CHAPITRE VII.
DÉ VI TRIFI CATION.
Tous les verres, lorsqu’on les fait passer d’une fagon très-lente de 1’état liquide au refroidisseraent complet, sont plus ou moins sujets a perdre leur transparence et a se transformer en une sub¬stance semblable a une poterie dont la cassure n’est plus pareille a celle du verre, mais fibreuse, et A laquelle on a donné le nom ƒ de porcelains de B.éawnur, du nom de ce physicien, qui, le pre¬mier, fit des observations sur cette modification du verre- qui est réellement une dévitrification, puisqu’il perd dans ce changement
les principaux caractères du verre.
Depuis les mémoires de Réaumur sur ce sujet, sir James Hall a décrit des expériences très-curieuses qui se rattachent au phéno- mène de la dé vitrification. M. d’Artigues a fait un mémoire très- intéressant sur la dévitrification, qu’il a Iu a 1’Académie des sciences, le 30 floréal an XII. Personne n’était plus apte a jeterla umière sur ce phènomène que eet habile verrier, qui était en même temps un savant distingue; il est seulement a regretter qu’il se soit borné a un petit nombre d’observations, se réservant sans doute de donner un plus grand développement a ce sujet dans l’ouvrage qu’il se proposait de faire sur 1’art de la verrerie, que nul ne pouvait nous faire connaïtre mieux que lui, dans l’état oh il se trouvait au commencement de ce siècle; projet qu’il n’a malheureusement pas mis A execution.
Le phènomène de la dévitrification ne pouvait manquer d’alti-
rer 1’attention de nos savants; aussï M. J. Dumas s’en est-il
oecupé dans le chapitre VERRE de la Ckimie appliquée auxarts;
et M. J. Pelouze a fait, en 1855, un mémoire sur la dévitrification ■
du verre, qui est le résultat de ses expériences dans la fabrique de Saint-Gobain. Tous ceux qui voudront avoir des notions sur la dévitrification devront lire les auteurs que je viens de citer. Je vais, toutefois, hasarder d’y joindre mes propres observations et
iö résultat de ma longue pratique, ne croyant pas devoir m’abs- leiiir de relater des faits déja énoncés avant moi.
J’ai dit en commengant que tous les verres étaient susceptibles jese dévitrifier: mais pasavec la même facilité. Ce pbénomène s’opère d’autant plus rapidement que le verre contient plus de bases (erreuses, c’est-è-dire de la chaux, de Falumine, de la ma- gnésie, etc.; aussi le verre abouteilles est-il celui dont la devitri¬fication est la plus facile et qui a dü. donner lieu au plus grand notnbre d’observations.
Pour peu que la cbaleur du four ne soit pas maintenue suffï- \ santé pendant le travail des bouteilles, le verre devient galeux, \ ainsi que nous le disions dans le chapitre précédent; on est obligó de cesser de souffler et de réchauffer le four pour reprendre le travail. Cette gale est un commencement de dévitrification; et si on examine Ie verre qui est resté au fond des pots de bouteilles, quand ils sont retires du four, on verra que ce verre est compléte- \ ment dévilrifié et tout semblable a une. poterie grossière, a tel | point que, si on casse ces fonds de pot, on peut a peine distinguer ce qui était du verre, de la matière même du creuset.
Nous avons vu égalemeut que le verre a vilres, s’il contenait une proportion trop forte de chaux, ou si le four devenait trop froid pendant le travail, devenait galeux, e’est-a-dire co mm eng ait a se dévitrifier. Si dans un four a étendre, oit la température est
portée au degré nécessaire pour ramollir le verre, vous laissez \
> 1
pendant quelques jours dans un coin des débris de lagre (les ; feuilles de verre sur lesquelles on étend les autres), ou de feuilles | cassées et que vous les retiriez ensuite, ces débris sont deVenus d’un blanc opaque comme de la porcelaine. Si 1’exposition è la chaleurn'a pas ótó assez longue, la dévitrification a commence par les deux surfaces et s’est manifestée par une cristallisation en aiguilles, partant des surfaces, et au milieu desquelles se trouve encore une coucbe de verre transparent. Quand la transformation est compléte, les aiguilles sesont rejoinLes des deux parts; on ne voit plus qu’une feuille blanche entièrement opaque. J’ai des échantillons de dévitrification composes de fragments de feuilles de verre accolés Fun a Fautre provenanl decaisses de verre incen- diéesdaus le fameux incendie de Bambourg. Dans ces échantil- tons, les feuilles, quoique adhérentes les unes aux autres par le tail do la chai eurquelles ont éprouvé), sont cepcndant distincte,
196
*
A
par le fait de la dévitrification plus avancée sur la surface qu’ è 1’in. térieur, et la surface de quelques-unes a été noircie par le fait de la combustion du foin ou de la paille qui servait d’emballage. je dóposo au Conservatoire des arts et métiers 1’un de ces échantiilons.
Sauf le verre a vitres dévitrifié dans les fours a étendre.on est peu a même d’observer des accidents de dévitrification compléte dans la verrerie de verre a vitres. Ainsi, les fonds de vieux pots do verre a vitres ne sont pas dóvitrifiés, leur refroidissement a été trop rapide.
Les fours chauffés au bois donnaient lieu autrefois a beaucoup d’observations sur ce sujet, paree que le verre qui s’écoulait des pots et tombait dans Ia fosse pouvait s’y loger dans des interstices et produire des échantillons très-curieux. Mais dans les fours« charbon, le verre qui tombe des pots s’écoule sur la grille el ne reste pas ainsi dans le four.
Le cristal se dévitrifié plus difficilement; mais, enfin, il obéil aussi a cette loi. Si vers 1’entrée d’une arche a recuire, il tombe une pièce de cristal en dehors du chariot et qu’elle reste pon- danl un certain nombre de jours a celle place, la devitrification ne manque pas de se manifester. Dans ces exemples de devitrifi¬cation, il se présente, pour les verres qui conliennent de 1’oxyde de manganese, un fait assez curieux : tandis que Fintérieur de la pièce a passé du blanc transparent au bïanc opaque de porcelaine, la surface s’est revêtue d’une teinte violet-rose d’une épaisseur inappreciable et comme couchée au pinceauj ce qui montre que, pendant le long espace de temps oü le verre élait a Fétat mou, 1’pxyde de manganèse, combine dans le verre de la surface, a pu absorber de l’oxygène pour passer a Fétat de peroxyde et produire cette teinte violette. Je dépose également au Conservatoire un éehantillon de ce fait curieux.
Le verre qui serait le moins sujet a se dévitrifier serait celui qui ne contiendrait que silice etsoude ou potasse; mais un tel verre ne se fabrique pour aucun usage. .
Cetlp assertion est contraire a celle qu’énonce M. Pelouze dans j un mémoire qu’il a lu dans la séance du 14 janvier 1867 de FAca- ;
démiedes sciences. Dans ce mémoire, M. Pelouze cite des expé- 5
riences d’ou. il condut « que les phénomènes de la dévitrificalion < sent surtput dus, toutes choses égales d’ailleurs, a de fortes pro¬portions de silice. » . f
[image 37]
DEVITIHFICATION.
Dans ces experiences, M. Pelouze montre, en effet, qu’en aug- mentant la proportion de si lice, d’une certaine composition, ii a. rendu le verrö d’une dé vitrification plus facile; mais je siiis per¬suade quë ce n’est pas 5 la silice qu’il faut altribuer cet effet* Ouand un verrier a des accidents de devitrification dans la fabri¬cation du verre a Vitres ou des bouteilles, ce n’est pas la silice fjonlildiminue la proportion, mais lachaux. Dans les experiences quecite Ai. Pelouze^ le verre est devenuplus facilement dévitrU \ fiable par 1’augmentation de la dosede silice; rnais la composi- i tionalaquelle on a ajouté de la silice contenaitune forte propor- J Siondc chaux,et cette chaux a naturellement manifesté davantage son pouvoir de dévitrification & mesure que le verre est devenu plus dur. Si M. Pelouze etit fait ses expériencës sur un verre eón- tenant peu de chaux, ou mieux, n’en nontenant pas du tout, je snis con vaincu qu’il aurait eu un verre plus rebelle a la fusion, nontenant de plus des grains de sable, mais toujours transparent*
Jc croisdevoir revenir ici.sur un exemple de dévitrification que i’avais observe, et aü sujet düquél M. J. Dumas fii’a fait 1’hon-
rteur de me citér, p. 552, töme II, dé la Chifttw tipplupiêe aux
arts. Ce verre était compose de 100 dé silice et 40 dé carbonate de soude. Je voulais faire dü Crown £óür l’öptiqüé; üiéis, par une longue exposition aü feu, cé vérre perdit sa transparence.
Involéntairéméntf j’avais fait a ÈL Dumas fine declaration
inexacte èn cesens que j’avais donné le norn dé carbonate de soude
au sel de soüdè du commerce, qui, Suftout a céttè époque, n’était
généralemènt pas supérieur U 72 óü 74 degrés, c’est-a-dire que ce selde soude ne contenait réellement sur 100 que 72 parties de carbonate de soude, les 28 parties restant étant un peu d eau, un peu de chlorure de sodium, et surtout du sulfate de soude. Cesont ces sels dont la presence a du amener un état d’opalisation plutöt que de dévitrification.
Après avoir dit dans quelles circonstances s’opèrent les phend- mènes de dévitrification, il s’agit de définir ce qui donne lieu it ces phénomènes. Or, évidémment, la devitrification est le résültat dé la cristattisatioin du verre. Qüaud le verre est éntièremént fondu, si vous le laissez en repos, tout en le maintenant a une témpéré- ture oü il est liquide, il s’opère dans la masse un mouvement dés Molecules qui précèdela dévitrification; si le verre ti’est pas dé ceux qui se dévitrifient aisémentjsi, d’ailleurs, 1’état liquide rfa
pas été assez longtemps prol on gó, il y a toutefois une modifica¬tion sensible dans la contexture du verre. La tendance a la cris¬tallisation se manifeste par un état gélatineux, état que 1’on
rend plus visible en polissant deux faces parallèles. Si le verre est dans des conditions de devitrification facile et que les circon- stances du refroidissement soient favorables, il se forme & la sur¬face une croüfe opaque, de laquelle partent des aiguilles cristal- lines, dont la couche augmente constamment d’épaisseur; et, d’autre part, il se forme a 1’iutérieur de la masse tantót des sortes d’étoiles composées d’aiguilles convergeant vers le centre, tantöl de petits solides & six faces convergeant vers deux pöles aplatis ressemblant a des graines de capucine, comme dans Ia figure 37. Plus on prolonge 1’épreuve du refroidissement, plus la couche supérieure devient épaisse, plus le nombre des étoiles ou graines s’augmente; au lieu d’étoiles ou graines d'un petit volume, il se forme des sortes de rognons de plusieurs centimetres; el enfin,
toute la masse du verre finit par former une masse homogene, fibreuse, opaque. II est plus facile d’obtenir une devitrification compléte, une porcelaine de Réaumur, que d’arrêter ce travail de dévitrification dans eet état qui présente les crislaux bien formes, prouvant que ce phénomène de la dévitrification n’est du qu’a la cristallisation du verre. Ie suis heureux de pouvoir déposer des échantillons de ces cristaux que j’ai obtenus en laissant refroidir lentement des pots de verre a vitres dans des fours hors de service. Je dépose aussi un fragment de verre dévilrifié, provenant du ca¬binet de M. Sage, è la surface duquel se trouvent des cristaux en aigüille etdes cristaux en prismes basaltiques a six pans; e’est le
; plus curieus spécimen de verre cristallin que j’aie vu; il est pro¬: bable qu’il a dü être trouvé dans un fond de pot laissé dans un four qu’on aura voulu refroidir très-lentement, et dontla surface
! aura été protégée par Tinterposition d’un fragment de creuset j qui I’aura couvert sans le toucher. .
La dévilrificalion est done le résultat de la cristallisation du verre; a ce sujet il n’existe pas le moindre doute. Mais comment a lieu
’ cette cristallisation? S’opère-t-il dans ce travail une separation d’un ou plusïeurs éléments du verre par laquelle un certain sili- i, cate cristallise en abandonnant aux parties non cristallisées les
;• elements qui se sont séparés? ou bien est-ce Ie verre lui-même ; dans tous ses éléments dont la cristallisation commence en divers
points a la faveur de certaines circonstances de température? De même que la cristallisation dans les liquides est hatée par des
■ Ms, de petites baguettes, ne pourrait-on pas penser que, dans le ■, verre, cette cristallisation peut être favorisée par une strie, 'une
bulle, un grain de sable ? Ce qui corrobore cette probability, c’est que, lorsque, dans une potée de verre que j’abandonnais dans un
/ four clos pour y produire des dé vitrifications, je jetais un frag-
■ ment de brique dans le pot, l’inspection de Ia masse refroidie montrait que la cristallisation s’était d’abord manifestée dans les
< points de contact avec la brique. De telles questions sont du ï domaine de la science pure, un praticien ne peut y apporter que le contingent des faits qu’il a observés; or, je dois dire que tout
| me porte a croire que les cristaux qui se forment dans la masse | d’un verre sont identiques avec cette masse, non pas comme dis- | position de molécules, mais comme composition; et voici mes i principaux arguments :
| 1” Lorsqu’un cristal se forme au centre d’une masse de verre,
| si une certaine portion de ses éléments abandonne la partie qui | cristallise, que deviennent ces portions qui Vabandonnent? Si c’est I de la chaux, élle ne doit pas pouvoir s’unir au verre ambiant et doit i' apparaitre a son état de chaux; mais ce n’est pas de la chaux qui I se sépare; car, au contraire, la chaux ajoute a la tendance que le | verre a a cristalliser: ce serait done de la soude ou de la potasse I qui se separeraient du cristal. Mais serait-ce a 1’état gazeux ? On i verrait alors le cristal environné de bulles; or, la grande généra- ; lité des cristaux que j’ai vus, et dont je dópose des échantillons,
sont en contact immédiat avec la masse de verre sans présence de
200 L1VRE I. — CHAPITRE VII.
bulies, Que si la so,ude ou pötasse s’est ajouiée a la soude ou p0. tasse existant dans la masse non encore dévitrifióe, cette quantity excédante n’a pu loutefois s’étendre bienloin ; cai’j remarquons- le bien, le verre dans lequelselbrmenl ces cristaux n’est pas très- liquide, il est paleux. Or, il mesernble que ce verre touchanl le cristal, et qui se trouve chargé d’un nouvel excédant d’alcali, do- vrait revêtir un aspect un peu différent, ne fut-ce que par des stries très-marquées; or, Ie verre qui touche aux cristaux parait être de la même pureté exactement que celui qui ön est un peu plus élóigné.
2° Lorsque 1’on abandonne un pot contenant une certaine quanlilé de verre dans un four que Ton bouche pour en opérer lentement le refroidissement, c’est la surface qui, refroidissant le pluspromplemeut, se dévitrifle et se solidifie la première; pais, il se förme dans 1’intérieur de la masse des cristaux en étoile, ou des Cristaux en forme de graine de capucine dont nous avons parlé, des rognons. A mesure que 1’ópération se prolonge, ces cristaux ou rognons deviennent plus abondants, plus gros. Nous ómeltons cè fait paree que nöus avons reliré des pots a divers états d’avancement de cristallisation. MaiSj si des portions d’alcali se séparent a mesüre que cette cristallisation s’avance, que deviennent done ces portions d’alcali qui ne pen vent s’écbapper è 1’état gazeux, la surface dn pot étant alors solïdifiée? Enfin, si fopération est poussée jusqu’au bout, la dévitrification est complete,, la masse est homogene; il n’y a plus de partie transparente, tout a élé cristallisé. Or, coraine aucun des éléments n’en est sorti, cette
masse qui, dans sa dévitrification, a une telle apparenco d’homo- généi té, serail done composée de diverses natures de cristaux'?
Gela me paraït bien peu vraisemblable.
Le verre dévilrifïé devient tout a fait semblable au whinstone et autres pierres volcaniques sur lesquelles sir James Hall a fait ses experiences. Ainsi qu’il 1’a observé, et que nous avons déjè con¬state le fait, page 107, ces produits volcaniques fondent a fetal dc t verre, et si ce verre est soumis a un refroidissement lent, le tra-
vail de la cristallisation s’opère de nouveau, Ia devitrification | devient compléte, et ce verre reprend 1’état oh il avait été trouvé dans la nature.
3° Lorsqu’un verre en travail commence a se déyitrifier, de- |
vientgaleux, il suffil de le réchauffer pour qu’il -reprenne 1’état j
dans iequel ii se trouvait auparavant; or, I’óléinent gui se serait déja séparé serail döncréabsorhé par le fait du réchauffage ? Ccla n’est pas probable; et si eet exces d’alcali abandonné s’était óva- poré, comment ie verre qui en serait privé reprendrait-il sa forme, sa consistance première, se travaillant aussi aiséinent?
4° Ayant réuni un certain nombre de rognons cristallisés dans une masse de verre a vitres refroidie lentëment, j’ai fondu ces rognons et j’ai obtenu un verre transparent semblable a celui dans iequel s’élaient fortnés ces rognons ; et, dans cette nouvelle fonte refroidie, il s’est formé de nouveaux rognons semblables aux pre-miers. Sans doute, les premiers rognons et ceux de la fonte sui- vante n’eussent pas donné les mêmes résultats a 1’analyse , mais cela tient a ce que, ainsi que nous 1’avons fait remarquer a Par¬tiele Groisil (pages 107 a 109), a chaque fonte le verre perd une portion de son alcali et devient plus dur; mais, je le répète, ces rognons, dans la première et la deuxième fonte, ne sont que le commencement d’une cristallisation et devitrification com¬pletes et homogènes. Mais si tous les verres sont susceptibles de se dévitrifier, de crislalliser, quelle que soit leur composition, sans donner lieu a des modifications de leur composition, il s’ensuivra done que les cristaux du verre ne sont pas toujours un compose en proportions déönies ? A cette question, je répondrai que les analyses des verres prouvent que ces proportions définies se ren- contrent rarement; que souvent même des verres dont la qualité est très-bonne s’éloignent plus de ces proportions définies que d’autres verres d’une qualité moins bonne; or, s’iln’y a pasnéees- sité de proportions définies pour la constitution du verre, pour- quoi la devitrification ne pourrait-elle pas s’opérer dans les mêmes conditions ?
Les conclusions du mémpire de M. J. Pelouze, conformes a mes observations, donnentun grand poids a ma conviction. J’avouerai même que e’est sous la protection d’une telle autorité que j’ai osé émettre une opinion dans une telle question. En effet, une autre autorité bien imposante serait contraire a ces conclusions. Mi J. Dumas dit, en effet, dans sa Ghirnie 'appliguée aux arts: «Dans la solidification lente du verre, il s établit un partage des elements au moyen duqüel un silicate défini se cristallise et se sépare ainsi de la masse restante.
M. Dumas cite Panalyse suivante qu’il a faite d’un tube de
verre è bouteilles dévilrifié par M. Darcet a la verrerie de la
Gare:
Silice 52 = 27 oxygène.
Alumine 12,0 5,6 t «j g
Sesquioxyde de fer et demanganèse.. 6,6 = 2,0 $ '
Chaux . 27,4= 7,6) ?8
. Perte ou potasse.................. 2,0 = 0,2 J ’
.« En comparant cette analyse avec celle du verre a bouteilles ordinaire, on voit que, s’il reste de la potasse, 'la quantité s’en trouve au moins réduite au tiers ou a la moitié de la quantité ordinaire.»
M. Dumas a comparé 1’analyse de ce tube avec celle d’un verre a bouteilles ordinaire; mais si ce n’est pas avec le verre même qui avait produit ce tube dévitrifié, on ne peut pas conclure, car il y aune grande diversité dans la composition des bouteilles; et on congoit que des bouteilles non dévitriüées eussent pu fournir aussi Fanalyse que donne M. Dumas.
M. Dümas dit d’ailleurs que M. Darcet a trouvé que le verre a bouteilles se dévitrifiait sans changer de poids, ce qui rentre dans les observations de M. J. Pelöuze.
A la vérité, M. Dumas, p. 553, cite lés deux analyses suivantes de parties transparentes et de portions cristallisées, provenant d’une même masse qui existe dans le cabinet de 1’Ecole poly¬technique :
Ces deux analyses seraient certes un argument assez puissant, mais je ferai observer toutefois (paree que je pense avoir fourni eet échantillon a 1’Ecole polytechnique) que souvent, pour facili- ter la cristallisation du verre dans un pot laissé dans un four bouché, je jetais sur le pot, avant de le boucher, une pelletée d’argile très-siliceuse; et si Fanalyse du verre cristallisé a été faite sur la parlie dévitrifiée de la surface, il ne serait pas surprenant qu’elle eut été différente de Fanalyse du .verre des couches infé- rieures. Il faudrait comparer 1’analyse des étoiles ou rognons des
DEVITRIFICATION.
couches inférieures avec celle du verre environnant ces rognons.
Enfin, je pense que meme certains cas d’analyse indiquant des differences entre du verre cristallisé et du verre transparent d’une niêtne potée, me paraïtraiènt insuffisants pour conclure au genéral
en presence des autres arguments.
II est toutefois constant quê les phénomènes de la crislallisation
et de la dévitrification du verre n’ont pas encore été suffisamment éludiés, et sont dignes des travaux suivis d'un habile chimiste. Malheureusement ce n’est pas chose facile; on a bien rare ment a sa disposition des fours a refroidir, des pots a abandonner avec du verre. De telles expériences sont couteuses et ne peuvent pas être souvent renouvelées. Un chef d’établissement est absorbépar trop d’autres soins pour donner beaucoup de temps a de telles études. Il serait done a désirer qu’une personne spéciale püt étudier ce sujet; cette personne trouverait d’aiïleurs dans une verrerie bien d’autres phénomènes a observer, qui ne lui feraient pas regrelter de s’y être consacrée.
Après avoir en quelque sorte résumé Ies.faits de dévitrification, il nous reste a parler de rapplication qui pourrait en être faite a un point de vue industriel.
C’est en ce sens que la dévitrification avait attiré Tattention de Réaumur, qui, occupé alors de son travail sur la porcelaine, vou- lut en faire Tapplication è une fabrication de poteries; et comme, pour opérer cette dévitrification de pièces fabriquées en verre sans les déformer, il était oblige, soit dans le four, soit dans Ie vase oü on les metlait, de les poser dans un milieu réfractaire qui ne s’atlachfit pas aux pièces en verre, tel que du sable, du platre en poudre, Réaumur attribuait le phénomène de la dévitrification au milieu dans lequel il faisait cémenter le verre. Ainsi, il disait que le platre était un meilleur cément que le sable. Bose d’Antic a fait aussi quelques études sur les matières qui pourraient être le mieux appropriées a la cementation du verre, ftl. d’Artigues a tout a fait démontré Terreur de Réaumur, et tous ceux qui depuis ont fait des expériences sur la dévitrification ont pu reconnallre 1’inu- tilité de toute espèce de cément au point de vue du phénomène en ïui-même.
M. Darcet a fait aussi des essais d'application de la dévitrifica¬tion du verre, que cite M. Dumas (p. 548) : « M. Darcet, è qui tant de branches d’industrie doivent de si heureux perfectionne-
204
ments, n’a point négligé celle-ci : il a fait en verre a boutciiles dévilrifió des camées, des carreaux d’appartoment, des por- phyres, des mortiers et des pierres colorées pour la mosaïqüe, dont les propriétés précieuses seront appréeiées tot ou tard. Qu’ün fabricant habile monte ce travail avec soin, et Pon peut assurer qu’il en tirera bon profit. »
- Et plus haut, M. Dumas dit encore : « En raisön de ses pro¬priétés , le verre dévitritié peut remplacer la porcelaiue dans presque tous ses usages. Ainsij pour les besoins de la chimie, on peut faire des tubes, des cornues, des ballons, des capsules qui * résistent au feu non moins aisément que les vases de porcelaine, qui sont aussi peu perméables quele verre ordinaire, qui résis¬tent fort bien aux acides, et qui, enfin, peuvent s’obtenir d’une seule piece sous mille formes varices, que le moulage de la por- celaine ne fournirait qu’avec peine. CFest une industrie a cróer, et une industrie bien importante, car elle pourrait fournir des vases d’une poterie salubre, élégante, et d’un prix peu élevé. »
Un tel appel fait par un homme aussi éminent est certes de na¬ture a tenter plus d’un jeune industriel, el il n’en est que plus important de poser, a cöté de ces motifs d’encouragement, quel- ques arguments au point de vue des désavantages d’une telle in¬dustrie.
Le verre qui fournirait la base de cette fabrication devrait être compose de manière ase dévilrifier aisément; le verre a bouteilles ' est dans ce cas. Mais étant dévitrifió, il est d’une couleur peu agréable, qui 11e pourrait le meltre en comparaison qu’avec des poteries grossier es, et 1’avantage du bon marché serail sans au- cun doute pour ces dernières. On peut aussi dévitrifier assez aisé¬ment un verre de la nature du verre a vitres, pour peu que 1’on force un peu la dose de Ja chaux, et ce verre dévitritié sera d’un blanc opaque moins agréable que celui de la porcelaine, mais toutefois supérieur aux poteries ordinaires. Mais ces pieces faites
en verre blanc, avant même 1’opéralion de la dévitrification, ne seraient pas généralement d’un prix inférieur è celui de la porce- laine. On ne ferait certes pas en verre des assiettes a moins de 5 ou 6 francs la douzaine.
C’est dans Fopération de la dévilrification (ia cémentation, comme Fappelait Réaumur) que résideronlles principaux écueils de cette industrie. Cette operation sera coüteuse; il faudra d’a-
bord ranger toutes les pièces de vérre dans des casettes avec du
sable interpose, puis mettre ces casettes dans un four, oü il fau-
>
dra entretenir une temperature élevée pendant un temps assez long; et c’est a Ia sortie des casettes du four que le fabricant doit s’attendre a bien des désappointernents. Quëlque soin qu’on ait pris dans 1’arrangement des casettes, comme Ia temperature pour la réussite de 1’opération a du être suffisante pour qu’il y ait eu un faible ramollissement de Ia substance du verre, la grande ma- jorité des pièces dévitrifiées se seront plus ou moins affaissées, malgré 1’interposition du sable ou du plêlre, du cement comme on 1’appelait, dont la seule utilité est de soutenir ces pièces. Ce chan-gement de forme afïectera surtout les pièces è anse, ou dont la section verticale présentera des parties surplombantes.
Un fabricant de verre de Sunderland, M. James Hartley, avail,' al’Exposition universelle de 1855, divers vases en verre a vitres dé¬vitrifié qu’il avait exposé sous la dénomination de verre de Ninioe. Cette devitrification donnait en effet è ce verre une apparence d’antiquité; et, suivant la remarque que je viens de faire, ces pièces étaient presque toutes plus ou moins déformées.
Ainsi done, prix de revient élevé (beaucoup au-dessus de celui de la porcelaine), réussite assez chanceuse, tels seront les résul- tats inévitables de celte fabrication pour la plupart des pièces semblables a celles qu’on peut obtenir en poterie. La matière du verre dévitrifié sera d’ailleurs toujours moins réfractaire que la porcelaine; elle ne se subslituera done pas avantageusement sous ce rapport aux tubes, cornues, etc., de porcelaine.
J’ai voulu, par les remarques précédentes, prémunir contre les écueils de la fabrication du verre dévitrifié; mais loin de moi la pensee qu’il n’y ait aucune espèce de pièces qu’on puisse fabri- quer avec cette curieuse et intéressante matière.