du verre, comma toutes les autres, à do. Naturellement commencer par des rudiments grossiers, qui ne pouvaient guère faire présager son avenir, et dont 1’origine doits perdre dans la nuit des premiers âges de la civilisation.
Un assez grand nombre d’auteurs se sont exercés sur ce sujet, plusieurs y ont déployé une érudition très-profonde ; nous Nelles ne suivra pas dans toutes leurs recherches, parée qu’elles ne pouvaient aboutir à des résultats précis ; mais nous croyons toutefois qu’il peut être de quelque intérêt de mettre sous les yeux du IEC- tuer une sorte de notice bibliographique ancienne el moderne relative à 1’histoire du verre.
C. PLINUS SECUNDUS, en plusieurs endroits de son Histoire du monde, a parlé du verre et des usages auxquels on 1’emplöyait ;
■l
Mais au : Uwe XXXVI, chap., XXVII, il raconte son invention ƒ qu’on ne peut réellement considérer que comme une do ces fictions dont les Grecs, qu’il copiait, avaient 1’habitüde d’enrichir leurs écrits. Ce récit étant IE Hème que tous les écrivains postérieurs à Pline out répété, nous croyons devoir nous résigner à l’inepte une fois de plus sous les yeux du lecteur, mais en rectifiant des erreurs fades par plusieurs traducteurs. .
« II est une partie de la Syrie, limitrophe de la Judée, qu’on appelle Phénicie, où se trouve, au pied du Carmel, un lac nommé Calebar, qu’on étroit être la source du fleuve Bleus, qui, après un cours de cinq mille pas seulement, se jette dans la mer, près de la colonie de Ptolémaïs. Ce fleuve est profond et peu ra- pico ; ses eaux son bourbeuses et insalubres, et toutefois honorées d'un culte. Il ne dépose de sable sur ses bords que lorsqu’il a été refoulé par les eaux de la mer. Ce sable, qui, avant d’avoir été agile par les vagues, n’eût pu être d’aucun usage, devient pur et blanc, el doit à ce lavage la propriété d’être employé pour la fabrication du verre. Le rivage où il se dépose n’a que cinq cents pas de longueur, et cependant, depuis bien des siècles, il n’a pas cessé d’être la féconde mine qui a alimentées verreries. La trad. ton rapporte que des marchands de nitre qui prirent terre sur celte plage, voulant cuire leurs aliments, et ne trouvant pas de pierres sur le rivage pour servir de trépied à leur chaudière, y suppléèrent avec des blues de nitre qu’ils tirèrent de leur vais- seau qui en était chargé. Le nitre entrant en fusion par 1’ardeur du feu. Et s’étant mêlé au sable de la plage, on vit couler un liquide nouveau et transparent formé de ce mélange, d’où vient, dit-011, 1’origine du verre. »
Quelques lignes plus bas, Pline parle de la fabrication des ver- retries de Sidon, qui jouissaient depuis longtemps d’une grande célébrité, et auxquelles on attribuait même 1’invention des miroirs en verre.
TACITE, postérieur à Pline, a copié au livre V de son histoire ce qu’il dit du Bleus et des propriétés de son sable ; el STRABON^ qui est antérieur à Pline, au livre XVI de sa Géographie, a parlé aussi du Bleus, et est entré dans quelques détails intéressants sur la fabrication du verre ; ils doivent trouver ici leur place :
« Encre Ptolémaïs et Tyr est un rivage couvert de monticules de sable dont on fait le verre ; on prétend que ce sablé ne
Ne peut pas se fondre sur le rivage, et qu’il n’entre en fusion quo quand il est porté à Sidon ; on dit meniez que ce sable de Sidon est le seuil vitrifiable ; mais d’autres soutiennent que toutes les espèces toit cette propriété. J’ai ouï dirlo a des verriers d’Alexandrie que les matières propres à faire les plus beaux verres et è leur donner les couleurs les plus brillantes ne se Ironisaient qu’en Egypte; car la composition n’est pas la même pour toutes les qualités ƒ ils avouaient cependant qui Rome on avait dès ma- tires propres pour plusieurs de ces compositions, et que, d’ail- leurs, on y avait trouvé des procédés qui simplifiaient la fabrication, en sorte que des vases de ce cristal artificiel et des gobelets communs ne s’y vendaient qu’un Chalus »
Aux récits de Pline et de Strabon, nous joindrons celui d’un auteur à peu près contemporain, de JOSEPHE, qui, au livre II de la Guerre des Juifs> chap., x, dit :
<PA deux stades de Ptolémaïs, coule. un très-pelait fleuve AP- pelé Bleus, au près duquel est IE tombeau de Memnon; dans son voisinage on observe une chose bion extraordinaire: une fosse circulaire de cent coudées remplie dc sable vitrifiable; des navires en grand nombre viennent en prendre leur charge et ne Epuisent pas, car les vents, comme s’ils ôtaient d’intelligence avec les na- aviateurs, y en rapportent à mesure qu’on en enlève, el dès que le sable est dans cette fosse, il se change en verre; mais ce qui me parait vraiment étonnant, c’est que ce verre, hors de ai fosse, se résout aussitôt et redevient sable. Telle est la nature de ce
Lieu. »
Ce passage a été traduit par 1’abbé d’Aubrives, savant anti- qu’Aire, et il est à remarquer que la plupart des traducteurs de Josèphe Pont si singulièrement travesti, que nous ne pouvons-nous dispenser d’en faire 1’observalion. Dardilly, par exemple, fail dire à Josèphe que le sable du Bleus, jeté dans le fourneau, se convertit aussitôt en verre, et que ce verre, rapporté dans la fosse, reprend sa première nature et redevient sable. L’auteur dé Particule VEURE, dans Encyclopédie> le chevalier de Jaucourt, lui prête cette assertion non moins étrange, « que si dans Ia fosse du sable on met du métal, sur-le-champ ce métal est change en verre. » Sans doute le chevalier de Jaucourt n’avait lu ce pas-
I Piece de monnaie valant environ 6 centimes.
Sage de Josèphe que dans la traduction de Genius ou dans
Haudicquer de Blincourt, et nous devons justifier Historien des
Juifs, qui n’a pas écrit ces absurdités, mais a été mal traduit. Le phénomène qu’il décrit n’a rien de merveilleux pour Observa- tuer : ce sable du Bleus, refoulé par la mer suivant Pline, était sans nul doute imprégné de ses; or, ce sable, jeté sur le rivage ont desséché, devait se couvrir de cristaux salins qui disparais- saint quand on remuait le sable. N’est-ce pas ce qu’ont observé en plusieurs endroits de 1’Egypte les membres de Plnstilut : voyez : 1° Denon, t. Ir, p. 216 de son Voyage ; 2° la Dèeadeègyp- iicnnc, t. Ier, p. 208 ; t. It, p. 97 et 179. — Un voyageur moderne, 1’abbé Moiti, qui a vu le Bleus en 1767, dit que son lit étroit mêle avec son sable des parties abondantes de verre. L’abbé Moiti a été assurément trompé par 1’apparence ; ces parties abondantes n’étaient autres que des cristaux salins.
Toutefois, il résulte de ces diverses relations que le sable du Bleus a des qualités toutes spéciales qui le rendent éminemment propre à la fabrication du verre, et ce n’est pas sans raison que les verriers de Sidon, dans 1’antiquitó, y venaient s’approvisionner, et que les Vénitiens, plus tard, avaient 1’habilude d’en léser leurs navires pour 1’usage de leurs verreries de Murano. II serait vraiment intéressant que ces faits fussent éclairés par une saine chimie ; peut-être trouverait-on marne sur les bords du Bleus le sable mêlé à des sulfates ou carbonates de soude, par le fait d’une décomposition naturelle du sel marin résultant d’une opération analogue & celle qui a été si ingénieusement pratiquée de nos jours par M. Balard dans les marais salants de la Méditer- rangée.
Neuss a emprunté ces textes è trois auteurs célèbres, parée civils concourent & prouver que dans le voisinage de Sidon, sur les rives du Bleus, se trouvait un sable pnb, brillant, très- propre à la fabrication du verre ; que les Simoniens, grâce à ce don offert par la nature à leur industrie, établirenfc des verreries dont les produits se répandirent partout où s’étendait leur commerce si actif, et que ces verreries étaient en grande réputation bien des siècles avant Pline. Quant à la fable qu’il raconte comme élan 1’origine du verre, nous ne pensons pas qu’elle mérite d’être sérieusernent discutée, nous dirons seulement que si ces com- mérantis qui abordèrent sur cette plage de la Phénicie avaient
6
Leur vaisseau chargé de nitre ou de natron, celte cargaison était probablement dessinée a Vapprovisionnetnent de quelque verrerie ; et nous allons continuer noire analyse des auteurs qui out écrit sur le verre. Nous pourrions citer encore, parmi ‘les Latins
. qui se sont occupés du verre, Galien, qui fait en plusieurs endroits mention du verre et de sa fabrication; Plutarque^ qui parait aussi avoir connu la manière de le faire, puisqu’il dit quelle bois de ta marisque est le plus propre à entretenir les fourneaux de verrerie; Lucrèce, qui, voulant expliquer la transparence du verre, dit que ses pores sont directs ou en drôle ligue; Sénèque, qui connaissait très-bien la propriété qua le verre de grossir les objets lorsqu’on lui donne un forme convexe : « Un globe de verre, dit-il, fait paraitre plus grandes et plus brillantes les lettres qu’on regard à travers» ; enfin Aulu-Gelle, Vitruve, Vo- Pincus, etc.
Mais ce n’est pour ainsi dire qu’accidentellement que ces auteurs anciens ont parlé du verre, tandis que ceux des époques posé- rieurs que nous allons mentionner en ont parlé d’un faon plus explicite.
ERACLIUS. Son ouvrage : De partibus et coloris Romanion, partie en vers, partie en prose, existe à 1’etat de manuscrit à la bibliothèque de Trinity-Collège, à Cambridge, relié dans un même volume avec le Diversarium artium. Schedule de Théophile, dont nous parlerons tout a l’heure (louis deux écrits au douzième ou treizième siècle), et aussi a 1’état de manuscrit è. la bibliothèque de Paris, mais recopié au quinzième siècle. Ce manuscrit d’éraclius a t’imprime pour la première fois à la suite d’un ouvrage anglais, der. E. Rasped, A critical essay on oil painting, etc. Lenders, 1781, in-4.
On ne sait pas au juste d’où éraclius était originaire, ni à quelle époque porcise il vivait ; il ne cite aucun auteur postérieur à Isidore de Séville qui vivait au septième siècle, et Rase suppose qu’il n’a pas du vivre longtemps après. M. Emeric David, dans son Histoire de la peinture, pense qu'éraclius vivait au commencement du onzième siècle ; on ne peut con tester, dans louis les cas, 'qu’il ne date d’une époque postérieure au septième et an- trieur au treizième. Son ouvrage est très-curieux au point de vue de certains procédés qu’il décrit. Éraclius ne manque pas de rapporter la fable de Pline, et même 1’anecdote relative a Pin-
I
ET PLAN DE GET OUVRAGE. 7
Venions du verre malléable ; Co n’est donne pas et auteur qui éclairera la question relative à L’histoire du verre.
THEOPHILE, moine et prêtre, que 1’on suppose avoir écrit du douzième au treizième siècle, consacre le deuxième livre de son ouvrage Diversariwm artium schtedulao. La fabrication du verre. Ce précieux manuscrit a été publié avec une traduction en français par M. IE comte Charles d’Escaloper, qui 1’a enrichi d’une introduction extrêmement intéressante ; mais quant aux procédés si clairement décrits par Théophile, il vaut mieux les lire dans le texte latin, parée que le traducteur, n’étant pas initié à la fabrication du verre, n’a pas toujours rendu exactement Je sens de 1’auteur. Nous remarquons que Théophile constate 1’habileté des Français dans la fabrication des verres colorés, soit coma vases, soit comme vitres. Cet auteur, du reste, ne s’occupe nulle- ment de la partie historique du verre.
GEORGES AGIUCOLA, médecin et géologue du seizième siècle, au livre XII de son ouvrage De re Metallica, imprime à Bale en 1556, donne quelques notions de la fabrication du verre un peu plus explicites que celles de Pline, mais qui paraissent être en partie la reproduction de Poudrage d’Héraclius, dont il a dû avoir connais- séance. Le leste est illustré de quelques gravures sur bois qui re- présentent les différents fours de verreries et le mode de travail du verre ; ces gravures ont ceci de trucs-remarquable, que la plupart d’eux qui écrivirent après lui. » les Neri, Kunckel, Laudic- que de Blincourt, se sont bornés à copier fidèlement les dessins d’Agricola. Cet auteur ne fait aucune mention d’Historique du verre.
THOMAS GARZONI, dans son ouvrage la Piazza Universal di talien le profession Del Mandon, Im prime à Venise en 1587, consacre quelques pages [discours LXTV) aux verriers, vitriers, lu- néfliers. On voit que cet auteur, en parlant de la fabrication du verre, avait sous les yeux les perles et toutes les pièces filigrane- nées des fabriques de Murano ; quant à Origine du verre, il n’en dit rien.
ANTOINE NERI, Florentin. 11 publia son Traité de l’art de la verrerie en italien, à Florence, 1612, in-4". Christophe Merlet, médecin anglais, le traduisit en sa langue, el y joignit des commentaires qui parurent à Londres, en 1662, in-8°. André Frisous imprima la version latine du texte de Neri, et les commentaires
INTRODUCTION J1ISTOIUQUE
De Merlet, à Amsterdam, en 1669 ; puis Jean Kinck el donna la mémé traitée en allemand, avec ses propres observations, Lei- si, 1689, in-4°. Enfin, le baron d’Holbach nous 1’a donné en français, y a joint les commentaires du médecin anglais, les observations et expériences de Kunckel, et quelques autres opuscules. Paris, 1759, in-4°. Cet ouvrage n’a que le mérite d’avoir Elée le premier à entrer dans les détails des compositions des verres blancs et colorés, IE choix et la préparation des fondants et des oxydes bimétalliques; quant aux recherches sur 1’invention du verre, auxquelles se sont livrés 1’auteur el les commentateurs, olives sont assez superficielles: ils ont bien fait quelques excursions dans la littérature juive, grecque et latine, mais sans en lire aucune déduction qui éclaire le sujet.
HAUDICQUER DE BLANCOURT. Son livre a pour titre : l’Art de la verrerie, oü l'on apprend « faire le verre, le cristal, Email, etc. In-4°, 1697.
Nous ne pouvons guère considérer cet ouvrage que comme une compilation des recettes qu’il a pu recueillir dans Neri et Merlet, et auprès de ses contemporains, et auxquelles il a joint les dessins de fours de 1’ouvrage d’Agricola. Le tout -est entremêlé des rêve- ries de 1’alehimie, dont 1’auteur affectait de paraitre profonde- nient instruit. Ces recettes n’ont pu loutres être vérifiées par sa propre expérience, car assurément il en est qui donneraient des résultats fort différents de ceux qu’il annonce. Quant à la partie historique, elle n’est guère que la répétition des auteurs percé- dément cillés.
HENRI DE VALOIS avait composé un Traité de l’origine du verre, qui n’a pas été publié, mais dont on lit un extrait au tome Ier des Mémoires de D’Académie des Inscriptions. II est dit dans cet extrait que M. de Valois fixait la découverte du verre a mille ans avant Jésus-Christ ; qu’on ne connaissait que deux grands monuments en verre célèbres dans J’antiquité, le théâtre de SCA urus et les colonnes du temple d’Ardus ; que Pline n’a parlé de la malléa- bilié du verre qu’avec incertitude, et que les témoignages de
Pétrone, Dio Cassius, Isidore de Séville, n’ajoutent aucun degré i de crédibilité au récit de Pline, puisque ces auteurs n’ont fait que le copier ; que sur ai tour du phare d’Alexandrie, un des Polo- mes aval fait placer une lunette d’approche au moyen de Jà¬: quelle on découvrait les vaisseaux A une immense distance en
mer *.
Ces extraits suffisent pour juger que le travail de M. de Valois n’était qu’une ébauche.
BENETON DE PERRIN, écuyer. Dans les Mémoires2 de Trévoux, octobre 1703, se trouve une dissertation de Benetton de Perrin sur la verrerie ; il prétend avoir étudié tout ce que les anciens et les modernes ont dit sur IE verre, sur son origine et sur ses propriétés, et il donne cette dissertation comme un abrégé de tout ce qu’il est possible de recueillir sur 1’histoire et la physique du verre, prétention que nous trouvons fort loin d’être justifiée.
Selon 1’auteur : « 1'embrasement fortuit de quelques forêts fit connaitre les mines, et écouler des ruisseaux de fer et de cuivre, et un événement pare dut faire connaitre le verre. La Genèse nous apprend, en effet, que la tour de Babel fut construite en briques de terre cuite. Or, on voit arriver tous les jours dans les fours à brique que la surface de celles qui ont éprouvé une plus grande intensité de chaleur se trouve vitrifiée, et dès lors IE verre
De 1’argent el des métaux précieux. A Pétrone a reproduit ce récit avec plus de circonstances encore. L’empereur ne se contente plus de détruire la fabrique ; après s’être assure que 1'artistc n’a pas communiqué son secret, il lui fait couper fa elle. Quelque absurde que soit ce conté, un auteur moderne a essayé de IMac- créditer en le rajeunissant. Ge n’est plus & Tibère, c’est au cardinal de Richelieu qu’il fait présenter le vase merveilleux dont les bosses se relèvent au Marleau ; el Richelieu, tout aussi politique mais moins cruel que Tibère, ne condamne inventeur qu’il une prison perpétuelle. Pour juger cette stupide parodie, il suffit d’en no miner 1’auteur, qui est claudiquer de Blincourt. .
; . 1 Ce télescope fameux, posé sur le phare, et rangé au nombre des spot mC-.
Veilles du monde, n’avait rien dc cerdan avec 1’existence du verre dans J'anti-
■ quitte, car il paraitrait prouvé par des récits circonstanciés des Arabes, d’une au- Ihcnticilé irrecusable, que ce télescope élit formé par un miroir concave de trois pieds neuf polices, compose d'un alliage métallique. Nous reviendrons sur ce sujet dans la partie de noire ouvrage qui traite des verres d’optique.
; 2 Alésoir pour Hiloire des sciences et des beancc-arls, commence d'Imprim-
Mer en 1701 à Trévoux, el dédiée à S. A. S. le due du Maine. — A Lyon, chez Claude Plagnard, rue Mercière, au Grand-Hercule ; à Paris, chez la veuve Pis-, sot, quai de Conti, à la Croix d’or.
10 INTRODUCTION H1ST0RIQUE
À do être connu, et par la dispersion des enfants de No cette connaissance a dit être propagée par toute la terre. » Ce faible échantillon de Benetton de Perrin sufflfc pour apprécier ses con- naissances et sa logique.
Beneton de Perrin croit que les vitres dont parlent Sénèque et d’autres auteurs de la même époque devaient être des verres. « C’est dans le troisième siècle, ajoute-l-il, que 1’on Commenta à s’en servir en France. »
BUONAROTTI. Cet antiquaire, du familier de Michel-Ange, et célèbre par 1’étendue de son érudition, ayant recueilli dans les calcinés de Rome un grand nombre de fragments de verre antique, ornés de gravures et de couleurs, en a publié soixante- douze des plus curieux, expliqué les sujets qui y étaient gravés ou peints, et décrit les procédés des artistes. Son ouvrage a pour titre : Osseruazioni sopra aucun fragment di vari antichar di veto ornait di figure trouvait nie cimeterre di Roma. DaFelippo Buonarroti., in Firenze, 1716, in-folio.
Le plus grand nombre de ces fragments sont des fonds de gobe- les et d’autres vases a 1’usage des chrétiens ; presque tous les sujets sont des emblèmes religieux rappelant les mystères du christianisme, et propr.es à nourrir la foi et la piété des fidèles. L’auteur a toutefois admis dans son recueil quelques fragments dont les sujets sont purement mythologiques/sans doute pour prouver IE synchronisme des uns et des autres ; le travail, en effet, étant le même, il est naturel de conclure qu’ils sont à peu près du même temps.
Buonarroti no s’est pas fort étendu sur Imagine du verre : il pense, avec Pline, qu’on en doit la découverte au hasard, que la plus ancienne et la plus longtemps célèbre des manufactures fut celle de Sidon, qu’il s’en établit d’autres successif Vème t en Grèce, en Egypte, et Rome, en Espagne et dans les Gaules : il croit qu’A- Aristophane 1 est 1’auteur le plus ancien qui ait parlé du verre ; que
i' ■
• l
jij r
'il
1 Aristophane est cit. É en cet endroit par rapport à sa comédie des Nuques, dans laquelle un des interlocuteurs propose à Socrate d’effacer une obligation de cinq talents dans les mains manies de l’huissier : 11 fondra la cire dès la bleues sur lesquelles cette obligation est Ecrille au moyen du halos} de celle pierre brillante et diaphane dont les pharmaciens, en la présentant au soleil, se servent pour bruler. C’est ainsi qu’il Ia décrit, el évidemment Aristophane aurait désigné de cette romancière une lentille de cristal] et rien ne prouverait que ce cristal ne soit
Cependant Démérite, avant lui, par la fusion de certains cailloux, aval trouvé le secret d’imiter les pierres fines ; il dit enfin que Je verre fut particulière]et employé à faire des vases à boire, qu’en Egypte et à Rome les ouvriers s’appliquèrent à en purger les matières, a en varier les formes et a les enrichir de gravures, de peintures et d’émaux qui leur donnaient un grand prix.
MÏDDLETON. Parmi les nombreux ouvrages qui ont paru depuis deux siècles sur les antiquités, on distingue celui de Middleton non-seulement par le luxe typographique et la délicatesse du burin, mais encore par la sobriété de citations oiseuses, tant pro- diguées par les auteurs en general. Son ouvrage est intitulé : Germana qucedam aniiquitatis erudites monument# dissertationibus jam singulis instruct# a Middleton Academ, Ccmtabrig. protobi- bliothec. Londini, 1745, in-4°.
Des treize dissertations qu’il renferme, il n’y en a que cinq relatives a notre objet; les Iroisième, quatrième, cinquième, sixième et septième. Middleton y décrit les morceaux de verre antique qu’il avail achetés a Rome, et dit un mot de 1’origine du verre, en comparant les autorités de Pline, d’Aristophane, d’A- Ihénée, de Strabon : il pense qu’on doit aux Sidoniens l’art de fondre le verre; que eet art fut connu des Grecs, que les Egyp- tiens ensuite y excellèrent; et qu’après la conquêle de 1’Egypte, eet art passa a Rome. II s’étend ensuite sur les formes qu’on don- nait aux verres, coupes, etc., sur la manière dont ou le travaillait, sur les ornements dont 1'industrieuse emulation des óuvriers avait appris a les enrichir, et sur leur prix exorbitant.
On vpit que Middleton n’ajoute rien d’important a ce qu’avait écrit Buonarolti avant lui; il 1’avait connu a Rome, et aurait pu, il nous semble, lui faire honneur d’une grande partie de 1’érudi- tion qu il empruntait a son ouvrage.
HAMBERGER. C’est è eet auteur qu’on doit les plus amples re-cherches sur 1’histoire du verre; son Historia vitri se trouve aux
pas un cristal de roche; il y aurait meme la plus grande probability, car nous établirons plus tard que le verre fabriqué a cetle epoque n’était guëre assez pur pour qu’on en fit des lentilles un peu épaisses, et qu’ainsi il étail bien plus na¬turel qu’on se servit de la belle niatiêre du cristal de roche pour un tel usage. On peut memo ajouter que s’il se fut agi réellemenl de lentilles en verre, on ne com- prendrail pas qu’on n’eüt pas fait plus tót application de ces loupes pour aider les vues affaiblies.
12
INTRODUCTION IUSTORIQUE
ij
i-
I
! 'ï
-3, Ï
pages 484 et suivanles du tome IV des Mémoires de I’Académie de
Goettingue. II traite d’abord du nom que les Grecs donnaient au verre; il passe ensuite a sa dócouverle, sur laquelle il dit qu’ow na ricn de certain, mais on sait qulil s'êtablit successivement des verreries en Perse, en Grèce, en Egypte, en Italië, dans les Gaules, en Espagne et enfin en Angleterrei il parle ensuite du progrès de I’art des verres teinls de diverses couleurs, taillés et gravés, et dit un mot du verre malleable, dont 1’anecdote lui parait au moins douteuse; il expose 1’état des verreries de Rome, leurs progrès et leur decadence, et termine son histoire par le détail des usages auxquels le verre était anciennement employé.
Au mérite de recherches variées, 1’ouvrage de Ramberger joint celui de Ia brièvetó, car il n’a que dix-huit pages.
JEAN DAVID MICHAELIS. Dans 1’histoire du verre dont nous venons de parler, Hamberger s’ótait borné a recueillir tout ce qu’il avail trouvé sur ce sujet dans les auteurs grecs et Iatins. Son collègue Michaelis, qui s’était particulièrement applique a 1’élude des larigues antérieures, a donné un supplément a Pouvrage d’Ilamberger dans son histoire du verre chez les Hébreux; elle se trouve page 301 du tome IV des Mémoires de la Société royale de Goettingue.
Michaelis observe d’abord que le fleuve Bélus, non loin duquel on croit communément que le verre fut d’abord fabriqué, appar- tenait a la Palestine, que son nom menie est hébreu, qu’il signifie fondre, que tous ses composés et dérivés, dans les langues hé- braïque et arabe, ont une signification analogue; que le Bélus a done été ainsi nommé, paree que le sable de ses rivages était em¬ployé a la fusion du verre; il observe ensuite que si Ie nom de Bélus ne se lit pas une seule fois expressément dans la Bible, il y est décrit avee une telle exactitude qu’il est impossible de le mé- connaitre. Michaelis observe, en outre, qu’un des noms arabes du verre est aser; que ce nom lui est venu de la iribu des Aserites, dont le territoire s’étendait jusqu’au rivage du Bélus, oü ils le fa- briquaient. Il discute ensuite un passage du prophéte Isaïe, qui
lui semble faire allusion au grand profit que de son temps les tribus voisines du Bélus, celle de Zabulon et d’Aser, reliraient de leurs verres. Enfin, remontant jusqu’aux époques de Moïse et de Job, il trouve dans leurs éerits des témoignages incontestables de Pexistence du verre. .
FOUGEROUX DE BONDAROY. Son ouvrage intitule : Recherchés sur les ruines d’fferculanum, avec un traité sur la fabrique des mo-saïques (Desarin, libraire, Paris, 1770), est bon a consulter comma histoire de la fabrication des mosaïques, surtout comme indiquant les divers auteurs qui ont écrit sur cette malière ; il parle des mosaïques en érnaux ou verres fondus, mais ne.parait pas'con- naltre la composition de ces érnaux, ou du moins il est muet sur
.• ce sujet.
ANONYMES. Dans les Variétés littêraires, tome IV, pages 115 et suivanles, on trouve la lettre d'un savant de France d im savant de Danemark sur l’origine et Cantiquité du verre, et la réponse du savant danois au savant francais. Ces deux écrits anonymes ne sont que des extraits infidèles et défigurés d’Hamberger et de Michaelis, et nous devons en consequence nous abstenir de les analyser.
Le chevalier DE JAUCOURT est Fauteur de Partiele VERRE dans 1’Encyclopédie in-folio. Cet article commence par une notice his- torique qui n’est guère que la reproduction de ce qu’avaient écrit, avant lui, Neri, Beneton de Perrin et autres; il a même eu Ie lort d’emprunter 5 Haudicquer de Blancourt un conté absurde fondó sur une traduction fausse de Josèphe. L’article du cheva¬lier de Jaucourt, qui, pour la partie technique, était tout a fait au niveau des connaissances de son temps en fait de verrerie, ne jette done aucune lumière nouvelle sur l’histoire du verre.
M. ALLIOT, qui a fait Partiele de la VERRERIE dans 1’Encyclo-pédie mélhodique par ordre de ‘matières (Arts et Métiers mêcaniques, tome VIII), article qui est certainement ce qui aétë écrit de plus exact, de plus complet sur cet art, ne fait que reproduire, pour la partie historique, ce qui a ëté dit par le chevalier de Jaucourt dans l’Ecyclopédie in-folio.
P. LEVIEL. Son ouvrage a pour titre : YArt de la peinture sur verre, Paris, 1774, in-folio, et fait partie de la grande collection des Arts et Métiers de 1’Académie des sciences. Cet auteur, beau¬coup plus érudit que praticien, a recuêilli avec plus de soin et une manière beaucoup plus compléte que tous ses devanciers
ce qu’avaiént dit du verre les Grecs el les Latins.
II croit que la découverte du verre est & peu pres aussi ancienno que celle de la briqueterie, de la poterie, dont la surface se vi- trifie dans les fours. L’usage lui parait en avoir élé répanduplus de
■T.'
INTRODUCTION JUSTORIOUE
mille aus avant 1’ère chrétienne; il cite les verreries do Copies ct d’Alexandrie, celles de Phénicie, deGrèce, de Syrië, de Rome, etc. II s’étend aussi sur les plus beaux et les plus grands ouvrages exécutés en verre, les vases de Coptos et de Rhodes, le sar- cophage d’Alexandre, le theatre de Scaurus, les colonnes du temple de 1’ile d’Aradus, Mais, comine la plupart de ses devan- ciers, P. Leviela rapporté des textes, les a a peine discutés, et s’est peu occupé des préeieux spécimens qui avaient pu être re- cueillis des vorres de 1’antiquité. Quant a son traité de la peinture sur verre, il se ressent évidemment des conditions oü était tombé eet art de son temps, oü il n’était plus ni coinpris ni couuu. P. Leviel s’efforce de prouver que les secrets de eet art ne sont pas perdus, et toulefois ses assertions prouvent que lui-même était complétemenl élranger a une partie des procédés, ainsi que nous le démontrerons dans la suite de eet ouvrage f.
Bosc DANTIC est le dernier des auteurs du dix-huitième siècle que nous ayons a citer. Ses oeuvres, en deux volumes in-12, Pa¬ris, 1780, conliennent plusieurs mémoires sur 1’art de la verrerie dans lesquels, Tun des premiers, il travaille il aflranchir celte in¬dustrie des entraves de Ia routine et a 1’établir sur les principes d’uue physique éclairée. II ne s’occupe pas do 1’histoire du verre.
Nous n’avons rien dit d’un poëme Iatin du P. Brunoy, De arte vitraria, Paris, 1741, in-12, paree que ce n’est pour ainsi dire qu’un jeu académique, ne renfermant rien d’ulile a notre objet.
Nous voici arrivés au dix-neuvième siècle, et les efforts déjè. tentés par Rose Dantic vont recevoir un puissant secours de 1’irn- pulsion immense qu’ont donnóo aux sciences naturelles les grands gónies qui Out illustró la fin du dix-huitième siècle et qui ont eu de nos jours de si dignes successeurs. Les arts industriels ne con¬sistent plus seulement dans des séries de procédés empiriques, de secrets d’atelier, ce sont des applications direclcs de la science, el dès lors leurs progrès sont des corollaires incessants des nom- breuses el brillantes découvertes de nos savants,
Les chefs de fabrique eux-mêmes se préparenl a la pratique par de sérieuses études scientifiques. Plusieurs d’entre eux seraient saus doute capables d’écrire des traités théoriques et pratiques
sur leur industrie, mais les exigences d’une concurrence intérieure et extérieure toujours croissante, la nécessité de suivre les pro- grès de letirs rivaux, ne leur laissent guère ces loisirs; et töutëfois ce besoin général de s’instruire qui fait que chacun veut avoir au moins des notions sur lous les arts industriels, a donné lieu, de nos jours, a la production d’un assez grand nombre de diction- naires et autres ouvrages technologiques, d’encyclopédies, dans lesquels les principes de la science sont généralement respectés, niais desquels on ne peut se flatter de retirer qu’une‘instruction superflcielle, attendu que les auteurs des différents articles n’ont eux-mèmes qu’une connaissance incomplète des industries qu’ils décrivenl et qu’ils n’ont jamais pratiquées.
Queiques ouvrages spéciaux ont été publiés en France et A Pétranger; nous citerons :
1° V&ssaisur la verrerie, par Loysel, qui avaitoccupé des fonc- tions importanles dans 1’administralion de la glacerie de Saint- Gobain, et avait obtenu queiques informations assez exacles sur d’autres fabriques de verre. La lecture de eet ouvrage indique que déja 1’industrie comprend qu’elle doit s’appuyer sur la science, maisl’auleur se contente d’énoncer des principes généraux et des faits qui font bien peu connaitre les ateliers du verrier.
2° L’ArZ de la vitrification, par M. Bestenaire d’Audenart. II sufflt de parcourir eet ouvrage pour voir que son auteur était ótranger a la fabrication du verre ; mais, corame il est entré dans des détails assez étendus sur les différentes branches de la verre- rie, on a dü le croire bien införmé, en sorte que ses erreurs ont été reproduces par plusieurs auteurs, et même mallieureusement par plusieurs de nos savants.
3° L’/bV de la verrerie, écrit en anglais par Porter (qui fait par- tie du Cabinet cyclopaedia du docteur hardener). Ce livre n’est proprequ’a donner aux gens du monde une idéé de 1’art de la verrerie.
On eomprendra le sentiment de réserve qui nous interdit de parler des ouvrages plus récents oüil'a été question du verre, tant en France qu’è l’étranger; car si nous nous abstenons ainsi de donner de justes éloges, nous n’avons pas non plus a signaler des erreurs. Ne manquons pas toutefois d’engager ceux qui vou- dront s’inilier è une saine théorie de 1’art de la verrerie & lire la Chimie apphquêe anx arts de M. Dumas; Partiele Verre (glass) du
Dictionnaire théorique, pratique et analytique du docteur Sheri-dan Muspratt [Chemistry theoretical, practical and analytical as applied and relatory to the Arts and Manufactures, by doctor Sheridan Muspratt P. R. S. E. M. R. J. A.), et les douzo legons sur Ia verrerie de M. PóJigot. Mais n’oublions pas que la revue bibliographique que nous venons de me lire sous les yeux du lecteur avail principalement pour but Fhistoire du verre, et re- cherchons cé qui a été écrit de nos jours sur ce sujet.
Nous devons d’abord mentionner deux brochures fort remar- quables sur les mosaïques antiques en verre, par Menu de Minu¬toli, gouverneur du prince Charles de Prusse, etc., et Martin-Henri Klaproth, Berlin, 1815 fen allemand), ouvrage orné de gravures coloriées et présentant des échanlillons de verreries antiques, et De la fabrication et de fusage des verres colorés chez les anciens, par Henri de Minutoli, avec qüatre lithographies coloriées, Berlin, 1836 (en allemand). Ces deux ouvrages s’occupent beauCoup moins de 1’étude des auteurs anciens que de discuter el d’analyser des spe-cimens de verre antique ; aussi oftïent-ils un puissant intérêt, car e’est dans one telle étude que doivent surtout consister dósormais les recherches sur 1’art des anciens.
Nous devons surtout citer Fouvrage de sir J. Gardner Wilkin- ■ son sur les moeurs et usages des anciens Egyptiens [Manners and customs of the ancient Egyptians}, qu’il a publié en 1836, et dont il a fait un abrégé publié en 1854. A partir de cette publication, il n’est plus permis d’élever des doutes sur 1’ancienneté de la fa-brication du verre, de reporter son origine au qualrième ou au dixième siècle avant noire ere, car Wilkinson nous donne des
preuves irrécusables que Ia fabrication du verre était pratiquée, en Egypte, plus de deux mille ans avant J.-C., c’est-a-dire avant même la sortie de ce pays du peuple hebreu. Le procédé du soufflage du verre est représenté dans la peinture de Beni? Hassan, qui date du règne du premier Osirtasqn, c’est-a-dire il y a plus de trois mille huif cents ans, de la même manière qu’on le retrouve dans des monuments plus récents datant de la' conquête des Perses, et qui, ainsi qu’on peut le voir dans la figure ci-après, ne peuvent laisser le moindre doute sur 1’opération qu’ello re¬present. Parmi d’autres exemples de verreries des Egyptiens,
- 1 ' -
Wilkinson mentionne une petite boule de verre trouvée è'Thèbes, portant le nom d’un Pharaon qui vivait environ 1450 avant J,-C.
et dont ladensité est de 2<523, la même quö celle du verre fabri- qué de nos joürs; des bouteilles de verre semblablesa celles re- presentees figure 1 se troüvent même sur les monuments de Ia
Kig. i
quatrième dynastie, qui a précédé de beaucoup celle des Osirtasen, et qui ont ainsi plus de quatre mille ans. On trotiVe dans les tom¬be au x bien des bouteilles et autres objets en verre, et quoiqu’ils ne portent pas d’inscription de date, l’on ne peut douter de leur antiquiló lorsque nous considérons, d’une part, que cette boule en verre dont nous parlxons tout a 1’heure nous offre 1’extréme bonne fortune de porter le nom d’un souverain de la huitième dynastie, et que, d’autre part, ces bouteilles et autres objets en verre ont une similitude parfaite avee ceux représentés dans des monuments d’une date certaine.
Pour quiconque est initië A la fabrication du verre, il y a d’ail- leurs une preuve bien incontestable de la h'aute antiquité des verreries égyptiennes,: elle résulte des échantillons si eürieux qui sont arrivés jusqu’a nous, que nos ouvriers auraient bien de la peine a imiter, et qui attestent ainsi une industrie très-ancienne- ment pratiquée.
Ces détails relalifs a Pancienneté du verre se tröuvent repro- duits dans un petit ouvrage fort intéressant de M. Apsley Pellatt, The curiosities of glass making, London, 1849, dans lequel Pau-
2
t
■>
tèur met a la pörtée des gens du monde les procédés de fabrica-tion des pieces de verre les plus curieuses.
DOMINIQUE BUSSOLIN, de Venise, a fait paraitrc,’ en 1846, un petit ouvrage ayant pour titre : Les célèbres verreries de Venise et de Murano, description hislorique, technologique et statistique de cette industrie. Comme eet ouvrage est tout a fait spécial, nous en reparlerons lorsqu’il sera question des verreries de Venise.
M. J. LABARTE, dans sa description des objets d’art composant la collection Debruge-Duménil, préeédóe d’une introduction his- torique, ouvrage qui dénote l’amaieur distingué autant qu'é- rudit, consacre un chapitre très-intéressant a 1’histoire du verre; dans lequel se trouve résumée 1’étude de presque tous les au¬teurs que nous avons cités, éclairée par l’appréciation des objets ïnême en verre des diverses époques hisloriques. Puis, dans sou magnifique et savant ouvrage : Histoire des arts industriels au moyen age et a Pépoque de la renaissance (Paris, Morel, 1866), M. J. Labarte revient sur 1’histoire du verre, et donne surtout
des détails pleins d’intérêt sur les progrès et les diverses phases de eet art, a partir du commencement de notre ère, en Orient et en Occident.
Plüsieurs auteurs, en traitant de nos jours une branche spé¬ciale de la verrerie, 1’art de la péinture sur verre, ont, a cette occasion, fait aussi des recherches sur 1’histoire en général : tels sönt l’öuvrage si jremarquable de M. F. de Lasteyrie, Bistoire dé la peinture sur verre; Fouvrage de M. Winston, Hints on glass painting, et beaucoup d’autres en anglais, en allemand et en fran¬cais ; nous aurons occasion d’en reparler lorsque nous traiterons nóus-même ce sujet spécial.
Noüs avons cité la plus grande partie des auteurs qui se sont occupés de 1’histoirc du verre; leurs investigations se sont géné- ralement portées sur les textes des auteurs latins, grecs, hébreux, dans le büt de constater quelle est 1’époque la plus éloignée oü il a été question du verre. De la des dissertations très-savantes sans doute, pour prouver qu’Homère, Job, ont connu le verre; ihais d’autres savants, reprenant les mêmes textes, disent aux premiers qu’ils se sont trompés, qu’ils ont traduit par verre ce qui, dans le téxte, avait uhe autre signification, et s’appliquait, suivant les uns, a du crislal naturel; suivant d’autres, a un alliage mélallique. G*est qu’en efièt ils étaient tout a fait incompétents
pour éelairer la question, car il ne suffit pas de conndltre uüe '• langue pour traduife des sujets spéciaux. Si Ton admet, én efiet, I qu’un litterateur allemand ou anglais ne pourrait traduire dans 5 sa langue un ouvrage de technologie écrit en francais Sans com- ■ : inettre une foute d’erreurs, on concevra, a plus forte raisön; póur des langucs rnortes, que dés testes liébröux, grecs et latins aiént i pu être très-diversenaent interprétés par les nombreux cpmmen-
: tateurs qui lentaient de nous les faire cötnpféndrè. Mais toutes
■ ces dissertations deviennent oiseüses dèvant 1’examen attehtif dés („ . L
i; divers produits de Part antique qui sont parvenüs jusqu’a noüs; > car leur étude ferme le champ des conjectures plus óii moins
ingénieuscs, pour nous faire enlrer dans la voie dés fails.
; Résumantdoncen peu de mots ce quel’ön peut établir d’incön- testable, nous dirous que Phistoiré du verre se relie & celle de toutes
; les industries ayant eu lé feu pour agent; 1’industiie du pötier a dü
? certainement la précéder, car, dès les premiers ages, les hommes
; ont dü meltre a profit la plasticité de 1’argilé pour en fagönher : les vases nécessaires aux usages journaliers. Ces vases furent sans doule d’abord simplement séchés au soleil, mais bientöt le feu, le don le plus précieuxde la Providence, le sigue le plus inani- feste de la supériorité de l’homnie, dut être subslitué au soléil pour rendre Pargile, au rnoyen d’une lempérature plus éleVëe,
impermeable aux liquides.
Les premiers vases d’argile ainsi oblenus durent iharquer les
; premiers pas de la carrière industrielle de l’homnie, ét ce fut ; aussi sur ces vases que commenga a se révéler 1’enfahce de sön ; génie arlistique. Quel que soit le peuple dont on veuillé étudier : les premiers êges, les plus anciennes traces de sa civilisation së •; raltachent toujours a des poteries qui donnent la mésure dü
génie plus ou moins arlistique dé ce peuple.
; Cette industrie du polier^ qui a précédé toutes celles dont le feu est le principal agent, a dü aussi leur donner suceessiveaient
■ p ’ -
■ naissance : sous Paction d’un feu violent, certaines terres se re- vétirent d’un vernis qui fut le premier verre produit; d’autres terres durent aussi manifester les premiers rudiments métal-
' 1 * 1 Él
tiques; la fonte des métaux fut certainement accompagnée de
: la production de masses vilreuses diversement colorées; qui ne inanquèrent pas d’attirer Pallen lion, et de cönduiré è la prodüc- tion de cette matièré merveilleuse, susceptible de recövoir toutes
20 INTRODUCTION HISTORIQUE
les empreintes, et que 1’on dut d’abord mouler a la fagon des métaux. Le soufflage de cette substance, liquide comme un métal è une haute temperature, mais qui en même temps possède a une temperature un peu moins élevée cette plasticite de l’argile a froid, résulta sans doute du premier hasard qui produisit une insufflation de la matière par le fait de 1’emprisonnement d’une portion d’air entro la malièro s’échappant d’un creuset fondu
;: «f:
Oi1 ■ '
ij
et le sol sur lequel cette matière se répandait, ou même de Fair emprisonné dans 1’anfractuosité d’un moule. Cette insuffla¬tion n’e dut pas tarder a être imitée par 1’intermédiaire d’un tube métallique. Cet outil si simple, et qui cependant s’est perpétué d’êge en êge pour ainsi dire sans modification, la canne du verrier, se retrouve, comme nous Favons dé ja fait remarquer, sur des monuments égyptiens dont la date authentique remonte au moins a deux mille ans avantl’ère chrétienne. C’est la le témoignage le plus ancien de la fabrication du verre, qui d’ailleurs n’était pro- bablement pas alors une industrie nouvelle; aussi n’inférerons nous pas de ce monument authentique, que le peuple égyptien
fut 1’inventeur du verre. Si une civilisation plus ancienne a pré¬, t ■ .
eédé celle des Égyptiens, c’est la qu’il faudrait cbercher F origine du verre. Nous regardons d’ailleurs comme de peu d’intérêt de rechercher si les verres égyptiens précédèrent ou suivirent ceux de Tyr et Sidon; nous ferons remarquer seulement que les peuples de ces dernières villes avaient essentiellement le génie commergant, et que les nations commergantes commencènt d’abord par être les inlermediaires entre les peuples producteurs avant de pro- duire elles-mêmes. Si, d’une part, les accumulations de sable
blanc du fleuve Bélus tendirent a favoriser en Phénicie la fabric
?
cation du verre, d’autre part, la production naturelle en Egypte du natron, cet élément plus important ou au moins plus rare de cette fabrication, semblerait constituer en faveur de cette der- nière une probabilité de priorité. t
La fabrication du verre ne fut pas d’ailleurs exclusivement pratiquée par ces deux peuples ; Hérodote nous dit que la fabri-cation du verre était connue et en usage chez les Elhiopiens; 'selon lui, ils en faisaient des caisses ou cylindres creux dans les- quels ils renfermaient le corps de leurs défunts. Les Persans se servaient de vases de verre avant le règne d’Alexandre le Grand ; les ambassadeurs que les Athéniens envoyèrent dans la Perse
rendirent compte a leur retour de eet usage, comme d’unê chose capable de dormer a leurs concitoyeus une grande idéé du luxe et de la magnificence de ces peuples. Pline parle aussi de la fabrica¬tion du verre dans 1’Inde, et le même auteur nous apprend encore que les Celtes et les peuples de 1’Espagne avaient des fonderies pour le verre. Nous ne pensons pas que la fabrication du verre ait élé pratiquée, au moins d’uhe manière notable, en Grèce : serail-ce que les éléments constitutifs ou Ie combustible auraient manqué ? ou plutót ne doit-on pas penser que la nature particu¬liere du génie artistique -des peuples de Ia Grèce dut principale- ment se concentrer dans la pratique de la céramique, qui obéis- sait d’une manière plus docile, plus precise a la production de ces , formes d’un profil si élégant qui sont restés d’admirables types, et dont la puretó ne pouvait être atteinte aussi bien par Vinter- médiaire des outils du verrier .?
Si la trace des Grecs se retrouve dans les verres antiques, ce n’est pas dans leur fabrication proprement dite, mais dans les moulures de verre opaque fixées sur des vases en verre bleu ou violet, et oil Part grec a imprimé un cachet qui ne saurait être méconnu.
Le développement dn luxe qui prit un si grand essor chez les Romains, lorsque leurs conquêtes se furent étendues sur tout le monde connu, donna une nouvelle activité a la production des verreries égyptiennes, dont toutes les facultés s’appliquèrent a satisfaire les gouts raffinés des maïtres du monde. Ellês produisi- rent de véritabies chefs-d’oeuvre, sans doute, car Pline, en parlant des vases en verre, dit: « On prend maintenant si grand plaisir a boire dans de beaux verres, qu’ils se sont substitués dans les buf¬fets aux coupes d’or et d’argent. » La consommation du verre par les Romains atteignit bientöt de telles proportions, que des ver- riers d’Alexandrie ne tardèrent pas a s’établir en Italië, pour être plus a pertée d’obéir plus rapidement aux mille fantaisies de ce, grand marché .
La fabrication du verre, une fois établie en Italië, ne se renferma pas longtemps dans la production des vases de toute espèce: Ie
INTRODUCTION RISTORI QUE
climat *de l’Italie, plus rigoureux que celui de 1’Egypte, donna bientót naissance a la production du verre plat destiné a éclairer 1’intériour des habitations, tout en les préservant du froid exté¬rieur ; les témoignages de Pompéi ne laissent aucun doute a eet égard. Ainsi, vers le commencement de 1’ère chrétieane, la fabri¬cation du verre s’étendait a la production des vases et des vitres (qui toutefois constituaient encore alors un grand luxe) et a la ma- tière des raosaïques. Les verreries romaines avaient pris une im¬portance très-grande, puisqu’un édit impérial leur assigna un quartier spécial, qui paraït avoir été dans le voisinage du mont Ccelius.
Sans doute, la fabrication du verre ne fut pas exclusivement concentrée dans Rome ni même en Italië; et il y a toute probabi¬lity que, les Romains portant dans les provinces sous leur domi¬nation, c’est-a-dire dans TIbérie, les Gaules, la Germanie, toutes les jouissances du luxe auquel ils étaient habitués en Italië, il dut s’y établir des verreries (dans le cas-même oh. il n’en aurait pas existé auparavant). Mais, toutefois, les procédés les plus recher¬chés de Part de la verrerie paraissent principalement s’être trans¬mis par tradition non interrompue des premiers verriers de l’Italie a Vénise, oh cet art se sera probablement réfugié lors des inva¬sions des barbares; et, effeclivement, les Vénitiens produisirent presque tous les genres de verreries qu’avaient fabriqués les Egyp- tiens et les Romains, et dont il nous reste des échantillons si remarquables.
Tel est, suivant nous, tout ce qu’on peut dire di neon testable relativement a 1’histoire du verre dans 1’antiquité; nous nous ré- servons d'ailleurs de reprendre, a chacune des divisions de notre ouvrage, 1’histoire des diverses sortes de verreries particulières; mais alors nous poursuivrons cet historique jusqu’a nos jours, paree qu’il se reliera essentiellement aux particularités de chaque fabrication, et en formera un complément indispensable.
11 nenous reste plus qua exposer le plan que nous nous sommes tracé dans 1’exécution de 1’ouvrage que nous avons entrepris.
Dans un premier livre, nous traitons du verre en général, de sa définition, deses propriétés physiques etchimiques, de chacundes éléments qui cöncourent a sa production, c’est-a-dire, de la silice, des divers seis de soude et de potasse, des oxydes mótalliques; des creusets, des fours do fusion et autres fours accessoires; des
ET PLAN DE CET OUVKAGE.
23
combustibles. Nous eonsacrerons un chapitre a 1’exatnen des défauts auxquels le verre est sujet, des accidents qui ont lieu dans la fabrication. La devitrification au point de vue scieptifique et technique nous a paru devoir aussi mériter un chapitre particu¬lier ; la question si importante de la main-d’ceuvre, celle relative au choix de remplacement d’une verrerie, méritaient également d!être traitées spécialement. Dans ce livre, nous nous bprnons & des notions générales, réservant les particularités, lorsqu’il s’agira de 1’emploi direct des éléments appliqués aux diverses espèees de verres, a chacune desqnelles sera consacré un livre spécial.
Si nous avions voulü procéder par ordre chronologiqne, ce n’est pas le verre a vitre dont il eüt été d’abord question; tnais aujour- d’liui ce verre est celui dont Futilité, lanécessité même est la plus absolue, et en m.ême temps dont la composition est la plus sipiple : 'il formera done le livre II, dont le premier chapitre sera consacré a Fhistorique des vitres poursuivi jusqu’a. nos jours, tant popr lp verre a vitre soufflé en plateaux que pour le verre a vitro soufflé en cylindres. Les verres destines è couvrir les vases, pendules,etc., les verres a vitres de couleur, fórmeront des chapitres sóparés du livre II. Le chapitre enfin que nous considérons coiaipe le plus important sera consacré a Ia partie économique et commerciale : il contiendra Fanalyse des divers prix de revient, eu égard a differentes localités, les tarifs de vente, et sera Ie derpier de ce livre II.
Les vilres nous conduisent naturellement aux glacés? qui spnt en réalité de grandes vitres: elles fornjeront le livre IIJ, dans lequel nous traiterons aussi des glacés soufflées, qqi, a la yprilé, ne sont autre chose que des vitres polies, mais quo nous avons réservées pour ce livre & cause de la similitude du travail auqupl sont soumises et les glacés soufflées et les glacés cpqlées.
Nous ne croyons pas nécessaire d’eqtrer ici dans le détail des chapitres qui formeront le livre III, qui, comme pour les vitres pt tousles liyres qui suiyront, comniencera par Fhistorique des gla¬cés, eulrera dans les détails de la fabrication, et se terminera par la partie économique et commerciale.
Après avoir parló du verre employé comme corps plat transpa¬rent, nous arrivons au verre employé comme corps pontenant, gt d abord nous traiterons du moius parfait, les bguteilles? qui for- meiontle livre IV; puis viendrpnt, dans le liyre V, la gobeleiterie
et le cristal, que nous croyons devoir ranger dans le même livre : en France, le verrier entend par cristal le verre dans la composi¬tion duquel entre 1’oxyde de plomb, mais comme, d’unepart, en Angleterre, on ne fabrique pas d’autre gobelelterie que le cristal (flint-glass}, que, d’autre part, en Bohème, au contraire, 1’oxyde de plomb n’entre presque jamais dans la composition de la gobe-lelterie Ia plus fine, nous avons cru devoir réunir la gobelelterie et le cristal dans un même livre. Les cristaux et verres colorés, les verres filigranés, mosaïques, formeront des chapitres assez
importants de ce livre. II est assez remarquable que ces verres, qui, dans les verreries modcrnes, ne constituent qu’une fabrica¬tion pour ainsi dire accessoire, sont précisément ceux danslesquels les verriers de 1’anliquité ont atteint le plus haut degré de perfec¬tion; c’est qu’en eflet, dans 1’état d’impureté oü élaient leurs ma- tières premières, il leur était assez facile de fabriquer des verres' colorés assez semblables aux diverses. pierres précieuses, mais ils ne pouvaient imiter le cristal de-roche et encore moins le diamant. Aussi le progrès dans 1’art du verrier a-t-il cousisté a
atteindre eet éclat et cette translucidité incolore que les décou-
•
vertes de la chimie ont pu seules permettre d’atteindre.
Nous venons d’énumérer les diverses sortes de verre qui se fa-
briquent d’ordinaire dans les verreries ; mais notre oüvrage ne nous eüt pas sernblé complet, si nous n’avions pas parlé des verres employés pour 1’optique, c’est-a-dire du flint-glass et du crown- glass, ou, par abréviation, flint et crown, qui formeront 1’objet du livre VI. Ces mots, en Angleterre,' n’ont pas la même signi¬fication qu’en France. Le flint-glass est le verre dans lequel entre 1’oxyde de plomb et que nous nommons cristal; le crown-glass est le vérre a vitre fabrique en plateaux. C’est a 1’aide de ces deux verres que Dollond résolut, Ie premier, le problème de 1’achro- matisme, et quand on voulut, en France, faire des lunettes, on fit venir d’Angleterre Ie flint-glass et le crown-glass; puis, quand ces matières devinrent 1’objet d’une fabrication spéciale, on leur conserva les noms de flint-glass et de crown-glass, qui sont restés réservés a ces verres. Nous ferons remarquer, dureste, qué ces verres d’optique n’ont pas seulement une importance scientifique, qui, seule, sans doute, eüt mérité un livre spécial; mais, depuis Ia j merveilleusejdécouverte de Daguerre, 1’extension si considerable j qu’a prise la photographic, le nombre immense d’appareils qui f
ont été construits en Europe ét en Amérique, ont donné au verre d’optique une reelle importance commercials.
Enfin, nous consacrons le livre VII a la pciniure sur verre, qui, è la vérité, ne fait pas essentiellement partie de 1’art de la Verrerie proprement dit, mais qui s’y rattache par des lieüs si intimes que nous avions cru devoir la joindre a 1’établissement de verrerie que nous avons dirigé. Cet art, qui, a une époque, avait une impor¬tance si grande, 11e peut arriver a des résultats remarquablés qu’il tend a reconquérir de nos jours, qu’autant que le fabricant de
'fc
verre entre dans toutes les vues de 1’artiste qui congoit le vitrail, donl la réussite depend en partie du choix des teintes qui com- posent ce vitrail; Nous n’avons pas la pretention de croire que ee traité de la peinture sur verre puisse rendre è cet art tout Pé- clat qu’il eut dans son beau temps, mais nous détaillerons tous les procédés techniques, et, ayant assisté nous-même è. toutes les tribulations de 1’artiste, nous pensons que nous pourrons épargner a dé jeunes néophytes bien des essais infructüeux, et les mettre dans la voie la plus favorable è la production de chefs-d’oeuvre, el quand nous n’aurions pas même atteint ce noble but, nous aurons au moins produit ce résultat qui a été notre mobile, celui de faire connaitre a nos successeurs, ainsi que nous avons cru le faire pour la verrerie, 1’état de la peinture sur verre au milieu du dix-neuvième siècle.
Tel est le plan que je me suis tracé et a 1’exécution duquel j’ai consacré tous mes efforts, heureux de pouvoir ainsi résumer et transmeltre toutes les observations que j’ai pu faire dans la pra¬tique d’une industrie qui a fait 1’occupation de toute ma vie.
J.