CHAPITRE IV.
COMBUSTIBLE.
On peut employer comme combustible, dans les verreries, le bois, les diverses variétés de charbon mineral, la lourbe, les gaz combustibles. ,
Boss. — Le bois ótait, jusqu’è une époque comparalivemeut récente, le seul combustible employé dans les verreries, qui s’é- tablissaient natürellement prés des forêts. Aüjourd’bui, quelques verreries en France, et presque toules les verreries d’Allemague, brölent encore du bois; et lantque ce combustible pourra être livré a un prix qui ne rendra pas trop inégales les conditions d’exploitation de ces verreries, comparées a celles qui brüleut de la houille, elles persévéreront dans eet usage, qui présente de grands avanlages sur la houille. On obtient avec le bois une tem-perature aussi élevée dans les fours è verre qu’avee la houille, le feu est plus clair et ne peul allérer la couleur du verre, comme cela a lieu quand on brule la houille.
Toutes les essences de bois peuvenl être employees pour la fonte du verre, et natürellement chaque verrerie emploie cellc qui est la plus abondante dans sa localilé, mais on doit dire que toules les essences ne produisent pas les merries résullats. Les bois auxquels on donne Ie nona de bois durs, c’est-a-dire le chêne, le hêtre, Ie charme, donnent plus de chaleur que les bois blancs, tels que le bouleau, le tremble, le peuplier; le pin est d’un excel¬lent usage en raison de la résine qu’il contient. Toutes les con- trées ne produisent pas des essences semblables : ainsi, dans les Vosges, le bois de hêtre est employé de próférence au chêne; et au contraire, le chêne du Morvan est préférahle au hêtre.
Si la quantitó de calorique produite par les diverses essences de bois devait être en raison de leur densité, on pourrait la cal- culer a peu prés d’après les bases suivantes, qui sont le résultat moyen des expériences que j’ai faites sur plusieurs sortes pour
COMBUSTIBLE.
des bois après uno année de coupe, conserves sous des hangars : L’orme de quarante a cinqüante ans pèse 500 kilogrammes le
stère;
Le charme de quarante a cinqüante ans pèse 480 kilogrammes le stere,
Le chêne de vingl a vingt-cinq ans pèse 460 kilogrammes le stère;
Le hêtre de quarante a cinqüante ans pèse 445 kilogrammes le stère ;
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Le sapin (les branches) pèse 340 kilogrammes le stère;
Le tremble de vingt a vingt-cinq ans pèse 325 kilogrammes le
stère. .
Le point capital en verrerie n’est pas de savoir quelle quantile de calorique peut donner un certain volume ou un certain poids de bois ;'mais al s’agit surtout de produire la plus grande quantilé de clialeur en un temps donné. De Ia est venue la méthode de diviser le bóis en billettcs, et de faire sécher ces billettes avant de les employer, atin qu’elles puissent dégager promptement le plus de ilamme possible sans fnmée. 11 est bon d’insisler ici sur la nécessité de faire scrupuleusement attention a ne jamais employer qu’un bois dépouillé, autanl quo possible, d’liumidité. Les ineon- vénients qui résultenl du défaut de soin a eet égard sont: 1" le petillement des billettes qui jettent des charboos jusque dans les pots oii ils mettent ie verre en mouvement, réduisent les oxydes métalliques, si on en emploie de Poxyde de plomb dans la com-position, et altèrent ainsi sa qualité; 2° le dógagement d’une grande quanlité de fumée qui remplit la capacité du four et em porto ainsi loin du four les produits de Ja combustion qui eussent dü lui
fournir du calorique; 3° enfin, le retard opéré dans la combus¬tion dü bois, donl Pinflammalion parfaite n’a lieu qu’après Ie dó-gagement de 1’humidité, ce qui empeche le four d’arriver a la tompérature élevée que produit uno prompte combustion.
On a done du eherclier a rendre le feu vif et clair autant qu’on a pu, et pour eela on met d’abord le bois dans un grand état de division : on le fend en billettes, auxquelles on donne une Ion- gueur proportionnée a la dimension du four. Pour le four dont j’ai donné la description page 140, je conseillerais de couper les billettes a une longueur de 0m,70 è 0m,75, et, quelle quo soit cette longueur, il ne faüt pas donner plus de grossêur que 10 a 12 een-
timèlres de large sur 4 a 5 d’épaisseur. Si on peut avoir uu assez grand approvisionnement de ces billelles sous des hangars, ou oh Lieut ainsi un premier degré de dessiccation. Mais cela ne dis¬pense pas de les exposer pendant un certain temps a une douce cbaleur capable de dégager Thumidité qu’elles contiennent, sans toutefois volaliliser les principes dont la combustion produit la ilammo.
Les procédés pour sécher le bois se réduisent & deux. Le pre¬mier consiste a les exposer au-dessus du four de fusion sur unc cliarpeute construite a cet effet et qu’on appelle la roue : le ca- lorique qui se dégage conlinueilement du lour par toutes ses ouvertures cntrelient sur celle roue une température élevée, dont les bois sont pénétrés, et ils sèchent sans qu’il en coóte rien pour leur dessiccation.
Cette roue est un plancher de cbarpente, placé a environ 75 centimetres au-dessus du four : ce plancher est supporté dans le milieu par des piliers de maQonnerie qui posent sur les angles du four, et aux extrémités par des chevalets en bois posés sur des dés de pierre. La largeur de la roue est réglée par celle du four; sa longueur peut s’étendre au del a des tisards, elle est tra- versée par un chemin qui sert a la charger et qui aboutit A une des extrémités de la halle, oil il répond a une pente extérieure assez douce pour qu’on puisse la mouter et la descendre avec des brouettes chargées. On empile les billettes sur cette roue a une hau¬teur de 2 metres a 2m,50, et le calorique, sortaut par les ouvreaux et mêtne a travers la maqonnerie, entretient uue température assez élevée pour dégager la plus grande partie de 1’humidité nuisible.
Cette méthode de sécher le bois est sujette a bcaucoup d’incon- vénients : 1° la crainte dn feu qui peut se communiquer au bois déja très-sec et determiner 1’incendie de toute la halle avant qu’on ait pu y apporter les secours nécessaires; 2° la difficulté de bien sécher également les billettes qui sont sur les devantures, el les culées, celles qui sont au bas de la pile et celles qui sont au- dessus. Ces inconvénients out élé tellement sentis qu’il n’est plus aucuue verrerie importante qui sèche les billettes sur les roues, et nous avons mentionné cette méthode paree qu’elle n’a pas cependant céssó d’êlre pratiquée dans quelques petites verreries (nolamnient dans la Seine-Inférieure).
La deuxième méthode de dessiccation consiste a placer, les hi 1-
' inttes dans dos fours appelés carcaisses, quon a soin de ne pas
f placer trop pres des halles, paree que, dans ces fours même, il
ï n'est pas rare que les billettes s’enflamment; mais alors le danger
i iie s’étend pas au dela du contenu de Ia carcaissë. On construit
j généralement, pourchaque four de fusion, quatre carcaisses con¬; tenant chacune la consommation d’une fonte, de telle sorte que,
i si on emploie trois jours a séclier une carcaissë, on en a chaque
1 jour une disponible. Si, par exemple, le four consomme 13 u
;; 14 stères, on fora une carcaissë de 3 mètres sur 3 metres et de
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I lm,75 de haul, conlenant ainsi environ 15 stères de billettes. Cette ? carcaissë est cbauffée par un foyer régnant sous 1’aire de la car- 1 caisse dans toute sa longueur, et débouebant è 1’extrémité au ni- | veau de 1’aire par nn trou devant lequel on applique une large
1 bricjue inclinée, de lelie sorte que la fumée ne puisse pas sortir ver-f: ticalement, mais seulement par les cótcs de cette brique inclinée.
j; On ne brüle, a fenlrée du lisard, que des grosses buches, ou sou- § dies, de manière a entretenir seulement un fou doux dans Ja car- caisse, dans laquelle, laissant un peu de vide auprès de la brique
| du fond, on empile les billettes aussi serrées que possible jusqu’a | la porte de la carcaissë. La va peur qui s’échappe par 1’ouverture n’est d’abord qu’une vapeur aqueuse, et si on pousse la dessicca-
| lion trop loin, la vapeur devient acide et piquante aux yeux. II | ne faut pas chauffer tout a fait a ce point, car alors le bois est I bien prés de s’enflammer. Si celle ignition s’est manifestée, il faut i se hater de fermer Centree du tisard et celle de la carcaissë avec
s un volet garni en tóle, qui s’ajuste complétement et que 1’on marge avec de 1’argile délayóe. Si la carcaissë est bonne, le feu,
| faute d’alimentation, doit s’éteindre; on attend qu’il soit com-
5 plétement éteint, on ouvre la carcaissë et on retire le bois. Il
arrive souvent que des crevasses existent dans les parois en bri-
1 ques; la combustion intérieure continue, alors on doits’empresser ] d’ouvrir la carcaissë, retirer le bois avec des crochets en dirigeant
I un jet de pompe sur la partie oü a lieu la. combustion. On fera ? done sagement d’arróter Ia dessiccalion quand on ne sent plus 1 s’échapper de vapeur d’eau.
' Les carcaisses, bien supérieures a la roue des anciennes verre- ries, ont aussi été remplacées, dans quelques grands établisse-
È ments, par une dessiccation avec appareil continu,' consistant en
i une série de chariots portant les billettes et s’engageant sur un
chemin de fer placé dans une longue gaine de Fospèce des arches ürocuirela goboletterie; mais, tandis quo, pour les arches a re- cnire, les chariots vont en s’éloignant du foyer, dans les nou- velles carcaisses, au contraire, les chariots s’engagent dans la gaine par 1’extrómité opposée au foyer dont ils s’approchent sue- cessivement en amenant ainsi les billetles vers iine .temperature de plus en plus ólevéc, sans les faire approcher, toutefois, jus- qu’au point oü elles s’enflammeraient. On sort ainsi les chariots et les billettes par une ouverture laterale au fur et a mesure des besoins.
Nous ne parlerons pas iei du mode d’emploi des hillettes dans le four de fusion. Les dispositions a adopter a eet égard trom veront leur place quand il s’agira de la fusion du verre dans les fours a hois. - .
ziouilic. — La houille est, de nos jours, le combustible Ie plus généralement employé dans les verreries. II n’a bosoin d’aucune
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preparation : tel il est extrait de la mine, tel ü est mis dans le four, et tandis que Is bois gagne a être conserve pendant un cer¬tain temps sous des hal liers, oü il s’opèreun commencement de dessiccalion, la houille, au contraire, s’allère sensiblement par soil exposition a Fair; il résulte, en effet, d’expériences faites sur les houilles, que le principe gr.is qui facilito la formation du
coke, sous Faction de la ehaleur, disparalt en grande partie par
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Fe-xposition des houilles a Pair Jibre : des houilles grasses, apros six mois deposition a Fair, ne donnent plus que du coke impar- faitement formé, tandis qu’on obtient d’excellent coke dans Jes mêmes fours avec la meme houille fralcho. Les houilles long- temps exposées a 1’air cessent de se boursoufler et de s’agglu- tiiier dans le four; et, si on les a réduites en poussière avant de
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les chauffer, on les retrouve en poussière après leur distillation. Ce que des expóriences dircctes ont constaté, les verreries qui sont dans le voisinagc des mines n’ont pas manqué de Ie remar- quer. La difference de la combustion entre des houilles fralche- ment extraites et des houilles sorties précéderament de la mine est sensible, même au bout d’une semaine; ces dernières brülent moins vivement, ne produisent pas une si belle flamme. Il y a done avahtage, pour une verrerie, a so trouver dans le voisinage d’une mine et a faire exlraire son charlion journellement, aulieu de faire des approvisionnements. Cette circonstance était tout a
fait défavorablo aux usinos qui se trouvaient óloignées des minos et dont les approvisionnements se faisaient par bateaux. La con¬struction des chomins de fer a, sous co rapport, beaucoup amé- lioré leur condition.
Cette deterioration du charbon de terre a Pair est surtout sen¬sible sur les charbons gras; les charbons maigres en éprouvent moins Jes inconvénients; et, foutefois, quand on voudra choisir remplacement d’une verrerie, toules circonstances égales d’aih leurs, j’engagerai fort a préférer le voisinage d’une mine dehouille grasse a une mine de houillo maigre. La première, contenantune bieu plus grande quantité d’hydrogène, produit plus de flainme, une flamtne plus longue, et, ne 1’oublious pas, il s’agit, dans un
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four de verrerie, non pas d’obtenir Ia temperature la plus élevée
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sur un point donné, inais de répartir également une haute tem¬perature dans un assez grand ospace. La houille grasse peut per- metlre des sieges plus élevés qui éioignent davantage le dessus des pols du foyer, et donnent beaucoup moins lieu a la projection de fragments de cbarbon et de cendres sur Ia surface des pots.
La conduite de la grille est, du reste, plus difficile avec de la houille grasse qu’avec la liouille maigre, et exige un liseur plus liabile, car il se forme sur les barreaux, avec la houille grasse, des crasses qui bientöt obstrueraient la grille, si le tiseur n’avait la precaution de dóerasser dans une juste mesure. Avec la houille maigre, au contraire, le liseur a peu de soins a donner a la grille, qui rarement se trouve forlement encrassée. Nous entrorons dans plus de détails sur le Usage, la conduite de la grille aux diverses époques de Ia fonle, quand il sera question des diverses espèces de verre. II ne s’agissait, pour Ie moment, que d’établir les dif¬ferences d’aclion des houilles; nous n’avons, du reste, nulle intention de nous étendre sur les analyses des bouilics et les experiences auxquelles elles ont été soumises, ce serail nous éloigner de notre sujet.
Antiii-jis-iie. — D’après ce que nous avons dit des houilles grasses et des houilles maigres, on comprendra quelles peuvent être les difficultés d’employer en verrerie Panthracite. Ce charbon minéral, a 1’état de carbone presque pur, ne peut brüler qu’è I’aide d’une ventilation factice qui jusqu’è présent n’a -pu être appliquée avec succès aux fours de verrerie. Nous nous abstien- drons, en consequence, d’en parler, puisque nous ne voulons
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faire connattre que 1'état de 1’art de la verrerie tel qu’il est pra¬tique.
Tourbe. —La tourbe contient une proportion trop grande d’é- lóments étrangers a la combustion pour pouvoir êlre employee avec a vantage dans la fonlo du verre. C’est un combustible ex¬cellent pour une inGnité d'usages, tels que les évaporations, la cuisson de Ja chaux, des briques, des tuiles, et même des poteries vernissées; mais, pour ces dernières, on est oblige pour glacer le vernis de donner un dernier coup de feu avec du bois; celte cir- constance explique son insufGsance pour les verreries. Je sais, toutefois, que des verreries A bouteilles en ont fait usage dans dos localités ou tout autre combustible était dispendieux, et oü il y avait un marehé avantageux pour les bouteilles. Aujourd’hui que 1'ótal des communications s’est grandement amélioré, il est peu presumable que des tentatives de cbauffage de four a verre
par la tourbe soient renouvelées, a rnoins que ce ne soit dans des fours a gaz. .
Lignites. — Les lignites tiennent, pour ainsi dire, le milieu entre les tourbes et Ies houilles, elles offrent done trop de res- semblancc avec les tourbes pour être avantageusement employées a fondre le verre. Les meilleures lignites remplacent la houillc dans ceux de ses usages qui n’exigentpas les qualités spéciales des houilles grasses. Ainsi parle M. Dumas, et ce jugement est, A notre point de vue, la condemnation des lignites.